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20/03/2022

Méthode de dissection d'un concert d'HFT : où se mêlent subtilement l'avant, le pendant et l'après !

"Es geht in jedem Augenblick etwas verloren". Robert SEETHALER

 

Un concert d'Hubert, c'est un ensemble tissé de trois moments distincts : avant, pendant et après.

L'avant, c'est généralement celui qui dure le plus longtemps. Ça démarre avec l'acquisition d'un billet qui a des allures de Saint Graal. Loin de n'être qu'un vulgaire bout de papier, le billet en question est une promesse. On peut, si l'on est un peu trouillard, méfiant, superstitieux, planquer la belle promesse dans un endroit dont on ne dira rien à personne (dans ces cas-là, il n'existe plus d'amis, plus de famille, plus un être digne de confiance ici-bas, je vous le dis comme je le vis). C'est qu'on en deviendrait totalement parano. Dernièrement, lors d'une vague de cambriolages qui a durement frappé le secteur dans lequel je vis, je me trimbalais avec pas moins de cinq billets de concert dans mon sac à main. Pure folie, n'est-ce pas ? Qui sait si, en voulant ainsi protéger jalousement mon doux trésor, je ne l'ai pas exposé à encore plus de risques ?! Maintenant, les promesses de papier sont cachées dans un lieu secret. « Que rigoureusement ma mère m'a défendue de nommer ici »... Je me demande quand même, soit dit en passant, s'il ne serait pas judicieux d'investir dans un coffre-fort !

Donc, cet avant, c'est la douceur même. Tu regardes ton billet et déjà les étoiles te dégoulinent droit dans les yeux. Tu imagines les chansons qu'HFT va te susurrer à l'oreille le grand soir. Tu rêves. Les jours qui précèdent, tu es dans un état qui confine, diront certains, à la démence. Tu fais tout pour te tenir à l'écart des possibles microbes qui auraient la faculté de venir brouiller ton bonheur. Ben oui, quoi, un mauvais rhume, une vilaine grippe, ou que sais-je encore, c'est le gâchis assuré. Et gâcher, dans ces moments-là, c'est sacrilège et c'est malédiction. Ensuite, il y a en toi cette euphorie grandissante que parfois, dans ton entourage le plus proche, on regarde d'un drôle d'air, de ce drôle d'air qui hésite entre la pitié et l'inquiétude. Ça y est, madame a de nouveau ses vapeurs... Ben oui, c'est l'effet magique d'HFT, dont j'ai déjà parlé. Quelques heures avant le concert, c'est un bouillonnement indescriptible qui renverse absolument toutes tes cellules. Où que tu sois, tu y es sans y être, la rétine déjà mangée par un ailleurs où se baladent, dans un décor abstrait, des dragons écarlates, d'inusables Lorelei, des cinglés sublimes, et j'en passe parce qu'ils sont légion, les bizarroïdes qui traversent l'œuvre de Thiéfaine...

Le mieux, dans ces moments-là, c'est de se rendre dès que possible sur le lieu du délice. Allez, huit heures avant le concert, voilà qui me paraît raisonnable, une panne est si vite arrivée. Faire la queue sans en avoir sa claque, c'est encore l'effet magique d'HFT. Rôder sur des parkings de misère, regarder, de loin ou de près, des gens siroter des bières et les entendre hurler sur la musique qui s'évade joyeusement d'une chignole à la tôle défraîchie. Se dire qu'on préfère, pour sa part, la sobriété. Dans un premier temps, en tout cas. Dans un deuxième temps, c'est HFT en personne qui viendra instiller l'ivresse dans nos veines. « Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse » : pas si sûr ! Moi, ce que je veux et exige, c'est l'ébriété de la plus noble  espèce, celle que seuls peuvent offrir en grande pompe les mots arrosés d'une musique et d'une voix qui se mettent divinement à leur service.

L'avant a ma préférence. C'est peut-être parce que j'ai lu trop tôt Maupassant et son « c'était fini d'attendre ». Adolescente, déjà, j'avais bloqué sur cette phrase. Elle me racontait avec une précision remarquable ce que j'étais : celle qui redoutait déjà le moment où l'attente prendrait fin. Car qui dit fin de l'attente dit aussi, quelque part, déjà, fin tout court. Ton concert d'HFT, tu l'espères pendant des mois, voire parfois des années, il te secoue avant même d'avoir eu lieu, et puis voilà que d'un seul coup tout devrait s'arrêter ? Les premières notes de musique qui se répandent dans la salle sont aussi celles qui conduiront vers les toutes dernières. C'est une loi immuable, malheureusement : tout ce qui commence court vers son terme.

Alors, quand le pendant palpite en nous et autour de nous, se dire : « Je n'ai pas le droit d'en perdre une miette ». C'est une enfilade d'instants qui ne tolère aucune inattention. Il faut être là à cent pour cent. Pas un pied ici et le regard ailleurs, non. Tout doit être enraciné ici et nulle part ailleurs. Il est même bon d'essayer de croire, dans ces moments-là, que le présent a l'éternel chevillé aux entournures. Carpe diem n'a jamais été aussi vrai.

Et, malheureusement encore, Carpe diem n'a jamais été aussi vain et déchirant. Sans prévenir, soudain, l'après est là, avec ses gros sabots boueux. Les lumières se rallument. Quelque part, derrière la scène, des coulisses accueillent des sueurs, des émotions, des étincelles qui vont s'éteindre. Voilà, c'est fini. En trois fois rien de temps, le temps est passé, comme un con incapable du moindre égard.

Au fond de toi, tu ranges ta belle attente, elle est morte, adieu. Tu peux aussi tourner la page du pendant, c'est tout pareil, il est mort, adieu, cloué dans un passé qui ne reviendra plus.

