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04/06/2016

Autorisation de délirer ... sous la pluie !

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Thiéfaine au JDM, j'en rêve tout bonnement depuis la création de ce festival !! J'ai toujours pensé que l'ambiance du site et l'esprit de cette manifestation s'accorderaient pleinement avec l'univers d'Hubert ! Et voilà que cette année, mon rêve prend corps ! Alors ce soir, on y va, on y va, on y va, comme chante Miossec en ouverture de son dernier (et magnifique) album ! On y va, même si le sol risque d'avoir des allures de Loire-et-Cher ("on dirait qu'ça t'gêne de marcher dans la boue" !!!). Rien n'effraie le peuple thiéfainien, toujours en marche, toujours vivant, toujours debout !! Je me réjouis de revoir des visages familiers, dans les traits desquels je lirai sans doute une attente brûlante, mêlée d'ardeur et de joie, et qui ressemblera à la mienne. Je l'ai déjà dit, j'adore les moments qui précèdent les concerts de Thiéfaine. Je cherche du regard des silhouettes croisées X fois déjà, et mon cœur s'illumine quand je reconnais un tel ou une telle...

Ce soir, ce concert aura une saveur particulière pour moi car ce sera la première fois que je verrai Hubert en compagnie de mes filles. Nous avons décidé de porter les tee-shirts au corbeau !

Coûte que coûte, on y va, on y va, on y va, malgré le temps ddégueulasse, hésitant entre le bas breton et le patois lorrain !! Plus de générateurs diesel à la place du cœur, plus de pompes refoulantes au niveau des idées, rien qu'un cœur à ciel ouvert. Et comme toujours, quand Hubert apparaîtra, nimbé de son aura rimbaldienne, j'oublierai les petits griefs qui, de temps à autre, viennent imbécilement me visiter, je retrouverai l'élan premier, celui qui me précipita, il y a plus de vingt ans, dans la lave d'une poésie survoltée qui allait changer ma vie. "Que serais-je sans toi ?", voilà ce que je pourrais dire à Hubert si je le rencontrais un jour dans des conditions meilleures que celles dans lesquelles je l'ai déjà croisé, entre deux portes, dans des loges intimidantes et dénuées d'âme. Que serais-je devenue sans cet univers qui vola à mon secours à l'orée de la vingtaine, alors que je me débattais en plein naufrage sentimentalo-métaphysique ?! Alors ce soir, une fois encore, je ne serai que reconnaissance quand paraîtra le monstre sacré...

10:59 Publié dans Sport | Lien permanent | Commentaires (8)

22/05/2016

Yves Jamait en concert à Ludres : c'était vendredi et c'était grandiose !

"La pensée de la mort ne m'a guère quitté tout le long d'une vie déjà longue. Mais la mort n'a jamais pour moi calomnié la vie. Elle en avivait seulement le prix, fondé sur sa fragilité". Claude ROY

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Parfois, Yves Jamait me fait penser à René Fallet ! D’un côté, on aurait la veine Beaujolais, celle qui chante les aubes avinées, les amitiés masculines, les comptoirs luisants, gorgés d’ivresse, où les mots se font trébuchants. De l’autre côté, la veine whisky, celle qui pleure les amours à ramasser à la petite cuillère, les injustices, le temps qui saccage tout sur son passage. Sur scène, même quand le sujet qu’il évoque est lourd, Yves Jamait a la délicatesse de rester léger. Tout ce qu’il célèbre (« des printemps insolents qui effacent l’hiver », « la gouache des fleurs sous des nuées d’abeilles », l’accordéon mal aimé, mal compris) ou déplore (l’omniprésence des salauds, les années qui défilent, la mort d’un ami), bref, tout ce qu’il chante se pare d’une grâce désarmante. Avec ses traits burinés et sa silhouette mélancolique, il a l’air d’un marin breton qui serait venu s’échouer en terre dijonnaise. Une petite inadvertance heureuse…

Voilà un artiste qui, avec sa bande de musiciens (trois boute-en-train facétieux et complices ; en allemand, on dirait que ce ne sont pas des enfants de la tristesse !!), est capable d’embraser une salle entière. De la faire tour à tour rire et pleurer. « Quel talent ! Quel culot ! », aurais-je envie de dire, en plagiant monsieur Renaud Séchan !

