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06/10/2015

Un drôle de projet

La pensée du jour : "La passion des livres ne m'a jamais quittée et je dois à la lecture les plus belles rencontres de ma vie. Il y a les livres que l'on dévore, ceux que l'on déguste, ceux qu'on réserve pour plus tard, ceux qu'on ouvre en tremblant parce qu'on pressent une irréversible brûlure". Jacqueline KELEN

J'entreprends aujourd'hui un drôle de truc. Cela s'est présenté à moi ce matin comme une évidence, une nécessité. Je vous fais part de mon projet : j'aimerais écrire un long texte sur ma passion pour Thiéfaine. Bien sûr, depuis que ce blog existe, je ne fais que cela, au fil des mois et des billets. Mais là il s'agirait de quelque chose de plus suivi. Je vous en propose un extrait aujourd'hui, la suite viendra bientôt, elle est déjà écrite ! 

Par la fenêtre de la cuisine, je regarde la nature en décomposition. Comme chaque année, l'automne accomplit son œuvre de destruction massive. Tout ce qui semble encore habité d'un minimum de vigueur sera bientôt exténué, vidé de toute substance, et se rendra. Cette tragique agonie a le don de me mettre à terre. J'y perçois toute la cruauté de notre condition d'êtres fragiles voués à la finitude. Dans le jardin s'avance un cortège silencieux, endeuillé, s'enfonçant dans une sombre Toussaint. En va-t-il ainsi de nos élans ? Sont-ils condamnés, une fois venu l'automne de la vie, à mourir d'épuisement ? En même temps, les rousseurs dont se pare la nature en octobre me fascinent. C'est la grande fatigue qui donne encore, dans un ultime effort, le meilleur d'elle-même.

Invariablement, la saison mélancolique me renvoie à l'œuvre d'Hubert-Félix Thiéfaine. D'abord parce que je l'ai découverte par une nuit froide de début d'automne. "Découverte" est un mot trop faible. Elle m'a été révélée, plutôt, comme me furent révélées par la suite les œuvres des écrivains qui devaient changer ma vie. Je ne l'ai pas découverte, je l'ai prise en plein cœur, pour être tout à fait honnête ! Et tant pis si cela semble pompeux, emphatique, débile. C'est vrai ! Je reviendrai à cette révélation. 

Ensuite, les chansons de Thiéfaine, souvent chargées d'accents mélancoliques, s'accordent à merveille avec la saison du déclin. Même glissement vers les eaux profondes et troubles des morts annoncées, même vertige pour qui les contemple. Il n'est pas toujours aisé d'entrer dans l'œuvre de Thiéfaine, et certains s'y refusent, arguant de la trop plombante tristesse qui s'en dégage. Ceux-là jouissent d'une santé rieuse et se protègent (sans doute ont-ils raison !) de tout ce qui pourrait venir entamer leur bel optimisme ! Pour ma part, j'aime qu'une œuvre me remue les entrailles, me déglingue, me submerge ! Les édulcorants ne me disent rien qui vaille. Comme Thiéfaine, je me réclamerais plutôt des piments et des alcools forts ! Pour qu'il y ait, en moi, rencontre avec un livre, un tableau, une chanson, il faut que ces derniers "envoient du lourd", il faut qu'ils me bousculent et me transpercent. S'ils glissent sur moi comme une ritournellette sans prétention, c'est qu'ils n'ont pas grand-chose à me dire. Je préfère passer mon chemin et les laisser à d'autres.

L'œuvre de Thiéfaine, elle, a quelque chose à me dire. A chaque nouvelle écoute, elle m'atteint, trouve en moi une parcelle neuve qui l'attendait. Et pourtant, cela fait vingt-trois ans que je me nourris des chansons du poète jurassien. La faim reste la même. Je crois qu'elle n'a jamais diminué. 

Je me demandais plus haut si nos élans étaient condamnés à mourir à l'automne de notre vie, mais je pourrais peut-être, au regard de ces vingt-trois ans de passion, poser une question plus optimiste : "Si nos élans sont extrêmement forts et procèdent d'une nécessité vitale, se peut-il qu'ils s'éteignent un jour ? Je ne peux me résoudre à imaginer les miens décatis, édentés et chauves. Je les veux toujours, même dans trente ans, irrigués de sève, les dents d'un blanc éclatant, les cheveux luisants, bon pied bon œil ! J'aimerais qu'il me soit donné, même quand je serai "bien vieille, au soir à la chandelle", de retrouver en moi toute ma fougue en entendant une chanson de Thiéfaine. Qu'il me soit donné de m'embraser encore, et au diable les rhumatismes ! Qu'il soit donné à ceux qui m'entoureront à ce moment-là de voir des étincelles s'allumer, que dis-je, disjoncter dans mes yeux ! Que mes petits-enfants se disent : "Trop forte, la mémé, elle n'a rien perdu de son allant !"

