02/08/2014
Relire Hölderlin...
La pensée du jour : "Mais dans la nuit intime de l'homme, il y a toujours l'écho d'un hurlement". Jean-Claude PIROTTE
Me revoici, après douze jours passés en Allemagne, à me balader timidement sur les pas des plus grands que Thiéfaine honora : Dürer et Hölderlin...
Dürer, j'ai vu (revu, plutôt) sa maison natale à Nuremberg. Visité la "Gemäldegalerie" de Dresde et admiré quelques-uns de ses tableaux. Idem à la "Johanniterkirche" de Schwäbisch Hall.
Pour ce qui est de Hölderlin, j'ai réalisé un vieux rêve : aller voir la tour dans laquelle il fut enfermé durant trente-six ans après avoir sombré dans la folie. C'est à Tübingen, ville romantique à souhait, située sur le Neckar. Le lieu est tellement idyllique qu'on en oublierait presque que le poète passa ici des années cauchemardesques... Malheureusement, le jour où j'étais de passage à Tübingen, je suis arrivée trop tard à la "Hölderlinturm". Cinq minutes avant la fermeture. J'ai néanmoins eu le temps de discuter avec deux étudiants allemands adorables, qui m'ont donné accès au jardin, avec autorisation d'y faire des photos, et m'ont remis une brochure parlant de la fameuse tour. Si cela vous intéresse, je peux mettre ici les photos que j'ai faites à Tübingen, ainsi que quelques informations concernant la tour en question. Il suffit de demander !
En attendant, je vais relire Hölderlin... Quelles hallucinations vais-je avoir ? Je vais peut-être voir venir Dieu, déguisé en fox à poil dur, qui sait ?!!!
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08/07/2014
"Mais la nostalgie, tu sais, autour de 40 balais, quand ça t'chope"...
La pensée du jour : "Te raconter enfin
qu'il faut aimer la vie
et l'aimer même si
le temps est assassin
et emporte avec lui
les rires des enfants
et les mistral gagnants". RENAUD
Bon, finalement, je ne pondrai pas de note sur La bande à Renaud ! Après plusieurs écoutes, je suis moyennement emballée. Je sauverais juste En cloque, Je suis une bande de jeunes et La médaille... Je sais, ça ne fait pas bézef, mais je n'accroche pas, je n'y peux rien. Ayant toujours pris le parti de ne parler ici que de ce que j'aimais et d'éviter les descentes en flèche peu constructives, je dirai simplement que cet album invite à une seule chose : réécouter Renaud dans le texte ! Dans son jus à lui, inimitable !
Renaud, c'est toute mon enfance...
1983 : je vais avoir dix ans, mon frère en a quinze. Depuis quelque temps, il ne jure plus que par un artiste : l'ami Séchan ! Je plonge aussi, du coup ! Et je me souviens d'un trajet épique vers la Bretagne, destination incontournable de toutes nos vacances : mon père a accepté de mettre une cassette (oui, une cassette !) de Renaud dans la voiture. Mon frère chante à tue-tête toutes les chansons, il les connaît par cœur. Secrètement, je l'envie. Dès que possible, je piquerai la cassette, tiens, pour m'approprier moi aussi ces textes truculents et truffés de gros mots !
Tout à coup, toujours sur ce même trajet qui nous conduit vers le beau pays d'Armor, je demande à mon père : « Mais papa, ça veut dire quoi la mer c'est dégueulasse, les poissons baisent dedans ? » Je ne sais plus quelle réponse mon père donna à cette innocente question !!! Pour Klaus Barbie, il s'en était tiré par une pirouette : « Klaus Barbie, ben, c'est celui qui a créé toutes ces poupées que tu aimais tant »...
Bref... La mer c'est dégueulasse, les poissons baisent dedans. Peu à peu, je vais faire miens des textes auxquels je ne comprends goutte. « La môme du huitième, le hasch, elle aime », j'ai mis un temps fou à piger !!!
Les chansons de Renaud, c'est donc comme un pont entre ma vie actuelle et mon enfance. Dans une interview, Renaud déclarait il n'y a pas si longtemps que ça : « j'ai du mal avec la vie ». Moi aussi, j'ai du mal avec la vie. La vie comme elle va, comme elle fout le camp, comme elle se fait massacreuse du rire des enfants. Dans Les dimanches à la con, Renaud parle de cette foutue nostalgie qui fait des ravages autour de 40 balais. Je connais bien ça, l'impression de voir les choses s'en aller mourir dans la grande fosse du temps, l'impression que la faucheuse ne lâchera pas le morceau et que cette fois « adieu l'enfance » pour de bon... L'impuissance totale devant le grand aspirateur qui nous rappellera tous tôt ou tard.