A chaque fois que je suis allée voir Yves Jamait sur scène, ce fut un enchantement. Vendredi soir, à Ludres, ce fut encore plus. Un éblouissement. Une comète qui passait dans un ciel étonné ! Jamais je n’ai vu un tel don de soi, une présence aussi déchirante, un tel respect du public, une telle connivence avec lui. Yves Jamait ne se prend pas au sérieux, et c’est peut-être là qu’est le secret ! Ses chansons, bien souvent, vous fouettent les tripes, il les interprète avec une conviction dure comme ferraille, sans fard, n'hésitant jamais à mouiller la chemise, de sa sueur ou de ses larmes. Le tout au milieu d'admirables pirouettes humoristiques.

A Ludres, Yves Jamait est venu présenter lui-même la première partie du spectacle. Une première partie d’ailleurs loufoque en diable : Lili Cros et Thierry Chazelle.

En fait, je n’ai pas de mots pour raconter ce concert. Je crois qu’Yves Jamait sur scène, c’est tout simplement inénarrable, c’est à vivre et c’est tout !!

Après s’être donné totalement pendant deux heures et demie, il a trouvé la force de venir à la rencontre de son public. Et avec le sourire, s’il vous plaît, et une attention extrême pour chacun ! Il a lui aussi son noyau de fans irréductibles, qui le suivent de verre en vers depuis toujours ! J’ai été bouleversée par une certaine Nadine, qui offre des CD d’Yves Jamait à tous ceux qu’elle aime, si j’ai bien compris, et ils sont légion ! Yves Jamait la connaît bien. Si bien qu’il peut se permettre de plaisanter à son sujet : « Nadine croit que les CD sont à usage unique. Elle les achète, les écoute une fois et les jette » ! Yves Jamait n’aime pas les flashes, lui non plus, et il le dit avec simplicité, sur un ton agréable !! Ce naturel m’a presque fait mal, je n’ai pu m’empêcher de le comparer avec la dureté des propos de Thiéfaine sur la tournée actuelle, quand il s’agit de photos, justement. Je déteste sentir qu’en moi s’insinue le poison des comparaisons. Quand on compare, c’est qu’on aime moins… Ce que l’on aime réellement demeure incomparable à nos yeux ébahis. Ce n’est pas que je n’aime plus Thiéfaine. Disons que je continue à aimer son œuvre (ses mots me transpercent et me transperceront toujours, je crois), mais quelque chose en moi s’est fissuré au fil du temps en voyant l’homme agir parfois presque comme une starlette. Je sais que je jette un pavé dans la mare, que je vais faire des mécontents, j’en prends le risque. Admirer ne veut pas dire tout accepter sans discernement. De temps en temps, les comparaisons font du bien aussi, elles remettent les choses à leur juste place… Mes presque 24 ans de vagabondage avec Thiéfaine m’autorisent à être critique, non ?

16/05/2016

Renaud, mon frangin, mon poteau...

"Roulez toujours, suivez le vent". Renaud, Mulholland Drive.

 

Sans l’amour inconditionnel que l’une de mes filles voue à Renaud, je crois que j’aurais peut-être écouté de loin, d’une oreille distraite, voire pas écouté du tout, son dernier album. Impossible dans ma chaumière, et c’est tant mieux ! Car je serais passée à côté de quelque chose de puissant. Bien sûr, on pourra toujours m’objecter que Renaud fut plus incisif en son printemps, qu’il a laissé en chemin un peu ou beaucoup de cette verve qui le caractérisait. On ne me convaincra pas. Je dirais pour ma part qu’il a seulement évolué. Que seraient nos enthousiasmes de jeunesse s’ils devaient perdurer absolument intacts une fois la maturité venue comme une marée noire ?