Alors, alors, commence l'après, celui où tu croises, dans un hall aseptisé, des attentes qui ont cessé d'être, des dingues et des paumés qui se retrouvent aussi démunis que toi. Une soudaine tendresse vous unit, même si dans la vraie vie, tout vous éloigne peut-être. Pour l'heure, il y a cet élan magique qui fait communier vos âmes. La quête que tu crois voir dans leurs yeux, c'est aussi la tienne. Celle qui se tend déjà vers l'avant d'un autre concert...

27/02/2022

"Signalement : yeux bleus, cheveux châtains" : Jane Birkin était au centre culturel Jean Lhôte, à Neuves-Maisons, hier soir !

"Croire aux cieux

croire aux dieux 

même quand tout nous semble odieux". Serge GAINSBOURG

 

Alors ça, pour une entrée en matière, c'est une entrée en matière : une version instrumentale (et raccourcie) de Je t'aime … moi non plus, nous plongeant d'emblée dans les grandes heures du tandem Gainsbourg-Birkin, celui-là même que je découvris quelques années avant HFT et qui sculpta tout autant ma vie d'adolescente. Deuxième chanson, sur la même lancée « héroïque » : Jane B.

Jane B., justement : c'est elle, cette femme de 75 ans, ayant récemment traversé plusieurs tempêtes, mais là, devant nous, debout, vaille que vaille. Durant tout le concert, elle s'appuiera sur un tabouret. Symbole émouvant d'une fragilité qui semble lui être venue comme ça, sans prévenir. Fragilité qu'elle est bien décidée à combattre pour ne donner que le meilleur d'elle-même. À côté de moi, une chaise vide. Symbole d'une absence étouffante, inguérissable, celle de ma mère. Sur la route qui me menait de chez moi à Neuves-Maisons hier soir (une heure de trajet), j'ai eu le temps de repasser le film dans ma tête. Birkin, ce serait comme le cordon ombilical qui me relierait à ma mère par-delà la mort. Birkin, nous l'avons vue plusieurs fois ensemble, nous l'avons aimée, nous avons forgé de solides souvenirs autour de sa personne. J'en garde un en particulier, comme une couverture chauffante sur la glace de l'absence : Sarreguemines, 1997 ou 1998, je ne sais plus très bien. Nous sommes là, à un concert de Jane, au premier rang. À un moment, les lumières s'allument dans la salle et Jane scrute quelques visages. Elle nous regarde, ma mère et moi, et nous dit tout en nous faisant un joli clin d'œil : « Moi aussi, je suis venue avec ma mère aujourd'hui, elle est dans le public ». Moment de grâce où j'ai été reconnue comme la fille de ma mère ! Il faut dire qu'il n'y avait pas de doute possible tant la ressemblance était (et est encore, paraît-il) frappante.

Je reviens au trajet d'hier soir. J'écoute le dernier album, ainsi que celui intitulé Enfants d'hiver (que j'adore). Je repasse en boucle les souvenirs : ma mère chantant à tue-tête Quoi ou L'anamour, sa chanson adorée. Et puis ma mère ne chantant plus. Emportée prématurément par un Accident Vraiment Con. Et surtout irrémédiable, imposant à ma vie sa loi dégueulasse, belliqueuse, sordide. Des années à traverser le désert, entre effroi et révolte. Pour les 61 ans de ma mère (que nous aurions dû fêter en mai 2009), j'avais tout prévu : je devais lui offrir une place pour un concert de Birkin. Mais ma mère mourut quelques mois plus tôt, creusant dans plusieurs existences un trou béant, géant. Le concert de Birkin, en mai 2009, je décidai d'y aller quand même, seule. Tout comme je décidai d'assister à tous ceux qui suivraient dans la région. J'en ai fait un paquet. Birkin est restée ce lien indéfectible entre ma mère et moi.

Donc, le concert d'hier, il était normal que j'y aille. Question de respect des traditions, pèlerinage. La soirée fut magique. Il y en avait pour tous les goûts : des chansons récentes, extraites du dernier album (ce pur joyau où Jane se raconte sans fard, tantôt en amoureuse déboussolée, tantôt en mère endeuillée), et des chansons anciennes. Un hommage inattendu à l'album Histoire de Melody Nelson, un de mes préférés de Gainsbourg. Des morceaux indétrônables, inaltérables : Quoi, Les dessous chics, Ex-fan des sixties, Di Doo Dah, Baby alone in Babylone, Ballade de Johny Jane (avec une construction géniale : un rythme lent au début, le tout prenant une accélération soudaine, négociant à la perfection les virages du « camion à benne »). Et puis Fuir le bonheur de peur qu'il ne se sauve. Une chanson dont le titre est presque un traité de philosophie. Dont le message « croire aux cieux, croire aux dieux, même quand tout nous semble odieux » m'accompagne depuis si longtemps, avec toute la maladresse et les entorses à la règle dont je suis capable. Parfois, non, moi je n'y crois plus, ni aux cieux, ni aux dieux.

Je pensais que le concert s'ouvrirait sur Les jeux interdits, ma chanson favorite du dernier album, mais non : celle-là, nous l'avons eue vers la fin, et c'était très bien comme ça. Les lalala-lalala du refrain ont réuni Jane, ses musiciens et le public en une belle osmose dont on aurait voulu qu'elle ne s'arrête jamais. C'était comme une bulle de tendresse dans un monde qui sue de brutalité. On avait envie d'en redemander, tout en n'osant pas trop. Jane était fatiguée. Qu'aurait-elle pu nous donner de plus, elle qui venait de tout donner ? Les élans de générosité, c'est sa marque de fabrique.

