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19/03/2023

En trois mots comme en cent : beau, pur, efficace !

"Tu voudrais qu'il y ait des ascenseurs au fond des précipices". Hubert-Félix THIÉFAINE

 

Masque FFP2 sur le nez et la bouche. « Lunettes noires, pyjama rayé ». C'est que ce soir-là, je sortais exceptionnellement de la quatrième dimension qui me retient prisonnière depuis novembre 2022. C'est un pays étrange, où les ascenseurs au fond des précipices sont denrée rare. Un pays qui te met l'esprit dans un brouillard épais, un pays où il ne fait pas bon vivre. Je ne peux supporter d'y être enchaînée qu'au regard de ce qui est censé m'attendre d'ici quelques mois : du mieux... Je croise les doigts.

Donc, le 10 mars, je suis tout de même sortie de ma tanière. Ce soir-là, j'avais rendez-vous à Amnéville avec Hubert et sa fine équipe. J'avais deux billets (un pour ma fille Clara et un pour moi) depuis très longtemps. Si longtemps que je ne saurais dire quand. Deux billets achetés à une époque où je pouvais faire allègrement des projets sans trop penser au risque qu'ils ne se réalisent pas. Maintenant, c'est une autre histoire. Mais laissons ça de côté.

Donc, masque FFP2 sur le nez et la bouche. Dans la voiture, avant le concert, des larmes. Je suis sur le point de rebrousser chemin. Voir Thiéfaine dans des conditions pareilles, franchement, est-ce bien raisonnable et bien utile ? Je suis fatiguée, comme tous les soirs. Non, pas fatiguée : décalquée. Complètement à l'ouest de mes pompes. Effet de l'arsenic qui m'est injecté dans les veines cinq jours sur sept pendant les cures. « Arsenic is good for you » : oui et non... Bref... Ma fille me console, me dit que si, je peux aller à ce concert, que ça va me faire du bien. Alors j'y vais, oui. En sachant que la soirée sera à la fois sacrée et étrange. Sacrée parce que pied de nez à la maladie, moment hors du temps et de mes emmerdes. Étrange parce que jamais concert ne fut plus nimbé de tristesse. Mais on y va.

Par tout un jeu de solidarité qui s'est embrasé à mon insu avant le concert, mes places dans la fosse se sont transformées en places carré or. Ma fille et moi sommes presque isolées. C'est ce qu'il faut à ma putain de maladie qui exige des traitements de faveur en pagaille...

Nous y voilà.

Je passe sur la première partie. Paul Pavillon m'a l'air bien sympathique, son univers aussi, mais je ne parviens pas à y entrer. Je sais d'avance que même celui d'HFT me sera un peu étranger ce soir, alors ce n'est pas pour réussir une immersion dans celui d'un inconnu.

Passons donc sans plus attendre à la partie qui nous intéresse. La scène est aménagée de façon étonnante. Les musiciens haut perchés. Au propre comme au figuré. Les premières notes de Droïde song retentissent, la voix d'Hubert se fait entendre, mais lui se fait attendre. C'est déroutant tout en étant délicieux. Ah, cette attente d'une face cachée qui va finir par se dévoiler, comme elle est succulente !

Les morceaux s'enchaînent de manière résolument rock'n'roll. Je retrouve des émotions qui remontent à loin, très loin dans la jeunesse. Cabaret Sainte-Lilith, Mathématiques souterraines, Bipède à station verticale, Sweet Amanite Phalloïde Queen, Alligators 427, Groupie 89 turbo 6, Redescente climatisée, Diogène série 87, Soleil cherche futur, Whiskeuses images again. Et d'autres encore, qui secouent en moi les fibres premières, me ramènent à l'origine de ma passion. C'est beau, pur, efficace. J'aurais juste aimé entendre Maalox Texas Blues. Les chansons absentes ont toujours tort, mais bon... Qui sait, peut-être que, sur une autre tournée ? Je veux y croire !

Les arrangements sont malicieux, audacieux, judicieux. Alligators 427 vous explose à la tronche façon carnaval inattendu. Au début, on se demande bien de quoi il s'agit. Là aussi : beau, pur, efficace. Du grand art.

Vous explose à la tronche également : Combien de jours encore, dans un autre registre et pour des raisons différentes. La question est tranchante et flippante. Combien de jours encore ? Mais des flopées, c'est tout ce qu'on espère, pour que la fête dure longuement, parce qu'elle est de celles qui vous font sentir vivants jusqu'à la moelle (c'est bien le cas de le dire en ce qui me concerne, en cette période où ma moelle osseuse ne fait que des conneries).

