11/07/2023
Festivals
La saison des festivals a commencé. Ce sera sans moi, mais je n'ai pas dit mon dernier mot ! En octobre, Thiéfaine sera au NJP (Nancy Jazz Pulsations) et j'en serai, normalement, si tout va bien.
En attendant, je me renseigne sur les concerts d'été. Ainsi, j'ai appris qu'à Saint-Denis-de-Gastine (Mayenne), au festival Au foin de la rue, il n'y avait pas eu La fille du coupeur de joints. Je me demande à quoi ça ressemble, un concert sans cette chanson culte, mais pourquoi pas ? Si vous avez vécu ça, racontez-nous ! Je suppose que cette absence ne sera pas propre au Foin de la rue et qu'elle sera la marque de fabrique un peu inattendue de tous les festivals à venir. Vous nous direz si vous savez ?
Autre élément marquant : à Saint-Denis-de-Gastine, il y a eu une version signée (= en langue des signes) de Cabaret Sainte-Lilith. Cela donne quelque chose de surprenant, voire d'hilarant (une vidéo envoyée par une de mes amies montre clairement les fous rires en coulisses sur certains passages, notamment quand il est question d'une "bonne branlette" !). Mais voyez vous-mêmes et réagissez dans les commentaires si le cœur vous en dit :
https://www.youtube.com/watch?v=VX2n4K0WrV8
Si jamais vous assistez à un festival, ici ou là, n'hésitez pas à nous faire un petit compte rendu ! Passez un bel été !
13:43 | Lien permanent | Commentaires (10)
13/05/2023
Fièvre résurrectionnelle
"La vie est deuil. Un putain d'interminable deuil". François CAVANNA
1992. Il y a ce chanteur qui entre dans ma vie par la grande porte. Ou plutôt par un ascenseur. Peut-être bien celui de 22h43, allez savoir. En tout cas, c'est par une nuit déjà froide de septembre qu'il se pointe. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, il va déboulonner quelques-unes de mes certitudes. Je croyais que Gainsbourg et moi ou encore Renaud et moi, c'était indépassable, eh bien non ! Soudain, il n'y a plus que ce drôle de type. Qui vient rejoindre, dans la somme de mes éblouissements, les Baudelaire, les Rimbaud, les Verlaine. Pas piqué des vers, le monsieur, c'est le cas de le dire. Très vite, l'adolescente que je suis encore flaire qu'elle tient là un durable motif d'exaltation ! De là à penser que l'exaltation durera toute sa vie, il n'y a qu'un pas … que j'ai largement franchi depuis. Combien de fois m'est-il arrivé de retrouver d'anciennes connaissances, d'anciens collègues qui m'ont dit : « À chaque fois que j'entends parler de Thiéfaine, je pense à toi ». Immense fierté d'être systématiquement associée à lui. Trop la classe, franchement, sans vouloir me vanter (ce que je fais pourtant).