Je vois dans ce dernier album une écriture du tourment, qui se dessinait déjà dans Marchand de cailloux, et même bien avant. La quarantaine fut un âge empoisonné pour Renaud. Comment, lorsque l’on se sent éternellement gavroche dans l’âme, accepter de voir un à un blanchir ses cheveux, mourir des potes, s’amenuiser des illusions ? L’enfance qui s’éloigne chaque jour un peu plus et l’impossibilité de s’en faire une raison, tout cela était écrit noir sur blanc déjà dans Les dimanches à la con et revint en force dans Le sirop de la rue ou Cheveu blanc.

J’ai écouté, réécouté le dernier album. Certes, la voix est désaccordée, mais ne l’a-t-elle pas toujours été ? Oui, elle est ce que l’on pourrait appeler une voix de rogomme, laminée par le pastaga, passée sous le rouleau compresseur de je ne sais combien de cibiches. Mais cela a au moins l’avantage de l’accorder, justement, avec le « message » délivré ici : la vie est moche et c’est trop court. Le constat est amer, désabusé, mais ô combien juste, malheureusement. De sa voix frêle, Renaud nous chante ses fragilités. Mais pas seulement : il parle de la force que l’on peut puiser dans les mots, et je ne connais pas d’hommage plus déchirant que celui-ci, parce que lancé dans un souffle ténu, parce que presque susurré parfois… Cette chanson me bouleverse. Et puis, une personne de mon entourage m’a dit dernièrement que le texte semblait comme écrit pour moi, et je me la pète grave depuis, et je m’en fous : oui, pour moi aussi, les mots furent et demeurent le radeau de sauvetage. Dylan me secoue les entrailles, elle s’adresse, je crois, à tous ceux qui ont du monde sous le « marbre du chagrin » et se sentent « feuilles mortes au vent » depuis la perte d’un de leurs proches…

Mulholland Drive, j’en ai déjà parlé ici, et j’y reviens, c’est une ode aux escapades sauvages et déjantées, dont on ne sait pas, d’avance, où elles nous mèneront… Je l’aime bien, cette jeune fille qui part aux aurores en refermant la porte sur son passé et sa famille et qui croit dur comme fer que le meilleur est à venir. Elle a la confiance de la jeunesse chevillée au corps, et c’est un bien précieux, que la vie se chargera sans doute de mettre en miettes. Mais, pour l’heure, pas d’amertume : elle laisse le vent la pousser à sa guise, sur la route qu’il choisira, et je ne sais pas de plus beau vertige.

Que dire encore de ces chansons dans lesquelles Renaud s’incline devant sa « descendance » ? On sent à l’écouter (et en cela il rejoint Thiéfaine, je crois) que mettre des enfants en ce bas monde, même si cela ne va pas sans combat intérieur, est peut-être l’une des choses qui nous réconcilient avec la vie. « Il nous restera ça », les cris des enfants qui déboulent dans le salon de nos dimanches vieillards, leur folie, leur main qui s’accroche à la nôtre, confiante, abandonnée… Pendant ce temps-là, des cités peuvent menacer ruine, et même s’effondrer, l’amour qui traverse les générations a quelque chose d’indéracinable.

Je t’aime, frangin Renaud, mon tendre poteau. A cela cent mille raisons : c’est grâce à toi, je n’en démords pas, que je me ruai un jour sur les mots, faisant d’eux, à la faveur d’un stupide chagrin d’amour ado, mes compagnons de toujours, ceux que l’on garde rivés à soi comme une corde à laquelle on ne se pendra pas. Tu fus le prince de mon enfance, celui qui me chamboula en me disant (et je n’y pigeais que dalle à cette leçon) que « la mer c’est dégueulasse, les poissons baisent dedans » ! Tu fus l’un de ceux qui m’ouvrirent l’esprit, m’amenant par exemple, en 1996, année où je débutai dans l’enseignement, à m’interroger sur le sens de ma « mission », afin de ne pas filer que des chevaux morts en héritage aux élèves qui certainement s'ennuyaient à cent sous de l'heure dans mes cours pas du tout indispensables !! Tu fus parfois, souvent, une lanterne quand je ne faisais plus confiance au seul vent. Et tu es maintenant comme le flambeau que j’ai refilé sans le savoir, sans forcer, à ma fille Louise, qui t’aime d’un amour tellement pur que j’ai honte de mes incapacités d’adulte... Quand je lui dis que j’aime particulièrement telle ou telle chanson de toi, elle me répond invariablement : « Ben moi je les aime toutes ». J’adore l’écouter chanter des paroles auxquelles elle ne comprend pas toujours tout, mais auxquelles elle accorde une foi totale !

