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11/08/2019

Hubert à Verdun : du lourd, du gigantesque, du transcendant !

"Moi, à force d'écrire des fragments, j'ai dû en devenir un. Couvert de bleus". Georges PERROS

 

Qu'il faisait bon flâner hier le long de la Meuse aux allures de fée verte ! C'était comme atterrir chez les mutants au sortir d'une autoroute hystérique. Sur les quais, on croisait un peu partout des tee-shirts estampillés HFT. Il n'était que 18 heures et déjà, il y avait foule près de la scène. C'est à ce moment-là, précisément, que j'ai dit à mes filles (car elles étaient de la partie, elles aussi : c'était mon premier concert de Thiéfaine avec elles) : « Vous allez manger un morceau et vous vider la vessie, puis on se posera très vite dans les premiers rangs ». Au passage, je me félicite de cette bonne inspiration. Je ne voudrais pas frimer, mais tout de même : 47 concerts d'HFT au compteur, cela vous pose légèrement en expert de la chose ! Quelques heures plus tard, les quais de Meuse débordaient d'une marée humaine, j'avais donc eu raison d'opter pour la prudence. Du monde, il y en avait partout. Sur les bords, au milieu, dans les interstices. Partout où l'on pouvait caser deux bras, deux jambes et le reste, le trou était bouché. Un truc de malade !

J'avoue qu'une fois encore, la première partie (assurée par le groupe Room Me) n'a fait que m'effleurer furtivement. Je ne peux même pas dire que cela entrait dans une oreille pour ressortir directement par l'autre car j'avais fait en sorte, dès les premières notes, de me colmater copieusement les écoutilles, avec force bouchons et même renfort de doigts. Il faut dire que le son saturé envoyé depuis la scène était de nature à vous crisper les tympans les plus bienveillants du monde. Une dame, non loin de moi, commentera ainsi : « Bouh, ça résonne dans la panse ». Oui, carrément, ça résonnait dans la panse ! Et la question angoissée que tout le monde était en droit de se poser alors : « Purée, est-ce que nous allons avoir le même son pourri quand ce sera au tour d'Hubert ? ». Fort heureusement, ce ne fut pas le cas. Bref... Je suis certaine que Room Me mériterait une écoute plus attentive, mais pour moi, quand je sais qu'Hubert va se pointer d'une minute à l'autre, il faudrait être au minimum son clone (réussi, de surcroît : autant dire le truc improbable par excellence) pour trouver grâce à mes yeux ! Le public d'hier était globalement plus patient que moi et Room Me a tout de même récolté des applaudissements fournis. Mais, il faut bien le dire, lorsque la chanteuse prononcera le nom d'Hubert-Félix Thiéfaine, devenu quasi mantra pour l'occasion, un chalumeau embrasera la foule que désormais plus rien ne retiendra. C'est comme si tout ce petit monde s'était contenu jusque là et qu'il était prêt à hurler furieusement, d'un instant à l'autre et sans prévenir : « C'est Hubert, Hubert, Hubert, c'est Hubert qu'il nous faut » !

Et d'ailleurs le voilà, le grand, le magistral, l'unique Hubert-Félix Thiéfaine. Inclonable, échappant à toutes les classifications, dézinguant les codes. Lui, tout simplement. Il se pointe avec un foulard autour du cou et je blêmis durant quelques dixièmes de seconde : peut-être n'est-il pas en forme ? Peut-être que sa voix va le, nous lâcher d'un moment à l'autre ? Quelques minutes suffisent pour me rassurer. La belle tessiture est là, sûre de son coup, accompagnant comme il se doit le coincement de l'aile gauche du Saint Esprit dans les rayons de la roue arrière. Trois fois. Et pas du tout sur le mode éraillé. Premier virage rondement négocié. Ouf. De toute façon, je ne sais pas pourquoi, mais une intuition me dit qu'Hubert a d'emblée flairé l'osmose hier soir et que ça l'a porté. Il ne tenait peut-être pas une super forme au moment d'entrer sur scène, mais un effet magique, un effet chalumeau même, l'a conduit à donner le meilleur de lui-même. C'est qu'il aurait été difficile de résister à une foule aussi diablement déchaînée. Franchement, c'était du lourd, du gigantesque, du transcendant. Hubert s'est très vite montré souriant et, chose assez incroyable, causant sans que ça semble lui coûter un effort caverneux. Et c'est ainsi que nous apprendrons que Mathématiques souterraines est une chanson non seulement codée (mais ça, on le savait déjà, n'est-ce pas : combien de fois ai-je tenté d'en décrypter les images et suis revenue bredouille de cette quête !), mais aussi et surtout codéinée. De quoi ouvrir des perspectives sur l'infini thiéfainien. Cela vous inspire quoi, cette histoire de codéine ? À vos épanchements !

Bref... Les premières notes de chaque chanson électrisent le public. L'effet chalumeau, je vous dis. Tout le monde va sortir cramé de ce truc-là. Ça crie, ça danse, ça s'agite, ça hurle même parfois des choses qui me feraient rougir si j'étais née de la dernière pluie. « Hubert, à poil ! », par exemple. Véridique ! Bon, je ne suis pas née de la dernière pluie, et mes oreilles plus très chastes ne craignent à vrai dire pas grand-chose. Va pour « Hubert, à poil ! » donc. Mais quand même : ce n'est pas le premier truc que j'ai envie de lui demander, à ce grand monsieur, quand je le vois arriver sur une scène. « Chacun sa religion, chacun son parachute » et il faut (oserai-je dire « hélas ! » ?) de tout pour faire un monde !