Entre deux chansons, j'envoie ma fille dévaliser le merchandising. Je veux un mug, et puis même deux, je veux un sac, je veux un cendrier alors que je ne fume plus depuis vingt ans. Je veux qu'il me reste des souvenirs concrets de ce concert tellement spécial...

La voix d'Hubert comme un soleil dont les rayons ne perdraient jamais leur éclat : ferme, assurée, solide et belle. Les musiciens comme des magiciens venus d'un autre monde. Chacun apportant sa merveilleuse pierre à un édifice parfaitement ficelé.

Mathématiques souterraines revêt ce soir-là un sens particulier pour moi : cette chanson, je me la suis passée et repassée en boucle dans ma chambre stérile. La sophrologue de l'hôpital m'avait dit : « Trouvez-vous une sorte de mantra qui pourra vous aider en toutes circonstances ». Me vint illico à l'esprit cette histoire d'ascenseurs au fond des précipices. Ces machines bienfaisantes, combien de fois les ai-je implorées pour qu'elles me hissent très loin hors du trou où je venais de sombrer. La sophrologue est formidable : elle connaissait Thiéfaine, mais pas Mathématiques souterraines. Elle revint un jour en me disant : « J'ai écouté la chanson dont vous m'aviez parlé. Elle est très belle. Et incroyablement reliée à votre situation actuelle. Le coup de « j'ai mal aux globules », ça ne vous rappelle rien ? ». Ben si, tiens, la maladie qui a mis le bordel dans mes cellules. Je me suis gourée, erreur de programmation : je voulais atteindre un dérèglement de tous les sens à la manière d'Arthur Rimbaud (la prétentieuse que je suis) et je me suis payé un dérèglement de tous les sangs. Heureusement que quelque part, quelqu'un a laissé allumé, bébé, parce qu'en moi ce n'est vraiment que glaciales ténèbres...

Dès le début du concert, j'avais prévenu Clara : il faudrait partir avant la fin de La fille du coupeur de joints. Pour éviter le hall bondé (toujours ces traitements de faveur exigés par ma maladie). Alors, au moment où la foule s'embrasait encore un peu plus (certains ont trouvé le public d'Amnéville faiblard, je n'ai pas eu cette impression-là, bien au contraire) après les petits lapins logés dans les nuages, nous sommes parties. À regret, bien sûr, what else ?

Ce fut une soirée étrange, presque surréaliste. Comme un moment de science-fiction dans une vie qui, pour le moment, manque cruellement d'évasion. J'ai traversé le miroir, oublié un peu la quatrième dimension qui me retient prisonnière depuis novembre 2022. Par moments, mon esprit s'absentait de là et repensait aux barbares ennuis qui sévissent actuellement dans mon quotidien mais, globalement, la magie HFT a opéré et j'ai eu mes grandioses éclaircies entre deux averses. Ce fut beau, pur, efficace...

06/02/2023

Bientôt la tournée Replugged

"Si l'homme avait été créé pour souffrir, il trouverait que le monde est bien fait". Roger RUDIGOZ

 

De petites craintes, comme ça. La peur d'être patraque le jour J, de subir un « pas au mieux de ma forme » légèrement invalidant. Des trucs tout à fait réalistes, de l'ordre du possible. Jamais, en revanche, l'idée de choper une grosse maladie qui m'assigne à résidence. Mon imagination n'atteignait jamais ces sommets. Même dans mes cauchemars les plus fous (et Dieu sait si je suis capable d'en élaborer des costauds), je n'aurais osé imaginer un machin pareil. Leucémie aiguë promyélocytaire. Maladie hyper rare qui ne touche qu'une centaine de personnes par an en France. Il a fallu qu'elle s'abatte sur moi, allez savoir pourquoi et comment. Il paraît que c'est dû à une anomalie chromosomique. Anomalie qui, normalement, se soigne assez bien. Et vous voulez savoir comment ? À coups d'arsenic dans les veines ! Oui ! Il y en a un qui ne croit pas si bien dire lorsqu'il chante « Arsenic is good for you », n'est-ce pas ?

