15/07/2025
Il n'y a pas de hasard...
"Pour une fleur, une ondée est chaque fois la fin du monde". Dominique FORTIER
« Il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous », paraît-il. Il paraît aussi que cette phrase serait de Paul Éluard, mais je ne suis pas allée vérifier. Quelqu'un confirme ?
Ce matin, j'ai rendez-vous avec Hubert-Félix Thiéfaine et, au moment où je quitte mes pénates, je l'ignore. D'ailleurs, quoi de plus beau que cette ignorance ? Comme dans le poème de Victor Hugo (mis en musique par Julos Beaucarne), où il est dit « je ne songeais pas à Rose », eh bien, croyez-moi, croyez-moi pas, ce sera votre affaire : je ne songeais pas à Hubert en me rendant à la FNAC ce matin. Car, oui, il m'arrive de ne pas songer à Hubert. Vous avez le droit de ne pas accorder le moindre crédit à ces paroles, mais moi je vous affirme que cela m'arrive parfois de ne pas songer à Hubert...
J'ai quitté mes pénates ce matin, écrivais-je. J'allais à la FNAC car je voulais y récupérer un billet de concert. Pour un spectacle de la Grande Sophie. C'est dans longtemps : le 15 novembre, au théâtre de Thionville. Mais, en cette vie, dans longtemps veut dire demain, et donc on n'est jamais trop prudent. Les billets pour ce spectacle (intitulé « Tous les jours Suzanne », comme le livre que LGS a sorti en janvier) se vendent comme des petits pains, et j'ai donc jugé utile, il y a peu, de me procurer fissa un billet. À récupérer en magasin à l'aide d'un QR code. Cette société dans laquelle on vit, je vous raconte pas... Des QR codes par-ci, des QR codes par-là, des intelligences artificielles, des smartphones, des iphones, des ipads. Décidément, Hubert a raison : « Nous ne sommes que les fantasmes fous d'un computer ».
Bref... Qui dit FNAC dit CD et livres. Ce qui veut également dire pour moi que me rendre directement à la billetterie, qui se trouve à l'entrée du magasin, est inconcevable. Non, ça, pas possible. Je vais d'abord faire un tour au rayon musique. Et là, et là... Et là se produit un miracle : cette voix que j'entends au loin, ne serait-ce pas celle de mon ami Hubert ? Je m'approche et je perçois distinctement la musique et les paroles : Stratégie de l'inespoir. Là, comme ça, sans préambule ! Je me dirige vers les nouveautés et, c'est plus fort que moi, je me mets à chantonner. Tant pis si je passe pour une dingue, mais Thiéfaine et moi, vous savez, c'est une longue histoire... Ah bon, vous ne saviez pas ? Je suis fort aise de vous l'apprendre ! Alors, reprenons les choses au commencement. Et, au commencement, était la chanson Mathématiques souterraines. Plus précisément les mots suivants : « Tu voudrais qu'il y ait des ascenseurs au fond des précipices ». C'était il y a trente-trois ans, je ne m'en suis jamais remise. Et donc, depuis, j'ai acheté tous les albums de Thiéfaine, tous les coffrets, toutes les compilations, tous les livres, absolument tout ce qui existe sur le marché. J'ai vu l'artiste 65 fois en concert parce que quand on aime, ça compte de se voir autant que possible. Et même : j'aurais pu faire mieux, j'aurais pu faire plus. S'il y a une autre tournée un de ces quatre, je vous jure que je ne me ferai pas prier pour enchaîner les dates avec la ferveur qu'on me connaît quand il s'agit d'HFT !
Mais je m'égare. Revenons donc à nos moutons. Me voilà au rayon chanson française, mais je me fous pas mal des nouveautés, j'écoute Hubert, je n'entends que lui, que sa voix qui démonte tout, toujours, je n'entends que ses mots qui claquent. Ce fond sonore, ce n'est pas le fruit du hasard, n'est-ce pas ? Qui a donc pu décider que c'était cela qui devait résonner dans la FNAC ce matin, et rien d'autre ? Car Thiéfaine en fond sonore, ce n'est pas un hasard, jamais, c'est un rendez-vous.
Et maintenant, voilà Droïde Song. Je me retourne et j'aperçois un employé du rayon musique. Je vais le voir et lui demande si c'est lui qui a eu l'idée de mettre Thiéfaine. Oui, c'est lui. La chanson française ne le branche pas trop, mais Thiéfaine, oui, il aime. Nous commençons à en parler dans tous les sens. Il me dit qu'il apprécie le côté marginal du chanteur, qui s'est construit une carrière béton loin des médias. J'approuve et je lui raconte la douce folie qui m'a amenée à voir ledit Thiéfaine 65 fois en concert. Le monsieur ne trouve pas, lui, contrairement à moi, que j'aurais pu faire mieux, que j'aurais pu faire plus. S'il existait un bulletin spécial HFT et si c'était lui, ce monsieur, qui avait rempli le mien, il m'aurait mis quelque chose comme « excellent », voire « époustouflant ». Mes 65 concerts l'impressionnent. Nous poursuivons notre conversation, tranquilles, mais je dois quand même me dépêcher : je vais voir deux amies en début d'après-midi et je n'ai pas encore mangé alors qu'il est midi passé. Surtout, je n'ai toujours pas mon billet pour le concert de la Grande Sophie alors que, de base, comme disent les jeunes, j'étais venue pour ça. Oui, mais je ne songeais pas à Hubert, et Hubert est venu à moi, alors... Ben alors j'ai répondu à l'appel. Parce que quand Hubert vient à moi, honnêtement plus rien ne compte, et il ne faut pas que mon amoureux tombe sur ces lignes qu'il prendrait pour un désaveu, alors que … c'est plus compliqué que ça. C'est juste qu'Hubert et moi, c'est une longue histoire. Ah bon, vous ne saviez pas ? Je suis fort aise de vous l'apprendre. Et je vous prie de remonter un peu dans ce texte pour repartir au commencement. Enfin, cela seulement si vous avez un peu de temps à perdre.
Bref... Je mets fin à la conversation, en disant que de toute façon, je reviendrai, surtout si Thiéfaine sort un album un de ces jours. Eh quoi, sait-on jamais ? J'explique au monsieur de la FNAC que dans ces cas-là, je viens toujours récupérer les affiches promotionnelles qui ornent le panneau « nouveautés ». « Ah, c'est vous ? », s'exclame-t-il alors. « Je me souviens qu'il n'y a pas si longtemps, un collègue m'a demandé de mettre de côté une affiche pour une dame ».
Cette dame, en effet, c'était moi. Le « il n'y a pas si longtemps », c'était le 28 mars.
Depuis, les jours et les nuits se sont empilés au compteur, et pas le moindre écho d'un éventuel album qui ferait sortir notre Jurassien de sa tanière. Mais moi je dis qu'il ne faut pas désespérer. Les miracles adviennent toujours au moment où l'on s'y attend le moins. Ainsi, moi, ce matin, je ne songeais pas à Hubert, et Hubert est venu à moi. Alors tous les espoirs sont permis !
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