Merci, frangin Renaud, d’être toujours là, sur tes deux guibolles arquées, chancelantes parfois. Ce n’est pas moi qui te jetterai la première bière, je ne sais que trop les pas de traviole, les parcours en zigzags, pas linéaires pour un rond !

24/04/2016

Quelques réflexions qui me viennent comme ça, après avoir regardé le DVD du Vixi Tour...

"Le bonheur est incompatible avec la vie, mais pas avec l'instant", Hector BIANCIOTTI.

 

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Que vos visages sont beaux quand la caméra en saisit tout à coup la dévotion et la joie ! Et que dire de vos lèvres qui dessinent parfaitement les paroles de telle ou telle chanson ! Tout, à vous regarder dans cette lumière qui inonde vos traits, devient chant d’amour, et c’est cela qui m’a le plus émue, je crois, lorsque j’ai regardé pour la première fois le DVD du Vixi Tour. J’aime aussi ces gros plans inattendus : celui-là sur la main d’Hubert qui s’envole dans les airs, et cet autre sur ses jambes. Celui-ci encore, sur un jeu ou un manche de guitare, une baguette de batterie tremblante, suffocante, la concentration extrême, parfois exaltée, d’un Alice Botté, d’un Lucas Thiéfaine, d’un Christopher Board, d’un Marc Perrier ou d’un Bruce Cherbit. Ces flous dont on devine vaguement les contours. Et encore et toujours cette ferveur dans le public. Des regards où explosent des étincelles, des sourires reconnaissants. Je crois, je suis même sûre, que sur cette tournée, c’est avant tout le public de Thiéfaine qui m’a bouleversée. Ces visages ridés qui racontent une fidélité longue de plusieurs décennies. Parfois aussi, ces traits juvéniles qui disent la rencontre récente avec une œuvre qui ne peut que nous ravager de plein fouet, que l'on se prend violemment dans la face, sans filtre, comme un uppercut dont on ne se remettra jamais tout à fait. L’œuvre de Thiéfaine, je la porte en moi depuis plus de vingt ans maintenant, comme une torche qui me guiderait dans les ténèbres les plus épaisses, me permettant de me frayer un passage même dans une obscurité à couper au couteau. Je n’oublierai jamais, je crois, ce vertige qui me cueillit par une nuit déjà glaciale de septembre, alors que rien ne laissait présager un dénouement heureux dans une vie que je trouvais saumâtre… Tout à coup, il était possible de s’en sortir puisqu’un autre l’avait fait, malgré ce désespoir qui lui collait aux basques et qui présentait un drôle d’air de famille avec le mien ! Il était possible d’opposer à la difficulté d’être un rire goguenard, de noyer l’absurde dans les eaux ivres d’une poésie incandescente ! Ce fut une renaissance. Une fièvre résurrectionnelle bien avant que Thiéfaine n’en parle !

Ce que me montre encore le DVD du Vixi Tour, c’est un Hubert que je n’ai pas toujours su voir au cours de cette tournée, un Hubert s’abandonnant au plaisir d’être là, devant nous, avec nous. Un être à la fois tout-puissant et fragile. Tout-puissant, oui, parce que son œuvre porte des pages immortelles, capables de déplacer des montagnes ! Fragile, oui, ô combien, parce qu’humain, trop humain, parce que condamné à repartir dans l’ombre après l’extase, condamné à la fatigue, à la redescente sans filet…

C’est parce qu’il nous fait voir tout cela que ce DVD est nécessaire et qu’il dépose entre nos mains comme une pépite brûlante…

14/04/2016

Encore quelques jours...