C'est la dose qui fait le poison, paraît-il. Dans mon cas, la dose est savamment calculée pour que l'arsenic ne me tue pas moi, mais les cellules leucémiques qui ont la débile idée de pulluler dans mon organisme. Ah, les sales connes ! Elles vont m'empêcher d'assister à la tournée Replugged. Peut-être que je pourrai faire un festival d'été, voire deux ? Ce n'est pas sûr. Le chemin est encore long. Je suis dans ce qu'on appelle la phase de consolidation. J'ai fait une cure, il en reste trois. Chacune va durer huit semaines. J'ai fait le calcul, grosso modo, et toutes ces joyeusetés dureront jusqu'à juillet. Pendant tout ce temps, les grands rassemblements me sont interdits. La faute à mon système immunitaire défaillant. Et dire que j'avais acheté mon billet pour Amnéville il y a des mois de cela ! J'en avais même un pour ma fille Clara. Ça, c'était quand la vie était normale et sympa. Depuis, elle a basculé dans une autre dimension dont j'explore avec effroi les profondeurs. Un peu plus chaque jour. Impossible de ne pas penser à la maladie. Elle est omniprésente. Tout tourne autour d'elle. Je lui en veux follement car elle me prive de tout ce que j'aime. Notamment des concerts de Thiéfaine.

Alors, vous savez quoi ? J'aimerais beaucoup que vous me racontiez par le menu les concerts auxquels vous aurez la chance d'assister prochainement. Ce sera mon lot de consolation. Vous voulez bien ?

Moi qui, de ce point de vue, avais l'habitude de ne renoncer à aucune folie, me voilà devenue raisonnable par la force des choses. Comme je la hais, cette force des choses !

Je pense que le jour où il me sera donné d'assister de nouveau à un concert, quel qu'il soit, j'aurai l'impression de voler quelque chose à la vie. De lui faire les poches. Je crois qu'elle l'aura bien mérité !

31/12/2022

Après une insomnie...

"Vie, mince pellicule. C'est très possible de se laisser tomber. De devenir gâteux. D'abandonner. Plus difficile de se tenir à la seule énergie qui fait la station verticale". Georges PERROS

 

Après sept semaines passées à l'hôpital (dont quatre en chambre stérile), je suis de retour à la maison. Le reste du traitement va se faire en ambulatoire. Car je n'ai pas encore terrassé la bête qui sévit en moi et a rendu mon sang complètement dingue...

Ce qui m'a aidée à surmonter cette période difficile ? D'abord une équipe médicale absolument merveilleuse. Ensuite, mes essentielles : l'écriture, la lecture et la musique. J'ai beaucoup écouté les chansons de Thiéfaine et me suis aperçue avec stupéfaction qu'elles parlaient assez souvent de sang. Exemples : « Wo ist das Blut ? Ich habe Durst », « J'ai mal aux globules », « Bientôt je ne serai plus qu'une vieille tache d'hémoglobine », « L'instituteur qui nous coursait sa blouse tachée de sang ». Et peut-être que j'en oublie. Si d'autres passages de ce genre vous viennent : à votre bon cœur !

Malheureusement, avec ma maladie, il est presque certain que je ne pourrai pas assister à beaucoup de concerts de la prochaine tournée. Éventuellement après juin. Pas sûr à cent pour cent. Mes semblables sont devenus de potentiels dangers pour moi, mon système immunitaire étant tout en vrac. Le moindre microbe, aussi riquiqui soit-il, pourrait, en m'atteignant, se révéler maous costaud. Donc, prudence.

Que cela ne m'empêche cependant pas de rêver. Cette nuit, à la faveur d'une insomnie, je me suis amusée à faire une liste des chansons que j'aimerais vraiment entendre sur la tournée Replugged ! Je vous livre ça comme ça, sans respecter la chronologie !

Voilà :

-Maalox Texas Blues : alors celle-là, sur scène, je sens qu'elle pourrait déchirer ! Je l'aime pour sa musique, je l'aime pour « le vent joue de l'harmonica », somptueuse image on ne peut plus juste,

-Mathématiques souterraines : incroyable comme cette chanson m'accompagne. Dans la solitude de ma chambre d'hôpital, aux heures sombres, c'est elle qui venait me tendre ses « ascenseurs au fond des précipices » et me murmurer « ne lâche rien, laisse allumé »,

-Redescente climatisée,

-Whiskeuses images again,

-Nyctalopus airline,

-De l'art, de l'amour ou du cochon ?

-Villes natales et frenchitude,

-Portrait de femme en 1922,

-Roots & déroutes + croisement,

-En remontant le fleuve,

-Nuits blanches,

-L'idiot qu'on a toujours été,

-Combien de jours encore.