À n'en pas douter, ceux qui se trouvent dans les premiers rangs sont des acharnés, des purs et durs pour qui ce concert est de l'ordre de la flamboyante fête. Cette fois, ils n'ont pas payé pour voir Hubert, mais ils veulent quand même en avoir pour leur argent, c'est le jeu. Alors pour rien au monde ils n'accepteraient qu'on leur foute leur fête par terre. Ainsi, un type passablement aviné, abiéré, ajointé, et venu à plusieurs reprises perturber le bon déroulement de l'effet chalumeau, se verra tancé de la plus verte des manières. Même moi je suis prête à en découdre s'il n'arrête pas son cirque. Au moment où il viendra rôder trop près de ma sphère, je le repousserai vivement, agrémentant mon geste d'un péremptoire « casse-toi » dont mes filles se souviendront longtemps, je crois. Allez, je suis restée correcte, j'ai seulement dit « casse-toi » là où d'autres auraient accolé un « pauvre con » à l'injonction, voire un « tu pues et marche à l'ombre ». Moi qui suis d'ordinaire si effacée, j'avoue que je ne me suis pas reconnue sur ce coup-là. Touche pas à mon Hubert, ne viens pas me le gâcher, c'est mon terrain de prédilection ! Ville de la paix ou pas, s'il faut que je me batte pour protéger mon extase, je me battrai ! On ne me mettra pas en pièces mon splendide songe d'une nuit d'été. Car c'en fut un. Comparaison n'est pas raison, mais qu'à cela ne tienne, j'ose la comparaison : Hubert était plus en forme qu'aux Vieilles Charrues. À Carhaix, on le sentait tout de même un peu sur la réserve, quand j'y pense. C'est peut-être aussi que notre « lycanthrope errant » n'est pas trop à l'aise avec les heures diurnes. Il leur préfère sans doute les ombres du soir et le grand trou noir de la nuit où tout devient possible, où l'on peut « s'enfoncer plus loin dans les égouts pour voir si l'océan se trouve toujours au bout ».

Hier, à Verdun, il s'est passé un truc immense que je n'oublierai pas de sitôt. C'était de l'ordre du presque indicible et tout ce que je pourrai bien écrire sur ce blog ne sera pas de taille, je le crains, à retranscrire le grand feu. Je ne peux en livrer ici que quelques braises, certes encore tièdes, mais braises quand même. C'était de l'ordre de la communion spirituelle, ça vous avait presque des goûts d'hostie (j'ai bien dit presque, seulement !). Un grand prêtre vêtu de noir distribuait la joie (oserai-je dire des « orgasmes en sachets » ?!) à une foule frôlant à chaque instant la pâmoison, et sautant parfois à pieds joints dedans, tellement c'était unique, inattendu et divinement savoureux, cette osmose qui durerait encore, j'en suis sûre, si la sinistre réalité n'y avait pas mis absurdement un terme.

Je n'oublierai pas les voix scandant avec ardeur « Sweet amanite phalloïde queen » comme si l'avenir du monde en dépendait, je n'oublierai pas les poings levés, les soleils égarés que l'on cherchait à ressusciter en les appelant à cor et à cri, les invitant à des futurs festifs. Je n'oublierai pas, une fois de plus, les visages traversés de la flamme de l'ivresse, les yeux presque hagards qui n'en reviennent pas de ce spectacle hallucinant et déjanté. Je n'oublierai pas que quand ça lui chante, la Meuse déserte la belle ville de Verdun pour laisser place à l'océan. Surtout : quand on lui chante quelque chose de fracassant où l'individuel se confond avec le planétaire. Car, n'ayons pas peur des mots : les histoires que nous conte Hubert, ce sont un peu, beaucoup, les nôtres. Alors, devant ce truc immense qui lui est tombé dessus hier, la Meuse s'est inclinée et est allée se tapir dans son coin, bien sagement, pour laisser vibrer les déferlantes sur les quais...

 

 

 

Dans la journée, je vous mettrai ici des photos du concert d'hier. En attendant, voici la setlist, un peu différente de celle des Vieilles Charrues. J'ai quand même dû merdouiller en la citant hier dans les commentaires. Je vais « revoir ma copie » avec Erwan et Évadné, et je vous tiendrai au courant. Une chose est sûre tout de même : pas de Septembre rose ni de Je t'en remets au vent à Carhaix. La setlist que voilà est en revanche sûre à cent pour cent puisque j'ai noté minutieusement dans mon téléphone tous les titres joués hier :

-22 mai

-Stalag-tilt

-Éloge de la tristesse

-Les dingues et les paumés

-Crépuscule-Transfert

-La Ruelle des morts

-La vierge au dodge 51

-Septembre rose

-Lorelei Sébasto Cha

-Confessions d'un never been

-Mathématiques souterraines

-Un vendredi 13 à cinq heures

-Je t'en remets au vent

-Enfermé dans les cabinets (avec la fille mineure des 80 chasseurs)

-Alligators 427

-Sweet amanite phalloïde queen

-Soleil cherche futur

-La fille du coupeur de joints.

 

P.S. : Vous voudrez bien excuser les changements de temps inopinés (et sans doute inappropriés) dans le compte rendu ci-dessus, les maladresses, les lourdeurs, tout ce qui peut casser le rythme. Désolée d'avance, je ne sais pas écrire autrement que sous le choc et donc ce matin, c'est l'ébullition, qui est encore à son comble, jusqu'à ce qu'une méchante redescente ne vienne remettre bon (ou mauvais) ordre à tout ça... 

10/08/2019

Thiéfaine sera à Verdun ce soir : haut les cœurs !

"Béni sois-tu et reviens-moi 

présent lointain qui fait mémoire". Georges PERROS

 

Je pense souvent à la chanson de Bashung, Hier à Sousse. Pour en appliquer les paroles à ma vie, au gré du vent, au rythme du vécu. En novembre dernier, lors de ma semaine thiéfainienne, mon refrain, c'était « hier à Metz, demain à Paris, après-demain à Dijon ». Cet été, c'est « en juillet à Carhaix, en août à Verdun ». Et aussi : « Hier à Walygator, aujourd'hui près des Alligators ». Walygator, c'est un parc d'attractions de ma région, j'y ai emmené mes filles hier. Suis-je la seule à le nommer « Walygator 427 » ?! De même, lorsqu'il est question d'Uber ici ou là, suis-je la seule à ressentir comme un léger tilt dans le cerveau et à penser à Hubert ?! Je sais, je sais, les circuits chauffent là-dedans !