La passion, en nous maintenant dans un rapport avec la vie qui est tout sauf figé, mais plutôt ouverture, mouvement perpétuel, nous aide sans doute à ne pas nous racornir. Il faut l'espérer, en tout cas ! 

03/10/2015

Thiéfaine au Zénith de Nancy, suite.

La remontée du fleuve qui ouvre ce VIXI Tour a le pouvoir de nous entraîner d'emblée dans les remous envoûtants de "turbulences scéniques" ! L'équipage est plus assuré qu'à Reims (le concert du 11 avril ouvrait le bal). Les enchaînements sont plus fluides, on sent que le tout est sacrément bien rôdé à présent. Cela promet un véritable feu d'artifice pour les dates parisiennes ! 

Et que de belles surprises au programme hier soir ! "Syndrome albatros" annoncé par les vers de Baudelaire faisait partie des morceaux inespérés. Thiéfaine est à l'aise et avenant. Il remercie le public, se souvient d'être passé parfois au Parc des expositions de la ville ("le plus pourri de France, mais le plus chaleureux"). Il déclame des vers de César Vallejo, d'abord en espagnol, puis il en livre la traduction en français. J'ai l'impression de retrouver Hubert, le vrai, celui que j'ai toujours défendu toutes griffes dehors, parlant avec enthousiasme de son immense culture quand on ne me jetait à la tête que des propos rebattus, dénués de toute finesse ("Ah ouais, Thiéfaine, le mec qui chante pour les gros fumeurs de joints"). 

Profonde émotion hier, de celles qui vous zèbrent les entrailles, en écoutant "Petit matin, 4.10 heure d'été". Hubert est là, face à nous, la guitare lovée contre son ventre comme un bouclier, l'harmonica aux lèvres. Il nous raconte un cauchemar, une descente aux enfers, et j'en ai l'âme en miettes. Nous applaudissons un désastre, un cri de désespoir auquel l'extrême dépouillement instrumental confère la force d'un coup de poing dans la gueule. Faut-il avoir touché le fond du fond pour écrire une chanson pareille ! Alors que, peut-être, nous vaquions à de joyeuses occupations, l'artiste que nous aimons se débattait dans des eaux noires, charriant des cadavres en décomposition. C'était dans la splendeur de l'été et nous ne savions rien de cet itinéraire qu'un naufragé parcourait seul, à bout de souffle et sans boussole. 

Je ne vais pas détailler tout le programme. Sachez simplement qu'il est beau, merveilleux, et tantôt se sirote comme du petit-lait, tantôt se prend en pleine face comme un uppercut. C'est un choc qui provoque des frissons, des larmes, des émotions semblant venues d'une autre galaxie. D'ailleurs, le Galaxie, je n'y serai pas ce soir. Il me faut être raisonnable et soigner mes deniers en ces temps de Loreleis maigrichonnes ! Peut-être vaut-il mieux rester sur le souvenir ébloui du concert d'hier ? 

J'aime les moments qui précèdent les concerts, écrivais-je dans le premier volet de ce billet. J'aime aussi le charme mélancolique des fins de partie, quand les étoiles scintillent encore dans les yeux des dingues et des paumés qui ne savent plus très bien où est la sortie, quand les commentaires fusent dans tous les coins, ou quand le silence s'impose comme seul commentaire possible. J'aime les retrouvailles avec les irréductibles, les passionnés, les ardents. Gérard, les yeux emplis d'étincelles quand il évoque le petit gadget qui lui a permis, ce soir, de filmer ni vu ni connu. Étienne que je n'avais pas vu depuis de longues années. 655321, dit l'insolent, qui, même par moins vingt, sort en tee-shirt de sa voiture pour ne pas crever de chaud dans la salle. Sam et ses attendrissantes confusions (Jean Corps Malade, ça vous dit quelque chose ?!) Bruce et Cindy (accompagnés hier de leur fille), Vax et Julie (accompagnés hier de leur fils !) Tout le petit peuple thiéfainien qui n'a pas peur de taper la causette jusqu'à point d'heure sur un parking. Tout ce joli monde qui compose un étrange patchwork. Nous sommes tous différents et pourtant tous semblables dans notre passion. Dingues et paumés de tous horizons, légèrement allumés. Pâles enfants que les fins de partie déboussolent et rendent à leur fragilité. Comment, quand se meurent de tels embrasements, ne pas avoir besoin de se tenir chaud sur un parking ? 