Alors oui, j'ai dix-neuf ans en 1992 et je me prends une décharge électrique en plein cœur. De celles qui, presque, justifieraient l'inconvénient d'être né(e). Ou même, allez je prends le risque, le justifient. Bien sûr que si rien ni personne ne m'avait tirée du néant, aucune conscience ne m'aurait jamais effleurée. Thiéfaine ou pas, ça n'aurait rien changé à la face de mon monde qui, précisément, n'aurait pas existé. Mais puisque deux êtres, disparus aujourd'hui, jugèrent un jour utile d'appeler à la vie un autre enfant après le premier, eh bien autant que mon inconvénient d'être née soit tout de même un peu fleuri par endroits. Sincèrement, si l'œuvre de Thiéfaine ne m'avait pas percutée de plein fouet, il aurait manqué une sacrée dimension à mon existence. Je crois qu'elle aurait été un peu fadasse de temps en temps. Thiéfaine, encore maintenant en pleine maladie, c'est celui qui réveille ma sensibilité. Sortie de l'hôpital, la démarche farouche, le pas incertain et le regard un peu hébété, j'avais l'impression que plus rien ne pouvait me secouer réellement. Il y a même eu un moment où m'est venu le dégoût des livres. Oui ! J'en avais trop lu dans ma chambre stérile. Je n'en pouvais plus de ces compagnons d'infortune. J'étais certes bien contente de les avoir fréquentés dans mon univers aseptisé, mais justement : par la suite, et pendant de longues semaines, ils étaient condamnés, les pauvrets, à me rappeler sans cesse le cauchemar vécu et pas encore tout à fait surmonté. Bon, ça s'est arrangé au fil du temps et je lis de nouveau avec grand plaisir. La musique dans tout ça ? Je n'en ai pas beaucoup écouté à mon retour de l'hôpital. Il y avait comme une césure dans ma vie, un truc difficile à expliquer. Comme l'impression de flotter à la surface des choses. De ne pas pouvoir en pénétrer l'intime substance. C'est que je me battais pour ma survie, tout un programme ! Et puis, un jour, en voiture (cela faisait déjà un bout de temps que j'étais sortie de l'hosto), une de mes filles proposa qu'on écoute Thiéfaine. Oui, j'ai des filles qui proposent ça régulièrement. Trop la classe, franchement, sans vouloir me vanter (ce que je fais pourtant). Et là, sur Mathématiques souterraines, je devins fontaine. Bien sûr que cette chanson avait encore le pouvoir de me disjoncter ! Plus tard, ce fut La dèche, le twist et le reste. Souvenirs en pagaille d'un amour vécu au sortir de l'adolescence, dans une profonde détresse. Dans la dèche, le twist et le reste, quoi. Encore un peu plus tard (choix opéré par ma fille Clara), Je t'en remets au vent. Souvenirs en pagaille de ma mère qui aimait tellement cette chanson qu'elle l'avait enregistrée plusieurs fois de suite sur la même cassette afin de pouvoir l'écouter en boucle. Eh oui, je viens d'un monde obsolète... Ensuite La ruelle des morts. Fontaine, de nouveau je bois de ton eau. Celle de mes larmes. C'est vrai que les deuils se ramassent à la pelle comme des cons. C'est vrai que la nostalgie est toujours ce qu'elle était : un machin qui te démonte les tripes.
Alors voilà. Je ressuscitai. Par la grâce de quatre chansons. Dans la voiture, ce jour-là, je me dis que je n'étais pas encore tout à fait morte cérébralement. Ouf.
N'empêche que, quand même, à l'approche de la cinquantaine (il y a encore un an, je redoutais les cinquante ans, maintenant je me dis que ce serait pas mal de les avoir), je me sens autorisée à féliciter l'adolescente un peu paumée que je fus et qui sentit, sans pouvoir encore le formuler concrètement, que Thiéfaine et elle, c'était pour la vie ! À l'époque, je ne savais pas qu'un jour il écrirait Des adieux, Exercice de simple provocation avec 33 fois le mot coupable, Annihilation, En remontant le fleuve, Page noire, et j'en passe, mais quelque chose, en moi, a dû espérer fortement la naissance de ces chefs-d'œuvre. Quelque chose, en moi, a dû savoir que le poète (car c'en est un, on ne m'enlèvera pas cette conviction) ne me décevrait pas. Encore une fois, je ne suis que gratitude. Je sais, je sais, ça paraît exagéré, et même un peu dingue. Mais je m'en moque. Je répète : encore une fois, je ne suis que gratitude. Parce que celui qui, dernièrement, m'a ramenée à l'émotion artistique que je croyais perdue, c'est encore lui, Hubert-Félix Thiéfaine !
11:06 | Lien permanent | Commentaires (27)
14/04/2023
Thiéfaine sera au Zénith de Paris ce soir !
