25/11/2025
"Y'a un climat, quelle drôle de vie" : petit hommage à Jean Guidoni
"Les temps sont incertains et je reviens de loin". Jean GUIDONI
Je ne sais pas pourquoi la mort de Jean Guidoni m’attriste autant… Elle est survenue trop tôt, trop brutalement. Peut-être m’attriste-t-elle aussi parce qu’elle vient allonger la liste de mes regrets éternels. Sur ladite liste, on pouvait déjà lire mon regret de n’avoir jamais vu Ferré, Gainsbourg, Barbara ou Reggiani sur scène, ainsi que le regret lié à mon rendez-vous raté avec Bercy 98 (et là, c’est HFT en personne que je loupai, et connement en plus, mais ne revenons pas là-dessus, l’heure est déjà suffisamment grave). Et donc, voici que s’allonge ma liste et que désormais s’étalera dessus mon grand regret de n’avoir pas vu Jean Guidoni sur scène. Et c’est bien le voir qu’il fallait, lui qui était autant chanteur qu’homme de cabaret.
Guidoni, je le découvris quand j’étais en classe de troisième, grâce à un prof d’anglais qui avait vu en moi la gamine ivre de poésie. Un jour, il me mit Tigre de porcelaine entre les oreilles. Et ce fut une petite révolution dans mon quotidien. Les tigres de porcelaine, il en était question dans la somptueuse chanson Mort à Venise. « Le soleil sous la verrière
Fait des dessins sur ta peau
Derrière les ombres de travers
Bat le cœur d’un jour nouveau » : je me souviens que ces mots me percutèrent d’emblée. Et qu’ils me percutent encore, à chaque écoute. Ainsi que la musique, ainsi que la voix, puissante, tellement puissante…
« Ô ton ventre que je frôle
Nous aimer plus vrai que vrai » : peut-on rêver plus belle déclaration ?
Sur le même album, Tramway Terminus Nord. Et le terrible Ce sont des choses qui arrivent. Et puis L’homme syncopé. Et aussi Marseille.
Plus tard, je découvrirais La chanson de l’homme (texte de Jacques Prévert), Vie de famille (Jacques Prévert encore, avec le bouleversant portrait du père qui, à quarante ans, en eut soixante, usé par une existence de labeur sans joie), Y’a un climat (« y’ a des jours j’me dis, y’a un climat, quelle drôle de vie »), Je pourris camarade. Et l’album Vertigo. Et Trapèze (avec cette incroyable ouverture sur Je reviens de loin). Puis Paris-Milan, album constitué de textes inédits d’Allain Leprest, autre grand de la chanson française qu’il ne faudrait pas oublier…
En avril de cette année, est sorti Eldorado, que je n’ai pas encore acheté. Honte à moi et à toutes mes négligences qui commencent à former une sacrée ribambelle, purée… Pourtant, je suivais régulièrement Guidoni. J’avais toujours un œil sur lui, une oreille prête à l’écouter. Oui, mais un œil pas assez constant, une oreille pas assez attentive. Et maintenant, Jean Guidoni est mort. Trop tôt, trop jeune. Je sais, je sais, il le disait lui-même : ce sont des choses qui arrivent. Mais n’empêche qu’il ne faudrait pas qu’elles arrivent. Tout le monde s’en porterait mieux, croyez-moi. Ainsi que la liste de mes regrets, que j’aurais pu moins étoffer peut-être, avec la complicité d’un destin autre…
Je ne verrai jamais Jean Guidoni sur scène. Pas plus que je ne pourrai recoller les morceaux de mon rendez-vous raté avec HFT à Bercy en 1998. Regrets éternels, vous dis-je… J’espère au moins, ça me consolerait, que ce cher Jean s’est envolé, comme il le souhaitait dans Y’a un climat, tel un deltaplane, « au-dessus du monde, une trompette à la main »…
22:00 | Lien permanent | Commentaires (7)
16/11/2025
La grande Sophie était au théâtre de Thionville hier (et HFT n'était pas bien loin, comme toujours !)
"Avec mes doutes, j'ai su faire tellement de choses
J'ai souffert tellement de fois". La grande Sophie
C’est fou comme certains lieux, au seul regard que l’on pose sur eux, s’offrent en dépositaires d’une multitude d’histoires, dont la vôtre ! Ainsi, pour moi, le théâtre de Thionville. Qu’on vienne à l’évoquer en ma présence ou que je le voie, et voilà que bouillonne en moi la rivière des souvenirs. Celle-là, c’est une intranquille. Pas un jour où ne se ride copieusement la surface de ses eaux. Il faut dire qu’à cinquante-deux ans, le rétroviseur s’étoffe, même si c’est l’avenir qui, la plupart du temps, capte mon attention…
Donc, en ce samedi 15 novembre, me voilà devant le théâtre de Thionville, pour le spectacle Tous les jours, Suzanne, de la Grande Sophie. Ce ne sera pas tout à fait un concert, en tout cas pas exclusivement. Ce sera un format inédit pour l’artiste, un « seule en scène » où alterneront parties chantées et parties parlées. Celles-ci seront tirées du livre qui a donné son nom à la tournée. Livre que je m’empressai d’acheter à sa sortie, en janvier, mois qui me fut particulièrement favorable.