 

Bon, et puisque je ne pourrai pas profiter pleinement de cette tournée à venir, je propose un « jamais deux sans trois » : une troisième tournée qui serait comme la synthèse des deux précédentes. Genre Re-Unplugged. Ou Un-Replugged, au choix ! Parce que même si mon sang déconne, mes veines restent traversées par les chansons d'HFT et en redemandent encore, encore, encore !

15/11/2022

Chambre 52 et des poussières...

"La lutte d'un être vivant pour ne pas mourir le fait inévitablement souffrir". Jim HARRISON 

Ce matin, une furieuse envie d'écouter Thiéfaine, entre deux pages de Jim Harrison. Il est bon, voire indispensable, de se créer des compagnons d'infortune, n'est-ce pas ? Et je dois dire que vous aussi vous occupez cette place actuellement. Le moindre petit commentaire, style hiéroglyphe à la Doc (... /...), m'est embellie pulmonaire et plus encore. Je vous remercie, vous êtes ce que j'ai toujours imaginé : des êtres beaux et lumineux qui avez, de surcroît, la générosité et l'élégance de faire retomber en pluie, partout autour de vous, votre incandescence. 

Oui, donc, une furieuse envie d'écouter Thiéfaine en ces moments difficiles. Parce que ce serait quand même con que le sieur jurassien, m'accompagnant depuis trente ans, me lâche sur ce coup-là ! Plus que tout autre, il sait dire ce qui chez moi se heurte à un silence impuissant ! Qu'il soit remercié lui aussi, pour tout cela et bien plus encore !

Alors, ce matin, Animal en quarantaine, furieusement et à tue-tête. Si Hubert s'est souvent fait le chantre du nihilisme, il peut aussi (et ce n'est pas incompatible, si l'on en croit Camus et son "Il n'y a pas d'amour de vivre sans désespoir de vivre") se montrer résolument tourné vers la vie. Refusant de plonger du côté sombre, là où il n'y aurait que précipices sans ascenseurs. Faisant son possible pour ne pas croquer trop vite la "face cachée de la nuit". 

Il y a trente ans, je sentis tout cela dans les chansons de Thiéfaine : l'envie d'en découdre avec la vie et, parfois,  l'envie d'en finir avec la vie... Ça tombait bien : je nageais dans le même bordel, les mêmes eaux troubles troublantes !

Aujourd'hui, puisque mon heure est grave, mais pas encore venue j'espère, je voudrais chanter comme une malade, perf en main et Hubert dans les poumons : "Exigeons l'immortalité et refusons de retourner peu à peu vers la face cachée de la nuit". Ce serait un peu comme un "J'voudrais pas crever" façon Boris Vian, que ma fille Clara appelait, il y a bien longtemps, Brownie Viande ! Bref... Comme une rageuse envie de ne pas me viander trop vite !!!

 

04/11/2022

Des paillettes dans nos vies !

"Il faudrait bénir tous les moments où je n'ai pas peur". Brigitte FONTAINE

 

Laissez venir à moi ce joli novembre tout bourdonnant d'étincelles. Dieu sait pourtant si je déteste ce mois-là. C'est peut-être dû au sang partiellement breton qui coule dans mes veines. Mon père disait toujours que par chez lui, là-bas, en Bretagne, on affublait novembre et décembre d'un qualificatif de suie : c'étaient les mois noirs. Et, habituellement, je ne déroge pas à la tradition familiale qui veut que l'automne et l'hiver soient beurk, pas beaux du tout, grosse déprime suintante dont seul le printemps saura nous délivrer. Mais là, mais là... C'est un mois de novembre qui devrait avoir fière allure, sauf obstacles imprévus. Oui, oui, toujours compter avec une possible guigne fait partie de mes grands principes de précaution. Comme ça, quand aucun accident ne se met en travers de ma route, je biche quinze fois plus qu'une personne dotée d'un optimisme à toute épreuve : ouf, me dis-je, voilà quelques catastrophes évitées avec brio. Et quand un aléa ou plusieurs viennent paver la route, alors là vous me voyez presque triomphante, chantant partout : « Je le savais bien ». Ce n'est pas tous les jours facile de vivre en société quand on a un peu d'imagination, certes. Cela l'est encore moins quand on a beaucoup de pessimisme à revendre ! Combien ça vaut, le pessimisme à revendre, sur le marché actuel, flingué par l'inflation ? Je devrais peut-être essayer de me lancer dans le commerce ! En plus, ça débarrasserait la maison, que toutes ces sombres obsessions encombrent...