Dans le hall du centre culturel, après le concert, je rejoins quelques acharnés qui attendent que Jane vienne faire une séance de dédicaces. Mais l'espoir est vite déçu : un membre de l'équipe vient nous dire qu'elle est trop fatiguée et qu'elle renonce. Laissons-la repartir, ce n'est pas grave. Nous ne risquons pas de nous sentir floués : un miracle vient de se produire. Jane B., 75 ans, certes fragile, mais là, debout, vaille que vaille, et allumant par milliers des étoiles dans des « yeux fiévreux »...

 

02/02/2022

Après le Grand Rex, une rencontre...

Entre samedi soir et dimanche matin...

Je m'apprête à m'asseoir à une table du Marie Belle. Je rejoins un groupe constitué du Doc, de Sam, de 655321, de Karine et de mes deux filles.

Derrière cette même table, un couple. La cinquantaine, peut-être, je ne sais pas. La passion efface toute trace d'âge, me semble-t-il. Elle gomme les rides, elle offre un lifting gratos à qui ose s'y adonner.

Je dois leur demander s'ils veulent bien, tous les deux, me laisser prendre la chaise qu'ils n'occupent pas. Elle me regarde alors avec un merveilleux sourire : « Allez-y, surtout que je vois que vous avez un sac Thiéfaine ». Plus d'une fois, j'ai eu l'occasion de remarquer qu'HFT, ça crée des liens ! Quand j'ose porter un de mes tee-shirts à l'effigie du monsieur (oui, je prends mille précautions avec ces vêtements-là : il ne faut pas les mettre trop souvent, ça les use), il m'arrive toujours des choses agréables. « Tout à coup, un inconnu vous offre des fleurs », comme dans la pub Impulse qui commence à vachement dater ! Mais il faut dire que mes artères, elles aussi, commencent à vachement dater !!! Pour en revenir à la pub : jamais on ne m'a offert des fleurs après avoir vu sur moi une étoffe marquée du sceau magique, mais tout de même, ça ne laisse pas indifférent. D'ailleurs, quand je m'emmerde un peu dans l'existence, je devrais arpenter les rues d'une ville en arborant mon corbeau ou mon « scandale mélancolique » et voir un peu ce qui arriverait à mon ennui. Idée à retenir !

Bref... Donc, elle a vu mon sac (fraîchement acheté au Grand Rex). Et c'est cela qui me vaut, d'emblée, sa sympathie. Ils sont beaux, tous les deux, ils me plaisent. Ils ont l'air d'être transportés par quelque chose qui les dépasse. Et pour cause ! Ils ont, eux aussi, assisté au concert, et ils en sont sortis éblouis. Ça, c'est l'effet magique, non pas d'Impulse, qui date trop désormais, mais d'Hubert, je vous le dis tout net car je le pense tout net aussi. Voilà. Ils sont subjugués, enchantés, charmés. C'est la première fois qu'ils voyaient Thiéfaine. Et sûrement pas la dernière, s'empresse-t-il (ou t-elle, je ne sais plus) d'ajouter. Elle me dit qu'elle a découvert le chanteur jurassien comme ceci : dans le métro, elle a vu des affiches annonçant les dates parisiennes. Elle s'est dit : « Tiens, Hubert-Félix Thiéfaine, je ne connais pas, c'est intriguant ». Elle est rentrée chez elle et en a parlé à son mari. Ils se sont un peu renseignés et ont décidé de se lancer : le 29 janvier, ce concert au Grand Rex, ce serait leur sortie du soir. Ils ne sont pas déçus. Ils sont tout sauf déçus. Je dirais même qu'ils sont chamboulés. Lui, il est bien décidé à se plonger à corps perdu dans l'œuvre dont il vient d'effleurer quelques strates. « Je sens qu'il y a du texte et que cela mérite qu'on s'y attarde ». À qui le dites-vous, mon bon monsieur ! Je suis moi-même tombée dans la marmite il y a presque trente ans et je n'ai jamais réussi à en décoller. L'élixir qui bouillonne dans ladite marmite, c'est ma drogue, et j'en ai besoin sous toutes les formes : en perfusion, en infusion, en intra- et en extraveineuse, tiens, même si ça n'existe pas (surtout si ça n'existe pas ) !

Ils m'invitent à parler de ma passion, ils sont assez sidérés en apprenant que j'ai vu mon hurluberlu d'Hubert environ cinquante fois. Oui, je sais, je suis bizarre, mais je ne suis pas la seule, rassurez-vous. Nous sommes quelques dingues de la même espèce, à n'en avoir jamais assez !

Qui dit m'inviter à parler de ma passion pour HFT dit prendre d'énormes risques. Car, à un moment ou à un autre, il faudra essayer de me débrancher, et ce ne sera pas une mince affaire. D'aucuns y ont perdu la foi !

Alors je leur raconte tout ce que je peux raconter parce que visiblement, ça les intéresse. Je raconte d'abord les rendez-vous manqués parce qu'ils me font bien marrer aujourd'hui. Mon prof de maths de troisième me prêtant deux CD de Thiéfaine et se voyant dans l'obligation de les récupérer le lendemain. « Désolée, mais je n'ai vraiment pas aimé ». Oui, c'est bien moi qui ai prononcé cette phrase qui m'apparaît aujourd'hui comme une blague ! Ma copine de lycée me mettant entre les mains les paroles de Demain les kids et se voyant, elle aussi, dans l'obligation de les récupérer dans la foulée. « Ok, le texte est beau, mais je n'ai pas envie d'aller plus loin ». Oui, c'est bien moi qui ai prononcé cette absurdité ! La meuf trop sûre de son coup, genre « non, Hubert-Félix Thiéfaine, très peu pour moi, vraiment » ! Tout cela pour se retrouver dans la marmite un an plus tard. La tête à l'envers. Le cœur en révolution absolue à cause d'un vers, celui-ci : « Tu voudrais qu'il y ait des ascenseurs au fond des précipices ». Il y a comme ça des mots destinés à changer le cours de votre existence entière.

