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03/03/2018

L'année 2018 sera thiéfainienne ou ne sera pas !

"Au commencement il y avait; comme une feuille blanche; comme une bande vierge; & d'absurdes impressions obscures". Hubert-Félix THIEFAINE

 

Que je vous raconte... Il paraît que l'année Thiéfaine a commencé le 2 mars, c'est-à-dire hier. Pour ma part, les années Thiéfaine, je les empile sans chercher à comprendre depuis 1992 ! Depuis 1992, chaque tranche de 365 jours (voire 366) est une année Thiéfaine à sa façon. Concerts ou pas, sortie d'album ou pas. N'ayez crainte, je ne vais pas vous servir le laïus habituel : ma découverte ébahie, sous les étoiles tranquilles d'une nuit déjà glaciale de septembre, d'une œuvre à nulle autre pareille, et la claque monumentale qui marqua cette nuit-là d'une pierre blanche, dans une vieille Renault 18 cabossée, conduite par un jeune homme tout aussi cabossé. Non, cette fois, il y a des nouvelles fraîches : entre le coffret contenant les albums studio en vinyles, qui s'enrichira à mesure que le temps passera, la sortie de la version remasterisée de Tout corps vivant branché sur le secteur étant appelé à s'émouvoir et le concert enregistré le 3 février 1978 à Lons-le-Saunier, il y a de quoi sentir monter en soi comme une légère agitation !

Donc, que je vous raconte : cet après-midi, je suis allée fureter à la FNAC de Nancy, bien décidée à me diriger immédiatement au rayon chanson française. D'ailleurs, je suggère, pour l'œuvre colossale, abyssale et incomparable d'Hubert, un rayon spécial dans toutes les FNAC de France. Une sorte de sanctuaire où l'on entrerait le cœur battant, les yeux humides de respect, d'amour et de joie. Je débloque, pardon ! Bref, je me rends donc à la FNAC. Première étape : les deux CD. Deuxième étape : le coffret qui contient les vinyles. Mais où diable les petits farceurs qui bossent ici l'ont-ils planqué ? Je m'en enquiers auprès d'un vendeur, qui me le montre, trônant majestueusement sur un comptoir. Il est donc là, tel le Saint Graal, tellement beau et émouvant que j'ose à peine le toucher. Je l'observe sous toutes les coutures. Il est en presque parfait état. Le problème, c'est qu'avec moi, quand il s'agit d'Hubert, le presque parfait est le pire ennemi du parfait. C'est que pour m'adonner à ma passion, je veux l'excellence sous cellophane, que rien ne dépasse, que pas un pli ne meurtrisse la surface. Je demande au vendeur si quelque part, peut-être, se cache un deuxième exemplaire du coffret. Non. Ce sera donc celui-là ou rien. Comme pour moi, quand il s'agit d'Hubert, le rien est l'ennemi absolu du tout, je passe au-dessus de ma maniaquerie et achète l'objet. Quelle histoire ! Le vendeur et moi sommes comme deux poules devant un mégot et ne manions ledit objet qu'avec d'infinies précautions de nourrice. C'est tout juste si je n'ai pas envie de demander un emballage blindé, on ne sait jamais ce qui pourrait arriver entre la FNAC et le parking où est garée ma voiture. Je me ressaisis, peut-être bien que parfois, poussée par cette thiéfainomanie qui me dépasse un peu, j'en fais trop, j'en veux trop !

Je repars, et chacun de mes pas s'accompagne d'une chamade qui cogne joyeusement dans ma poitrine. À peine arrivée dans le parking, j'ouvre le double CD, je suis pressée de découvrir le mythique concert de Lons-le-Saunier. 3 février 1978, donc. J'avais quatre ans et quelques mois. Hubert est sans doute le seul homme qui m'ait fait regretter plusieurs fois dans ma vie de ne pas être née quelques décennies plus tôt. Parce que là, quand même, à quatre ans et des poussières, même avec la meilleure volonté du monde et même en cherchant à anticiper au maximum sur la dévorante passion qui un jour serait la mienne, je ne pouvais pas être à Lons-le-Saunier en ce 3 février 1978 ! J'aurais bien voulu, pourtant... Bref, je glisse le CD dans le lecteur de la voiture, et en avant. Je me sens toute chose. Un peu dans le même état que lorsque je découvre un nouvel album d'HFT. Cette émotion dans la gorge, cette certitude qu'on va franchir des sommets, qu'on va se retrouver groggy une fois que toutes les chansons auront défilé. Cette certitude, aussi, qu'on va passer du rire aux larmes sans énormément de transition. Il n'y a qu'Hubert pour me faire ça depuis vingt-six ans !!! En insérant le CD dans le lecteur, je me dis : « Eh oui, c'est comme au premier jour, et c'est aussi comme si, après des années de compagnonnage, on s'éveillait toujours les yeux écarquillés devant celui ou celle qui passe sa vie à nos côtés, parfois dans la grisaille d'un quotidien qui nous enchaîne, parfois dans la magie d'un himalaya qui s'offre ». Bref... Ce concert, donc : de toute beauté ! Tout Hubert est déjà là : la subtile ironie, l'humour pince-sans-rire, la poésie qui vous saute à la bobine. Le professionnalisme indéfectible devant une salle pourtant loin d'être comble et de manifester son enthousiasme. Mais celui qui n'est pas encore HFT et ses musiciens ne se laissent pas démonter, ils sont là pour donner quelque chose, coûte que coûte, et ils le donneront. Entre deux chansons, de timides applaudissements, quelques rires épars. Rien de très convaincu. Mais je suis sûre que parmi les chanceux qui étaient là ce soir-là, certains n'en croyaient pas leurs oreilles et sentaient qu'on tenait là le commencement de quelque chose qui n'avait pas fini d'étonner et de détonner dans le paysage de la chanson française !

