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25/11/2014

Stratégie de l'inespoir

La pensée du jour : "C'est effrayant ce qu'on en a des choses et des gens qui ne bougent plus dans son passé. Les vivants qu'on égare dans les cryptes du temps dorment si bien avec les morts qu'une même ombre les confond déjà. On ne sait plus qui réveiller en vieillissant, les vivants ou les morts". Louis-Ferdinand CELINE

 

 

Bien sûr, je suis en retard pour écrire un billet sur Stratégie de l’inespoir ! Bien sûr, les visiteurs de ce blog m’ont connue plus assidue et plus empressée ! Désolée ! Cette fois, compte tenu de l’accueil mitigé qui a été fait à cet album, j’ai voulu prendre mon temps, ne pas foncer tête baissée dans la description hâtive d’un ressenti encore incertain et susceptible d’évoluer.
J’ai donc écouté Stratégie de l’inespoir plusieurs dizaines de fois depuis que je l’ai. Première écoute peu convaincante, je l’avoue. J’avais l’impression d’être paumée dans cette œuvre de bric et de broc, évoquant sans transition l’horreur du goulag et le fantasme brut, entre autres. Je ne m’y suis d’abord pas retrouvée dans ce « patchwork » ! Puis, je me suis dit que de toute façon, il en avait toujours été ainsi avec tout album de Thiéfaine. À chaque fois, je me suis sentie déroutée. Donc : ne jamais donner d’impression définitive, il faut prendre le temps d’accueillir l’œuvre en soi, la triturer un peu pour en explorer les entrailles, les douceurs et parfois les âpretés. Et voir ce qui résiste réellement au bout du compte, ce qui nous semble définitivement pas pour nous, voire inaudible.

 

Cela commence fort, je trouve, avec une remontée du fleuve extrêmement bien envoyée, riche d’images foisonnantes. On s’y croirait ! Le Styx comme vous ne l’avez jamais vu ! J’adore cette entrée en matière. La musique colle parfaitement au texte, la fin semble s’évaporer dans des brumes inquiétantes, je retrouve là tout ce que j’aime chez Thiéfaine, et notamment sa capacité inégalable à créer des ambiances. J’adore aussi les associations de mots (« complexité sinistre », « furieux miroirs », « somptueuse noirceur »). Tout est bon, y’a rien à jeter, sur le fleuve bouillonnant, il faut tout emporter ! Cette fois, « les dieux s’encanaillent en nous voyant pleurer ». Finie la grande époque où ils jalousaient nos corps et où nous balayions l’éternité, démiurges insatiables réinventant les cieux !

 

Angélus vient se faufiler ingénieusement là-dedans, s’engouffrant audacieusement dans les brumes inquiétantes dont je parlais. Après la traversée du fleuve des Enfers, la rencontre furtive avec un Dieu qui semble être une affaire classée (je sais, les avis sont partagés là encore, mais moi je ressens cette chanson comme un salut sans retour possible, une porte que l’on claque et qu’on ne rouvrira pas).

 

Fenêtre sur désert continue à me plaire. Texte, musique, je reçois tout cinq sur cinq. La mélancolie qui se dégage de l’ensemble me bouleverse.

 

Stratégie de l’inespoir, j’aime aussi. Un texte plus lisse, moins riche que celui du premier titre, En remontant le fleuve, d’accord. Mais quand même quelque chose qui coule plutôt bien et se laisse écouter tranquillement.