Je leur raconte ensuite l'addiction, comme une camée même pas repentie. Oui, j'ai eu d'un coup envie de voir Thiéfaine un maximum de fois, à Paris, en province, partout où je pouvais. M'autorisant un rayon assez large, 500 bornes environ. Mettant de côté l'argent nécessaire pour les trajets, les hôtels, les billets de concert. Il faut ce qu'il faut !

Je suis là, dans un café, à parler fiévreusement avec deux inconnus. J'ai l'impression d'être une curiosité et j'avoue que l'ego étant ce qu'il est, cela ne me déplaît pas. Et puis, je suis sous le charme : ils sont tellement beaux, tous les deux, dans la séduction qui vient de leur tomber dessus. J'ai envie de les entraîner dans la marmite. Mais je crois que je n'aurai aucun effort à faire, ils y sont déjà plongés jusqu'au cou.

Mes filles, non loin de là, commencent à fatiguer. Et merde, qui a 48 ans, dans cette histoire ? Et qui en a 13 et qui en a 16 ? C'est le monde à l'envers : les voilà qui me supplient en chœur, il est tard, elles veulent rentrer à l'hôtel. Les mômes, ça comprend jamais rien aux passions des parents !

Je quitte à regret le petit couple si sympathique. Je leur demanderais bien leur numéro, mais je n'ose pas. 655321 leur parle de mon blog, chose que personnellement, malgré l'ego, je n'aurais jamais faite. Ils notent l'adresse. Ils disent qu'ils viendront faire un tour. Et je rentre à l'hôtel, pressée par deux gamines qui ne tiennent pas le coup dans les soirées. Enfin, ça dépend de quelles soirées. Parce que quand c'est avec leurs potes, elles ne sont pas du genre à réclamer leur paddock ! Et me revient une anecdote en écrivant ce mot, « paddock ». Louise a six ans, elle vient de découvrir Renaud. Elle en est folle. Un jour, elle me demande si je sais ce qu'est un paddock. Parce qu'elle, elle sait. « C'est un lit », me précise-t-elle, toute fière. Elle l'a appris grâce à Renaud. Ma petite fille... Treize ans aujourd'hui et même pas foutue de faire plaisir à sa mère quand celle-ci demande juste d'aller au bout de la nuit, « encore plus loin, ailleurs », comme dans la chanson d'Hubert.

Donc, je les ai quittés, mes deux merveilleux, si beaux dans l'enchantement qui venait de les visiter. Je ne connais même pas leurs prénoms. Ils ont dit qu'ils viendraient faire un tour sur mon blog. Depuis, je les attends...

Grand Rex, deuxième billet !

"Le souvenir du bonheur n'est bénéfique que lorsque celui qui se souvient est encore heureux. Dans le malheur il n'est pas une consolation ou un refuge, mais la brûlure d'un regret sans espoir". Claude ROY

 

Arriver dans ma salle de classe et sentir que les idées fusent dans ma tête pour un deuxième billet consacré au concert du Grand Rex. Purée, c'est tout moi, ça. Et un des petits drames de ma vie : devoir régulièrement refouler mes désirs d'écriture au profit de tout le reste. Bref...

Hier, après avoir publié ici un premier billet sur le concert de samedi soir, j'ai dû partir bosser et me presser un peu ! Juste avant d'accueillir mes élèves, j'ai griffonné sur une feuille les idées qui m'étaient venues dans la voiture, sur le trajet domicile-boulot ! Envie soudaine d'écrire un truc plus enflammé que ce que je venais de déposer sur le Cabaret. Un truc débordant de gratitude, dégoulinant même si besoin ! C'est qu'Hubert et son équipe le valent bien, bon sang !

D'abord, je dois dire que je suis reconnaissante à la chance qui, m'ayant lâchée durant tout le mois de janvier, a fini par me repêcher de justesse quelques jours avant le concert. C'était inespéré. Et nécessaire. Ayant quelques soucis de santé, je reste persuadée que les concerts de Thiéfaine me sont plus que jamais force vitale ! Il a raison, Hubert : face aux vicissitudes de l'existence, face à tous ces machins qui nous malmènent rien que, semble-t-il, pour tester notre capacité de résistance, il faut des rêves solides. Des points d'ancrage, des balises dans l'obscurité. Depuis trente ans, l'une de mes balises (n'ayant jamais connu une seule mutation), c'est justement ma passion pour l'œuvre d'HFT. Jamais je n'aurais imaginé, au moment où elle prit naissance en septembre 1992, qu'elle m'accompagnerait si loin dans ma vie. Je pense même pouvoir dire qu'elle ne partira qu'avec la bonne femme, comme disait ma mère à propos de certains de ses défauts ! Il y a trente ans, un ascenseur soudain apparu dans la fange noirâtre d'un précipice venait littéralement me sauver. J'étais totalement paumée, l'existence me gênait aux entournures. Je la trouvais toujours trop étroite, trop pas comme je l'avais voulue. Et donc, inopinément, cet ascenseur nommé Thiéfaine. Et ces chansons qui me parlaient d'un mal-être existentiel qui avait quelques points communs avec le mien... L'œuvre tout entière (déjà conséquente à l'époque) me prouvait du même coup qu'on pouvait se réparer par l'art. Sublimer sa déréliction en l'emmenant se faire voir ailleurs ! Là encore, je ne peux être que reconnaissante.

Retour sur samedi soir. Tout de même, nous sommes gâtés avec cette setlist qui nous permet une belle navigation dans l'œuvre d'HFT. La queue est sans doute le morceau le plus inattendu sur cette tournée. Évadné a raison : de nombreuses chansons entrent en résonance avec notre drôle d'époque. Merci à Hubert, encore une fois, merci de nous rappeler une chose que la même drôle d'époque (ou plutôt ceux qui la peuplent) a tendance à oublier : nous sommes tous cousus dans la même étoffe. « De race humaine, de nationalité terrienne ». Joie de retrouver une intelligence qui ne reste pas figée au sol, qui voit plus grand que ses « villes natales et frenchitude » !

