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07/12/2024

Une lecture : Le Déversoir, d'Arthur Teboul

"Nous déplorons si souvent que la poésie ait déserté le champ du quotidien qu'il nous revient de l'y ramener". Arthur TEBOUL

 

J'ai toujours aimé la poésie. Les mots, je ne sais pas pourquoi, ça me fait des trucs puissants dans tout le corps et l'âme, et ce depuis l'enfance. Ma mère aimait à me répéter que quand j'étais petite, je pleurais à chaque fois qu'elle me récitait « La biche brame au clair de lune », un poème de Maurice Rollinat. C'est que, par le pouvoir des mots, je me fondais totalement dans le chagrin de la biche. Ce chagrin, il devenait le mien. Je devenais la biche elle-même. C'est sûr que ce genre de tempérament ne pouvait pas donner naissance à une mathématicienne ! Je crois que je suis tout sauf cartésienne et ce n'est pas grave, c'est l'intention qui compte. En ce qui me concerne, l'intention n'est pas à son comble, dirons-nous. Je me sens comme cet « homme énigmatique » dont parle Baudelaire dans les Petits poèmes en prose : « « J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas...là-bas...les merveilleux nuages ! ». Et je ne me soucie pas de leurs noms, pourtant diablement poétiques. Je sais qu'ils finissent tous en « us », mais ça ne va guère plus loin.

Et donc, avec ce tempérament, je ne peux qu'adhérer au « plus secret espoir » d'Arthur Teboul, à savoir qu'un jour, peut-être, « entre le sandwich et le café », on pourra, dans un lieu dédié, aller se faire faire un poème, « comme on va se faire faire les ongles ». Arthur Teboul a même donné corps à cet espoir : en mars 2023, il a ouvert, à Paris, un cabinet de poèmes minute, le Déversoir. Pendant une semaine, du matin au soir, il a accueilli des visiteurs désireux de se faire tailler un poème sur mesure. Comme j'aurais adoré être de ces chanceux ! Mais on ne peut pas être partout, et c'est ailleurs que je suis allée ramasser du lyrisme. Parfois, j'ai même tenté de le faire entrer dans mon appareil photo. Je crois tellement à la magie de la poésie que depuis l'adolescence, je dors entourée de livres de poèmes et de portraits de poètes. Cet été, quelle ne fut pas ma joie lorsque, bien avant de déposer mes casseroles et autres ustensiles sans grande importance dans mon nouveau chez-moi, j'installai, près de mon lit, ma bibliothèque de poésie, ornée d'un portrait de Baudelaire. Je dors en somptueuse compagnie, c'est moi qui vous le dis ! La présence de cette bibliothèque tout près de mon sommeil me rassure. Depuis mon oreiller, il me suffit de tendre la main et hop, me voilà augmentée d'un recueil de poèmes. Ça peut être Louis Calaferte, ça peut être Claude Roy. Mais j'aime aussi Philippe Jaccottet, Jean-Claude Pirotte, Guy Goffette, Paul Valet, Charles Juliet, Georges Perros, ou Reverdy, Rimbaud, Verlaine, Baudelaire (bien sûr, bien sûr), Aragon, Éluard, ou encore Lamartine pour pleurer sur ce fichu temps qui, malgré toutes les supplications du monde, ne suspendra jamais son vol !

C'est un peu comme si, dans ma chambre, je m'étais fabriqué mon petit déversoir rien qu'à moi. Car lire de la poésie me permet de me délester de mes fardeaux. Il m'arrive aussi d'écrire des poèmes, mais ça c'est top secret, je ne les publie jamais nulle part, c'est un dialogue avec moi-même et nul autre.

Hier, étant donné que mon grand week-end venait de commencer et que je m'étais mise à jour dans mes préparations de cours et corrections de copies, je me suis payé un luxe incroyable : après avoir bu mon café, je suis allée me recoucher, avec le livre d'Arthur Teboul, Le Déversoir, justement. Et je m'y suis enfouie comme on plonge dans de délicieux abîmes. Ça ressemble à de l'écriture automatique, avec des passages sibyllins dans lesquels on peut faire entrer ce que l'on veut, de sa propre expérience, de sa propre façon d'accueillir le monde. Et c'est grande liberté qui vous est offerte soudain sur un plateau, et ce n'est pas si fréquent. C'est comme avec certaines chansons de Thiéfaine : personne n'en a vraiment la clé, et ça ouvre sur tous les possibles imaginables, voire inimaginables. J'adore ça !

Et puis, parfois, dans Le Déversoir, de magnifiques fulgurances. Comme celle-ci, qui m'a accompagnée toute la journée, hier : « Ce qu'on s'autorise à espérer

Prend racine quelque part ».