Bref, ce soir, c'est Verdun. Je suis déjà en train de m'habiller le cœur. Carrément, à la Saint-Ex ! J'attends avec impatience le moment où je monterai dans ma voiture pour une folle chevauchée. La 47ème, je crois. On the road again ! Cette fois, ça y est : j'ai plus de concerts d'Hubert au compteur que d'années sur la trogne ! Yeah ! L'an dernier, lors de mon 45ème, je disais fièrement à qui voulait bien m'entendre : « Voilà, 45 ans, 45 concerts de Thiéfaine, ça me fait une moyenne d'un concert par an depuis la naissance ». Oui, je sais, les circuits chauffent dans le bocal...

Ce qui est bien, avec les concerts de Thiéfaine, c'est que d'emblée, quand je vais rôder près des salles ou des scènes où il passe, je me sens parfaitement dans mon élément. Le seul élément qui tienne debout dans ma vie, qui ne se soit jamais cassé la gueule, effrité, élimé. Allez savoir pourquoi. Partout où je vais, je me sens en décalage, pas à ma place. L'impression de ne jamais en être totalement. C'est le cas, par exemple, dans mon boulot. Mettez-moi dans une salle des profs et je me sens une étrangère sur la Terre, jusqu'à la moelle. Cet univers, je n'en suis pas. Depuis 23 ans, je fais de mon mieux pour y mettre ne serait-ce qu'un orteil, mais non, rien à faire, ça ne prend pas, ça ne prendra jamais. Plongez-moi dans les « à-côtés » d'un concert d'Hubert, et là, miracle, la cancoillotte prend direct, j'en suis illico. Je regarde autour de moi les visages emplis d'attente, comme le mien sans doute, et je sais que me voilà dans un monde qui me ressemble trait pour trait. D'ailleurs, il vous est déjà arrivé, je suppose, d'aller traîner de la même manière avant les concerts d'autres artistes. Et alors, bilan ? Eh bien, vous n'en êtes pas tout à fait, si ? Quand j'allais voir Higelin, par exemple, je me sentais légèrement mise de côté. J'avais beau faire, j'avais beau connaître relativement bien l'œuvre du bonhomme, quand je regardais tous ceux qui attendaient comme moi (je me souviens d'un homme croisé X fois aux concerts du grand Jacques, c'était son sosie, il avait assimilé intégralement la dégaine de son idole, jusqu'à ses cheveux fous), je me sentais un peu différente d'eux. Pas du même monde. Alors que tout à l'heure, à Verdun, c'est écrit d'avance, je me sentirai de cette faune un peu cinglée qui sera là des heures avant le concert ! De plain-pied avec leur ferveur ! Nous serons, l'espace de quelques instants, d'un même sang, d'une même folie, d'une même ardeur. Et peut-être bien que nous donnerons à d'autres, qui n'en seront pas tout à fait, eux, l'impression d'être une bande à part, de drôles de types et de nanas, branchés sur un drôle de secteur à ultra-haute tension !

Allez, bon concert à tous ceux qui auront la chance d'être à Verdun ce soir !

26/07/2019

Thiéfaine aux Vieilles Charrues

"Sommes-nous jamais arrivé ? Et où ? Et si la mort seule détenait la réponse du vrai départ et de l'authentique arrivée ?" Jean-Claude BOURLÈS

 

Et voilà, c'est comme ça : ce qui, il y a quelques jours encore, était attente fébrile, est devenu souvenir. L'attente a ceci de formidable qu'elle permet de supposer tous les possibles. Le souvenir a ceci de formidable qu'il englobe tous les possibles advenus.

C'est qu'il en faut, des conjonctions heureuses, des emboîtements corrects, pour qu'un concert soit réussi. Tout ne dépend pas que de l'artiste. Ce que le spectateur amène avec lui compte aussi, n'est-ce pas ? Par exemple, moi, je n'ai jamais aimé me pointer pile à l'heure pour un concert d'Hubert, c'est trop de stress, trop d'adrénaline dépensée inutilement ! J'aime prendre mon temps, rêvasser devant la salle, observer ceux qui, comme moi, se sont déplacés pour le chanteur jurassien.

Dimanche 21 juillet, pour les Vieilles Charrues, je n'ai pas dérogé à la règle. Je suis arrivée avec deux heures d'avance. Comme ça, j'ai eu le temps de bien analyser les choses : où serais-je idéalement placée ? J'ai fait plusieurs essais avant de trouver. Deux heures, c'est long, me direz-vous. Pas tant que ça quand on papote avec d'autres, pas tant que ça quand on attend des amis pas revus depuis la dernière date parisienne. Quelle joie de discuter avec plusieurs personnes dont j'ignorerai à jamais le prénom, quelle joie, surtout, de discuter plus amplement avec mon jeune voisin, dont je n'oublierai jamais le prénom : Kilian. Un gamin de vingt ans, pas encore tout à fait remis de sa rencontre avec l'œuvre de Thiéfaine. Pour lui, la révélation, ce fut La Ruelle des morts. Et puis le vertige, dont je connais tous les méandres : s'apercevoir que ladite révélation en cachait d'autres, comme autant de trains fous, lâchés à vive allure. S'apercevoir que La Ruelle des morts n'était qu'un OVNI parmi beaucoup d'autres, vouloir les étreindre tous le plus vite possible. Avoue, Katell, que tout ça te rappelle ta jeunesse envolée, et surtout la grande décharge électrique qui devait révolutionner ta vie ! Toi aussi, n'est-ce pas, tu le vécus, en d'autres temps, ce profond big bang ! Et cette frénésie qui soudain donnait de la consistance à tout : envie de découvrir l'œuvre entière de ce drôle de type au nom bizarre, s'en emparer, s'en imprégner à toute berzingue, maudire les heures sans, ne plus espérer que les heures avec !

