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31/08/2017

Un article de Jean Théfaine

"Au plus pur des attachements

Répond le plus dur arrachement". François CHENG

 

Vive émotion ce matin lorsque, parcourant un vieux Chorus datant de l'automne 2005, je suis tombée sur un article que Jean Théfaine avait consacré à l'époque à Scandale mélancolique. Le voici :

C'est le 17 octobre que sort le quatorzième album studio d'Hubert-Félix Thiéfaine. Patience. Une fois encore, l'imprécateur jurassien n'est pas où on pouvait l'attendre. Défloration 13, en 2001, intégrait des courants musicaux nouveaux. Sous la direction de Philippe Paradis, qui l'a réalisé, Scandale mélancolique revient à un habillage sonore plus classique, mais d'une intelligence et d'une sensibilité exemplaires. Les guitares électriques, de retour au premier plan, sont toujours utilisées à bon escient.

Dans le passé, Hubert-Félix avait fait appel à certains compositeurs. À Claude Mairet surtout. Ici, c'est une toute autre aventure ! Ils sont huit à s'être coltinés à son univers – tous de la génération des 25-40 ans : Philippe Paradis, par ailleurs guitariste attitré de HFT, le bassiste Roberto Briot, Jipé Nataf, Mickey 3D, Frédéric Lo, Jérémie Kisling, Cali et Elisat, un prometteur jeune groupe français. Il y a même un neuvième homme, Thiéfaine lui-même, qui s'est réservé une musique ... sur l'unique texte qu'il n'a pas écrit !Un texte, en anglais pour l'essentiel, by Boris Bergman.

Philippe Gandilhon, son directeur artistique, souhaitait amener un peu de « solaire » au royaume des ombres qu'affectionne Hubert-Félix. Et c'est globalement gagné. Il y a même deux titres authentiquement lumineux : Gynécées, une déclaration d'allégeance aux femmes, « elles / Magnifiquement belles », interprété en duo par Thiéfaine et Cali ; Les Jardins sauvages, une métaphorique balade au pays des fleurs perdues, autour de laquelle Mickey 3D a tressé un bouquet de notes allègres. Mais chassez le naturel, il revient au galop. Un galop infernal, même, tant il y a, dans cet album-là, de douleur à nu, sans beaucoup d'humour pour l'atténuer. De Libido moriendi, sur lequel M a posé une ritournelle de banjo, à Confessions d'un never been, en passant par l'époustouflant Jeu de la folie, devenu un « sport de l'extrême », c'est la même angoisse existentielle qui court.

Il faudrait tout citer de cet album d'exception, qui confirme une fois de plus l'importance et la cohérence de Thiéfaine dans le paysage de la chanson française ; mais trois morceaux méritent une mention particulière : Télégramme 2003, fraternelle adresse à Bertrand Cantat, jamais nommé pour autant (« Ronge tes barreaux avec les dents / Le soleil est là qui t'attend ») ; When Maurice meets Alice, déchirante déclaration d'amour filial d'Hubert, l'inconsolable, à ses chers disparus ; That angry man on the pier, une sorte d'autoportrait, qui éclaire le reste de l'album et bien d'autres choses du singulier parcours de HFT.

En clair, Scandale mélancolique est un nouveau sommet dans l'œuvre de l'énigmatique Jurassien.