 

Vient ensuite le percutant Karaganda (camp 99). Une musique qui cogne, tout comme le texte. Un rythme qui, à mes oreilles, frise le staccato, mais je n’y connais strictement rien dans le domaine de la musique et ne suis pas trop sûre de mon coup ! En tout cas, critique pertinente du communisme dans ses bavures immondes. La phrase de Sartre (« tout anti-communiste est un chien ! ») est mise en exergue de façon ironique avant ce pamphlet ! Difficile de contredire Thiéfaine ici. Moi qui planche depuis de longues années sur le sombre passé est-allemand, je ne vois que des Karaganda de l’autre côté du rideau de fer…

 

Mytilène Island nous tombe ensuite dessus comme une mauvaise pluie acide. Je n’aime pas du tout cette chanson, je me permets de le dire sans ambages. Déjà, le thème ne me parle pas et me semble tellement relever de l’intime que l’étaler ainsi au grand jour me paraît inconvenant. Quant à la musique sirupeuse qui accompagne le tout, je n’en dirai rien, tout est contenu sans doute dans l’épithète « sirupeuse » !

 

Résilience zéro m’a drôlement perturbée dès la première écoute. Pour tout vous dire, dans la nuit de dimanche à lundi, je l’ai eue sans discontinuer en tête, je me la chantais en boucle. Elle me touche, elle ramène à l’enfance et à tout ce qui a pu en faire un enfer, un truc qui nous laisse une nausée en travers de la gorge. L’image de l’instituteur qui se trimbale la blouse tachée de sang ne laisse pas de me titiller. On est dans l’outrance, bien sûr, mais qui sait ce qui se cache réellement derrière les mots ? La résilience : le pays où l’on n’arrive jamais ? Le truc impossible à atteindre une fois que le mal est trop profondément inscrit dans la chair ? L’âge avançant, peut-être que les blessures ressurgissent avec plus d’acuité encore ? J’aime aussi l’idée que, passé le joyeux babil bordélique de la tendre enfance, il va falloir apprivoiser le verbe, en connaître les règles et s’y soumettre. Souvenirs aigres pour moi aussi, les cours de récré m’ayant toujours flanqué un cafard indicible, et les instits dépourvus de psychologie n’ayant pas manqué dans le paysage de mon enfance !

 

Tout en écrivant cette note, je tourne les pages du livret du CD et tombe sur cette photo en noir et blanc qui m’a frappée aussi : le décor suranné dans lequel pose Thiéfaine ressemble étrangement à la chambre autrefois attenante au grenier de mes grands-parents. Cette pièce était nimbée de mystères aux yeux de l’enfant que j’étais. J’adorais m’y planter des heures durant et contempler fiévreusement les tableaux religieux qui ornaient les murs.

 

Lubies sentimentales me semble dans la lignée de Bouton de rose. Les dentelles de la femme demeurent un point d’ancrage rassurant. Les chœurs de la fin me plaisent beaucoup.

 

Arrive ensuite Amour désaffecté dont le texte me semble malheureusement quelque peu bâclé. C’est mon deuxième bémol, après Mytilène Island. Je ne m’attarde pas, j’ai toujours pris le parti de parler ici de ce que j’aimais et de laisser de côté ce que je n’aimais pas !

 

Médiocratie me plaît, sans plus. Après Lobotomie Sporting Club, on aurait pu espérer un texte plus grinçant peut-être. Je trouve que « ça manque un peu de verbe aimer » ne ressemble pas à Thiéfaine, que ça tombe comme un cheveu sur la soupe, comme une scorie dans une écriture allant d’habitude directement à l’os, sans s’encombrer de gras!

 

Retour à Célingrad est à mes yeux l’un des joyaux puissants de Stratégie de l’inespoir. Un texte divinement célinien sur une musique bien rythmée. J’adore ! Il ne manque qu’un mot que j’ai toujours adoré lire sous la plume de Céline : « chichiteux » !