Mais non, stop aux alarmes qui retentissent sans raison alors que notre brave sœur Anne ne voit rien venir, hormis du bon. Car, en vérité, je vous le dis, ce mois de novembre sera thiéfainien à en faire exploser le calendrier de l'Avent ou … ne sera pas ! Tu vas voir comme je vais te fêter l'armistice la semaine prochaine, moi : à grand renfort de folie ! D'abord, il y aura Meisenthal. Oh, le nom mignon aux consonances délicieusement germaniques ! « Meise », en allemand, c'est la mésange. « Tal » (sans « h »), c'est la vallée. Donc, c'est dans la vallée aux mésanges que j'irai écouter mon bien-aimé Hubert le soir du 11 novembre. Tout le monde ne peut pas en dire autant ! Le lendemain, cap sur la Haute-Marne, ce sera Saint-Dizier ! Je me vois déjà clouée au lit le dimanche matin, en proie à une redescente sans freins et toute de cendres. Mais non, stop aux anticipations de pacotille qui ne riment à rien. En plus, même en cas de redescente un peu tragiquement mal négociée, il ne faudra pas oublier que dix jours plus tard, je serai enveloppée d'autres tendresses : celles que voudra bien me prodiguer le concert au Casino de Paris. Vous savez, celui auquel j'ai failli renoncer. Heureusement que la clairvoyance de ma fille Louise a su voir plus loin que le bout de mes appréhensions !

Oui, c'est un mois merveilleusement thiéfainien qui s'annonce. Il faudra bien ça pour boucler cette tournée Unplugged qui a mis tellement de paillettes dans nos vies, à la manière d'un Kévin qui ne serait pas un loser, mais un vrai mec distribuant à gogo des sachets de rêve. Surtout, pas de tristesse quand les lumières s'éteindront, même au Casino de Paris : quatre petits mois plus tard, en ce qui me concerne en tout cas, ce sera Replugged au Galaxie d'Amnéville. Je ne sais pas pour vous, mais moi j'aime bien quand Hubert nous gâte comme ça. La vie est alors ce qu'elle devrait toujours être : une pluie de confettis. Et de paillettes. T'as compris, Kévin ?!

Bientôt, je me mettrai à rêver aux titres que j'aimerais entendre sur la nouvelle tournée. Et je vous demanderai ce qu'il en est de votre côté. On pourra s'adonner les yeux ouverts à de splendides visions oniriques. Bref, on va encore bien s'éclater !

16/10/2022

"Et j'ai mis de côté Telemann et Mahler"...

"Dans les interstices de l'emploi du temps, loger de petites lumières". Paul DE ROUX

 

En août, j'ai passé une semaine à Hambourg. Ravie de découvrir enfin cette ville qui manquait à ma connaissance de l'Allemagne et dont Hubert a si souvent parlé dans ses chansons. J'ai adoré Hambourg. J'ai arpenté la cité hanséatique de long en large et l'ai quittée à regret. Elle offre un immense éventail de saveurs et d'ambiances diverses. Elle abrite tout un "quartier musical", appelé "Komponistenquartier". On trouve là un musée consacré à tous les musiciens qui ont marqué la ville d'une manière ou d'une autre. Parmi ces derniers, Telemann et Mahler, si c'est pas merveilleux ! J'ai rapporté de ce musée un certain nombre de trésors, notamment une petite note biographique au sujet de Telemann. Je viens de la traduire et vous la propose aujourd'hui. Au passage, signalons que Thiéfaine m'a une fois de plus ouvert des horizons : je ne connaissais pas bien Telemann et Mahler. Depuis la découverte de Page noire, je les écoute régulièrement. 

 

Georg Philipp Telemann (1681, Magdebourg-1767, Hambourg) : compositeur et musicien allemand baroque, multi-instrumentiste.

Son père, Heinrich Telemann, était diacre de l'église Zum Heiligen Geist. Sa mère, née Haltmeier, était la fille d'un ecclésiastique de Regensburg (Ratisbonne).

Le père de Telemann mourut en 1685. Dès lors, sa mère dut élever ses enfants seule. C'est à l'âge de dix ans que Telemann apprit le chant et le clavecin. À douze ans, il composa Sigismund, son premier opéra.

