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27/06/2025

Le plus beau métier du monde !

"Enseigner, c'est apprendre deux fois". Joseph JOUBERT

 

Un billet qui n'a rien à voir avec HFT, désolée, mais j'ai besoin de le poster ici, alors que je m'apprête à quitter des collégiens incroyables qui m'ont fait vivre la plus belle année scolaire de ma vie (je suis nommée en lycée) ! Et peut-être bien ma plus belle histoire d'amour !!! 

 

La fois où j'ai eu un fou rire parce que l'un d'eux m'avait demandé : « Madame, ce week-end, j'ai rencontré un mec qui s'appelait Brandon. C'est un prénom allemand, ça, Brandon ? ».

La fois où l'un d'eux, qui ne manquait pas d'humour, m'a dit : « Madame, en Allemagne, le matin, il ne faut pas se tromper, il ne faut pas emmener son enfant au Biergarten au lieu de l'emmener au Kindergarten ».

La fois où l'un d'eux, qui ne manquait pas d'esprit, a ajouté un qualificatif en « tif » à ma longue liste : « nominatif, accusatif, datif, génitif », s'exclamant : « C'est répétitif ». J'aurais dû lui répondre : « Oui, mais pas rébarbatif ». J'ai l'esprit pas très ... actif ! Plutôt celui de l'escalier !!!

La fois où l'un d'eux, au bout de quelques semaines de cours, a décidé de lâcher sa place tout au fond pour venir s'installer devant mon bureau, précisant : « Je sais pas ce que j'ai, moi, mais j'adore l'allemand ».

La fois où ils m'ont fait des affiches magnifiques pour la journée de l'amitié franco-allemande. Parmi les thèmes proposés : « Troque ceci contre cela », c'est-à-dire une spécificité française contre une spécificité allemande, lequel thème donna naissance à la savoureuse affiche : « Troque Emmanuel Macron contre Olaf Scholz ».

La fois où une troisième m'a dit que j'étais encore plus sehr schön que d'habitude avec ma robe fraîchement achetée.

La fois où j'ai dit dans une classe : « En fait, je vous ai fait croire que j'étais gentille, mais je suis une grosse sadique » et qu'une élève, qui ne manquait pas de répartie, s'est écriée : « Mais ça, madame, on l'a toujours su ».

La fois où je leur ai dit qu'à Berlin j'avais vu un mémorial et qu'un gamin, ne me laissant pas le temps de préciser qu'il s'agissait du mémorial du Mur, m'a demandé : « C'est qui ? ».

La fois où, en plein cours, un sixième s'est exclamé : « Vous êtes la meilleure, j'aime bien venir ici, on ne s'ennuie pas avec vous ».

La fois où ils m'ont fait des affiches magnifiques pour la journée portes ouvertes, il n'y a pas si longtemps. Mes doutes exprimés en classe de troisième à l'approche de cette journée portes... « Je vais essayer de faire quelque chose de bien », ai-je confié, obtenant cette réponse merveilleuse : « Madame, ce que vous faites, c'est toujours bien, alors ce sera mieux que bien ».

La fois, récente, où ils m'ont écrit plein de mots gentils sur le tableau. L'un ayant écrit son mot allemand préféré, « Lineal », l'autre ayant écrit « genau », « parce que madame, qu'est-ce que vous pouvez l'utiliser, celui-là ! On ne l'oubliera pas».

La fois où l'un d'eux m'a dit, à l'approche de midi, alors qu'il était resté pour discuter avec moi : « Bon, je vous laisse parce que ich habe Hunger ».

La fois où l'un d'eux a lancé, après m'avoir vue partir en fou rire : « Trop rentable, votre métier, madame, vous rigolez et vous êtes payée ».

La fois où ils ont voulu mettre en route une pétition pour que je reste avec eux l'année prochaine. Énumérant les raisons, toutes plus savoureuses les unes que les autres, pour lesquelles je ne devais pas les quitter. Florilège : « Elle nous soutient. On apprend bien et rapidement avec elle. Elle sait être drôle et sérieuse quand il le faut ».

La fois où une troisième m'a dit qu'elle avait peur que ses futurs profs d'allemand lui paraissent fades après mon passage. Ouah, carrément ?!