En écoutant ce CD, j'ai ressenti cent mille émotions, j'ai eu des frissons, des larmes au coin des yeux, des rires dans la poitrine. Une sacrée claque, ce concert ! Comme en cette nuit de septembre 1992, dormant à présent en de vieilles lunes inaccessibles... Et si j'avais su que se jouait là quelque chose de si important pour la suite, j'aurais tout écrit en un jet ébahi, au sortir de la Renault 18. J'aurais tenté de retenir chaque instant de l'éblouissement. Je ne peux désormais m'appuyer que sur de lointains souvenirs, vifs encore, mais quand même. Il leur manquera toujours ce supplément d'âme du « premier matin du monde »...

Donc, en 1978, Hubert contenait déjà tout Hubert. Il était déjà là, pareil à celui que nous connaissons aujourd'hui, et il se donnait à fond, vaille que vaille, devant trois fois rien de public. Il était en train de se faire tout seul, à la sueur de son front, sous les yeux sans doute hallucinés de quelques bienheureux pelés et tondus. Moi, à quelques tristes encablures de là, je faisais risette à papa et maman, ignorant piteusement qu'un OVNI venait de zébrer le ciel. Avant d'en sentir jaillir l'incandescence, il me faudrait encore traverser quelques années d'un ennui maussade, me nourrir de pis-aller... J'exagère : Renaud, Gainsbourg et les autres me furent de merveilleux compagnons, ils le sont encore. Mais quand l'OVNI nommé Hubert se pointa, j'entrai dans une autre dimension, je posai un pied sur la lave en fusion d'une autre galaxie. Cet OVNI-là, aujourd'hui encore, je le regarde comme l'une des plus belles choses qui me soient arrivées dans la vie.

Retour à la maison. J'ouvre le coffret, cette fois avec d'infinies précautions de dentellière. Je dois avoir l'air ridicule en poule effarée devant un mégot. C'est que le Saint Graal vient d'atterrir dans mon salon, tout de même ! Pas de doute : l'émotion est bien là, chamboulante, éblouissante, époustouflante. Je lis les mots d'Hubert sur le grand livret blanc qui accompagne les quatre vinyles. Non seulement le monsieur écrit comme personne, mais en plus il parle de l'écriture comme personne ! Alors lui aussi, il crée pour oublier « la nuit qui vient », comme tant d'autres ? Le génie ne confère donc pas même une infime sensation d'immortalité ? Le voilà qui nous parle de « la fin de l'histoire ». Comment ça, fin de l'histoire ? Le fin de l'histoire, je veux bien, mais la fin : clairement, c'est non ! Il y a encore tellement de mots qui sommeillent dans la grisante plume de monsieur Hubert-Félix Thiéfaine que nous sommes nombreux (oui, maintenant, nous sommes nombreux, et ça a une autre gueule, les Lons-le-Saunier et compagnie !) à penser que l'histoire ne fait que commencer !