 

Toboggan est la chanson d’un homme qui se retourne sur son passé et s’interroge sur la pertinence de son œuvre. A l’automne de sa vie, il se sent truand sur les bords, pas certain que le succès ne soit pas usurpé, si j’ai bien tout pigé. Et il sent aussi la menace du temps qui passe et s’accélère vertigineusement, le conduisant au toboggan, qui n‘est rien d‘autre qu‘un échafaud. Toboggan, image incongrue peut-être, et pourtant tellement bouleversante selon moi. Loin, les toboggans de l’enfance sur lesquels on glissait insouciants (c‘était avant le « verbe intransitif et déroutant » !) , il va falloir passer aux choses sérieuses, et ne pas reculer devant l’épreuve. J’aime cette chanson où se disent pudiquement la fragilité de nos vies et la peur qui nous saisit quand l’avenir se rétrécit comme une peau de chagrin.

 

Père et fils vient mettre le point final à cet ensemble somme toute harmonieux (vous voyez, plusieurs écoutes étaient nécessaires pour que le patchwork s’organise !). On passe le flambeau au fiston qui est dans la fleur de l’âge.

 

Faut-il voir des symboles partout ? Et, par exemple, compléter la citation qui ouvre le livret : « le fou a chanté dix-sept fois », faut-il aller jusqu’au bout d’un raisonnement cruel et se dire « puis il est mort de désespoir », d’où l’importance de la transmission de père à fils ? Je ne sais pas, je pose seulement la question.

 

En tout cas, pour moi, cet album s’inscrit à part entière dans l’œuvre de Thiéfaine, il la complète et l’augmente merveilleusement bien. Je vois des liens intertextuels partout, « j’appelais l’horloge parlante pour avoir de la compagnie » fait écho à « allô SOS amitié », « les dieux s’encanaillent en nous voyant pleurer » rappellent « les dieux sont jaloux de nos corps, nous balayons l’éternité », mais cette fois la vapeur s’est renversée, les dieux reprennent le dessus et opposent un sourire goguenard à nos terreurs d’hommes. Le temps s’accélère pour nous et nous entraîne dans la grande bouilloire. Les dieux, eux, ont repris leurs droits, nous ne sommes que des êtres humains qu’un toboggan mesquin viendra précipiter bientôt dans le « berceau final »…

 

 

 

 

11/11/2014

Fenêtre sur désert

La pensée du jour : "Les livres m'entourent et c'est la compagnie rêvée". Jean-Claude PIROTTE

 

J'arrive peut-être un peu tard pour vous mettre ici les paroles de Fenêtre sur désert, le deuxième titre de Stratégie de l'inespoir. Il a été diffusé hier soir, je crois, et c'est à la faveur d'une longue insomnie dont j'ai le secret que j'ai pu le découvrir. Sans ces deux heures de creux dans ma nuit, j'en serais toujours à attendre bêtement que les trains passent au milieu d'un paysage désolé...

Première écoute : sidérante ! Deuxième, troisième, centième écoutes : sidérantes ! C'est du Thiéfaine, sur toute la ligne, c'est son univers flirtant avec la folie et les bas-fonds, et cette lourde mélancolie qu'il traîne comme une valise trop chargée. En un mot comme en cent : j'adore ! La détresse suinte par tous les pores de ce texte qui vous plonge sous la peau comme un couteau tranchant. La musique, lancinante, ajoute son grain de sel sur les plaies purulentes. L'ensemble trouve un écho profond en moi. Souvenirs d'amours aux rues barrées, souvenirs d'errances dans le vide sidéral de l'impossible. Je suis bouleversée, c'est tout !

 

Voici les paroles de ce sublime "lamento" :

 

Derrière les buissons d'amarantes

Qui roulent sous le vent du désert

Je vois des ombres lancinantes

Qui rôdent affreuses et solitaires

Des ombrelles et sous la Grande Ourse

Du temps des étés délétères

Où je jouais les garçons d'course

Au service de tes jeux pervers

 

Souvenirs de baisers volés

De cercles vicieux infernaux

De lèvres au goût d'herbe mouillée

Et de démons à fleur de peau

A fleur de peau

 

Je me revois rêveur errant

Riant au milieu des pourceaux

À qui tu jetais tes diamants

Tes perles et tes vade retro

Pour toi j'ai dansé chez les faunes

Les baltringues et les souffreteux

Et j'ai brûlé ma couche d'ozone

En voulant traverser tes yeux

 