La fois, récente, où un sixième m'a dit : « On n'est pas des dictateurs, à vouloir vous obliger à rester avec nous l'année prochaine. Tout ce qu'on veut, c'est que vous soyez heureuse »...

 

J'ai noté tout ça sur des post-it. Si j'étais restée avec eux l'année prochaine, j'avais prévu de m'acheter un carnet dans lequel j'aurais consigné leurs bons mots. Je ne vais pas rester avec eux l'année prochaine et j'en ai déjà pleuré plus d'une fois... Pas plus tard qu'en écrivant ces lignes !

 

Les fois où ils sont venus avec des cadeaux et des lettres, et il paraît que ce n'est pas fini...

 

Pour paraphraser Romain Gary, celui que je paraphrase par tous les temps tellement il a écrit exactement ce que j'aurais voulu écrire, je dirai simplement : « Je me suis fait un vrai malheur avec ces élèves. Je me suis mise à les aimer comme c'est pas permis ».

 

Il ne me reste plus qu'à leur garder à jamais une place privilégiée, bien au chaud, dans mon cœur. Ce que je ne manquerai pas de faire. Ils symboliseront à jamais mon grand retour au temps plein, mon grand retour à la vie. Ils m'ont aidée à mieux opérer ma renaissance, déjà entamée avant de les rencontrer. Mais, sans eux, elle n'aurait pas été complète... Elle aurait été fade ! Oui, carrément !

 

Toutes les fois où ils m'ont fait penser que prof, ben, quand même, c'est le plus beau métier du monde !

 

13/06/2025

Comment j'ai réalisé, le week-end dernier, deux rêves...

"Ce qui est blessé en nous demande asile aux plus petites choses de la terre et le trouve". Christian BOBIN

 

En ce moment, je réalise un certain nombre de rêves, dont quelques-uns furent formulés en pleine maladie, alors que le peu de soleil qui restait en moi cherchait désespérément un futur et ne savait même pas si futur il y aurait. Ce même futur incertain cherchait désespérément un soleil. Qui a fini par venir, hourrah ! « La vie c'est ce qui vous tombe dessus toujours au moment où on n'y croit plus » : les circonstances me donnent souvent l'occasion de me souvenir de cette merveilleuse phrase d'Higelin !

Deux de mes rêves : voir un jour Stephan Eicher et Michel Polnareff. Le week-end dernier fut celui qui me permit de concrétiser ces deux souhaits à quelques heures d'intervalle. Allez, encore un hourrah !

D'abord Stephan Eicher. Il se produisait samedi soir au théâtre d'Esch-sur-Alzette, au Luxembourg (Luxembourg : petit pays qui gagne à être connu). Une salle intimiste, minimaliste. Très vite, je m'y sens comme dans un cocon.

Juste avant le concert, je discute avec deux « stephanomanes ». Elles ont dû voir Eicher autant de fois que j'ai vu Hubert. En les écoutant, je souris et je note les similitudes : même capacité à enfiler les bornes pour aller voir leur chanteur préféré (l'une d'elles vient de Lyon), même affection quand elles parlent de lui. Dans leurs bouches, il s'appelle Stephan, comme un autre s'appelle Hubert dans la mienne. Dans leurs téléphones, des photos sur lesquelles on les voit en compagnie du beau Stephan (c'est vrai qu'il a beaucoup d'allure, leur Suisse !).

Bref... Cette conversation m'amuse autant qu'elle me laisse songeuse : quand reverrai-je de mon brave Hubert briller le talent sous mes yeux ébahis ?! Ok, bien sûr, pour aller voir d'autres artistes, mais nul ne saurait le détrôner, question d'affinités. De parenté d'âmes. Ouais, carrément, j'ose l'affirmer !

Mais, pour l'heure, voici Stephan. Pour un seul en scène. Avant que le concert ne commence, des mots, sur un écran, nous avertissent : il serait bon, pour une fois, de reléguer les portables au fond de nos sacs, en les branchant au préalable sur silencieux. Ce avec quoi je suis entièrement d'accord. Je ne suis pas de celles qui dégainent leur téléphone à tout bout de champ durant les concerts. Je préfère le mode années 80 années folles, cette époque lointaine où l'on s'envoyait encore des lettres manuscrites, par la poste, et où l'on allait aux concerts muni(e) de vrais billets qui ne se réduisaient pas à de barbares codes-barres. « Je vous parle d'un temps que les moins de vingt ans » : vous connaissez la chanson !