Sa mère ne voyait pas d'un bon œil les dispositions artistiques de son fils et tenta de les étouffer, notamment en l'envoyant dans une école de Zellerfeld (région du Harz). Ce faisant, elle espérait que la vie de son fils prendrait une autre direction. Mais, là-bas, il rencontra Caspar Calvoer, qui remarqua tout de suite son talent et lui dispensa des cours de musique. C'est ainsi que Telemann poursuivit ses activités de composition, écrivit des œuvres pour l'église et la ville et apprit de manière autodidacte plusieurs instruments.

En 1697, il partit pour Hildesheim, où il fréquenta le célèbre Gymnasium Andreanum. Toujours en autodidacte, il améliora sa connaissance de divers instruments (flûte traversière et flûte à bec, hautbois, violon, viole de Gambe, violone et trombone). Il se mit à composer de la musique pour son école et devint directeur musical du monastère Sankt Godehart.

En 1701, après avoir brillamment terminé ses études, il partit pour Leipzig. Répondant au souhait de sa mère, il s'inscrivit à la faculté de droit. Mais il abandonna très vite ses études juridiques au profit de la musique. Il composa alors des cantates pour l'église Saint-Thomas et devint directeur de l'opéra de la ville.

En 1704, il fut nommé maître de chapelle à la cour du comte Erdmann II de Promnitz à Sorau (aujourd'hui Zary en Pologne). Il y resta jusqu'en 1708. C'est là-bas qu'il découvrit la musique française (Lully et Campra), mais aussi les musiques folkloriques de Pologne et de Bohême, qui devaient inspirer nombre de ses compositions. À Sorau, il écrivit au moins 200 ouvertures et/ou suites.

En 1708 , il devint maître de chapelle à Eisenach. En 1709, il épousa Amalie Louise Juliane Eberlin qui mourut en 1711 en donnant la vie à leur fille Maria Wilhelmina Eleanore.

En 1712, Telemann occupa, à Francfort-sur-le-Main, les fonctions de maître de chapelle et de directeur de musique à l'église Barfüßer.

En 1714, il épousa en secondes noces Maria Catharina Textor. De cette union naîtront neuf enfants.

En 1721, on proposa à Telemann de prendre la suite de Joachim Gerstenbüttel à Hambourg. Il devint responsable de la musique dans les cinq églises principales de la ville. De 1722 à 1738, il occupa la fonction de directeur artistique de l'opéra Gänsemarkt.

Il resta à Hambourg jusqu'en 1767. Ce furent 46 années durant lesquelles il porta la vie musicale de la ville hanséatique à son sommet.

En 1736, il se sépara de Maria Catharina.

À la fin de l'année 1737, il partit pour quelques mois à Paris. Il y rencontra de nombreux musiciens français (entre autres Forqueray, Blavet, Guignon et Eduard) et écrivit six quatuors (Nouveaux quatuors, connus aujourd'hui sous le nom Quatuors parisiens).

 

De son vivant, Telemann compta parmi les compositeurs les plus célèbres et les plus importants. Ses compositions furent jouées dans toute l'Europe. Elles sont d'une grande diversité et sont nourries de nombreuses influences. Son œuvre est un pont entre le baroque tardif et les débuts du classicisme.

02/10/2022

Arno, du haut des cieux...

"Embrasse le passé, il n'existe plus". ARNO

Prenez un jour de pluie comme ce dimanche. Prenez un album qui, bien que nouveau, a des allures de deuil. Prenez Ostende, cette ville où d'aucuns se demandèrent un jour si ça vaut le coup de vivre sa vie. À cette question demeurée sans réponse de leur vivant, ont-ils, aujourd'hui, trouvé une réponse ? Cela me plairait de le savoir. Bref... Zoomez sur Ostende. J'y suis aujourd'hui. Zoomez plus précisément encore sur Opex. C'est de là que je vous écris. Opex, c'est un quartier portuaire d'Ostende dont je n'avais jamais entendu parler avant. C'est là que les grands-parents maternels du chanteur Arno tenaient un bistrot. Un estaminet, comme on dit dans le Nord, et rien que le nom vous amène aux narines des odeurs de frites et de bière. Opex, c'est le nom qu'Arno a choisi pour son dernier album. C'est dingue comme cet adjectif, dernier, peut recouvrir des acceptions différentes et se parer, selon les circonstances, de joyeux froufrous ou de noires mantilles. Quand il veut dire « dernier d'une longue liste à venir », il est on ne peut plus réjouissant. Quand il signifie « dernier de la liste, à jamais », il est aussi sombre que ce dimanche de pluie où tout semble déjà s'abandonner sans résistance à l'hiver.