À 16h10 (j'ai bien écrit 16h10 : Hubert était programmé dans l'après-midi, chose sans doute pas très courante !), à 16h10 donc, le concert démarrait. Toujours de cette façon culottée qui vous plaque direct dans le vif du sujet : 22 mai ! Dès lors, les titres vont s'enchaîner sans temps mort. Petite déception pour tous ceux (dont moi) qui comptaient souhaiter un joyeux anniversaire à monsieur Hubert-Félix Thiéfaine ! Même en s'époumonant de la plus atroce des manières, impossible de se faire entendre. La configuration de la scène ne permettait pas une réelle proximité avec l'artiste. Certains furent prévoyants, ils avaient préparé des pancartes. Auxquelles Hubert ne réagira pas, mais que voulez-vous, "c'est pas tous les jours facile de vivre en société"...

Le concert, s'intégrant dans la programmation d'un festival, est une version allégée de ceux auxquels nous pûmes assister en novembre dernier. Ici, pas d'Exercice de simple provocation avec 33 fois le mot coupable, pas d'Agence des amants de madame Müller, pas de Maison Borniol. Pas d'Éloge de la tristesse, ni de Je t'en remets au vent, pas plus que nous n'entendrons La dèche, le twist et le reste. Une playlist plutôt "classique" (si tant est que l'on puisse appliquer cette épithète au répertoire d'Hubert !). Mais qu'on n'aille pas croire que cela ratisse large et fasse tomber en ses filets les non-initiés venus s'égarer là sans trop savoir. Si j'en crois un article de Ouest France, paru au lendemain de la prestation de Thiéfaine sur la scène Glenmor, ses chansons peuvent effrayer ("c'est trop lent, trop grave", confiera une spectatrice au journal breton). Bah, on connaît bien ça. Moi, cela fait des années que j'entends régulièrement des questions intriguées concernant ma folle passion : "Comment peut-on écouter ça sans avoir envie de se flinguer ?" Ou encore : "Ouah, c'est barré, quand même, faut piger". Certes, et je ne prétends pas être toujours à même de le faire. D'ailleurs, ce n'est pas mon but. Naviguer dans l'obscur déroutant n'est pas pour me déplaire ! Quant à se flinguer pour avoir trop écouté Hubert, qu'on se détrompe : ce type-là, il agit depuis presque 27 ans comme un calmant sur mon âme ! Ses mots, loin de me coller la déprime, me remettent bien souvent d'aplomb.

Mais je m'éloigne de mon sujet : les Vieilles Charrues 2019. Je n'oublierai jamais, je crois, la tape amicale de Kilian sur mon épaule aux premières notes de La Ruelle des morts. Ni son visage radieux, illuminé par un sourire rempli d'étoiles. J'en ai vu tant, de ces extases chopées en plein vol, même pas par indiscrétion, juste comme ça, au passage, parce qu'elles se donnaient à voir si bellement. Je ne m'en lasserai jamais !

À 17h22, le concert s'achevait sur une Fille du coupeur de joints relativement sage. Disons que j'en ai connu de plus endiablées, mais peut-être aussi que l'atmosphère plus intime des salles confère une autre énergie à cette ballade. 1h12 de concert, donc : c'est peu, trop peu, mais c'est la loi des festivals ! Allez, ne nous plaignons pas : on va dire que c'était un avant-goût de ce qui nous attend à l'Olympia. Voilà une bonne raison d'espérer l'automne, saison pourtant maudite entre toutes à mes yeux.

Fin de concert, disais-je. Un salut rapide à Kilian, qui m'envie ma quarantaine de concerts d'HFT et mon prochain rendez-vous avec l'artiste (en août, à Verdun, encore pour un festival). Quelques moments passés avec Évadné et Erwan, et il est temps de se quitter, déjà, "ça me fait de la peine, mais il faut que je m'en aille". Je dois retrouver le parking D où j'ai laissé ma voiture. Évidemment, c'est le seul qui n'est pas indiqué correctement. D'abord rangé avec les parkings A, B et C sur les panneaux, il finira par tomber dans les oubliettes (c'est une tradition bretonne qui veut ça, je l'ai constaté au fil des nombreux séjours que j'ai effectués ici : une grande direction vous est donnée, puis soudain, elle n'apparaît plus nulle part). Après une longue errance sur le bord d'une route qui ne m'inspire aucune confiance, je reviens sur mes pas. Pour tomber sur un monsieur qui, comme moi, cherche désespérément ce foutu parking D ! Nous décidons de cheminer ensemble. Finalement, une voiture immatriculée 29 s'arrête à notre hauteur. Non, ce n'est pas un Chinois de Hambourg, mais un habitant de Carhaix qui nous demande délicieusement, ô miracle, ce qu'il peut faire pour nous. Ces Bretons, punaise, ils sont incroyables ! Dix minutes plus tôt, je me voyais condamnée à errer à jamais en boucle dans mon insoluble fin de partie, me décollant les poumons à force de demander "Où est la sortie ?", et me voilà en présence d'un sauveur ! Qui nous invite, mon compagnon d'égarement et moi, à prendre place à l'arrière de sa voiture. Comme je m'extasie devant son chien, installé fièrement à l'avant, il me dit : "Eh bien, montez donc avec lui !". Et nous voilà partis vers d'autres aventures, à la recherche du mystérieux parking D … que nous finissons par trouver. Je reprends le volant, gardant en mémoire la grande forme d'Hubert (71 ans, mais où est-il donc allé les pêcher ?!), les sourires des musiciens, et celui de Kilian dont l'insolente jeunesse m'a rappelé la mienne. Allez, que les vieux de la vieille (dont désormais je suis) se rassurent : notre âge bien tassé nous offre le plus grand, le plus beau des privilèges, avoir vu Hubert des dizaines et des dizaines de fois !

Mention spéciale à l'organisation qui accompagne Les Vieilles Charrues. Distribution d'eau gratuite, en bouteilles et même au bout de tuyaux d'arrosage venant régulièrement se déverser sur la foule. Purée, les Bretons sont incroyables : ils aiment tellement la pluie qu'ils sont prêts à l'inventer quand elle ne se donne pas d'elle-même ! Il ne faisait pourtant pas si chaud dimanche, et se prendre de la flotte à intervalles soutenus sur la bobine, cela vous arrachait un peu, beaucoup même, à l'ambiance du concert. Mais allez, soyons indulgents : mieux vaut prévenir que guérir… Vivement l'Olympia, vivement l'automne, et quand même : vive la Bretagne !