"On dirait que les projets de joie sont un défi. Trop longuement préparés, ils laissent le temps à la destinée de changer les œufs dans le nid, et ce sont des chagrins qu'il nous faudra couver". Georges RODENBACH
Ce soir, Thiéfaine et ses incroyables musiciens se produiront au Zénith de Paris. Vous serez quelques veinard(e)s à assister à ce concert. Moi j'peux pas, j'ai leucémie. Et folle amertume et profonde tristesse. Normalement, tout était en place pour que je puisse en être : en week-end à midi, mes filles aussi (enfin l'aînée pas tout à fait, mais on aurait arrangé ça, cela fait bien longtemps que je suis passée experte dans l'art de faire de la place pour Hubert !). On aurait pu être au Zénith, puis passer quelques jours à Paris, grâce aux vacances scolaires qui commençaient. Ben non, ce ne sera pas comme ça. « On ne fait pas toujours ce qu'on veut dans la vie », disent parfois les parents aux enfants pour leur inculquer la frustration.
De la frustration, j'en ai à revendre depuis cinq mois. Tu en veux une pelletée ? Largement jouable ! Tu en veux un paquebot ? Jouable aussi.
Je ne m'appartiens plus, j'appartiens au corps médical. « Vous reprendez bien un petit ECG, et puis une prise du sang, et même un myélogramme ». Obligée de m'exécuter sur-le-champ et sans broncher, moi qui déteste qu'on m'indique ce que j'ai à faire.
Il paraît que si tout va bien, je serai sortie de ce cauchemar à cent têtes à la fin du mois de juillet. Peut-être que je pourrai me faire le festival de Courlans, dans le Jura, qui sait ? Je prendrai mon billet au dernier moment. La maladie m'aura appris à regarder tout projet avec un brin de méfiance désabusée. Et donc à éviter de planifier des mois à l'avance. En cela, je serai désormais toujours raccord avec les mots de Georges Rodenbach cités ci-dessus !
Si, il y a quelques années, on m'avait dit qu'un jour une maladie me clouerait en une espèce de confinement à moi toute seule, j'aurais peut-être frimé et affirmé : « Sûr que j'en profiterai pour écrire ». Oui, ben non. Ça ne se passe pas comme ça. J'ai bien pensé à peaufiner plusieurs récits dans lesquels je m'étais lancée avant la maladie. Parmi ces écrits, il y en avait un sur ma rencontre avec l'œuvre d'Hubert. Mais je n'ai que des velléités de faire et je ne fais pas. Parce que la fatigue, parce que l'angoisse qui prend le dessus, parce que « je n'ai pas la frite », et pas la peine de repasser me voir demain, ladies and gentlemen, car je serai dans le même état, entre somnolence et sidération, ou entre désespoir et colère, je ne sais pas encore.
Comme en février, je vous demanderai de bien vouloir me faire rêver un peu : inondez ce billet de commentaires racontant dans les grandes largeurs vos impressions sur le concert au Zénith !
11:40 | Lien permanent | Commentaires (30)
19/03/2023
En trois mots comme en cent : beau, pur, efficace !
"Tu voudrais qu'il y ait des ascenseurs au fond des précipices". Hubert-Félix THIÉFAINE
Masque FFP2 sur le nez et la bouche. « Lunettes noires, pyjama rayé ». C'est que ce soir-là, je sortais exceptionnellement de la quatrième dimension qui me retient prisonnière depuis novembre 2022. C'est un pays étrange, où les ascenseurs au fond des précipices sont denrée rare. Un pays qui te met l'esprit dans un brouillard épais, un pays où il ne fait pas bon vivre. Je ne peux supporter d'y être enchaînée qu'au regard de ce qui est censé m'attendre d'ici quelques mois : du mieux... Je croise les doigts.