Souvenirs de baisers volés

De cercles vicieux infernaux

De lèvres au goût d'herbe mouillée

Et de démons à fleur de peau

À fleur de peau

 

Je me gare plus en double file

Devant l'hôtel des vieux amants

Et l'on me ramène à l'asile

Après avis d'internement

J'écoute les jours qui s'enfuient

Dans les eaux noires d'un lit glacé

J'ai trop traîné devant tes nuits

Dont les portes m'étaient fermées

 

Souvenirs de baisers volés

De cercles vicieux infernaux

De lèvres au goût d'herbe mouillée

Et de démons à fleur de peau

À fleur de peau

 

Paroles : Hubert-Félix Thiéfaine

Musique : Arman Méliès (?)

 

07/10/2014

Angélus : premières impressions

 

 

 

Angélus : nom masculin, du latin angelus, ange.

  1. (christianisme / avec une majuscule) Prière en latin, commençant par ce mot, récitée ou chantée le matin, à midi et le soir.

  2. Sonnerie de cloche annonçant cette prière.

 

Depuis hier, je lis et relis les paroles de cette chanson, j'écoute, je réécoute. Déjà, toute première impression d'ensemble : la musique épouse divinement bien les mots. Elle les accompagne, les porte, les fait virevolter magnifiquement. A la première écoute, la voix d'Hubert allant se percher dans les aigus durant le refrain (« au bras de la première beauté vierge ») m'a un peu dérangée. Puis je m'y suis habituée. Très vite, même. Ça change, l'ami Thiéfaine vient encore une fois nous surprendre, nous bousculer. Nous attendre à un tournant où nous ne l'attendions pas. Ça me plaît !

Quant au texte, il me semble intéressant pour l'ironie qui s'en dégage, du début jusqu'à la fin. Et jusque dans le titre ! Cela suinte la dérision, carrément ! Comment voir une prière dans cette moquerie adressée à Dieu ? Les clochers sont trompeurs : certes, la moindre petite commune en est dotée, mais les églises sont vides. J'ai l'impression que Thiéfaine dit ici à Dieu quelque chose du genre : « Tu ne sais plus quoi inventer pour te rendre intéressant. A part quelques illuminés, il ne te reste pas grand-chose en ce bas monde ! » Les églises sont désertes, seuls subsistent çà et là des « citoyens frigides ». Barjots aussi ? Faut-il voir ici une allusion à peine voilée à la Manif pour tous ? L'idée m'en a été soufflée par un commentaire de Valentin, mais je n'affirme rien, bien sûr ! Chacun verra dans ce texte ce que lui murmureront à l'oreille sa propre sensibilité, son propre vécu. On peut aussi ressentir telle ou telle chose un jour, puis voir sa perception évoluer au fil du temps. Je n'écoute plus Je t'en remets au vent comme je l'écoutais il y a vingt ans. Dans L'Etranger dans la glace, j'ai cru voir une réflexion personnelle sur la fuite du temps et le glissement inéluctable vers la vieillesse alors que Thiéfaine y parlait d'un de ses proches atteint de la maladie d'Alzheimer.

En écoutant Angélus, je ne peux m'empêcher de penser à la chanson de Souchon, Et si en plus y'a personne. Mais, là où Souchon ne fait que poser la question (« et si le ciel était vide ? »), Hubert semble affirmer avec une certitude inébranlable l'absence radicale de Dieu, en tout cas dans sa vie. Peut-être qu'à un moment donné, Dieu a existé pour lui. Il ne faut pas oublier que quand il était enfant, HFT voulait devenir prêtre ! A ce sujet, on lira ou relira avec délice le chapitre 3 de la biographie Hubert-Félix Thiéfaine, Jours d'orage, de Jean Théfaine. Et on se marrera sûrement à la lecture du passage où il est question de Gilberte Vacheret, une ex-voisine de Dole : quand elle entendait les « chansons salées » qu'écoutait le petit Hubert, elle se disait, comme beaucoup : « C'est pas possible qu'il va nous faire un curé, ce garçon-là » !