Thiéfaine au Zénith de Nancy (2 octobre 2015)

La pensée du jour : "Tu seras aimé le jour où tu pourras montrer ta faiblesse sans que l'autre s'en serve pour affirmer sa force". Cesare PAVESE

Retrouvailles d'une brûlante intensité hier soir ! Depuis vingt ans, les concerts de Thiéfaine sont comme autant de rendez-vous d'amour qui jalonnent ma vie ! Je chéris particulièrement les heures qui précèdent les retrouvailles. À l'aube du grand jour, une joie enfantine m'envahit, une sorte d'euphorie mêlée d'un sentiment de toute-puissance. Carrément ! Il ne peut rien m'arriver, des ailes me poussent dans le dos, je suis indestructible et ma folle liesse tout autant !

J'aime arriver sur des parkings où une foule aimante se met déjà en condition, écoutant Hubert presque religieusement (et dans ces moments-là, chargés de miracles à venir, ce n'est pas incompatible !) On boit, on fume, et ces gestes prennent des allures de grands princes, c'est du recueillement, une douce éclaboussure de chaleur humaine, cela m'émeut à chaque fois. On croise des gueules cassées sur ces parkings, des êtres que la vie a abîmés, et que Thiéfaine a réparés, un peu. Au fil des années, j'ai vu le public évoluer. Ceux qui, comme moi, hier encore avaient vingt ans, et qui en ont aujourd'hui vingt de plus sur la carcasse, restent fidèles au poète qui a souvent consolé leur adolescence malade. On les voit parfois débarquer aux concerts avec leurs enfants. Cela m'émeut toujours, ça aussi ! À présent, le public se divise en deux : il y a la frange vieillissante et la petite cure de jouvence, les moins de vingt ans et à peine plus. Parmi eux, il y a ceux qui ont biberonné du Thiéfaine dès l'utérus ! Et il y a ceux qui sont venus à lui plus tard, parfois grâce à un prof passionné (n'est-ce pas, Évadné ?!), parfois grâce à un cousin plus âgé, parfois grâce à une "ruelle des morts" découverte un jour, par hasard, sur les ondes. Les concerts de Thiéfaine sont comme des maisons ouvertes à tous les vents, à tous les gens, à tous les genres. Les barrières s'effondrent, seul compte ce même amour qui unit en son giron trois cent cinquante mille styles différents ! 

Hier soir, j'ai donc retrouvé une fois de plus cette foule bigarrée que j'aime tant. Les un peu dingues, un peu paumés, les un peu des deux à la fois, qui puisent dans les chansons de Thiéfaine de quoi remonter à la surface par temps de noyade ou de navigation incertaine. Je crois, depuis que j'écoute Hubert, qu'il faut trimballer avec soi une douloureuse faille pour être allé un jour s'abreuver à cette source et reconnaître en son tenancier un semblable, un frère.

Je bavasse, je bavasse, mais vais-je enfin en venir au fait et parler du concert d'hier, oui ou non ?! Oui, j'y viens, j'y viens, essoufflée encore, émue, et à pas de velours, comme on s'approcherait d'un temple sacré ! 

Je vais devoir publier cette note en deux temps, je fais tout avec mon téléphone (plus de connexion internet chez moi) et ce n'est pas commode ! La suite arrive donc, lentement...