Joie, également, de voir les musiciens se donner à fond sur scène. Ils passent tous allègrement d'un instrument à un autre, insufflant à chaque fois un peu de leur âme à tout ce qu'ils touchent. À ce niveau-là, c'est plus que de la maîtrise, c'est de la magie ! Et la voix et les mots d'Hubert là-dessus. Le rendez-vous de la parfaite osmose !

Après avoir quitté le Grand Rex, je suis allée rejoindre Seb et deux de ses amis à la terrasse d'un café, le Marie Belle. Plaisir de partager des impressions sur ce que nous venions de vivre, sur le dernier album, sur l'ensemble de la carrière d'HFT. Pour moi, ces moments-là sont tout aussi importants que les concerts. Ils font partie du truc. J'ai dit plus d'une fois combien j'aimais zoner devant les salles de spectacle bien avant qu'elles ne s'animent. Et après aussi. D'ailleurs, il faut absolument que je revienne sur la rencontre que j'ai faite vers une heure de matin : ce couple qui venait de découvrir Thiéfaine et en avait des étoiles plein les yeux et plein la bouche ! J'attends le bon moment pour pondre le billet qui tentera de leur rendre hommage.

Pour en revenir au dernier album, celui qui fâche certains, celui qui ravit les autres, bref celui qui ne laisse personne indifférent : là aussi, nous ne devrions être, à mon avis, que reconnaissance. Thiéfaine nous a offert ici un sacré coup d'audace. Coup de maître à mes yeux. Punaise, réjouissons-nous, bordel : ce n'est pas donné à tous les artistes de se renouveler de fond en comble après plus de quarante ans de carrière ! C'est marrant, ce qui m'est arrivé avec Géographie du vide. C'est un album qui m'a d'abord totalement désarçonnée. Première écoute déstabilisante. Mais ça a fait comme avec la clope quand j'avais onze ans : ayant pris une première Marlboro, j'avais d'abord senti ma tête tourner. C'était un écœurement et pas l'enchantement espéré. Je me suis dit que ce n'était pas possible, une déception pareille. J'ai rallumé une cibiche dans la foulée, et celle-là fut bonne. Voilà comment je me suis créé alors une addiction dont je ne devais me défaire que bien des années plus tard. Pour Géographie du vide, ce fut un peu le même topo : pas d'écœurement, bien sûr, mais un immense étonnement dont je ne savais que penser. Je me suis dit que je ne pouvais pas en rester là. J'ai de nouveau appuyé sur « play ». Et là, une claque. J'adoptai d'emblée tous les morceaux, même La fin du roman que j'avais d'abord jugée insipide. N'importe quoi ! Ça m'apprendra à fermer ma gueule au lieu de l'ouvrir prématurément ! Désormais, Géographie du vide m'est nécessaire, totalement. Je ne peux pas passer une semaine sans l'écouter !

 

Bon, ben, voilà encore un billet qui prouve que quand il s'agit d'HFT, je ne suis pas vraiment la reine de l'objectivité !!!

 

 

01/02/2022

Grand Rex, grand rêve !

"Espérons. Nous n'avons pas le choix". Simone DE BEAUVOIR.

 

Sur scène, l'éclat d'un certain nombre d'instruments de musique. Dans la salle, des décors un peu oniriques et un plafond imitant un ciel étoilé. Des sièges moelleux. Sur ces mêmes sièges, des gens masqués. C'est donc dans les yeux qu'il faudra aller cueillir les étincelles. Me voilà plutôt bien placée : orchestre, H23. Huitième rangée, donc. Enfin prête pour un délicieux embarquement dont j'ai bien cru que le guignon de janvier allait me priver. J'ai eu chaud. À un moment donné, quand même, je voyais le Grand Rex s'éloigner de plus en plus, comme un Eldorado vertigineusement inaccessible. Ce n'est que lundi dernier que mon médecin m'a déclarée apte à reprendre le travail. Dans la foulée, je me suis moi-même déclarée apte à me rendre à Paris ! De justesse, vraiment ! Jamais je n'avais eu aussi peur de devoir renoncer à un concert !

Armand Méliès ouvre le bal. Vous m'excuserez si je ne dis pas grand-chose de sa prestation. Il ne faut pas m'en vouloir, mais les premières parties d'HFT ne trouvent en général que très peu de grâce à mes yeux. C'est que j'ai déjà l'esprit tout entier tourné vers le graal, celui que j'attends depuis de longs mois. Je piaffe, je m'impatiente (au fond des starting-blocks), je trépigne. Ça y est, il est presque l'heure, Méliès s'en va. Je lui reconnais du talent, de beaux textes et une jolie voix, mais j'ai prêté une oreille distraite à ses chansons, sorry. Il faudra que je me penche plus sérieusement sur son œuvre, seule chez moi, sans Thiéfaine pour lui faire de l'ombre !