J'ai l'impression que dans cette chanson, Thiéfaine vient faire un pied de nez à Dieu, puis lui régler son compte, le liquider. Le tuer en duel une dernière fois, pour en finir à jamais. Aux bondieuseries, il préfère et a toujours préféré le charme vénéneux des beautés vierges tombées de cieux pas catholiques !

« Je te salue Seigneur » ne serait donc pas du tout une façon d'ouvrir dévotement une prière, mais plutôt une manière de claquer la porte, sans espoir de retour. « Je te salue Seigneur », c'est-à-dire : « Je suis venu te dire que je m'en vais ». Ce salut n'est pas un don de soi à Dieu, mais bel et bien un adieu définitif, irrévocable. Tant pis si ledit Dieu en a le cœur blessé, l'heure n'est plus à la pitié. L'heure est à l'ivresse et à la gueuse, aux succulences terrestres, « les dieux sont jaloux de nos corps, nous balayons l'éternité » !

Du fond de l'inutile...

La pensée du jour : "Dieu existe

Je l'ai toujours trahi" (titre d'un livre de Françoise VERNY).

Pour bien commencer cette journée, voici le texte d'Angélus. J'ai bien envie de vous livrer bientôt les réflexions (encore en germe !) que m'inspirent ces paroles. Je viens de relire le chapitre 3 de la biographie que Jean Théfaine a consacrée à Hubert-Félix Thiéfaine (titre du chapitre : "Petit séminaire, quatre ans fermes", cela vous plante déjà le décor !). Il y a des idées à piocher là-dedans, c'est sûr ! Et puis les "clochards lucides" m'évoquent les "clochards célestes" de Kerouac, mais, là encore, je dois creuser... Je reviens dès que possible m'écrouler dans l'alchimie de cet Angélus que je trouve décidément très bon, très "secouant", comme j'aime...

 

 

Angélus

 

Je te salue Seigneur

Du fond de l'inutile

A travers la tendresse

De mes cauchemars d'enfant

Le calme désespoir

De mon bonheur tranquille

Et la sérénité

De mon joyeux néant

 

 

Et je m'en vais ce soir

Paisible et silencieux

Au bras de la première beauté vierge

Tombée des cieux

Oui je m'en vais ce soir

Paisible et silencieux

Au bras de la première beauté vierge

Tombée des cieux

Oui je m'en vais ce soir

 

 

Pendant que mes ennemis

Amnistient leurs consciences

Que mes anciens amis

Font tomber leurs sentences

Les citoyens frigides

Tremblent dans leurs cervelles

Quand les clochards lucides

Retournent à leurs poubelles

 

 

Et je m'en vais ce soir

Paisible et silencieux

Au bras de la première beauté vierge

Tombée des cieux

Oui je m'en vais ce soir

Paisible et silencieux

Au bras de la première beauté vierge

Tombée des cieux

Oui je m'en vais ce soir

 

 

Je te salue Seigneur

Du fond de tes abîmes

De tes clochers trompeurs

De tes églises vides

Je suis ton cœur blessé

Le fruit de ta déprime

Je suis ton assassin

Je suis ton déicide

 

 

Et je m'en vais ce soir

Paisible et silencieux

Au bras de la première beauté vierge

Tombée des cieux

Oui je m'en vais ce soir

Paisible et silencieux

Au bras de la première beauté vierge

Tombée des cieux

Oui je m'en vais ce soir

Oui je m'en vais ce soir

Oui je m'en vais ce soir

 

Paroles : Hubert-Félix THIEFAINE

Musique : Yan PECHIN

 

N'hésitez pas à réagir à ce texte, à cette musique, à mettre un commentaire, ou deux, ou trois, ou dix !