Donc, le 10 mars, je suis tout de même sortie de ma tanière. Ce soir-là, j'avais rendez-vous à Amnéville avec Hubert et sa fine équipe. J'avais deux billets (un pour ma fille Clara et un pour moi) depuis très longtemps. Si longtemps que je ne saurais dire quand. Deux billets achetés à une époque où je pouvais faire allègrement des projets sans trop penser au risque qu'ils ne se réalisent pas. Maintenant, c'est une autre histoire. Mais laissons ça de côté.
Donc, masque FFP2 sur le nez et la bouche. Dans la voiture, avant le concert, des larmes. Je suis sur le point de rebrousser chemin. Voir Thiéfaine dans des conditions pareilles, franchement, est-ce bien raisonnable et bien utile ? Je suis fatiguée, comme tous les soirs. Non, pas fatiguée : décalquée. Complètement à l'ouest de mes pompes. Effet de l'arsenic qui m'est injecté dans les veines cinq jours sur sept pendant les cures. « Arsenic is good for you » : oui et non... Bref... Ma fille me console, me dit que si, je peux aller à ce concert, que ça va me faire du bien. Alors j'y vais, oui. En sachant que la soirée sera à la fois sacrée et étrange. Sacrée parce que pied de nez à la maladie, moment hors du temps et de mes emmerdes. Étrange parce que jamais concert ne fut plus nimbé de tristesse. Mais on y va.
Par tout un jeu de solidarité qui s'est embrasé à mon insu avant le concert, mes places dans la fosse se sont transformées en places carré or. Ma fille et moi sommes presque isolées. C'est ce qu'il faut à ma putain de maladie qui exige des traitements de faveur en pagaille...
Nous y voilà.
Je passe sur la première partie. Paul Pavillon m'a l'air bien sympathique, son univers aussi, mais je ne parviens pas à y entrer. Je sais d'avance que même celui d'HFT me sera un peu étranger ce soir, alors ce n'est pas pour réussir une immersion dans celui d'un inconnu.
Passons donc sans plus attendre à la partie qui nous intéresse. La scène est aménagée de façon étonnante. Les musiciens haut perchés. Au propre comme au figuré. Les premières notes de Droïde song retentissent, la voix d'Hubert se fait entendre, mais lui se fait attendre. C'est déroutant tout en étant délicieux. Ah, cette attente d'une face cachée qui va finir par se dévoiler, comme elle est succulente !
Les morceaux s'enchaînent de manière résolument rock'n'roll. Je retrouve des émotions qui remontent à loin, très loin dans la jeunesse. Cabaret Sainte-Lilith, Mathématiques souterraines, Bipède à station verticale, Sweet Amanite Phalloïde Queen, Alligators 427, Groupie 89 turbo 6, Redescente climatisée, Diogène série 87, Soleil cherche futur, Whiskeuses images again. Et d'autres encore, qui secouent en moi les fibres premières, me ramènent à l'origine de ma passion. C'est beau, pur, efficace. J'aurais juste aimé entendre Maalox Texas Blues. Les chansons absentes ont toujours tort, mais bon... Qui sait, peut-être que, sur une autre tournée ? Je veux y croire !
Les arrangements sont malicieux, audacieux, judicieux. Alligators 427 vous explose à la tronche façon carnaval inattendu. Au début, on se demande bien de quoi il s'agit. Là aussi : beau, pur, efficace. Du grand art.
Vous explose à la tronche également : Combien de jours encore, dans un autre registre et pour des raisons différentes. La question est tranchante et flippante. Combien de jours encore ? Mais des flopées, c'est tout ce qu'on espère, pour que la fête dure longuement, parce qu'elle est de celles qui vous font sentir vivants jusqu'à la moelle (c'est bien le cas de le dire en ce qui me concerne, en cette période où ma moelle osseuse ne fait que des conneries).
Entre deux chansons, j'envoie ma fille dévaliser le merchandising. Je veux un mug, et puis même deux, je veux un sac, je veux un cendrier alors que je ne fume plus depuis vingt ans. Je veux qu'il me reste des souvenirs concrets de ce concert tellement spécial...