 

30/09/2015

"Nos histoires"

La pensée du jour : "Je voudrais bien Devenir quelque part Comme un grain de poussière Finir dans ta mémoire En halo de lumière". La Grande Sophie 

Voilà un album qui vous laissera désarmés, nus, pantois. Avec "Nos histoires", la Grande Sophie signe un opus d'une beauté magistrale. Une succession de dix claques ! Ces nouvelles chansons s'accordent à merveille avec la saison actuelle, chargée de mélancolie. C'est l'heure où la nature nous offre d'ultimes chants désespérés, avant de plonger dans le silence et le repos. C'est l'heure où les bilans nous frappent de plein fouet. "Nos histoires vont et viennent. Elles laissent des souvenirs, des états d'âme, des cicatrices, des bulles d'air", écrit la Grande Sophie dans le sobre livret qui accompagne le CD. Souvenirs, états d'âme, cicatrices, bulles d'air, c'est tout cela que l'on sent lorsqu'on écoute "Nos histoires". Il y a là des souvenirs qui laissent une traînée de nostalgie au fond de l'âme. "Hanoï" parle divinement bien de ces impressions fugaces qui marquent durablement. Il y a là des cicatrices, celles que tricotent les amours qui se prennent les pieds dans le tapis. "Je n'ai rien vu venir", "Les portes claquent", "Tu dors", "Les lacs artificiels" racontent la même histoire : celle d'une absence, d'un face à face abrégé, figé dans l'éternité. Il y a là des brûlures, mégots de cigarettes enfoncés dans la chair, brasiers amoureux condamnés à mourir de leur propre feu. Il y a là des mots-hommages emplis de respect, qui s'inclinent devant la grandeur. Pour Maria Yudina, pour Yuko Sugimoto. La mélodie de "Maria Yudina" reste en tête pendant des heures, les marteaux du piano s'envolent comme des grappes d'oiseaux dans un ciel baudelairien. Juste après, LGS nous confie qu'elle doute en permanence. La maison des doutes, c'est elle, ils l'habitent, elle les abrite. Elle n'y peut rien, ils lui collent à la peau de la cave au grenier ! Pareils à ces "incontournables défauts" dont la chanteuse parlait dans l'album précédent. "On en a toujours plus qu'il n'en faut" !

La vie de la Grande Sophie ressemble à la météo : sécheresse, temps plus qu'incertain, ou variable avec éclaircies, tout entre en elle comme dans un moulin. Ces variations lui donnent mille âges et mille visages, tour à tour, sans prévenir. 

Nos histoires vont et viennent. Parfois, elles nous claquent la porte au nez, nous laissant figés de douleur, fusillés, en lambeaux. De ces pertes et fracas, de ces lézardes qui s'insinuent dans les tréfonds de l'âme, la Grande Sophie a su faire de l'or, un album d'une grande maturité, dont les paroles et les mélodies peuvent nous hanter jusque dans le sommeil (c'est mon cas !!)

La mélancolie est toujours là, affirmée ou tapie dans l'ombre, en filigrane, mais la Grande Sophie ne se laisse pas démonter pour autant. Elle répète à tue-tête qu'elle n'est pas Maria Yudina, mais comme elle, elle a la résistance chevillée au corps. Elle est bien décidée à "avancer vers l'avenir". "Intrépide face au destin", comme on l'a toujours connue et comme on l'aime. 

16/09/2015

Recherche une place désespérément

La pensée du jour : "Je rêvais d'un autre pays, d'un lieu où la vie viendrait à ma rencontre en pleine rue, comme une cavalcade au galop, où elle me piétinerait". Paul NIZON

Voilà, il me faut bien l'avouer : je me suis fait avoir comme une bleue. Comme une jeunette qui tomberait de Mars sur la planète Thiéfaine. Fauchée comme les blés cet été, je me suis dit que j'allais attendre d'avoir renfloué les caisses avant de chercher à me procurer un billet pour le concert du 17 octobre au Palais des sports. Et voilà le drame : être raisonnable ne m'a jamais réussi, je devrais le savoir depuis le temps ! En 1998, j'ai loupé HFT à Bercy, simplement parce que je travaillais le lendemain et avais eu peur, à l'époque, de ne pas tenir le coup. Cela reste un regret qui me taraude régulièrement. Le temps ne nous administre finalement aucune leçon durable puisque dix-sept ans plus tard, je refais la même ânerie. Une fois les caisses renflouées, il y a quelques semaines, je me suis précipitée sur mon ordinateur pour acheter un billet en ligne. Complet ! Plus une seule place !  Alors voici aujourd'hui le S.O.S. d'une terrienne en détresse : parmi vous, y aurait-il quelqu'un qui aurait un billet en trop ou qui connaîtrait quelqu'un qui ?! Merci de m'aider ! 