Et puis, Stephan arrive. Cheveux gris, mi-longs, plaqués sur la tête. Bel homme, mais pas seulement ! Suisse flanqué d'un délicieux accent et de phrases parsemées de petites fautes de français non moins délicieuses. Il en rit lui-même. Peut-être bien qu'il cultive ces maladresses, façon « soyons la version masculine de la regrettée Jane Birkin ». Entre deux chansons, il parle, il amuse. Il se fait grave parfois, déplorant le temps qui passe. Il dit que ce temps qui passe, c'est chiante, je cite. Il dit qu'hier encore il avait vingt ans (qu'est-ce que j'ai à citer autant Aznavour ?!) et que d'un seul coup, d'un seul, il a pris quatre décennies dans la face. Mon cher Stephan, on en est tous plus ou moins là. « La vie passe comme une rivière, faut pas trop regarder l'heure », chantait un certain Jean-Patrick Capdevielle, que je cite pour changer un peu d'Aznavour ! Si ça peut te rassurer, Steph, moi c'est tout pareil : je n'ai rien vu filer et j'ai eu beau supplier le temps de bien vouloir suspendre son vol, ce malotru n'en a fait qu'à sa tête et n'a rien suspendu du tout ! Tu as raison : il est chiante !

À plusieurs reprises, le chanteur nous livre les premières notes de Déjeuner en paix. D'abord, il nous dit qu'il est « trop tôt pour la faire, celle-là ». Ensuite, il l'entame à nouveau à plusieurs reprises, pour la laisser choir sans autre forme de procès. Elle viendra plus tard, elle se fera attendre. D'autres titres surgissent : Des hauts, des bas, Combien de temps ?  C'est subtil, ça rappelle des époques lointaines qui me virent jeune... L'accompagnement musical est réduit au minimum, ce qui fait encore mieux luire le diamant des mots (de Philippe Djian pour la plupart, est-il nécessaire de le rappeler ?).

Les minutes défilent et ça y est, on va vers la fin. Déjeuner en paix nous arrive dessus en version intégrale et c'est mauvais signe. Stephan a prévenu : il n'y aura pas de rappel. Dommage, j'en aurais volontiers repris, moi, de ses chansons, de ses interludes parlés, de cette douce matière qui a fait la douce substance de cette douce soirée. Au passage, je retiens une formule : vieillir, d'accord, mais être vieux : ça, non !

Voilà, c'est fini. C'est chiante, mais c'est comme ça ! La vie elle-même n'est pas réputée pour vous livrer spontanément des tendresses à tour de bras. Les caresses, il faut les lui arracher, c'est moi qui vous le dis ! En s'octroyant, par exemple, des concerts, des moments hors du temps et tout ce qui peut répandre un peu de délicatesse dans ce monde qui en manque cruellement !

Et puis, c'est très vite dimanche et je suis toute guillerette à l'idée de réaliser mon deuxième rêve : voir Polnareff !

Avant lui, aux Francofolies d'Esch-sur-Alzette, il y a Ben Mazué. J'aime bien aussi. D'ailleurs, je vais le revoir en 2026, j'ai déjà mon billet. Ben : encore un qui trouve que le temps qui passe, c'est chiante ! Bienvenue au club ! D'entrée de jeu, il nous dit qu'il va falloir profiter de ce moment qui ne se reproduira pas. On dirait moi en couleurs, moi et mon étrange penchant pour ce que Serge Rezvani appelle la « nostalgie du présent ». La nostalgie du présent, c'est quand, au moment de vivre un truc, tu en envisages déjà la fin, rien que pour te faire masochistement du mal. Ça m'est tombé dessus dès l'enfance. À huit ans, j'avais déjà cette manie qui ne faisait pas de moi une gamine très jouasse. Mais c'est elle, cette manie, qui m'a menée vers l'écriture (ne pas perdre une miette du vécu qui, dès qu'il advient, n'est déjà presque plus). C'est elle qui m'a fait aimer Lamartine, Baudelaire, HFT et tant d'autres. Alors je ne lui en veux que moyennement. C'est elle encore, cette manie, qui m'invite à fixer une attention de tous les diables et de tous les instants sur le grand film de la vie. Ben Mazué, en ce sens, est un peu mon frangin d'âme (en couleurs). Il nous raconte, avec force textes ciselés, ses blessures, sa vie familiale, ses ratages. Amoureux pour la plupart, et c'est encore un point commun, mon frère. Franchement, Ben Mazué, si vous ne connaissez pas : allez-y, faites en sorte de connaître !