Commentaires

Katell quel réconfort de lire dans ta prose, l'expression de tant de reconnaissance pour un artiste d'exception.
Avec humilité cela me donne envie,à mon tour,de célébrer cet anniversaire de 40 ans de chanson dont 30 de grande promiscuité...Alors une nouvelle fois merci pour cet espace de libre expression.
Peut-être que le secret de mon attachement à cet artiste que je ne connais pas et que je ne connaitrai sans doute jamais résidait et réside encore aujourd'hui dans sa capacité à m'attribuer la vertu protectrice d'un "scapulaire".
En effet avec son insoumission jalousement indépendante et la puissance onirique de ses "acrobaties verbales" si étroitement liées à l'image de mon "Artiste idéal", Thiéfaine incarnait le "moi" de ma vie fantasmée.Avec un tel alter ego je me sentais invulnérable et jouissais de la supériorité illusoire de le savoir.
Ajouté à la richesse d' une écriture audacieuse et éclatante tous les ingrédients nécessaires à alimenter le suivi assidu de ce futur Artiste-inconnu le plus célébre se trouvaient réunis.De plus ce desespoir qui dérivait à l'orée de la folie qu'on percevait dans ses textes ne me rebutait pas: non, au contraire il otait à mes tourments de bipéde torturé son caractére exclusif.M'immerger dans cette inconstance me raccrochait à une humanité dont je ne trouvais pas trace hors de ma taniére.
Lors de ma premiere rencontre avec HFT lors du zénith de 1985 je réalisais que ses mots formidablement trop "gros" dissimulaient mal une timidité et une pudeur sans doute combattues par des excès.Ce mutisme scénique ne lui exigeait pas d'efforts, une légére moue insolente signe d'une volonté de conserver la maitrise de soi s'y substituer parfaitement.
Parler lui était difficile, la discrétion plutôt que l'ostentation...encore plus revendiquée par l'artiste à cette époque...
Et puis cette œuvre ! une œuvre portée par un vent de liberté balayant avec vigueur et rage un quotidien toujours plus aliénant.Une œuvre où s'approfondissaient le(s) bruit(s) du temps, les références, les collisions de son et/ou d'images.Je lui dois beaucoup de ma culture et de mes perceptions comme sans doute beaucoup parmi son public.
Par ces quelques mots je voulais aussi à mon tour saluer HFT car un profond désarroi m'a saisi à la lecture de tes dernieres phrases, Katell.
En effet une petite dramaturgie personnelle a emergé depuis cette confession: et si cette tournée précédait "la fin de l'histoire" ? non je ne veux pas y croire !
Alors dans le doute j'aurai écrit mon modeste hommage...
Enfin si je peux exprimer un dernier souhait pour cette année Thiéfaine des fois que ça vienne jusqu'aux oreilles de Sony Music : allez une édition de la tournée en Solitaire DVD/CD, j'en reve et Fred06 aussi, lui qui n'a pu y assister !
Transmettez si possible.
Merci d'avance.
Alfana

Écrit par : alfana | 04/03/2018

Salut Katell

Et salut Alfana.
Pas évident de passer après vous :-)
Je ferai plus simple (vous mettrez ça sur le compte du dimanche matin :-)

Ah, tu me fais bisquer, Katell, avec le coffret.
C'est un vrai dilemne pour le "fan" (fou) que je suis (j'en parle librement sachant à qui je m'adresse !!) : Je n'ai pas de platine vinyle, aussi, une partie de mon être me dit d'être raisonnable. Tandis que l'autre me hurle de courir chez mon poissonnier le plus proche et de céder à ma pulsion (car, ne regretterai-je, plus tard ?).

En attendant, je me suis rabattu sur ce double cd.
Arggghh : la pochette s'est déchirée sur 1 cm... La sainte relique a été souillée... P....de digit sleeve (euh, Sony, si tu nous lis - bis repetita - roule-toi tes pochettes en cartons en pointe et....file-nous des vraies boites !!). Et tant que j'y suis ne bacle pas le boulot de calage des pistes (8 et 11).

J'ai été agréablement surpris par ce live. Je m'attendais à "pire" et ma motivation principale était l'archivage des premiers sons de l'Homme.
Et bien, malgré la technique et la situation (le groupe devant un public épars, pas forcément acquis et passablement hackick), ça donne...
Un vrai parfum de fin seventies...

J'ai trouvé intéressant d'écouter les chansons en rodage, dont les arrangements était encore balbutiants. Intéressant de voir l'évolution de certaines chansons au fil des décennies...

Marrant de se dire aussi que 5 ans plus tard, ce sera le concert volume 1, à l'Olympia, avec la puissance (tant des arrangements que du public) que nous lui connaissons. La vague HFT aura pris en force...

Et oui, tu as raison, Katell : L'année Thiéfaine...Huhu... Il y a longtemps que ça dure :-)

Bon, le coffret, je cède, ou je cède pas ???
Ah, la vie n'est pas facile...

Salutations numériques...