 

31/05/2019

Pigalle en concert à Essey chantant

"dans le château maudit de la vie qu'il faut vivre". Fernando PESSOA

 

Hier, Pigalle donnait un concert gratuit au festival Essey chantant. Pour l'occasion, l'espace Maringer avait été rebaptisé « salle du bar-tabac de la rue des Martyrs ». Voilà, le ton était donné, le groupe avait investi les lieux. Le public ? Assez hétérogène, pas très éloigné de celui de Thiéfaine, hésitant entre le flambant neuf et l'éclat sur le retour. Pêle-mêle : des jeunes, des quadragénaires et au-delà, flanqués pour certains d'une vigoureuse marmaille, des tatoués aux gros bras, et puis des plus « classiques », échoués en territoire inconnu, mais qu'importe ? Des méritants, quoi, qui passaient presque par hasard et voulaient savoir de quoi il retournait.

Le groupe ? Composé comme suit : Benoît à la basse, Gaël à la guitare, Christophe à la batterie et l'incomparable François Hadji-Lazaro à la voix et à d'innombrables instruments, parfois totalement extra-terrestres ! Impressionnant, le monsieur. Et pas seulement par la carrure. La voix, d'abord : revenue de tous les cauchemars et de tous les troquets enfumés de la planète. Les textes ensuite : d'une sensibilité à fleur de peau. Le tout contrastant presque violemment avec sa physionomie. François, c'est le genre de type avec qui, si tu es une femme, tu peux te promener sans crainte à n'importe quelle heure de la nuit, dans les coupe-gorges, les quartiers mal famés, les hôtels borgnes. Balance ton porc peut se rhabiller : François est là pour te protéger du harcèlement de rue ! C'est qu'il ne faudrait pas aller le titiller trop longtemps, et cela se sent sur scène : à des gens effrontés qui discutaient pendant qu'il chantait, hier, il a lancé un sarcastique « ça va, les gars et les filles, vous tapez la causette, tranquilles ? ». Il est même allé jusqu'à interpeller vertement un vigile qui, si j'ai bien compris, enjoignait un monsieur en fauteuil roulant d'aller prendre place dans le carré prévu à cet effet. Pas commode, le François ! Il ne peut renier son passé de garçon boucher. Et pourtant, pourtant, cette voix presque fluette parfois, ces textes qui vous arrachent des frissons et des larmes... Par exemple, il y a l'histoire de cet homme aux « yeux couleur de canal (c'est pas banal) » qui, au fond d'une auberge, attend désespérément le passage d'un chaland. Tous les jours, il l'espère, et le chaland ne vient pas. Il finira par arriver, mais il sera trop tard, et l'on pense à Giovanni Drogo, du Désert des Tartares, et à ses rêves de gloire que le destin ne satisfera pas. Il y a aussi Ne reviens, cette supplique qui, parce qu'elle porte dans son titre une moitié de négation seulement, en dit long sur ses intentions : ne reviens pas, mais reviens peut-être quand même, des fois que ça pourrait repartir comme au temps de la jolie fleurette, sait-on jamais. Il y a aussi cette ballade, quasi complainte à la Rutebeuf (« que sont mes amis devenus », etc.), qui raconte ce que les adolescents de la campagne ont tous connu (moi, en tout cas, cela me parle) : le soir, on se retrouvait sous l'abri-bus du village. Vingt-cinq ans plus tard, « avec le temps qu'arbre défeuille », les amis en question ont tous été clairsemés, comme dans la complainte du Moyen Âge. Voilà ce que raconte cette chanson dont j'ignore le titre (si quelqu'un peut me venir en aide sur ce coup-là, je suis preneuse). C'est que Pigalle, ce n'est pas qu'un univers de bars interlopes avec tout ce qui va avec (castagne, picole, passes et compagnie), c'est aussi, ici ou là, des méandres de nostalgie dans lesquels on se perd, faisant la somme des idéaux qui furent les nôtres autrefois et que la vie aura rognés jusqu'à la moelle. L'amer constat fait dire à François Hadji-Lazaro qu'en gros et en détail, s'il avait été prévenu, enfant, de cette déconfiture à venir, il serait resté bien tranquille dans les pénates d'un néant bienfaisant.

Voilà, Pigalle, c'est donc assez indéfinissable et inclassable. On est entre le punk, le rock et la chanson réaliste, parfois pas très loin de François Béranger.

Au menu du rappel, deux chansons, chacune mythique dans son genre : Dans la salle du bar-tabac de la rue des Martyrs et Il faut que je m'en aille, de Graeme Allwright. Ça y est, le verre est vide, on a bu à l'amitié, l'amour, la joie, il faut se quitter. Mais, longtemps, l'univers de Pigalle nous hantera et nous traînera dans ses caboulots poussiéreux, ses arrière-cours un peu tristes, ses « baraquements pourris », ses autoroutes saturées sur lesquelles la solitude est plus violente encore, par contraste. On n'est pas très loin des ambiances chères à Hubert, me semble-t-il. Je sais, je sais, je vais toujours le chercher là où il n'est pas, celui-là, c'est un tic, une espèce de déformation passionnelle !

En tout cas, je me disais hier, en entrant dans la « salle du bar-tabac de la rue des Martyrs », qu'il y aurait, dans le répertoire d'HFT, de quoi rebaptiser bien des salles de spectacle les soirs où Hubert s'y produit. Qu'écrirait-on alors sur les affiches à l'entrée ? « Au fond des caboulots », « ascenseur de 22h43 », « rue barrée à Hambourg », « au bout des bars de nuit » ? Il y aurait de quoi faire, vous dis-je ! Si vous avez des suggestions, juste comme ça, pour le plaisir : allez-y !