Ça s'agite et s'affaire sur la scène. Les instruments n'attendent plus que les âmes enflammées et les mains habiles qui les ramèneront à la vie. Autour de moi, des voix réclament Hubert, à cor et à cri. Ce qu'on est bien entre gens qui se comprennent ! Et les voilà, nos enchanteurs, arrivant un à un, je ne sais plus dans quel ordre. Lucas Thiéfaine, Frédéric Gastard, Christopher Board, Jean-François Assy. Et lui, last but not least : Hubert, auréolé comme toujours du charisme qui le caractérise. Je souris sous mon masque, je frissonne dans ma carcasse et même, avouons-le, je tremble un peu. Tellement heureuse d'être là, moi qui ai cru, j'insiste, que ce Grand Rex garderait à jamais des allures de grand rêve inatteignable. Une entrée sur La ruelle des morts. C'est assez inattendu. Pour moi, en tout cas. J'avais imaginé Page noire ou encore Du soleil dans ma rue, mais va pour La ruelle des morts, c'est très bien ! Auparavant, HFT nous a mis au parfum : pas de grands discours, nous y aurons droit plus que de raison dans les mois qui viennent (ah oui, c'est vrai, merde, j'avais oublié). Place à la musique, c'est très bien ! Et donc, oui, La ruelle des morts, que j'ai toujours aimée pour la force des images qu'elle véhicule. Les bidons en fer blanc dans l'odeur des soirs de juillet, j'ai bien connu, moi aussi, dans le petit village lorrain où s'ennuyait mon enfance. Le bourdon qui résonne au clocher de la nostalgie, j'en suis une habituée ! Les deuils qui se ramassent à la pelle ? Impression de déjà-vu là aussi. Dès le début du concert, je craque pour les arrangements subtils qui ont été choisis. La ruelle des morts s'étire plus lentement que d'habitude, et c'est beau.

Nous voilà en balade dans le répertoire de Thiéfaine. Passant d'une période à une autre, d'une ambiance à une autre. Pas un temps mort, pas un accroc dans la grâce absolue qui préside à l'ensemble. Je suis tout aussi ravie d'entendre les chansons du dernier album que celles qui remontent au siècle dernier. Les merveilleuses surprises du siècle dernier à mes yeux ? 542 lunes et sept jours environ (et je note qu'en ce soir de Grand Rex Hubert prononce parfaitement tous les « e » finaux de « meine kleine Mutter, mehr Licht » !), Ad orgasmum aeternum, Juste une valse noire, La ballade d'Abdallah Geronimo Cohen (avec de superbes orchestrations), Pulque mescal y tequila, La queue (alors celle-là, l'avoir en concert, quel pied !), Animal en quarantaine et Vendôme Gardenal Snack, la majestueuse. Les merveilleuses surprises datant d'une époque moins lointaine ? Petit matin, toujours aussi renversante, un effondrement mis en chanson (et quelle chanson !) et les morceaux tirés du dernier album. Pour lequel je tiens à réitérer mon engouement. Il a suffi de deux écoutes pour que je sois archi conquise ! Géographie du vide (ça ne va peut-être pas plaire à tout le monde, mais je m'en moque), c'est une œuvre que je situe, dans ma cartographie personnelle, à quelques minuscules encablures d'Alambic ou de Soleil cherche futur. Avant d'interpréter La fin du roman, Hubert évoque les Victoires de la musique à venir* et envoie un léger coup de griffe à ceux qui ont dit, de manière un peu lourdingue parfois, qu'ils n'aimaient pas le dernier album. Figurez-vous que j'ai rêvé de ce truc cette nuit, ça a dû me marquer ! Je me retrouvais à papoter avec Hubert (c'est sûr, c'est tout à fait mon genre, cela m'arrive quotidiennement !) et il me disait que cette fois, contrairement à son habitude, il avait épluché tous les réseaux sociaux afin de savoir ce qui s'y disait sur Géographie du vide. Ajoutant qu'il avait retenu point par point chaque commentaire incisif, chaque démontage de ses dernières chansons. Sincèrement, quelle mocheté, ces réseaux sociaux, quand ils servent à répandre de la boue. Qu'on n'aime pas tout dans le répertoire d'un artiste, voilà qui me semble assez normal, mais pourquoi donc aller déverser son fiel sur la toile ? Bref...

Autre petit coup de griffe, me semble-t-il, en direction de Voulzy cette fois. Vous savez, avant de chanter Lorelei, Hubert dit qu'il ne suffit pas de prononcer certains noms pour faire un tube, puis il précise que ce n'est pas dans une cathédrale qu'il a rencontré la femme qu'il va évoquer dans la chanson suivante. Sachant que Voulzy a désormais sa Loreley, lui aussi (avec, cependant, une différence dans la graphie) et qu'il a fait dernièrement une tournée des cathédrales, je me dis qu'il y a sans doute un lien. Dites-moi si je suis à côté de la plaque. À propos de Lorelei, tiens : j'ai trouvé que le saxophone lui conférait encore plus de lascivité. La sensualité poussée à l'extrême : un délice ! C'est dingue comme les instruments de musique peuvent faire passer les chansons d'un « costume » à un autre, pliant les mélodies à ce qu'ils veulent bien en faire. C'est leur volonté qui prime ! La tournée actuelle le montre bien. La musique, un art mineur ? Loin de là ! Plus que tout, j'aime les orgies qu'engendre la communion exacerbée de plusieurs instruments, quand ils s'emballent comme des barges !

Rien à dire de plus, je suis subjuguée. Encore portée par ce que j'ai vécu samedi soir. De quoi je rêve pour les mois à venir ? Eh bien d'une rebelote ! Je veux exactement la même chose en avril et en mai, à Vittel, à Bar-le-Duc, à Thionville et à Neuves-Maisons ! De quoi je rêve pour la tournée Replugged ? D'entendre tous les autres morceaux de Géographie du vide, tous, sans exception ! Et je rêve aussi, soyons fous, d'un petit Maalox Texas Blues s'offrant en cerise sur le gâteau !

 

 

* Géographie du vide est nommé dans la catégorie « album de l'année ».

19/01/2022

"En ma fin gît mon commencement"...

"Rien ne sert à celui qui possède un cœur fougueux que le monde extérieur lui offre paix et bonheur, sans cesse se créent en lui-même de nouveaux périls et de nouveaux malheurs". Stefan ZWEIG, Marie Stuart.