Seb

Écrit par : Seb | 04/03/2018

Bonjour les amis, merci beaucoup pour vos commentaires, que je trouve si beaux, si frais, comme un doux printemps ! Cela fait du bien de savoir qu'on n'est pas seul(e) ! Vos deux visions m'enrichissent et se complètent très bien. Alfana, comme toi, lorsque j'ai découvert HFT, j'ai senti que quelqu'un allait m'accompagner désormais. Que, comme tu l'écris si bien, mes tourments avaient perdu leur caractère exclusif ! Seb, comme tu as raison d'évoquer ce que fut la suite pour HFT, quelques années après ce concert de Lons-le-Saunier. Sacré parcours quand on y pense ! Changement de sujet : je n'oublie pas la promesse que je t'ai faite de t'envoyer le livre de Bussi. Simplement, je n'ai toujours pas réussi à le lire. Je crois même que je ne le lirai pas !!! Je l'ai acheté pour la beauté du titre. Je préfère rêver sur le contenu sans le connaître !!! Je peux te faire parvenir ce bouquin dans les jours qui viennent si tu veux.

Écrit par : Katell | 04/03/2018

P.S. destiné à Seb : je comprends tes tergiversations au sujet de l'achat du coffret. Tu veux que je te dise la meilleure ? Je n'ai pas de platine pour écouter ces trésors et je pense m'en acheter une prochainement !!! Alors, tu vois, pas de quoi rougir de ta folie !!! La mienne n'est pas mal dans son genre !

Écrit par : Katell | 04/03/2018

Quel magnifique billet !

J'ai fait pareil hier, direction la FNAC de Lyon et achat du premier album (que je n'aime pas...)
Je le mets en route hier midi accompagné d'une bonne bière fraiche et là, j'avais l'impression d'être sur la première écoute. Et puis, le live, quel son !
J'étais ému...
Mon fils qui a 8 ans et qui a déjà fait 2 concerts d'HFT était aussi content d'entrendre un truc aussi vieux...

Sinon, Katel, je n'écris pas aussi bien que toi mais moi aussi je lie énormément d'événements de ma vie à Hubert. Les premières écoutes à l'été 90 à Oléron, l'évolution de ma vie personnelle à ses côtés...

Merci à toi d'écrire des choses que nous, fans de Thiéfaine, sommes capables de partager et comprendre.

PK

Écrit par : PK | 04/03/2018

Hello Katell

Ahah, moi aussi, je pense que la platine suivra le coffret, finalement :-)

Non, ne te casse pas pour le bouquin, garde-le. A côté de Jours d'Orages, et autres articles sur (notre) Hubert :-)

Salutations numériques !

Et des bises

Seb

Écrit par : Seb | 04/03/2018

D'accord, Seb, comme tu veux !
PK, merci pour ton beau commentaire qui me va droit au cœur, vraiment. Si je peux me rendre un peu utile par le biais de ce blog, ce n'est déjà pas si mal !
Je crois que nous sommes nombreux à lier des événements vécus à des chansons d'HFT, à des concerts, des sorties d'albums. Aucun artiste n'est à ce point présent dans ma vie ! Et je crois que c'est parti pour durer encore longtemps !

Écrit par : Katell | 04/03/2018

En 1978 je n'avais pas encore le permis de conduire et je n'osais pas sortir toute seule ... mais qu'est-ce que j'aurais bien aimé assister au concert de Thiéfaine à LONS le 3 février!! Depuis, j'ai essayé de me rattraper. Je suis allée le voir 16 fois. J'ai vérifié. La 17ème, ce sera le 9 novembre à Paris.
Je n'ai pas attendu d'être rentrée chez moi pour écouter le live, c'est l'avantage d'avoir encore un lecteur cd dans la voiture.
Je partage toutes vos émotions à l'écoute de ce concert.
Bien-sûr que ce blog est très utile! Merci.

Écrit par : isabelle | 05/03/2018

bravo miss Katell pour la qualité de vos écrits et longue vie à votre blog.
J'aurai aimé partagé vos hésitations sur l'achat ou pas de ce coffret. Malheureusement mon âge avancé m'a permis de connaître cette époque où les albums s'achetaient en disques ( qui ne s'appelaient encore des vinyles) et c'est bien des années plus tard, que je remplaçais ces encombrantes et peu pratiques galettes en petits CD rom que l'on pouvait trimbaler partout.
Entre les deux , la cassette s'est glissée quelques années pour tomber dans l'oubli. Aujourd'hui , j'ai conservé les disques des six premières œuvres , dans leur version originale .J'en ai même accroché deux ( balises/soleil) sur les murs de mon salon dans ces cadres à pochettes qu'on trouve à la fnac pour 20 € Ils ont un peu jaunis et ont une odeur de vieux papiers . Je les regarde et ça me fait plaisir, à défaut de les écouter . Il y a bien longtemps que j''ai mis la platine au recyclage et moi avec.

Écrit par : reneforce4 | 14/03/2018

@Renéforce4 : je crois que tant que la passion HFT nous anime, on ne peut pas envisager le recyclage !

Écrit par : Katell | 01/04/2018

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