19/04/2019

A la lisère, le dernier album de Clarika

"Qu'il nous soit toujours donné de savoir reconnaître la beauté d'aujourd'hui". Julien GREEN

 

Connaissez-vous Clarika ? Je sais, on est loin de Thiéfaine. Encore que la belle quinquagénaire soit plus rock'n'roll qu'il n'y paraît ! On est parfois surpris en l'écoutant : ici, elle lâche un mot grivois auquel on ne s'attendait pas, là un aveu décapant qui ne peut que nous la rendre sympathique (« Je suis bad, j'suis qu'une buse, je déraille, telle une quiche en tenaille entre sa grande bêtise et son incompétence »). J'ai découvert cette chanteuse il y a plus de vingt ans. Elle venait de sortir alors un album intitulé ça s'peut pas, et la chanson éponyme était loin d'aller grattouiller des lieux communs : une femme s'adressait à son amoureux, lui disant qu'une fois arrivées droit sur elle l'arthrose et les morsures du temps, sans doute il ne l'aimerait plus (on trouve une très belle version de cette chanson sur YouTube, c'est un duo avec Bernard Lavilliers). Et puis il y avait ces petites ritournelles qui vous restaient dans les oreilles des heures durant, l'histoire d'un type bizarre qui mangeait des fleurs, ou encore celle d'un garçon certes bien fait de sa personne, mais dont la tête était tellement remplie d'air qu'on pouvait y faire de l'avion. Cela me plut d'emblée et je continuai à écouter la demoiselle. Qui devint une dame, en même temps que moi, à quelques années près. Toujours cet univers décalé, à part, proposant un patchwork étonnant : l'aveu d'une certaine fragilité, puis, deux chansons plus loin, tout le contraire, genre « t'vas voir ta gueule à la récré ». Des textes bien pensés, ciselés, une poésie toute de dentelle.

En 2014, Clarika nous livra un album peut-être encore plus personnel que les autres, De quoi faire battre mon cœur. Elle venait de se séparer de celui qui l'avait accompagnée durant vingt-cinq ans, dans la vie et dans son parcours artistique. Les chansons se firent plus graves, plus mélancoliques. L'album de la maturité, quoi, celle qui nous chope tous un jour ou l'autre et qui nous fait laisser quelques plumes dans l'affaire (d'où, peut-être, la pochette choisie par Clarika pour cet opus : on la voit se présentant un peu floue face à nous, un bouquet de plumes blanches au creux des mains).

Et là, en 2019, il y a quelques semaines, est sorti À la lisière, et c'est magnifique de la première chanson à la dernière, c'est surprenant encore, c'est vertigineux parfois. À la lisière d'on ne sait quoi (à nous de tricoter ce que l'on voudra autour de cette expression), il se passe des choses, un hiver s'en va, un printemps frémit, et le cœur palpite encore malgré les coups reçus. La chanson Venise fait intervenir une voix masculine pour répondre à celle de Clarika : il s'agit de celle de Pierre Lapointe, et c'est triste (mais c'est beau), c'est l'histoire d'un couple qui a fini par se perdre et qui ravale ses doux rêves de Sérénissime, en se disant que de toute façon, l'argent aurait manqué pour entreprendre un tel voyage. Il y a aussi une autre chanson sur les sentiments dont on ne peut ravoir à la machine « la blancheur qu'on croyait éternelle avant », comme dirait Souchon : cela s'appelle Le Désamour. Mais qu'on n'aille pas croire que Clarika se borne à évoquer des amours qui s'effilochent. Elle nous parle également d'une astronaute, du tableau La dentellière, d'un enfant fuyant avec ses parents un pays en guerre.

Et face à tout cela, vous savez quoi ? Eh bien, Clarika n'a même pas peur, même pas peur, et c'est d'ailleurs le titre de la deuxième chanson de l'album, dont on peut découvrir le clip un peu barge sur YouTube (tourné à Venise, comme c'est drôle !).

Et vous, c'est quoi, vos petites « infidélités » à Hubert ? Pour ma part, je les évoque ici régulièrement (Higelin, la Grande Sophie, Alex Beaupain, Charlélie Couture, Yves Jamait, Renaud, Arthur H et bien d'autres). Et puis il y a les plus "secrets" (ils sont nombreux), entre les chanteurs allemands, les Anglo-saxons, les Italiens ! Mais toujours je reviens à Hubert, en me disant que, rien à faire, son univers est celui qui me correspond le plus, qui parle la même langue que moi, qui me remet d'équerre !

15/03/2019

Bercy 2018 : souvenirs, souvenirs...

"Merci d'être venus ce soir... si nombreux. Dans ce monde de désolation ça fait chaud au cœur. Et voici d'ailleurs une chanson pour nous remonter le moral"... Hubert-Félix THIEFAINE

 

Je viens de faire entrer tout Bercy dans mon salon. Oui, Bercy, parce que je ne me résous guère à dire AccorHôtels Machin Chose. On fait quand même mieux comme nom de salle de spectacles. Bref...

Au début, sur le DVD, il y a cet homme qui vient vers nous, nous qui l'attendons dans la fièvre d'un samedi soir de novembre. Au dehors, avant le concert, on a croisé des cinglés comme nous, des complètement barges qui sont habités par l'œuvre de Thiéfaine, de la même manière que nous, et on n'en est pas revenus d'être si différents et pourtant si frères. De s'être reconnus sans se connaître. Ils sont, comme nous, des êtres en qui trois lettres allument un vertige : prononcez H, puis F, puis T, envoyez-leur ça dans le plexus, et les voilà saisis d'une extase. On ne sait pas bien pourquoi. C'est un truc qui les a pris comme ça, par surprise, il y a cinq, dix, quinze ou vingt ans, ou plus. Ils sont tombés dans la marmite. C'est comme une maladie qui ne s'éteindra qu'avec eux. Soudain, une chanson a fait éclore un univers entier dans leur tête et beaucoup de choses, subitement, n'ont plus compté. Je me revois, à même pas vingt ans, empoignée par une œuvre dont je ne pouvais pas mesurer toute la portée (encore aujourd'hui, elle me dépasse, même si je m'en sens profondément intime), et dont j'ignorais qu'elle ferait si longue route à mes côtés...