 

23/07/2015

Festivals d'été

 

La pensée du jour : "L'écrit n'est pas de la parole mais de la pensée tirée par les mots à mesure qu'ils s'écrivent. Celui qui écrit ne sait pas ce qu'il va écrire. Il ne sait qu'après ce qu'il avait à dire". REZVANI

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Voici quelques questions qui ont été posées à Thiéfaine et publiées dans un article paru dans Nice Matin, à l'occasion du festival Nuits du Sud :

 

L'amour ou la mort ?

Je ne sais pas, plutôt l'amour. La mort, on n'y peut rien. C'est plus de l'instinct, et je ne veux plus trop y réfléchir.

Au nom du père ou du fils ?

Au nom du fils, à cause de l'album évidemment. Et puis les enfants, c'est très important dans une vie.

 

Dingue ou paumé ?

Plutôt dingue aujourd'hui, mais j'ai été paumé.

 

Insomnie ou cauchemar ?

J'ai fait des insomnies cauchemardesques.

 

Drogue dure ou douce lecture ?

Drogue dure. Mais mes lectures ne sont pas douces, faut que ça matraque !

 

Fidélité ou trahison ?

J'ai été victime de trahison, mais je m'accroche et je reste fidèle à mes valeurs.

 

Si jamais vous avez assisté à un de ces nombreux festivals d'été auxquels Thiéfaine participe cette année, et si le cœur vous en dit, vous pouvez utiliser l'espace des commentaires pour nous raconter cela ! Pour ma part, je suis dégoûtée : pour une fois que je passe des vacances dans les Côtes d'Armor durant la période des Vieilles Charrues, Thiéfaine n'y participe pas !!! Et pour le Cabaret Vert, je serai en Allemagne ! Décidément...

 

 

20/05/2015

Immortel, le dernier CharlElie...

La pensée du jour : "Einen Fluss in seine Bäche zerlegen. Einen Menschen verstehen". Elias CANETTI

 

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Une petite voix délicatement nasillarde, aux accents quasi enfantins, douce comme un roucoulement de tourterelle. Des ambiances un peu feutrées où les mots s'avancent à pas de velours, dans une chaude lumière. Tout cela est la marque de fabrique de l'ami CharlElie Couture, dont je n'ai jamais parlé ici. Il est grand temps de réparer cette erreur !

CharlElie Couture est lorrain, comme moi, de cet Est un peu rude où "tout l'été n'est fait que pour préparer l'hiver"... Il a longtemps habité dans le Saintois, mais il a fini par poser ses valises sur le sol new-yorkais, et cette ville cosmopolite correspond bien, j'imagine, à ses aspirations de caméléon touche-à-tout ! Dans son dernier album, Immortel, le ton est donné d'emblée : ici, l'amour n'est pas cette brûlure qui vous dévore, c'est la glace ! Solide, oui, sans doute, mais la glace, ça fond. Et l'amour s'en va, comme les petites marionnettes, trois petits tours de rien du tout, et il advient de lui ce qu'il advient de neige au soleil... Même chose pour la vie qui se retire, en cette dernière heure tant redoutée. Mais avant, nous dit CharlElie, il faut "continuer et rester éveillé, se réjouir et survivre malgré la fatigue et les années". Malgré l'absence de l'être aimé qui vous met au bord du gouffre, "au bord du froid", et c'est de nouveau la glace qui triomphe dans un monde en ruine. CharlElie ne cède pas à la tristesse pour autant, il sait que les oiseaux continuent à chanter au-dessus de nos désastres, et que c'est tant mieux, il nous dit que les résurrections sont possibles. On peut tomber très bas et réapparaître, à son grand étonnement, au sommet. Chercher la lumière pendant des années, suer sang et eau pour ne trouver que ténèbres, et puis soudain se brûler les yeux devant une lumineuse apparition. "La vie c'est c'qui vous tombe dessus toujours au moment où l'on n'y croit plus", chantait l'ami Higelin. Il faut écouter les doux dingues qui cultivent leur grain de folie comme d'autres leur jardin, ils n'ont peut-être pas tout à fait tort. Ecouter aussi, nous susurre CharlElie, cette petite voix en nous qui recèle notre mystère.

12/05/2015

Silence radio

La pensée du jour : "Mort l'enfant qui vivait en moi

qui voyait en ce monde-là

un jardin, une rivière

et des hommes plutôt frères". Renaud SECHAN

 

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À plusieurs reprises, j’ai dit ici la profondeur de mon attachement à Renaud. Le chanteur aux cheveux jaunes, c’est toute ma jeunesse ou presque, et bien plus encore.