 

06/10/2014

Interview de Thiéfaine dans Le Parisien

La pensée du jour : "On ne réussit dans le monde qu'en étant frivole". Louis CALAFERTE

 

Petite interview de Thiéfaine parue ce matin dans Le Parisien. La voici :

Il est très attendu. Et pas seulement des irréductibles qui le suivent depuis quatre décennies. A 66 ans, Hubert-Félix Thiéfaine vient de terminer Stratégie de l'inespoir qui sortira le 24 novembre et que nous avons pu écouter en avant-première. Un grand cru, réalisé en partie avec son fils Lucas, précédé du single Angélus, en guise de mise en bouche à découvrir aujourd'hui.

Ce dix-septième disque arrive trois ans après le triomphe de Suppléments de mensonge qui a conduit Thiéfaine jusqu'à Bercy et aux Victoires de la musique où il a été consacré album et artiste de l'année. Pour son retour, il nous a accordé sa première interview.

 

"Je me méfie du succès"

J'ai commencé à travailler sur ce nouveau disque très vite après la sortie du précédent en mars 2011. Suppléments de mensonge a marché tout de suite très fort. ça m'a un peu foutu les jetons. Je me méfie du succès, je préfère durer plutôt que d'avoir le tube qui tue. Alors, je me suis remis à écrire pendant la tournée. C'était possible parce que j'ai changé de vie. Avant j'avais besoin d'être un peu décadent. ça me démolissait tous les jours. Et j'ai fini en burn-out (NDLR : en 2008). A l'époque, j'avais des fins de soirée ... douloureuses après les concerts. Et je mettais du temps à m'en remettre. Maintenant je dîne, je bouquine et je vais me coucher. Désormais, j'ai une vie le matin. Je n'aime pas travailler dans l'urgence. Je suis plus en forme. La tournée de près de deux ans s'est terminée en juin 2013 paisiblement. J'aurais même pu continuer.

 

"Ce monde-là ne m'intéresse pas"

Si je vais bien physiquement, en tant qu'humain, je ne peux pas me sentir bien. Le titre du nouvel album, Stratégie de l'inespoir, est lié à ça. L'inespoir, ça n'existe pas. Ce n'est ni positif, ni négatif. Quand on parle de situation inespérée, il y a quelque chose de positif. Là, l'inespoir paraît plutôt négatif. Et en même temps ce n'est pas le désespoir. J'aime bien cette idée. Je suis assez joueur, je pars des mots que j'aime et je les emboîte comme des Lego. Une des nouvelles chansons s'appelle Médiocratie parce que je trouve l'époque assez médiocre. On est dans un monde d'épiciers encore plus qu'avant. Tout tourne autour du commerce. Si quelque chose marche, c'est bien, si ça ne marche pas, c'est pas bien. Ce monde-là ne m'intéresse pas, les réseaux sociaux, la télé. J'ai du mal à être devant mon poste. Alors je me fabrique mes choses, mon monde avec les chansons.

 

"C'était bien que les Victoires pensent à moi"

Je ne cherche pas les récompenses, mais là, ça remettait les pendules à l'heure en 2012 quand j'ai eu deux Victoires de la musique. Et ça fait plaisir aux gens qui me suivent depuis longtemps. C'était une récompense pour eux aussi. Et c'était bien qu'on pense à moi alors que j'ai fait bouger le public depuis trente ans. En 1982, je jouais devant 3 000-4 000 personnes chaque soir. En 1998, j'ai rempli Bercy qui était complet un mois avant le jour J et la télé n'en a pas parlé. Ce qui a changé après les Victoires 2012, c'est les demandes de concert. J'ai dû être programmé dans 50 festivals l'été suivant. Je n'en avais jamais fait autant. On a parcouru près de 130 000 kilomètres en voiture. Sans parler des trains et des avions. En 2015, on va commencer par des petites salles puis des endroits plus grands. A Paris, je serai au Palais des Sports, les 16 et 17 octobre 2015 (NDLR : places en vente à partir du 16 octobre), l'un des rares endroits où je n'ai pas joué.