La voix d'Hubert comme un soleil dont les rayons ne perdraient jamais leur éclat : ferme, assurée, solide et belle. Les musiciens comme des magiciens venus d'un autre monde. Chacun apportant sa merveilleuse pierre à un édifice parfaitement ficelé.
Mathématiques souterraines revêt ce soir-là un sens particulier pour moi : cette chanson, je me la suis passée et repassée en boucle dans ma chambre stérile. La sophrologue de l'hôpital m'avait dit : « Trouvez-vous une sorte de mantra qui pourra vous aider en toutes circonstances ». Me vint illico à l'esprit cette histoire d'ascenseurs au fond des précipices. Ces machines bienfaisantes, combien de fois les ai-je implorées pour qu'elles me hissent très loin hors du trou où je venais de sombrer. La sophrologue est formidable : elle connaissait Thiéfaine, mais pas Mathématiques souterraines. Elle revint un jour en me disant : « J'ai écouté la chanson dont vous m'aviez parlé. Elle est très belle. Et incroyablement reliée à votre situation actuelle. Le coup de « j'ai mal aux globules », ça ne vous rappelle rien ? ». Ben si, tiens, la maladie qui a mis le bordel dans mes cellules. Je me suis gourée, erreur de programmation : je voulais atteindre un dérèglement de tous les sens à la manière d'Arthur Rimbaud (la prétentieuse que je suis) et je me suis payé un dérèglement de tous les sangs. Heureusement que quelque part, quelqu'un a laissé allumé, bébé, parce qu'en moi ce n'est vraiment que glaciales ténèbres...
Dès le début du concert, j'avais prévenu Clara : il faudrait partir avant la fin de La fille du coupeur de joints. Pour éviter le hall bondé (toujours ces traitements de faveur exigés par ma maladie). Alors, au moment où la foule s'embrasait encore un peu plus (certains ont trouvé le public d'Amnéville faiblard, je n'ai pas eu cette impression-là, bien au contraire) après les petits lapins logés dans les nuages, nous sommes parties. À regret, bien sûr, what else ?
Ce fut une soirée étrange, presque surréaliste. Comme un moment de science-fiction dans une vie qui, pour le moment, manque cruellement d'évasion. J'ai traversé le miroir, oublié un peu la quatrième dimension qui me retient prisonnière depuis novembre 2022. Par moments, mon esprit s'absentait de là et repensait aux barbares ennuis qui sévissent actuellement dans mon quotidien mais, globalement, la magie HFT a opéré et j'ai eu mes grandioses éclaircies entre deux averses. Ce fut beau, pur, efficace...
11:45 | Lien permanent | Commentaires (34)
06/02/2023
Bientôt la tournée Replugged
"Si l'homme avait été créé pour souffrir, il trouverait que le monde est bien fait". Roger RUDIGOZ
De petites craintes, comme ça. La peur d'être patraque le jour J, de subir un « pas au mieux de ma forme » légèrement invalidant. Des trucs tout à fait réalistes, de l'ordre du possible. Jamais, en revanche, l'idée de choper une grosse maladie qui m'assigne à résidence. Mon imagination n'atteignait jamais ces sommets. Même dans mes cauchemars les plus fous (et Dieu sait si je suis capable d'en élaborer des costauds), je n'aurais osé imaginer un machin pareil. Leucémie aiguë promyélocytaire. Maladie hyper rare qui ne touche qu'une centaine de personnes par an en France. Il a fallu qu'elle s'abatte sur moi, allez savoir pourquoi et comment. Il paraît que c'est dû à une anomalie chromosomique. Anomalie qui, normalement, se soigne assez bien. Et vous voulez savoir comment ? À coups d'arsenic dans les veines ! Oui ! Il y en a un qui ne croit pas si bien dire lorsqu'il chante « Arsenic is good for you », n'est-ce pas ?