Et puis, donc, mon deuxième rêve : Polnareff. Là aussi, des fans qui l'appellent par son prénom. Et les « Michel ! Michel ! » que scande la foule me font penser à nos « Hubert ! Hubert ! ». Pour un peu, ça me filerait le bourdon ! Quand reverrai-je de mon brave Hubert briller le talent sous mes yeux ébahis ?!

Michel enchaîne les tubes : On ira tous au paradis (oui, même moi), Qui a tué grand-maman ?, La poupée qui fait non, Lettre à France, Goodbye Marylou, Love me, please love me. Tout cela me propulse dans un passé lointain où la voix et les mots de ce brave Michel emplissaient régulièrement ma chambre, chez mes parents. Souvenirs d'une époque qui me vit jeune...

On est en mode festival et j'avais oublié ce que ça signifie pour certains : parler à son voisin du gigot d'agneau que l'on cuisinera demain, étaler sa vie sentimentale ou professionnelle aux oreilles de tous, ledit étalage couvrant parfois, en l'occurrence, la voix de ce brave Michel... T'as des gens, purée, ils ne pigent que dalle à la valeur des moments qui ne se reproduiront pas ! De quoi désoler à la fois Stephan Eicher, Ben Mazué et moi qui vous parle...

Michel quitte la scène soutenu par deux hommes qui l'encadrent, et cette vision me flanque un coup de blues, là, comme ça, tout soudainement. Il y a des êtres qu'on espère immortels, jusqu'au jour où on les découvre fragiles, comme soi-même. Finalement, le commun des mortels, c'est tout le monde, sans exception.

Arrive alors, un peu plus tard, Julien Doré. Qui, lui, s'en cogne, je crois, du temps qui passe, chiante, indélicate... En tout cas, sauf erreur de ma part, ses chansons n'en parlent pas ! Et là, mes amis, je pose un joker sur la table, tellement le Juju n'est pas mon style. J'écoute quand même jusqu'au bout parce que j'ai été bien éduquée. Même en festival, j'évite de parler du gigot d'agneau que je compte cuisiner le lendemain. D'ailleurs, je ne raffole pas du gigot d'agneau et je ne cuisine pas très bien, ça aide !

« Si tu n'aimes pas la soupe, n'en dégoûte pas les autres pour autant », ai-je souvent entendu en ma jeunesse qui a fichu le camp irrémédiablement, et ceci bien que mes élèves m'aient dit dernièrement que je n'étais pas vieille et que je ne le serais jamais. Depuis, je me la pète grave, grave, grave, tout en sachant, au fond de moi, que rien ne sert de frimer, il faudra vieillir à point quand même ! Eh oui, toute prière lamartinienne est vaine, sans espoir, insensée... Le temps qui suspendrait son vol pour tes beaux yeux, où est-ce que tu as vu ça, toi ? Tu ne veux pas non plus qu'il te donne 100 balles et un Mars, comme on disait en une époque lointaine qui me vit jeune ?!

J'écoute quand même Julien jusqu'au bout, mais à ce moment-là de la soirée, ça devient casse-gueule pour moi : Hubert me manque comme jamais. Je le voudrais là, sous mes yeux ébahis, à la place de Juju... Et de contempler soudain un autre de mes rêves : revoir HFT. C'est une maladie, j'y peux rien, et je n'ai jamais cherché à la soigner car elle m'a toujours fait, me fait et me fera toujours un bien fou !

Voilà, mes amis. Savourez ce vendredi 13 qui ne se reproduira pas. Il est unique et précieux. Demain, il ne sera plus, déjà... Alors, à cinq heures, comme dans la chanson d'Hubert, ayez donc une pensée émue pour tout ce qui ne reviendra pas, voulez-vous ? Et vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain : il n'y a que ça de vrai et, surtout, que ça à faire, n'est-ce pas ? Personnellement, je n'ai pas trouvé mieux.