Propos recueillis par Emmanuel MAROLLE

04/10/2014

Pour qui sonne l'angélus...

La pensée du jour : "La création littéraire devint pour moi ce qu'elle est toujours, à ses grands moments d'authenticité, une feinte pour tenter d'échapper à l'intolérable, une façon de rendre l'âme pour demeurer vivant..." Romain GARY

 

 

"Je te salue, Seigneur,

Du fond de l'inutile

A travers la tendresse

De mes cauchemars d'enfant

Le calme désespoir

De mon bonheur tranquille

Et la sérénité de mon joyeux néant

Et je m'en vais ce soir

Paisible et silencieux

Au bras de la première beauté vierge

Tombée des cieux

Oui je m'en vais ce soir

Paisible et silencieux

Au bras de la première beauté vierge

Tombée des cieux

Oui je m'en vais ce soir".

 

Alors, cet angélus, comment résonne-t-il en vous ?

Je l'ai écouté plusieurs fois, comme vous, j'imagine ! La première écoute m'a pas mal déconcertée, je ne saurais trop dire pourquoi. Sans doute parce que je ne m'attendais pas à ça ! Mais, jusqu'à présent, il en a toujours été ainsi avec chaque nouvel album de Thiéfaine. Chacun, à sa façon, m'a bousculée, par son audace, sa façon de trancher avec le précédent, pour finalement s'inscrire au fil du temps dans une œuvre riche, foisonnante et plutôt homogène, traversée par les mêmes obsessions, habitée par la même difficulté de vivre depuis des décennies.

Bousculée, donc, étonnée, mais déjà prête à accueillir avec ferveur et reconnaissance le joyau qui va nous tomber des cieux dans quelques semaines... Je te salue Hubert !

 

 

02/10/2014

Enfin une bonne nouvelle dans ce monde de brutes !

La pensée du jour : "L'écriture a cette vertu de nous faire exister quand nous n'existons plus pour personne". Georges PERROS

HFT_Angelus_Coover

Oui, c'est sans doute cela, le pouvoir magique de l'écriture : nous faire exister ! Je fais pour la millième fois cette expérience miraculeuse : depuis quelques semaines, j'écris, j'écris, j'écris. Pas ici, désolée. Mais dans des cahiers, sur des bouts de papier épars, sur mon ordinateur, j'écris. Et pour la première fois je suis certaine que ce projet qui me porte et me permet de prendre du recul par rapport à mille coups bas reçus dernièrement, oui, je suis bien certaine que ce projet va aboutir !

Il n'y a pas que cela qui me porte : il y a encore et toujours l'ami Hubert, dont j'ai désespéré comme vous d'avoir des nouvelles un jour ! Et voilà qu'il est question d'un album à venir ! Feu d'artifice dans les cœurs ! Il me semble avoir compris que cela s'appellerait soit Angélus, soit Stratégie de l'inespoir. Stratégie de l'inespoir, j'adore déjà, à fond la gomme !! Et je crois que cette merveille (car ce sera une merveille, à n'en pas douter !) sortira le 24 novembre !

28/08/2014

Magie des livres !

La pensée du jour : "Les livres font échec au temps". Jean-Claude PIROTTE

                                   

Aujourd'hui, je me permets de déraper un peu, de me balader loin de mon propos habituel. Ce blog est consacré essentiellement à Thiéfaine, ce qui veut dire qu'il n'est pas consacré qu'à Thiéfaine ! J'ai donc le droit de m'offrir des petites parenthèses, non ?! En voici une, écrite à l'instant...