Dès le premier morceau, Arno prévient : « Hier, c'était le passsé, aujourd'hui la vérité, Embrasse le passé, il n'existe plus ». Pas la peine de s'encombrer d'un inutile barda (regrets ou autres), c'est dans le vide que ça se passe désormais.

Au fil des chansons, Arno regarde droit dans les yeux la vie qui se dérobe, ainsi que lui-même et ceux qui l'ont accompagné. Un très beau morceau rend hommage à un grand-père un peu frivole. Court-circuit dans mon esprit raconte sans fard l'invasion de la maladie. Pas de sentimentalisme devant l'inévitable, juste un état des lieux, un constat : « Maintenant, je paie mes conneries du passé ». Ce passé qui, bien que n'étant plus, sait encore sévir. Et nous rattraper par la manche, le saligaud !

De son vivant, Arno fut le maître des reprises. De toutes les chansons des autres auxquelles il alla frotter son grain de folie, il fit quelque chose de flambant neuf. C'est encore le cas avec La paloma adieu, où sa voix, dans un surprenant reggae, se mêle à celle de Mireille Mathieu. Reggae où les mots « Ma vie s'en va, mais n'aie pas trop de peine », résonnent étrangement.

Arrêtons-nous sur les photos qui ornent la pochette. Sur l'avant, on voit Arno derrière une baie vitrée, chapeau de clown vissé sur sa chevelure blanche. Il contemple la mer. Le chapeau de clown scintille et semble réduire la vie à une farce dont il vaut mieux rire … de peur d'être obligé d'en pleurer. Sur l'arrière de la pochette, on découvre Arno en albatros aux ailes de géant. Sans doute face à un micro, sur une scène. C'est là, sans doute, plus encore qu'à Opex, que se trouvait son port d'attache.

 

Du haut des cieux ou du milieu du néant, on ne sait pas bien, Arno nous assène une retentissante claque posthume. Je vous conseille de vous la prendre en pleine face, sans chercher à en parer la puissance. De toute façon, vous ne pourrez pas. On ne fait pas le poids devant tant de cris du cœur qui viennent à notre rencontre !

01/10/2022

Casino de Paris, en être ou ne pas en être : question résolue !

"L'homme est ainsi, il se nourrit de souvenirs et trébuche sur l'amer". Richard BOHRINGER

Il en va de nos décisions comme de bien des choses dans la vie : elles ne nous appartiennent pas toujours complètement. Elles sont souvent le fruit d'un enchaînement - heureux ou non - de circonstances diverses et variées, voire avariées. Au moment où l'on prend telle ou telle décision, on ignore (et c'est tant mieux) tout ce qu'elle va impliquer. Ainsi, il y a 31 ans, m'étant moi-même condamnée à devenir prof en raison d'une soi-disant vocation (l'impétuosité de la jeunesse aime les grands mots), j'avais dit à mes camarades de terminale que j'hésitais entre enseigner l'allemand et enseigner l'italien. Là, un de mes amis s'était écrié : « Non, mais toi, il faut que tu deviennes prof d'allemand, c'est une évidence. Tu nous parles tellement de cette langue que si tu ne t'y consacres pas pleinement, tu le regretteras toute ta vie ». Ce jour-là, je devais rendre mon dossier de poursuite d'études et n'avais encore rien écrit dessus, à part mon nom et autres renseignements sans conséquences. Le reste n'était pas dépourvu de conséquences et j'en avais bien conscience. Les propos de mon ami, jouant un tantinet avec la corde du tragique, résonnèrent furieusement en moi. Sur le dossier, mon stylo traça avec conviction : « fac d'allemand ». Choix qui ne fut pas salué par ma prof d'italien ! Choix qui devait orienter ma vie entière, il faut bien le dire. Par la suite, je me suis souvent demandé quel chemin j'aurais parcouru si j'avais mis « fac d'italien ». Je ne saurai jamais. Pas le temps de vivre deux vies, une seule étant déjà assez compliquée à mener ! C'est comme dans la chanson de Goldman, chacun repart soit avec ses X, soit avec ses XY, et « tant pis, on ne saura pas ce que ça aurait donné ». Est-ce réellement mieux comme ça, plus sage, plus correct ? Mystère impénétrable...

Bref... Début septembre, en analysant mon emploi du temps, je m'étais vaguement dit qu'un aller Metz-Paris (avec retour le lendemain) serait envisageable le 22 novembre (date à laquelle HFT se produit au Casino de Paris : comment ça, vous l'ignoriez ?!)...