 

Il y a cet homme, donc, sa silhouette et son ombre. Avant d'arriver à nous, il traverse des espaces inconnus de nous, et c'est comme une métaphore de l'amour. Nous sommes là, prêts à accueillir le don qu'il va nous faire. Dans la salle, palpitent je ne sais combien de cœurs que bientôt un embrasement commun va faire battre à l'unisson. La caméra s'attarde sur des détails de la scène : une chaussure, un instrument de musique, des doigts sur une guitare. Il y a aussi la puissance d'une étreinte entre un père et son fils, Lucas, la mimique de celui-ci semblant vouloir dire à celui-là : « ça va le faire, tu verras ». La flambée est prête ! Et, soudain, mon salon n'est plus mon salon, c'est Bercy, c'est Metz, c'est Dijon, ce sont tous les endroits où j'ai vu Hubert, d'innombrables fois. Quarante-six peut-être bien. Oui, il me semble que c'est ça. Entre la première fois à Sarreguemines et la dernière à Dijon, que de chemin parcouru ! Peu de choses réellement stables dans ma vie, mais cette folie HFT, ça oui, toujours, elle a résisté à l'usure et à tous les tremblements, elle n'a pas pris la moindre ridule. Elle est là, comme un soleil qui réchauffe l'eau froide en toutes circonstances.

 

Que d'émotions en revoyant Thiéfaine comme si Bercy c'était hier ! Comme si c'était hier que je le découvrais, les yeux orageux et fous sur L'agence des amants de madame Müller, le rire sardonique à la fin de Critique du chapitre 3, habité lui aussi par son œuvre. Dans le public, je reconnais des visages. Je lis des extases intimes, des transes secrètes, je vois des larmes qui coulent, une jeune fille qui hésite entre le rire et l'étonnement devant l'ardeur de son compagnon (je connais ce jeune homme, j'ai discuté avec lui un jour – au lycée, une de ses absences fut justifiée de la sorte par ses parents : « concert de Thiéfaine », si je me souviens bien. Comme il me racontait cette anecdote, j'avais presque pâli d'envie : moi aussi, j'aurais voulu des élèves comme ça, des acharnés de Thiéfaine, des vrais). J'adore le mouvement qui saisit la foule tout entière par moments, sur Soleil cherche futur, sur Sweet amanite phalloïde queen, et tant d'autres titres. Qui, mieux qu'Hubert, abolit les frontières entre les êtres, je vous le demande ?

 

Lucas avait raison : oui, ça l'a fait, et comment que ça l'a fait ! Les chansons invendables en ont fait du chemin, elles aussi, traçant durablement, infatigablement, leur sillon unique, hors circuit. La mini-tournée 2018 a bien raison de se prolonger en 2019 ! Il est des bonheurs qui ne se refusent pas ! Vivement l'Olympia !

10/03/2019

Programme des réjouissances...

"Ne rien lire, ne penser à rien, ne pas dormir,

Sentir la vie courir en moi comme une rivière dans son lit,

Là-bas, dehors, un grand silence

Comme un dieu qui dort". Fernando PESSOA

 

Ma mère, voici le temps venu, non pas d'aller prier pour mon salut (quoique...), mais pour mon compte bancaire ! Car : folies en perspective, ivresse, flammèches tous azimuts, et surtout dépenses qu'il ne faudrait pas faire et que je ferai quand même. Donc, récapitulons : vendredi 15, sortira, comme chacun sait, ceci :

 

HFT live 2019.jpg

 

Évidemment, comme toujours, je vais me sentir obligée de m'offrir la gamme complète : CD et vinyle. De toute façon, j'ai le droit puisque j'ai fait il y a peu l'acquisition d'une platine ! Fini, donc, le temps où je regardais s'empoussiérer les disques !

Autre réjouissance : la mini-tournée a été prolongée, et le choix ne manque pas. Pour ma part, je serais bien allée voir Hubert au Printemps de Bourges, mais je crois que ça ne va pas coller avec certaines de mes obligations (dommage car le lendemain, il y a un hommage à Higelin, et j'aurais bien « fait » les deux, mon capitaine). J'irais volontiers aux Vieilles Charrues aussi, mais j'ai l'impression qu'il n'y a déjà plus de billets. Et vous, des dates prévues ?

 

J'ai d'autres questions à vous poser :

  1. Que vous inspire la pochette du live qui sortira vendredi ?

  2. Connaissez-vous bien l'œuvre de Ferré ? Après avoir entendu Hubert citer maintes fois cet artiste, je me dis que je devrais maîtriser un peu mieux son immense répertoire. J'ai beaucoup écouté Ferré il y a une vingtaine d'années, mais pas tout, loin de là. Avez-vous des conseils, des préférences ? Vous est-il déjà arrivé de percevoir des liens entre l'œuvre d'HFT et celle de Ferré ? Pour ma part, je me souviens d'avoir éprouvé un grand choc en découvrant La vie d'artiste. Dès la première écoute, pas de doute : on n'était pas loin, ici, de La dèche, le twist et le reste. Je me demande même si je n'avais pas écrit ici même un billet à ce sujet, mais c'est vieux, et comme « je commence même à oublier des choses que je n'ai jamais sues », je me méfie de celles que je savais ou croyais savoir !

23/02/2019

CharlElie Couture au Hall du Livre (Nancy), samedi 23 février 2019...