 

Oui, encore quelques jours avant la parution des deux CD et du DVD Vixi Tour XVII. La sortie en était initialement prévue le 1er avril, mais a été repoussée au 22.

Que vous inspire la photo de la pochette ?

12/04/2016

La chetron sauvage est de retour !

"Il y a cela qu'on croit éternel et qui meurt dès qu'on a le dos tourné : le paradis d'enfance". Guy GOFFETTE

C’est un phénix qui nous revient. Il a traversé l’enfer et ses flammes. Miracle : il en est sorti. Titubant, certes, et fragile, mais toujours là, et c’est un don du ciel. Bien des fois, il a vu sa vie « partir à vau-l’eau », et son visage porte encore les stigmates des nombreuses luttes qui ont failli l’écraser. Bien sûr, la voix est plus que chevrotante parfois, mais est-ce là ce qui compte ? Jamais on n’a écouté Renaud pour d’éventuelles prouesses vocales !

Parcourir le livret qui accompagne le nouvel album, c’est se balader sur le chemin rocailleux de cet écorché vif. Petit Prince piétiné par les deuils. Celles et ceux qui ont marqué sa vie sont tous là : les frangins trop tôt partis, les amours qui ont bouclé leurs valises en oubliant d’emporter l’intégralité de leur contenu initial. Renaud nous dit, dans La vie est moche et c’est trop court, qu’il vient un moment où l’on ne pense plus qu’à sa gueule. Pourtant, les chansons présentes sur ce CD prouvent tout le contraire ! Ici, Renaud ne fait que penser aux autres, à sa famille, aux victimes des attentats de janvier et de novembre 2015, à de jeunes gens que la Camarde a fauchés prématurément. Ou bien encore à ces jeunes filles slaves qui arpentent les trottoirs de Paris et ne reverront peut-être jamais le ciel de leur pays natal.

Il rend un hommage bouleversant aux mots, au « blanc manteau » qu’est la page qui s’offre à celui qui inlassablement écrit et chevauche avec respect cette virginité. D’aucuns diront « Renaud c’est mort, il est récupéré », tout cela parce qu’il a embrassé un flic lors du rassemblement parisien du 11 janvier 2015. Je dis pour ma part que l’unité nationale qu’on a tant célébrée ce jour-là ne serait rien si l’on en excluait qui que ce soit. Interrogé à ce sujet dans l’émission Boomerang, Renaud a déclaré, simplement : « Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis », et c’est encore la sagesse populaire qui aura le dernier mot.

Il y a des pépites sur cet album que l’on aurait tort d’écouter trop vite. Après avoir fait tourner en boucle toutes ces chansons pendant plusieurs jours, je peux dire que celle qui me plaît plus que toutes les autres est sans conteste Mulholland Drive. « Rien n’est compliqué, rien n’est grave », il suffit de rouler toujours et de suivre le vent…

 

P.S. : Je vous demanderai de bien vouloir respecter l’esprit de ce blog, qui est, me semble-t-il, tourné depuis dix ans vers l’enthousiasme et jamais vers les critiques cinglantes (je l’espère, en tout cas). Si vous n’aimez pas ou plus Renaud, je peux le comprendre, mais n’allez pas utiliser les commentaires de ce billet pour déverser ici des vacheries. J’en ai lu des tonnes, déjà, je crois qu’on a à peu près tout reproché à Renaud. Il est donc inutile d’en rajouter !

02/04/2016

Une soirée à Neuves-Maisons, en compagnie d'Alex Beaupain

La pensée du jour : "J'ai été un enfant, je ne le suis plus et je n'en reviens pas". Albert COHEN

Il a quelque chose d’enfantin dans le visage. De blessé aussi. Quand on parcourt du regard les photos de jeunesse qui se trouvent sur la pochette de l’album Loin, on s’aperçoit qu’il n’a pas tellement changé. Un fil invisible le relie encore à l’enfance, semble-t-il, et c’est peut-être la raison pour laquelle il se sent souvent gêné aux entournures dans sa peau d’adulte (« si jeune et déjà vieux »).