 

Dans une interview assez récente d'Hubert-Félix Thiéfaine, j'ai appris que la chanson Fotheringhay 1587 lui avait été inspirée par sa lecture de la biographie que Stefan Zweig avait consacrée à Marie Stuart. C'était assez pour me donner envie de lire ce livre, d'autant queZweig est un auteur que j'aime particulièrement !

Voici le résumé que l'on trouve sur la quatrième de couverture : Reine d'Écosse à l'âge de six jours, en 1542, puis reine de France à dix-sept ans par son mariage avec François II, Marie Stuart est veuve en 1560. Elle rentre alors en Écosse et épouse lord Darnley avant de devenir la maîtresse du comte Bothwell. Lorsque ce dernier assassine Darnley, Marie doit se réfugier auprès de sa rivale, Élisabeth Ire, reine d'Angleterre. Celle-ci la retiendra vingt ans captive avant de la faire condamner à mort. Son courage devant le supplice impressionnera les témoins, au point de métamorphoser celle que l'on disait une criminelle en une martyre de la foi catholique. Sur cette figure fascinante et controversée de l'histoire britannique, Stefan Zweig, le biographe de Marie-Antoinette, a mené une enquête rigoureuse. Ce récit passionné et critique nous la restitue avec ses ombres et ses lumières, ses faiblesses et sa grandeur.

 

Le livre de Stefan Zweig nous entraîne dans les abîmes des passions humaines et une multitude de complots politiques. De tout cela, ainsi que d'une foule de péripéties inattendues, se tisse le destin de Marie Stuart. Il est franchement impossible de faire un résumé de l'ouvrage de Zweig. Le mieux est encore de le lire !

En tout cas, le chapitre qui précède l'épilogue s'intitule En ma fin est mon commencement. J'en recopie quelques passages ici, ça peut toujours servir à la compréhension de la chanson !

 

« En ma fin est mon commencement » : cette parole dont le sens, alors, n'était pas encore très clair, Marie Stuart l'avait jadis brodée sur une étoffe. À présent sa prédiction va se réaliser. Sa mort tragique rachètera aux yeux de la postérité les fautes de sa jeunesse, elle leur donnera un tout autre caractère, elle sera en vérité le début de sa gloire.

(…)

Marie Stuart utilise ses derniers moments avec un sang-froid et une mesure qui autrefois lui étaient, hélas ! étrangers. Grande princesse, elle veut une mort grandiose, et avec son sens parfait du style, qui toujours la distingua, avec son goût artistique et héréditaire et sa dignité innée au moment du danger, elle prépare son trépas comme une grande cérémonie, une fête, un triomphe. Rien ne doit être improvisé, abandonné au hasard, à l'humeur du moment ; tout doit être calculé, d'un effet imposant, d'une royale beauté. Chaque détail a sa place comme une strophe touchante ou puissamment émouvante dans le poème héroïque d'une mort exemplaire. Pour avoir le temps de recueillir ses pensées et d'écrire tranquillement les lettres nécessaires, Marie Stuart a commandé un peu plus tôt que d'habitude son repas, auquel elle donne la solennité d'une cène. Après avoir mangé, elle réunit autour d'elle tous ses serviteurs et se fait passer une coupe de vin. Gravement, mais le visage serein, elle lève le calice au-dessus de ses fidèles, qui tous sont tombés à genoux. Elle boit à leur santé et les exhorte ensuite à rester dévoués à la religion catholique et à vivre en paix entre eux. Elle leur demande pardon à tous, individuellement – on dirait une scène de la Vie des saints – des torts que, consciemment ou inconsciemment, elle a pu avoir envers eux. Alors elle remet à chacun d'eux un souvenir : des bagues, des joyaux, des colliers et des dentelles, toutes ces petites choses précieuses qui ont autrefois orné et égayé sa vie. Ils reçoivent ces présents à genoux, en silence ou sanglotant, et la reine, malgré elle, est remuée jusqu'aux larmes par la déchirante affection de ses fidèles.

15/01/2022

Chenôve, Clermont-Ferrand, Voiron, Besançon !

"Le spectacle du monde d'aujourd'hui, dans son insanité ahurissante, serait également très drôle s'il n'était terrifiant. Imaginez qu'au lieu d'en être un des acteurs involontaires vous soyez seulement spectateur. Assis sur la Lune, vous regardez la terre avec de grosses jumelles comme aux courses. Que voyez-vous ? Une maison de fous". René BARJAVEL

 

 

Il faut bien peu de choses pour perturber une vie humaine, et ce n'est sûrement pas Hubert qui me contredirait. La frontière est ténue qui sépare l'ordre du chaos, la tranquillité de l'emmerdement maximal... Parfois, le corps se met à déraisonner sans avoir crié gare. Un matin, vous vous levez et c'est le grand chambardement dans vos cellules. Toute maîtrise vous échappe. Et puis, et puis, peu à peu, avec quelques coups de pouce savamment administrés à votre faiblesse, ce corps qu'on a été tenté un moment de considérer comme un ennemi se remet à vous obéir. Le voilà même qui va puiser dans les ressources insoupçonnées dont il dispose, et c'est reparti pour un tour !

Quand je pense qu'avant le début de la tournée des quarante ans, j'avais pour seule hantise un mauvais rhume ou un petit dérèglement gastrique ! Cette fois, l'heure est plus grave, et j'ai peur de retomber soudain dans cet état qui a fait de moi, presque une semaine durant, une marionnette impuissante sur un lit d'hôpital. J'ai peur de croiser le coronavirus sur la route qui me sépare du concert au Grand Rex et que ce crétin ait l'extrême indélicatesse de m'attaquer. Purée, ça en fait des obstacles à surmonter avant le jour J ! Que de bombes H à désamorcer ! Cette fois, il me faut invoquer, en plus du Seigneur fou des bacchanales et de Wakan-Tanka, le fox à poil dur, en espérant la clémence de tous les trois. Peut-être faut-il que je leur taxiphone d'un pack de Kro la moindre de mes craintes ? Que je leur envoie un recommandé avec accusé de réception ?