La lecture fut douce et éclaira pour moi quelques pans de l’œuvre de LGS. Parenthèse : dingue comme j’aime tout ce qui peut se résumer à trois lettres : HFT, LGS, par exemple. Et voilà qu’après avoir vécu dans une ville que l’on peut appeler MLM en forme abrégée, je viens de m’installer dans un quartier de Metz dont la forme abrégée est DLP. Pas étonnant que dès mon plus jeune âge, je sois tombée sous le charme de la RFA !!!
Soudain, à la lecture, la mystérieuse Suzanne de la chanson éponyme me fut expliquée. La chanteuse s’adresse là à quelqu’un qui n’existe pas, tout en existant un peu quand même. Magie de l’art qui fait naître à la fois des univers et des êtres pour les peupler…
Et donc, un spectacle a découlé du livre.
Je me suis un peu, beaucoup égarée et il me faut, par un moyen ou un autre, revenir au théâtre de Thionville ! Alors j’y reviens, sans autre forme de procès, n’étant pas la championne des transitions bien amenées (excusez-moi pour le désagrément causé). En montant les marches qui mènent à la salle, je suis, en ce 15 novembre, ramenée à tous les concerts auxquels j’ai assisté ici. Celui d’Arthur H, bien sûr. Ceux d’HFT, bien sûr aussi, et encore plus bien sûr (voyons !). Et voilà que m’étreint une bouffée de nostalgie aussi désagréable qu’inattendue. C’est qu’Hubert me manque, faut pas croire. Je vais écouter d’autres artistes, évidemment, parce que je ne suis pas totalement fermée au monde qui m’entoure, mais c’est lui mon numéro un, à jamais. Hubert, combien de fois t’ai-je vu, ici ou ailleurs ? Combien de fois, cette fiévreuse attente prenant naissance en un clic dans l’achat d’un billet de concert, et fin, désastreusement, dans le moment où je tendais ledit billet à un « poinçonneur » posté à l’entrée d’une salle ? Combien de fois, cette envie de retenir la soirée qui, à peine entamée, courait à sa fin et moi à sa perte (et presque à la mienne) ? Combien de fois, le cœur en vrac sur La fille du coupeur de joints qui arrive toujours trop vite sur son chariot chargé de paille, sur son chariot chargé de foin ? J’ai dit ici à je ne sais combien de reprises combien l’attente, lorsqu’elle s’éboule, a besoin de faire place à une autre attente. Combien le temps, lorsqu’il s’écoule, est meurtrier. Il n’a pas son pareil, hélas, pour faire la peau aux nuages et aux petits lapins, vous le savez comme moi. Et vous savez pareillement que pour l’heure, les agendas restent désespérément vides de la mention HFT… Ils sont en attente de jours meilleurs…
Au moment où je franchis la porte du théâtre, je m’engueule un peu moi-même : Mais vas-tu donc te recentrer sur l’instant présent ? C’est bien la peine de crier Carpe Diem sur tous les toits si c’est pour ne pas en avoir un seul échantillon sur toi, de cette jolie devise… Allez, ce soir, c’est LGS et pas HFT, mais ce sera bien aussi !
Et quand la grande Sophie débarque, l’instant présent s’empare de tout mon être, et inversement, si bien que nous ne faisons plus qu’un, lui et moi. C’est pas trop tôt !
Le spectacle alterne donc, wie gesagt (c’est ce qu’on dit en allemand pour signaler qu’on se répète), entre parties chantées et parties parlées. Il y a du « tendrement » dans l’air, car c’est sur ce mot que s’achèvent presque toutes les lettres de Sophie à Suzanne.
Minute après minute, nous pénétrons plus avant dans une géographie qui se fait de plus en plus intime. Nous apprenons (mais on le savait déjà si on avait lu le livre) qui est Suzanne, et comment elle est née tout en étant restée dans le domaine de la fiction (magie de l’art, wie gesagt). Nous apprenons que Sophie et Bob, cela fait 36 ans et qu’à ce rythme-là, ce sera sans doute pour la vie entière. Nous apprenons que le monde du showbiz n’est pas le plus tendre qui soit (mais on le savait déjà depuis l’album Des vagues et des ruisseaux). Nous apprenons que le temps qui passe est la grande affaire de la non moins grande Sophie (mais on le savait déjà si on avait écouté attentivement les textes de celle-ci). En somme, nous n’apprenons rien, et pourtant c’est une découverte de chaque instant. Décidément, ce format inédit sied comme un gant à notre artiste, et il est bon de la voir surgir là où on ne l’attendait pas.
La salle est respectueuse, concentrée, attentive. C’est que pour ne pas perdre une miette de ce spectacle, il faut faire corps avec l’instant présent. Seule manière de ne pas le regretter outre mesure quand il aura filé…
De chaleureux applaudissements clôturent la soirée. C’est la moindre des choses…
Et je repars le cœur joyeux. De 20h à 21h45, j’ai un peu oublié Hubert. Mais c’est pour mieux penser à lui aujourd’hui. Et espérer que revienne la délicieuse attente qui prend naissance en un clic. Et espérer que les agendas, pour l’heure désespérément vierges de toute mention HFT, se parent à nouveau des plumes de la joie. Ça s’appellera les jours meilleurs. Et ils reviendront. Car Hubert, pareil à eux, revient toujours, n’est-ce pas ?
16:14 | Lien permanent | Commentaires (2)








