Il arrive sur scène, frêle, légèrement dégingandé comme tous ceux qui doutent sans arrêt d’eux-mêmes. Il nous interprète Je suis un souvenir. Mieux : il nous en fait cadeau. Après cette entrée en matière un brin mélancolique, il s’amuse de lui-même et de son univers pas toujours jouasse ! C’est vrai, son répertoire évoque bien souvent les tempêtes tonitruantes plutôt que les suaves éclaircies, les amours naufragées, patraques, malmenées en haute mer, au bord de la noyade, plutôt que celles qui naviguent paisiblement sur des flots que ne torture aucun remous. Alex Beaupain n’est pas un marin d’eau douce, il a tremblé plus d’une fois en traversant le cap Horn, il ignore les bercements, il ne connaît que les tangages extrêmes qui vous secouent violemment de gauche à droite, de long en large et en travers ! Ses chansons déplorent d’irrémédiables absences, elles détricotent d'impossibles histoires. Qu’on était bien sous les couvertures chaudes de l’enfance, quand on ne se demandait pas encore dans quel foutu sens il fallait tourner la langue en embrassant ! Qu’il était bon de délirer dans nos fièvres hallucinées, auréolées de tendresse maternelle ! Les chansons d’Alex Beaupain ne sont pas faites pour les « petits joueurs » que rien ne secoue, je crois qu’elles s’adressent, comme tous les « chants désespérés », à ce qu’il y a d’irréversiblement déchiré en nous. Mais n’allez pas croire pour autant que le concert d’hier n’ait été que mélancolie ! Non, on a beaucoup ri aussi. Parce qu’Alex Beaupain est un maître de l’autodérision, parce qu’il se marre tout en contemplant les désastres qu’il dépeint. La tristesse qui se dégage de certains morceaux est élégamment contrebalancée par l’humour de cet éternel môme ébouriffé ! Il sourit lorsqu’il présente une chanson dans laquelle semble poindre, dit-il, une légère lueur d’optimisme ! Ce matin, au réveil, il était presque aphone et, pour un peu, il aurait donné raison à l’ami farceur qui a voulu me faire croire que le spectacle était annulé (premier avril oblige) !! Il a dû se bourrer de médocs pour pouvoir venir jusqu’à nous. Si sa voix déraille par moments, elle n’en est que plus émouvante. Après tout, quoi de plus naturel que les déraillements pour cet homme à qui les tracés linéaires et les promenades de santé ne disent rien qui vaille ! Lui, ce qu’il aime, c’est arpenter les zigzags, couper les virages, jouer à la marelle au bord des précipices !

Et que dire des musiciens qui l’accompagnent ? Leurs instruments habillent d’un gant de velours la broderie délicate des textes. Plus que tout m’émeut le violoncelle, choyé par une certaine Valentine Duteil, dont le nom est à lui seul un poème sucré !

La dernière chanson évoque le parc de la Pépinière de Nancy, Alex Beaupain l’a choisie rien que pour nous ce soir. Elle raconte la morsure d’un hiver glacial (lorrain, quoi !) et celle d’une absence qui fait que tout semble vide jusqu’au vertige.

Les lumières se rallument, il faut quitter le cocon. Après le concert, Alex vient flâner du côté du bar, se baladant tranquillement, une bière à la main. Je suis tétanisée lorsque je lui tends un CD pour une dédicace. C’est que j’ai conscience de me trouver en face d’une immense sensibilité. D’un poète, tout simplement. De près, on voit sur son visage le souvenir entêté d’une enfance espiègle, que les ridules au coin des yeux ne font que souligner. Il remercie les rares personnes qui sont encore là, et il s’en va, à la fois fragile et tout-puissant. Un poète, quoi ! Il s’en va rejoindre ses démons. Plus tard, dans la solitude étroite d’une chambre d’hôtel, ils lui inspireront sûrement des textes qui nous feront vibrer, encore et toujours.