 

Tout commence dans les années 80. Mon frère, adolescent, vient de découvrir ce chanteur, il cite à tout bout de champ des paroles de ses chansons. Dans la voiture, sur les longs trajets, mon père tolère que les cassettes du frangin tournent en boucle. Parfois, elles sont tellement passées et repassées dans les divers lecteurs de la maison qu’elles présentent des signes de faiblesse, presque d’agonie. Cela les rend encore plus précieuses à nos yeux. Je dis bien à nos yeux. Car, ça y est, moi aussi j’ai le virus. J’essaie de comprendre, d’analyser, mais, décidément, certains passages me semblent bien abscons. C’est quoi, cette histoire de poissons qui baisent dans la mer et la rendent dégueulasse ? Je n’y pige rien ! Qu’à cela ne tienne, je suis sous le charme de ce gavroche au cœur tendre qui crie tantôt sa révolte, tantôt son amour pour sa gonzesse ou sa fille. Cet attachement-là, qui prend ses racines dans le pays mordoré de l’enfance, ne me lâchera plus. Durant toute mon adolescence, j’attendrai avec une impatience fébrile la sortie des albums de Renaud, je guetterai ses passages à la télé, je le citerai à tout propos. Dans ma chambre de jeune fille, un poster immense de mon artiste préféré recouvre tout un pan de mur. Quand j’écoute Petite, je pense prétentieusement que cette chanson s’adresse avant tout à moi. Après tout, n’ai-je pas moi aussi une petite main jaune au revers du zonblou ?! Comme tout ado qui se respecte, j’ai mes convictions et défends toutes griffes dehors mes grandes causes ! Touche pas à mon pote. Leur succès c’est le vôtre (ça, c‘est de Coluche, à propos des Restos du cœur, j‘ai collé ces quelques mots sur une bouteille d‘Oil of Olaz qui trône sur mon bureau, allez savoir pourquoi ! L‘adolescence a ses raisons que la raison ne connaît pas). J’écris des poèmes, je me sens profondément artiste et proche des sensibilités extrêmes. D’ailleurs, le premier texte que je griffonne à l’époque s’inspire largement de Où c’est qu’j’ai mis mon flingue ? Il évoque mon premier grand chagrin d’amour. Je peux dire que c’est Renaud qui m’a menée à l’écriture.

 

Plus tard, toujours je surveillerai de plus ou moins loin la carrière du chanteur énervant. Toujours, je le défendrai ardemment quand on me dira que Renaud c’est mort, il est récupéré. Toujours je penserai que cet homme-là a simplement évolué. Après tout, on ne peut pas rester le même toute une vie durant. D’ailleurs, je ne crois pas que Renaud ait totalement viré de bord. Je pense que ses blessures sont restées les mêmes. Que nous dit-il quand il déclare avec tristesse : « J’ai du mal avec la vie » ? Il nous dit que la nostalgie est une gangrène qui vous cloue parfois jusqu’à la moelle, que l’enfance est un âge d’or qui revient systématiquement le hanter. Il nous dit que la coupe est pleine, que face à tout ce qui le fatigue, il n’a probablement plus que le silence à opposer. Peut-être n’avons-nous pas su déceler la fragilité qui a toujours fait de lui un être vacillant ? Pourtant, la balafre était là depuis longtemps dans son œuvre. Depuis de longues années, Renaud nous dit qu’il va mal, qu’après l’enfance c’est quasiment fini et que ce constat est le plus amer de tous ceux que l’on fait au cours de sa vie.

 

Le voilà donc en retrait, assis sur un banc pour on ne sait combien de temps. Immobile. Contemplant ses contemporains, c’est dire s’il contemple rien. De ce spectacle qui très certainement l’afflige encore, il ne parvient plus à tirer une seule ligne. Il nous faut respecter son silence, même s’il nous fait mal, même si nous appelons de nos vœux une résurrection. Et, comme le disait Didier Varrod en conclusion du très bel hommage qu’il a rendu à Renaud dans un reportage diffusé hier soir sur France 3, il nous faut écouter et réécouter encore les chansons de ce titi parisien. En attendant le moment de grâce où, qui sait, quelque chose sera peut-être de taille à le bousculer et à lui arracher de ces mots percutants dont il a le secret. Je veux y croire. Tout comme ma petite Louise, sept ans, et fan absolue de monsieur Séchan !