Je sais, je sais, d'aucuns me rétorqueront que j'ai vu Hubert plus souvent qu'à mon tour et que louper une date ou deux sur la tournée qui vient de démarrer ne serait pas plaie mortelle. Oui, mais plus souvent qu'à mon tour, ce n'est pas encore assez. Plus souvent qu'à mon tour, ce n'est, finalement, qu'une moyenne d'une fois par an depuis la naissance. Je crois que c'est ça. J'ai arrêté les comptes pointilleux il y a quelques années, mais, à la louche, il y a comme une histoire de 48 concerts pour 48 années de vie. Et j'aimerais que l'année 2022, hautement symbolique à mes yeux puisqu'elle marquera mes trois décennies de compagnonnage avec Hubert, me permette de prendre quelques foulées d'avance. C'est toujours bien, les foulées d'avance. Il faut être prévoyant en cette vie où l'on ne peut rien prévoir !

Bon, bref, assez parlé de mon nombril, je crois savoir que les trois premiers concerts de la tournée (Chenôve, Clermont-Ferrand et Voiron) ont allumé des étoiles (à jaillissement durable) dans les yeux de ceux qui ont eu la chance d'y assister. Théoriquement, je devais me tenir éloignée de tout réseau social ou site susceptible de m'éclabousser d'infos malencontreuses. Comme pour la tournée des 40 ans, je voulais arriver au Grand Rex comme on débarquerait, le pied ému (oui !), sur une terre inconnue. Bon, sur mon lit d'hôpital dimanche soir, je n'ai pas pu résister : j'ai pulvérisé la promesse que je m'étais faite à moi-même. La vie est semée d'imprévus qui vous sautent à la gueule, c'est un fait. Et vous voilà jurant qu'il ne faut jamais dire jamais, vous qui trouviez jusqu'alors ce proverbe un tantinet ridicule. Ce qui prouve aussi que jamais il ne faut dire qu'on n'emploiera jamais ce genre de proverbes !!!

Donc, je sais tout, mais je ne trahirai rien. Je sais comment s'ouvre le grand bal de cette tournée Unplugged, je sais qu'elle est magistrale et qu'elle risque de m'arracher quelques frissons et sans doute aussi quelques larmes.

Ce soir, c'est Besançon. Alors que les verres de vin jaune se lèvent dans un merveilleux fracas et qu'en terre franc-comtoise le plus beau des accueils soit réservé à l'enfant du pays !

01/01/2022

Vœux pour 2022

"J'ai deux pieds

L'un patauge dans la boue

Et l'autre

Dans l'abîme". Paul VALET

 

Je sais, c'est rêveur et peut-être même démesurément optimiste d'espérer mieux, plus grand, plus beau, de chaque nouvelle année qui commence. Avec le temps, comme tout s'en va (c'est bien connu), j'ai plutôt appris à appliquer la méthode thiéfainienne qui consiste à « inespérer » (cf. stratégie de l'inespoir) ! Moins de risques de déconvenues, plus de chances d'être agréablement surpris(e). Chaque année apportera avec elle, quelle que soit l'énergie de nos espérances, son lot de tristesses, d'emmerdements et de deuils. C'est un fait indéniable, n'est-ce pas, à quoi bon s'aveugler ?

Pourtant, bien que méfiante par nature devant tout nouveau calendrier encore vierge (c'est moi qui ai inventé l'optimisme), me voilà piégée malgré moi... Dans huit jours, s'ouvrira la nouvelle tournée d'HFT et je ne peux m'empêcher de prier le Seigneur fou des bacchanales et/ou Wakan-Tanka, c'est selon l'humeur du jour. « Faites qu'aucun concert ne soit annulé, ni même reporté », me dis-je à peu près toutes les minutes. Parenthèse : reporté, d'accord, à la rigueur, ce serait moindre mal, mais moi, en mon for intérieur, j'ai déjà commencé à me préparer, à m'habiller le cœur, comme disait Saint-Exupéry. S'il faut remettre à plus tard la séance d'habillage, ça va vraiment me gonfler. Et alors, si, pour je ne sais quelle raison, une date vient à être annulée et pas reportée, là je vais carrément me fâcher avec le Seigneur fou des bacchanales et/ou Wakan-Tanka. Sans doute avec les deux, tant qu'à faire ! Non mais ! La mauvaise plaisanterie covidienne a assez duré. On veut des artistes sur scène, transpirant devant nous comme au bon vieux temps. Pour ce qui est d'HFT, on veut visiter toute la discographie, toute la panoplie d'ambiances, aller de la plus feutrée à la plus rock'n'roll qui déchire sa race. On veut en redemander jusqu'à extinction des feux. Je ne dis pas jusqu'à plus soif, parce qu'en ce qui me concerne, plus soif et HFT = impossible duo !

On veut une année 2022 qui nous fasse décoller de nos foutues charentaises. On les a trop vues, celles-là, ainsi que l'horizon rétréci auquel elles nous condamnent. On veut reprendre la route, le cœur complètement chamboulé à l'idée de retrouvailles attendues comme un rendez-vous d'amour, les inconvénients du rendez-vous d'amour en moins !

On veut une année 2022 qui chante, qui danse, qui bouge.

Allez, un peu de rêve en ce premier janvier où l'on aurait quand même un peu tendance à flipper : je souhaite à Thiéfaine et à ses musiciens de passer les douze mois qui viennent dans un vertige de prises de son, balances, concerts, loges, et tout ce qui va avec. Je souhaite à tous les thiéfainiens, toutes les thiéfainiennes de choper au passage, comme des bienheureux, des gouttes de ce délicieux vertige (je me le souhaite aussi !). Parce qu'il n'y a que ça de vrai ou presque.