C'est la dose qui fait le poison, paraît-il. Dans mon cas, la dose est savamment calculée pour que l'arsenic ne me tue pas moi, mais les cellules leucémiques qui ont la débile idée de pulluler dans mon organisme. Ah, les sales connes ! Elles vont m'empêcher d'assister à la tournée Replugged. Peut-être que je pourrai faire un festival d'été, voire deux ? Ce n'est pas sûr. Le chemin est encore long. Je suis dans ce qu'on appelle la phase de consolidation. J'ai fait une cure, il en reste trois. Chacune va durer huit semaines. J'ai fait le calcul, grosso modo, et toutes ces joyeusetés dureront jusqu'à juillet. Pendant tout ce temps, les grands rassemblements me sont interdits. La faute à mon système immunitaire défaillant. Et dire que j'avais acheté mon billet pour Amnéville il y a des mois de cela ! J'en avais même un pour ma fille Clara. Ça, c'était quand la vie était normale et sympa. Depuis, elle a basculé dans une autre dimension dont j'explore avec effroi les profondeurs. Un peu plus chaque jour. Impossible de ne pas penser à la maladie. Elle est omniprésente. Tout tourne autour d'elle. Je lui en veux follement car elle me prive de tout ce que j'aime. Notamment des concerts de Thiéfaine.
Alors, vous savez quoi ? J'aimerais beaucoup que vous me racontiez par le menu les concerts auxquels vous aurez la chance d'assister prochainement. Ce sera mon lot de consolation. Vous voulez bien ?
Moi qui, de ce point de vue, avais l'habitude de ne renoncer à aucune folie, me voilà devenue raisonnable par la force des choses. Comme je la hais, cette force des choses !
Je pense que le jour où il me sera donné d'assister de nouveau à un concert, quel qu'il soit, j'aurai l'impression de voler quelque chose à la vie. De lui faire les poches. Je crois qu'elle l'aura bien mérité !
09:27 | Lien permanent | Commentaires (32)
31/12/2022
Après une insomnie...
"Vie, mince pellicule. C'est très possible de se laisser tomber. De devenir gâteux. D'abandonner. Plus difficile de se tenir à la seule énergie qui fait la station verticale". Georges PERROS
Après sept semaines passées à l'hôpital (dont quatre en chambre stérile), je suis de retour à la maison. Le reste du traitement va se faire en ambulatoire. Car je n'ai pas encore terrassé la bête qui sévit en moi et a rendu mon sang complètement dingue...
Ce qui m'a aidée à surmonter cette période difficile ? D'abord une équipe médicale absolument merveilleuse. Ensuite, mes essentielles : l'écriture, la lecture et la musique. J'ai beaucoup écouté les chansons de Thiéfaine et me suis aperçue avec stupéfaction qu'elles parlaient assez souvent de sang. Exemples : « Wo ist das Blut ? Ich habe Durst », « J'ai mal aux globules », « Bientôt je ne serai plus qu'une vieille tache d'hémoglobine », « L'instituteur qui nous coursait sa blouse tachée de sang ». Et peut-être que j'en oublie. Si d'autres passages de ce genre vous viennent : à votre bon cœur !
Malheureusement, avec ma maladie, il est presque certain que je ne pourrai pas assister à beaucoup de concerts de la prochaine tournée. Éventuellement après juin. Pas sûr à cent pour cent. Mes semblables sont devenus de potentiels dangers pour moi, mon système immunitaire étant tout en vrac. Le moindre microbe, aussi riquiqui soit-il, pourrait, en m'atteignant, se révéler maous costaud. Donc, prudence.
Que cela ne m'empêche cependant pas de rêver. Cette nuit, à la faveur d'une insomnie, je me suis amusée à faire une liste des chansons que j'aimerais vraiment entendre sur la tournée Replugged ! Je vous livre ça comme ça, sans respecter la chronologie !