"L'inspiration, c'est presque rien. C'est un frémissement". CharlElie COUTURE

 

Samedi 23 février 2019, Hall du Livre, Nancy. C'est un moment qui ne reviendra pas, comme tant d'autres avant lui, et on ne sait combien après. CharlElie est là, de retour dans sa ville, celle où il fut enfant, celle où il bourlingua-erra parfois, celle où dorment quelques-uns de ses souvenirs. Il est là, devant nous, il sort son portable et filme ceux qui sont venus pour lui aujourd'hui. Tiens, on dirait que lui aussi aime fixer des bouts de vie et que celui-là compte pour lui comme pour nous. Il le dit, il souligne ce qu'il appelle l'importance de l'instant, et nous voilà tout chose, tous autant que nous sommes, nous qui le suivons sans doute depuis des années. Parce que CharlElie, c'est rare qu'on le découvre en 2019. Cela peut arriver, bien sûr, mais souvent, quand même, il faut le dire, si on l'écoute, si on le lit, si on s'abreuve à la source magique de son œuvre protéiforme, c'est depuis un bail et c'est qu'on n'est pas né de la dernière pluie. J'assume : j'écoute CharlElie depuis les années collège, grâce à un prof (de maths, s'il vous plaît) bien inspiré qui me mit Poèmes rock entre les mains. Mains que lesdits poèmes devaient électriser, et le cœur, et les oreilles, et le reste. Ce fut ce qu'on appelle une grande découverte. Le même prof me recommanda également Thiéfaine, la même année, je crois. Allez savoir pourquoi (je devais être bête en plus d'être jeune et sans expérience), j'écoutai vaguement les albums qu'il jugea bon de me prêter, je dis « ouais, bof » et lui rendis tout le lendemain ! Parfois, les rencontres essentielles, ce n'est pas si simple, ça doit attendre le bon moment, celui qui, entre tous, portera le sceau de l'évidence. Mais je m'égare, excusez-moi.
Donc, CharlElie est depuis quelque temps de retour en France et plus précisément quelque part à l'Est, où il est né (de ce hasard qui le parachuta ici plutôt qu'ailleurs, il a fait une très belle chanson sur son dernier album). En ce samedi 23 février 2019 qui ne reviendra pas, il est au Hall du Livre pour nous parler de poésie, en compagnie de Sarah Polacci (c'est elle qui anime l'entretien) et d'Éric Poindron. CharlElie vient nous présenter son dernier livre, intitulé La mécanique du ciel. La couverture indique que le recueil renferme 50 poèmes inchantables. Et c'est un pur enchantement que de les savoir à l'intérieur de ces pages, eux qui auraient pu dormir encore longtemps dans un tiroir ou même n'en sortir jamais. À la première question que lui pose Sarah Polacci, CharLElie répond qu'il est toujours dans l'émotion, parfois aussi dans les motions de censure. Mais passons sur ce dernier point. La plupart du temps, nous dit-il, il est tout simplement heureux d'être là, d'être en vie, comme aurait dit Higelin. Il nous raconte toutes sortes d'histoires saugrenues, de celles qui n'appartiennent qu'à lui. Je savais qu'elles peuplaient superbement ses chansons, j'ignorais qu'elles pouvaient aussi émailler ses propos et les rendre sautillants, fous, espiègles ! Il nous dit qu'il se plaît à penser que, Renaissance ou autre époque, les hommes ont toujours, à peu de choses près, éprouvé les mêmes sentiments. Et de partir dans un délire qu'on verrait bien blotti dans une chanson : un homme préhistorique se chamaille avec un autre, qui était censé lui passer la lance au moment où passait un sanglier ou un truc dans le genre. Sauf que non, la lance, eh bien, il ne savait plus où il l'avait mise, ce crétin. En réalité, le couard s'était planqué derrière un arbre parce qu'il n'en menait pas large face au gibier. On rit en l'écoutant, CharlElie, il nous berce comme des grands gosses, et le sommeil ne vient pas, c'est tout l'inverse qui nous envahit : une espèce de sentiment absolu d'être là, d'être en vie, comme aurait dit Higelin. Un réveil qui fait du bien. Nous voilà maintenus dans un état de veille émerveillée, et c'est doux, et c'est chouette. Puis, ému, il nous raconte que récemment, accompagné de son biographe (car oui, une biographie va sortir !), il est revenu dans l'appartement où il a grandi, rue de la Source à Nancy. Il y a retrouvé toutes les pièces telles qu'il les a connues, agencées comme autrefois. Emplies de souvenirs, regorgeant de madeleines qui crament le gosier. « C'est fou, je me suis revu, enfant, et j'ai regardé le chemin parcouru. Jamais je n'aurais pu rêver d'une telle vie : le succès, New York, aimer la même femme durant des années, et l'aimer encore à 62 ans ». Purée, c'est que le monsieur est romantique, en plus. Parce que tu ne t'en doutais pas un peu, toi qui l'écoutes depuis les années collège et lui trouves une classe à toute épreuve, avec son air de ne jamais toucher à rien, lui qui touche à tout ? Tu n'avais pas senti l'immense sensibilité sous le roc(k) ? Bien sûr que si, enfin !

Voilà, voilà, tout cela pour vous dire que CharlElie au Hall du Livre en ce samedi 23 février 2019 qui ne reviendra jamais plus (et là je dis que c'est quand même dommage, parce que c'était bien, parce qu'on en redemanderait volontiers une grande lampée qui déborderait de la cuillère), ça décoiffait, ça émotionnait, ça tanguait fort ! À la fin, Sarah Polacci a fait remarquer qu'Éric Poindron n'avait pas beaucoup parlé. Et CharlElie de s'ordonner à lui-même de fermer sa gueule, mais trop tard, le bien était fait, et d'ailleurs Éric Poindron, bon prince, n'était ni vexé, ni frustré, simplement heureux d'être là, d'être en vie, lui aussi, comme il m'a semblé et comme aurait dit Higelin.

Quant à moi, j'ai compris pas mal de choses en cet après-midi presque printanier (alors que, faut-il le rappeler, nous sommes le samedi 23 février 2019 !) : j'ai compris pourquoi j'aimais tant CharlElie depuis une époque lointaine, voisine de la prime enfance. J'ai compris également que si je tenais ce blog, et parfois même un autre, et parfois même encore un autre, c'était pour tenter (tenter seulement) de retenir des instants qui ne reviendront plus alors qu'ils avaient, les saligauds, un goût si sucré de revenez-y...