Mercredi, je conduisais ma fille Louise à son cours de krav maga, et nous écoutions Thiéfaine dans la voiture. À sa demande, je précise ! Honnêtement, si ça n'avait tenu qu'à moi, nous aurions … écouté Thiéfaine de la même façon !!! Nous chantions en chœur, tout en ne nous interdisant pas quelques commentaires. Ainsi, c'est mercredi que j'ai appris que Louise adorait le vers suivant : « À mettre sa vie en musique, on en oublie parfois de vivre ». La bonne gosse ! Cela m'a mise en confiance. J'ai décidé de lui dire que je n'avais toujours pas résolu le dilemme qui sévit en moi depuis septembre : en être ou ne pas en être, de cette soirée au Casino de Paris ? Bien sûr, d'un point de vue technique, c'est jouable, je le sais depuis un certain nombre de semaines, j'ai étudié la question avec un zèle exemplaire. Mais le reste, mais le reste... La fatigue engendrée par la surdose d'adrénaline, l'angoisse de louper mon train ou de ne pas le voir arriver pour cause de grève, la trouille d'un incident mécanique frappant précisément le même train ce jour-là précisément, la redescente redoutable après le concert, qui plus est en plein mois de novembre... La folie aussi. Car oui, c'est folie de plier ainsi ma vie aux exigences de ma passion. L'organiser en fonction du passage d'HFT ici ou là. Trembler devant le planning des réunions (parents-profs, conseils de classes, etc.). Craindre le moindre grain de sable susceptible de venir percuter la machine dont j'essaie de huiler savamment les rouages, tentant de parer d'avance à toute éventualité. Intimant aux malencontreux aléas l'ordre d'aller se faire voir ailleurs en période de tournée. Après, d'accord, ils pourront reprendre une activité normale, comme dans les Guignols de l'info, et comme dans le cours de toute existence. Essayer de combattre le mauvais œil en inventant toutes sortes de conjurations qui n'ont cours dans aucune religion. Les jours précédant un concert, ingurgiter en se pinçant le nez de douteuses décoctions censées renforcer le système immunitaire. Tomber bien bas, quoi !

Autant dire que chaque concert de Thiéfaine est une victoire sur les impitoyables coups tordus du destin ! Revenons à mercredi et retournons, si vous le voulez bien, à l'avant de ma voiture, en compagnie de Louise. Je lui faisais donc part du dilemme qui était le mien, Casino de Paris ou pas Casino de Paris ? Et voilà qu'elle me l'a réglé en deux coups de cuillère à pot, le dilemme : « Non mais maman, tu ne te poses même pas la question : tu y vas, à ce concert ». Comme je ne suis pas loin de penser que ce que Louise veut, Dieu le veut aussi (il n'a pas le choix, elle est tellement déterminée), j'ai donc décidé de faire en sorte d'assister à ce concert. À peine étions-nous de retour à la maison que je me procurais le nécessaire (billet de concert, aller-retour Metz-Paris, chambre d'hôtel). Le tour était joué. Il ne reste plus qu'à compter sur un sort clément et enclin à aligner docilement les astres en novembre. Ce n'est pas demander la lune non plus ! D'ailleurs, ce même sort a déjà fait preuve d'une certaine docilité et je l'en remercie : les réunions parents-profs tombent la semaine avant le concert au Casino de Paris !

Je rappelle qu'en décembre 1998, je refusai d'accompagner un de mes copains à Bercy au motif que le concert avait lieu un vendredi et que j'avais cours le lendemain matin. Alors que ce copain me promettait un retour dans la nuit et mettait en avant la possibilité que j'aurais de faire une sieste le samedi après-midi. Je me dérobai. Comme une cloche. Je ne me suis jamais pardonné cet écart de conduite absolument incompréhensible. Je sais, on peut avoir des regrets plus consistants, mais tout de même. Il en est quelques-uns qui persistent opiniâtrement. Donc, si j'ai décidé d'aller au Casino de Paris le 22 novembre, ce n'est pas folie, croyez-moi, mais sage précaution ! Il s'agit d'éviter tout regret. Ces machins-là, c'est trop tenace, ça vous enjambe les décennies avec une telle obstination qu'il vaut mieux ne pas en avoir !!! Et c'est le moment d'en revenir à mon introduction, vous savez, avec l'ami de terminale... Ce concert au Casino de Paris, si je n'y vais pas, je le regretterai toute ma vie !