Voilà :
-Maalox Texas Blues : alors celle-là, sur scène, je sens qu'elle pourrait déchirer ! Je l'aime pour sa musique, je l'aime pour « le vent joue de l'harmonica », somptueuse image on ne peut plus juste,
-Mathématiques souterraines : incroyable comme cette chanson m'accompagne. Dans la solitude de ma chambre d'hôpital, aux heures sombres, c'est elle qui venait me tendre ses « ascenseurs au fond des précipices » et me murmurer « ne lâche rien, laisse allumé »,
-Redescente climatisée,
-Whiskeuses images again,
-Nyctalopus airline,
-De l'art, de l'amour ou du cochon ?
-Villes natales et frenchitude,
-Portrait de femme en 1922,
-Roots & déroutes + croisement,
-En remontant le fleuve,
-Nuits blanches,
-L'idiot qu'on a toujours été,
-Combien de jours encore.
Bon, et puisque je ne pourrai pas profiter pleinement de cette tournée à venir, je propose un « jamais deux sans trois » : une troisième tournée qui serait comme la synthèse des deux précédentes. Genre Re-Unplugged. Ou Un-Replugged, au choix ! Parce que même si mon sang déconne, mes veines restent traversées par les chansons d'HFT et en redemandent encore, encore, encore !
10:30 | Lien permanent | Commentaires (33)
15/11/2022
Chambre 52 et des poussières...
"La lutte d'un être vivant pour ne pas mourir le fait inévitablement souffrir". Jim HARRISON
Ce matin, une furieuse envie d'écouter Thiéfaine, entre deux pages de Jim Harrison. Il est bon, voire indispensable, de se créer des compagnons d'infortune, n'est-ce pas ? Et je dois dire que vous aussi vous occupez cette place actuellement. Le moindre petit commentaire, style hiéroglyphe à la Doc (... /...), m'est embellie pulmonaire et plus encore. Je vous remercie, vous êtes ce que j'ai toujours imaginé : des êtres beaux et lumineux qui avez, de surcroît, la générosité et l'élégance de faire retomber en pluie, partout autour de vous, votre incandescence.
Oui, donc, une furieuse envie d'écouter Thiéfaine en ces moments difficiles. Parce que ce serait quand même con que le sieur jurassien, m'accompagnant depuis trente ans, me lâche sur ce coup-là ! Plus que tout autre, il sait dire ce qui chez moi se heurte à un silence impuissant ! Qu'il soit remercié lui aussi, pour tout cela et bien plus encore !
Alors, ce matin, Animal en quarantaine, furieusement et à tue-tête. Si Hubert s'est souvent fait le chantre du nihilisme, il peut aussi (et ce n'est pas incompatible, si l'on en croit Camus et son "Il n'y a pas d'amour de vivre sans désespoir de vivre") se montrer résolument tourné vers la vie. Refusant de plonger du côté sombre, là où il n'y aurait que précipices sans ascenseurs. Faisant son possible pour ne pas croquer trop vite la "face cachée de la nuit".
Il y a trente ans, je sentis tout cela dans les chansons de Thiéfaine : l'envie d'en découdre avec la vie et, parfois, l'envie d'en finir avec la vie... Ça tombait bien : je nageais dans le même bordel, les mêmes eaux troubles troublantes !
Aujourd'hui, puisque mon heure est grave, mais pas encore venue j'espère, je voudrais chanter comme une malade, perf en main et Hubert dans les poumons : "Exigeons l'immortalité et refusons de retourner peu à peu vers la face cachée de la nuit". Ce serait un peu comme un "J'voudrais pas crever" façon Boris Vian, que ma fille Clara appelait, il y a bien longtemps, Brownie Viande ! Bref... Comme une rageuse envie de ne pas me viander trop vite !!!
09:24 | Lien permanent | Commentaires (51)
04/11/2022
Des paillettes dans nos vies !