28/03/2016

Loin, le nouvel album d'Alex Beaupain

La pensée du jour : "Cette présence soudain incontestable d'une autre vie dans notre vie, une présence si nette qu'elle ressuscite la joie en nous dormante". Christian BOBIN

 

On dirait un peu du Souchon, cette manière de traiter des sujets graves avec l’air de ne pas y toucher, comme si seule la désinvolture permettait de tenir à distance ce qui blesse. Il y a là des accès de nostalgie, une impossibilité à se réconcilier avec le temps qui passe et des chagrins à la pelle. Le tout livré dans une ambiance feutrée. On dirait un peu du Souchon, surtout sur la première chanson, mais c’est avant tout du Beaupain. Cela s’appelle Loin, et c’est de taille à me faire dire, une fois encore, qu’il n’y a pas que Thiéfaine dans la vie (même si parfois, tiens, on se demande…)

Que nous susurre Alex Beaupain en ce début de printemps ? Il nous dit que la quarantaine l’exile déjà bien loin de l’adolescence, des premiers émois amoureux et des questions farfelues et tristement essentielles qui pourrissent cet âge-là (« dans quel sens faut-il tourner dans ta bouche ma langue ? ») A cette période de découvertes et de frissons, il oppose le tableau amer d’une existence trop pépère, trop pantouflarde et « parfaite jusqu’à la terreur ». Que faire quand le quotidien ne nous réserve plus de surprises ? « Couper les virages, ne plus suivre les lignes ». Il nous dit aussi avec effroi le temps qui ravage tout sur son passage, vide les maisons et remplit les cimetières (Les voilà est sans doute la chanson qui me bouleverse le plus sur cet album). Plus loin, il emploie, pour faire comprendre son désamour, une des dernières phrases que prononça Van Gogh : « La tristesse durera toujours ». Que faire quand l’amour est traversé d’ombres et que les étreintes de l’autre ne nous ressuscitent plus ? Tailler la route, une fois encore ! Alex Beaupain nous dit aussi l’absence, celle qui se met en travers du lit pour en faire un tombeau glacé, celle qui oblige à se coucher en diagonale dans des draps désormais trop grands. Il nous dit le parfum qu’a laissé dans l’air l’être aimé avant de disparaître (« Tout a ton odeur / Mais rien n’a de goût »). Il nous chante que lorsque l’on met l’amour en cage, on réduit son chant à la portion congrue, jusqu’à l’étouffer totalement. Extinction de voix, extinction des feux. Face au désastre de cet emprisonnement, il nous dit : mieux vaut être seul que trop accompagné !

Il y a aussi les questions qui taraudent à la fin d’une histoire : « Cela valait-il la peine / L’immense peine que je me traîne / Cela valait-il le coup / Les vilains coups / Les bleus partout ». Selon moi, la réponse, Beaupain la donne lui-même dans la chanson qui précède cette série d’interrogations et qui s’intitule La Montagne. Tant pis si l’on dégringole une fois arrivé au sommet, il nous restera toujours dans les yeux l’image de l’immensité conquise et dans le cœur le souvenir d’une victoire.

Dans Reste (tiens, la musique est de la Grande Sophie !), les jeux de mots s’enchaînent et l’on retrouve un peu le Beaupain d’Après moi le déluge, maniant habilement la langue. La traversée s’achève sur Rue Battant, chanson dans laquelle un fils s’adresse à ses parents. Les « skateboards déboulent » à vive allure, mais leur fracas finira par se taire, ne laissant place qu’au murmure d’une immense nostalgie… Quoi qu’il en soit, on reste toujours l’enfant de qui nous a mis au monde. Et les souvenirs nous foncent droit dessus, pareils à des skateboards fous, en cette quarantaine où l’on s’éreinte à dresser des bilans, à faire des comptes, à regarder ce qui n’est plus et ce qui aurait pu être.