 

Magie des livres, bateaux ivres qui nous transportent, nous emmènent sur leurs océans ! Je ne connais pas de plaisir plus doux, après une journée harassante, que celui de me plonger dans un bouquin. Le temps de quelques pages, n'être qu'à ce livre, oublier le monde tout autour, ne plus vouloir savoir quelles tragédies l'éventrent, quels drames le secouent. Oublier sa propre vie, les douleurs toujours recommencées, les déceptions, l'absence de miracles. Celui de la lecture est bien réel, lui !

Dernièrement, j'ai voyagé du côté de la Russie avec Emmanuel Carrère. J'ai tremblé comme lui devant les débris de son grand amour, j'ai senti mes yeux s'humecter au mot « fin », j'ai aimé la langue russe, celle-là même que l'auteur se plaît à faire rouler langoureusement dans sa bouche... Et me voilà depuis quelques jours embarquée dans une autre histoire : celle d'un des nombreux excellents romans de la rentrée littéraire (quel choix, punaise, quelle torture de devoir attendre que certains de ces livres sortent en format poche parce que sinon, si je les achète tous dans les belles éditions dont ils se parent pour l'instant, je n'ai plus qu'à emprunter 5 000 euros à la banque !!). Le roman en question, c'est L'Amour et les forêts, d'Eric Reinhardt. Me voilà dans la peau de Bénédicte Ombredanne, je suis en Alsace à ses côtés et j'apprends à tirer à l'arc en compagnie d'un homme rencontré sur Meetic... J'ai hâte de lire la suite, de me replonger dans cette aventure dont je ne sais pas encore où elle va me mener ! C'est ce que j'adore avec la lecture : on s'invente une autre vie, on se sent pousser des ailes, et cela nous fait oublier quel plomb s'est logé dans les nôtres, venant massacrer en plein vol nos plus grandes espérances. C'est ce que j'aimais déjà quand j'étais enfant. Je dévorais des tonnes de bouquins. La vie réelle, à côté, me semblait bien fadasse. Adolescente, j'étais entière et j'avais décrété que celui qui n'aimait pas Le grand Meaulnes n'avait aucune chance de trouver grâce à mes yeux !! La lecture a toujours fait partie intégrante de ma vie. Plus encore : elle vient donner un sens à ma vie, l'améliorer, peut-être même la rendre vivable !

Comme la littérature germanophone tient une place importante dans ma bibliothèque, j'aime me « partager » entre romans francophones et germanophones. Début août, je me suis promenée le long de la Moselle en compagnie de Hanns-Josef Ortheil et de son père. Peu après, j'ai enduré les affres de la dictature d'ex-Allemagne de l'Est, avec Katrin Behr comme compagne de route.

Sur une étagère de mon bureau, une pile énorme de livres à lire me fait de l'œil. J'ai toujours un livre en cours (et ma hantise est de passer l'arme à gauche sans avoir pu aller jusqu'au bout de ma lecture, de clamser connement, « la tête coincée dans un strapontin », sans avoir eu le temps d'y faire entrer la fin de l'histoire). J'ai toujours, aussi, un livre en vue. « Celui-là, ce sera le prochain », et je me promets de belles extases à venir, en compagnie des personnages et de l'auteur !

Mais, comme l'écrivait si justement Daniel Pennac, la vie est une perpétuelle entrave à la lecture. « Le jour se lève pas toujours au milieu des dentelles », il ne se lève pas toujours non plus au mileu des mots ciselés et des pages tournées, il se fait bien souvent boxer par les emmerdes, et la liste est longue de tout ce qui vient empêcher la lecture : croûte à aller gagner chaque jour, copies à corriger, repassage, ménage, courses à faire, tout cela vient porter un coup sévère aux possibilités de lecture.

C'est sans doute cette rareté, cette impression de voler du temps au temps qui rend la lecture si jouissive ! La moindre petite page est une victoire sur la lourdeur du quotidien.

Sans la lecture, la vie serait une erreur ! La mienne, en tout cas !