01/12/2024
Par un dimanche de grisaille...
"J'ai eu des périodes d'interrogation avant l'âge de dix ans. Je passais de longues heures à me demander à quoi servait la vie et ce que je foutais là. Je n'aimais ni l'école, ni l'existence. Donc très tôt, j'ai commencé à être désespéré". Hubert-Félix THIÉFAINE (Voilà qui me rappelle étrangement quelqu'un, ou plutôt quelqu'une !!!).
J'ai passé une partie de la semaine qui vient de s'écouler à regretter amèrement de ne pas être allée dire à Nikola tout le bien que j'avais pensé de sa prestation avant Grand Corps Malade, puis aux côtés de celui-ci. Je me doute que cela n'aurait pas changé la face du monde, ni la vie de Nikola. Bien sûr que non, je ne suis pas prétentieuse à ce point-là. Mais tout de même. J'aurais dû, j'aurais pu. Pourquoi ne suis-je pas allée voir Nikola après le concert ? Parce que je ne voulais pas embêter mon amie Stéphanie qui m'accompagnait ce soir-là. Elle voulait rentrer assez vite et je me suis dit « tant pis ». Alors que je devrais savoir que les « tant pis », chez moi, tournent souvent au vinaigre de l'obsession. Bon, pas grave, passons... Je vais surveiller le brave Niko et je me promets d'aller le revoir en concert. Et d'aller lui dire quelques mots juste après. Je l'ai fait écouter à mes filles et elles ont bien aimé. Voilà donc une idée de sortie commune, et il faut savoir en apprécier la perspective, le suc non encore advenu. N'ai-je pas déjà écrit mille fois ici à quel point attendre me ravissait, et peut-être plus que l'attente comblée ? Je pourrais écrire des pages et des pages sur le sujet. Attente comblée veut dire plus d'attente. Un pan de la magie s'écroule dès lors que le désir embrasse son contentement ! Il arrive aussi, je suppose, que le contentement embrase le désir, mais, comme aurait dit Gary, je ne suis pas cinéphile à ce point-là ! Ce genre de truc, ça n'arrive que dans les films où l'eau de rose coule à flots comme une conne.
Me voilà philosophe ou quoi en ce dimanche de grisaille comme la Lorraine sait si bien en pondre à la pelle dès qu'arrive l'automne ? Bon, mais la grisaille ne me cueille pas toujours fâchée au réveil. Parfois, elle m'incite juste à rester chez moi, à lire, à écrire, à écouter de la musique.
Ce qui fait que j'ai passé une autre partie de la semaine à m'imprégner du double CD Unplugged, sorti le 15 novembre. Depuis le 22 du même mois, tous les vendredis j'y pense et je me dis : « Il a déjà une semaine, il a déjà quinze jours ». Oui, je suis comme ça, j'ai comme qui dirait un calendrier à la place du cœur !
Il y a quelques heures, en écoutant Je t'en remets au vent, j'ai eu une sorte de révélation : cette chanson, comme un cordon ombilical... Explications : ma mère aimait beaucoup Je t'en remets au vent. J'ai déjà raconté ici le coup de la cassette qu'elle s'était faite, avec je ne sais combien de fois ce morceau sur la face A. Pour s'en enivrer à son gré, sans avoir à rembobiner régulièrement le flacon source d'ivresse ! J'ai écrit « ma mère aimait beaucoup Je t'en remets au vent ». Je crois que j'aurais été plus proche de la vérité en écrivant que de toute la discographie de Thiéfaine, ma mère n'aimait réellement que Je t'en remets au vent ! Il ne faut pas lui en vouloir (à ma mère, s'entend), elle avait été bercée par des chansons plus sages, plus conventionnelles. Un moment, je pensai que La dèche, le twist et le reste pourrait l'émouvoir, mais la « masure bidon », le « vol plané à deux mille » et toute cette anthologie du malheur, non, très peu pour elle, c'était trop éloigné de son univers.
Plus tard, en lisant la biographie que Sébastien Bataille a consacrée à Thiéfaine, je devais apprendre que Je t'en remets au vent reliait, d'une certaine manière, le chanteur à sa mère : « Je t'en remets au vent est la seule chanson du catalogue officiel qu'Alice aura entendue, raison pour laquelle ce morceau revêt depuis une dimension affective particulière pour lui ». Quelle ne fut pas ma stupéfaction en voyant s'étaler, noir sur blanc, à la page 57 de ladite biographie, un de ces hasards objectifs chers à André Breton !
Chose encore plus dingue : un jour que j'étais en voiture avec ma fille Louise, elle me confia que Je t'en remets au vent était sa chanson préférée du répertoire d'HFT. Lorsqu'elle me dit que la bouleversait particulièrement le passage « à mettre sa vie en musique, on en oublie parfois de vivre », je ne cachai ni mon émotion, ni ma grande fierté. Comme c'est chouette d'avoir une ado qui vous dit ça (et même pas sous la torture, je vous le promets). J'expliquai à Louise combien cette chanson était à jamais liée à ma mère et combien j'aurais désormais l'impression que Je t'en remets au vent était un pont qui nous unissait magiquement toutes les trois, elle, ma mère et moi. Ce qu'une œuvre peut faire, n'est-ce pas ?
Voilà. C'est tout ce que j'avais à dire en ce dimanche de grisaille. Je t'en remets au vent ou une histoire de cordon ombilical...
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