"Il faudrait bénir tous les moments où je n'ai pas peur". Brigitte FONTAINE
Laissez venir à moi ce joli novembre tout bourdonnant d'étincelles. Dieu sait pourtant si je déteste ce mois-là. C'est peut-être dû au sang partiellement breton qui coule dans mes veines. Mon père disait toujours que par chez lui, là-bas, en Bretagne, on affublait novembre et décembre d'un qualificatif de suie : c'étaient les mois noirs. Et, habituellement, je ne déroge pas à la tradition familiale qui veut que l'automne et l'hiver soient beurk, pas beaux du tout, grosse déprime suintante dont seul le printemps saura nous délivrer. Mais là, mais là... C'est un mois de novembre qui devrait avoir fière allure, sauf obstacles imprévus. Oui, oui, toujours compter avec une possible guigne fait partie de mes grands principes de précaution. Comme ça, quand aucun accident ne se met en travers de ma route, je biche quinze fois plus qu'une personne dotée d'un optimisme à toute épreuve : ouf, me dis-je, voilà quelques catastrophes évitées avec brio. Et quand un aléa ou plusieurs viennent paver la route, alors là vous me voyez presque triomphante, chantant partout : « Je le savais bien ». Ce n'est pas tous les jours facile de vivre en société quand on a un peu d'imagination, certes. Cela l'est encore moins quand on a beaucoup de pessimisme à revendre ! Combien ça vaut, le pessimisme à revendre, sur le marché actuel, flingué par l'inflation ? Je devrais peut-être essayer de me lancer dans le commerce ! En plus, ça débarrasserait la maison, que toutes ces sombres obsessions encombrent...
Mais non, stop aux alarmes qui retentissent sans raison alors que notre brave sœur Anne ne voit rien venir, hormis du bon. Car, en vérité, je vous le dis, ce mois de novembre sera thiéfainien à en faire exploser le calendrier de l'Avent ou … ne sera pas ! Tu vas voir comme je vais te fêter l'armistice la semaine prochaine, moi : à grand renfort de folie ! D'abord, il y aura Meisenthal. Oh, le nom mignon aux consonances délicieusement germaniques ! « Meise », en allemand, c'est la mésange. « Tal » (sans « h »), c'est la vallée. Donc, c'est dans la vallée aux mésanges que j'irai écouter mon bien-aimé Hubert le soir du 11 novembre. Tout le monde ne peut pas en dire autant ! Le lendemain, cap sur la Haute-Marne, ce sera Saint-Dizier ! Je me vois déjà clouée au lit le dimanche matin, en proie à une redescente sans freins et toute de cendres. Mais non, stop aux anticipations de pacotille qui ne riment à rien. En plus, même en cas de redescente un peu tragiquement mal négociée, il ne faudra pas oublier que dix jours plus tard, je serai enveloppée d'autres tendresses : celles que voudra bien me prodiguer le concert au Casino de Paris. Vous savez, celui auquel j'ai failli renoncer. Heureusement que la clairvoyance de ma fille Louise a su voir plus loin que le bout de mes appréhensions !
Oui, c'est un mois merveilleusement thiéfainien qui s'annonce. Il faudra bien ça pour boucler cette tournée Unplugged qui a mis tellement de paillettes dans nos vies, à la manière d'un Kévin qui ne serait pas un loser, mais un vrai mec distribuant à gogo des sachets de rêve. Surtout, pas de tristesse quand les lumières s'éteindront, même au Casino de Paris : quatre petits mois plus tard, en ce qui me concerne en tout cas, ce sera Replugged au Galaxie d'Amnéville. Je ne sais pas pour vous, mais moi j'aime bien quand Hubert nous gâte comme ça. La vie est alors ce qu'elle devrait toujours être : une pluie de confettis. Et de paillettes. T'as compris, Kévin ?!
Bientôt, je me mettrai à rêver aux titres que j'aimerais entendre sur la nouvelle tournée. Et je vous demanderai ce qu'il en est de votre côté. On pourra s'adonner les yeux ouverts à de splendides visions oniriques. Bref, on va encore bien s'éclater !
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