Et aussi : -« J'aimerais bien revenir en arrière, là où prolifère la rosée du matin »,

-« Retourne à tes affaires sensibles car demain tu ne sais pas s'il faudra vivre ou mourir »,

-« Lumière et sourire sont de la même étoffe pour qui sait toucher ».

Ou encore, à propos d'un poème que l'auteur a égaré : « Je l'aimais beaucoup. Évidemment je l'aime encore plus depuis que je l'ai perdu » (et cela vaut pour tout, même pour les êtres, n'est-ce pas, avez-vous remarqué ?).

 

Moi aussi, mon cher Arthur (est-ce hasard si vous portez le même prénom que Rimbaud ? Ça m'étonnerait !), je crois à la magie de la poésie et je suis certaine qu'un monde rempli de déversoirs où l'on pourrait venir se faire faire un poème à toute heure du jour (et même de la nuit, tiens) serait un monde plus joyeusement habitable.

En attendant qu'il advienne, ce monde (je crois que ce n'est pas demain la veille, mais bon, comme l'écrivait Aragon, « il est permis de rêver. Il est recommandé de rêver »), je vais aller me recoucher, un recueil de poèmes à la main !

Commentaires

Arthur Teboul est le chanteur et le parolier du groupe Feu! Chatterton, dont j'ai un CD. Je vais le réécouter ce matin, tiens ! Quel beau programme : un recueil de poèmes, puis des chansons ! Vive le week-end !
Vous connaissez ce groupe, Feu! Chatterton ? Et qu'en pensez-vous ? Moi, je crois que je vais approfondir ! Un seul CD, ce n'est pas assez !

Écrit par : Katell | 07/12/2024

Tiens, en ce moment, je relis avec grand plaisir la biographie que Sébastien Bataille a écrite sur Thiéfaine. J'avais oublié plein de choses, je suis contente de les redécouvrir !

Écrit par : Katell | 07/12/2024

Ah Katell.. j’adore l’idée de se recoucher, en pleine journée, de la poésie plein les doigts et plein les yeux !
Feu ! Chatterton je ne connais que de nom, jamais vraiment écouté… J’ai feuilleté le recueil d’Arthur Teboul dernièrement à la FNAC mais sans vraiment m’y arrêter… Ton billet me donne envie de retourner le voir…

Écrit par : Bételgeuse | 07/12/2024

Oui, c'est génial d'aller se recoucher un livre à la main ! Totalement contraire à tout objectif de rentabilité, ce qui me va parfaitement !
Franchement, les poèmes d'Arthur Teboul valent qu'on se penche dessus. Parfois, on ne pige pas grand-chose, c'est très loufoque, mais c'est plaisant à lire quand même ! Et il y a aussi ces passages magnifiques que j'ai cités dans mon billet et qui, à eux seuls, justifient la lecture !

Écrit par : Katell | 07/12/2024

A ma question posée à Wikipédia, je me cite ; - à quoi sert la poésie - l' I.A me répond ceci :

' La poésie, ça sert à ça : à jouer avec les mots. D'ailleurs, poésie, ça vient d'un mot grec qui veut dire « faire, créer ». Avec les mots, le poète fait ce qu'il veut : il les fait rimer entre eux, il s'amuse avec leur sonorité, il coupe les phrases en deux. '

et bien le Doc. a souvent vu Hubert avant et après avoir exposé les résultats de son JEU bien malheureux, ou de son JE .. ? , et je dis il doit être MASO ce poète ,


, ...

Écrit par : le Doc. | 08/12/2024

@ ... :

Projet :

Rejoindre le créateur !...

, ...

Écrit par : le Doc. | 08/12/2024

Merci à Cécile :

https://www.thiefaine.com/livre-dor/#comment-250385

, j'y retourne ..

Écrit par : le Doc. | 08/12/2024

La position idéale pour bouquiner : allongé !
Option méga luxe : Pièce mansardée et/ou avec vue sur nuages (je ne connaissais pas ce qu'en disait Baudelaire).

Mais ce n'est pas facile dans le métro :-)

De mon côté, il m'est impossible d'en lire (tout comme les pièces théâtre). Pourtant j'ai essayé…
J'ai besoin qu'ils soient mis en musique pour les apprécier…

Je vais quand même tenter les Petits poèmes en prose (y m'a chauffé avec ses nuages, le Charles…).

Salutations numériques !

Écrit par : Seb | 09/12/2024

Seb, je suis fan des Petits poèmes en prose ! J'aime particulièrement "Le joujou du pauvre" (magnifique), "Enivrez-vous" et "Anywhere out of the world, n'importe où hors du monde".
C'est justement allongée sur mon lit que je viens de lire quelques pages d'Animal en quarantaine, de Sébastien Bataille. Je prends plaisir à relire cette biographie très riche, comme l'est la carrière de Thiéfaine ! C'est passionnant !

Écrit par : Katell | 09/12/2024

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