Renaud, c'est mon frangin, mon poteau, je comprends ses déchirures. C'est un être fragile qui refuse le monde tel qu'il est et qui ne parvient plus (pour l'instant, en tout cas) à noyer son chagrin dans la création. Il est condamné au silence pour l'instant, mais je rêve encore et toujours d'un retour fracassant du bonhomme, et que les « tatatin » fusent comme avant, repris en chœur par un public fou de joie d'avoir enfin retrouvé la chetron sauvage !
Visiteur, visiteuse de ce blog, si toi aussi tu aimes Renaud, mets ici un simple petit mot, s'il te plaît. Juste pour faire exploser les commentaires, pour marquer ton soutien au tendre Gavroche qui mérite tant nos déclarations d'amour !
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02/07/2014
Crucifixion avec la Vierge et dix-sept saints
La pensée du jour : "Ma tristesse, lorsque, enfant, je tournais la dernière page d'un livre, je la retrouve chaque soir à l'heure où le jour se ferme comme une page. Elle est faite de tous les abandons du temps, et de l'angoisse d'avoir une fois encore négligé de retenir l'essentiel". Jean-Claude PIROTTE, merveilleux poète disparu le 24 mai dernier.
FRA ANGELICO (Guidolino di Pietro, en religion Fra Giovanni da Fiesole, dit il Beato) : né vers 1400 dans le Mugello et mort à Rome en 1455. Peintre et dominicain italien. C'est un des maîtres de l'école florentine et l'un des plus profonds interprètes de l'iconographie chrétienne (fresques et retables du couvent florentin San Marco, où il était moine; chapelle de Nicolas V au Vatican). Il fut béatifié en 1982. (Le Petit Larousse illustré 2014).
La collection Découvertes Gallimard a consacré un ouvrage complet à Fra Angelico (Fra Angelico Peintre de lumière, de Neville ROWLEY).
Voici l'analyse du tableau Crucifixion, proposée par ce même recueil consacré au peintre. Crucifixion est évoqué par Thiéfaine dans Annihilation (enfin, je suppose qu'il s'agit de ce tableau : on y distingue bien la Vierge et 17 saints !)
La fresque la plus impressionnante de tout le couvent de San Marco se situe au rez-de-chaussée, en bordure du cloître, où Fra Angelico a peint une immense Crucifixion dans la salle capitulaire. Le nombre de personnages est ici bien plus important que dans la même scène, maintes fois figurée dans les cellules des novices, et dépasse largement ce que racontent les textes sacrés : autour du Christ et des larrons en croix, de la Vierge qui s'évanouit et de saint Jean l'Evangéliste, on trouve des personnages hautement anachroniques mais à la fonction bien précise. A l'extrême gauche, saint Cosme évoque le pouvoir médicéen, tandis que dans la partie droite de la fresque se pressent des saints ermites recueillis sur l'exemple du Christ. En première ligne on trouve bien sûr saint Dominique*. Deux autres grands personnages du même ordre, les saints Thomas d'Aquin et Pierre Martyr, sont figurés à l'extrême droite.
La série de moines dominicains représentés en médaillon au bas de la fresque confirme qu'il s'agit bien là d'une défense explicite de l'ordre des frères prêcheurs. Tout autant qu'un message religieux, cette partie de l'œuvre est un témoignage capital des capacités de portraitiste de Fra Angelico. Depuis le milieu des années 1420, le genre même du portrait avait connu à Forence un essor remarquable, d'abord grâce à Masaccio, puis sous l'influence des tableaux venus de Flandre. Se vouant tout entier à une peinture religieuse, Fra Angelico ne souhaitait pas réaliser les portraits de ses contemporains; tout juste pouvait-il accepter de les glisser subrepticement dans les scènes sacrées. Les médaillons sous La Crucifixion et certains visages de la fresque elle-même montrent néanmoins sa maîtrise exceptionnelle dans le rendu de la physionomie humaine, bien loin de l'expression nécessairement iconique de la Vierge ou du Christ.
*saint Dominique, né à Caleruega vers 1170 et mort à Bologne en 1221, religieux castillan. Il fonda l'ordre des Dominicains, ou Frères prêcheurs, confirmé par Honorius III en 1216, prêcha auprès des cathares dans la région de Toulouse et fut canonisé en 1234. (Le Petit Larousse illustré 2014).
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21/06/2014
Voilà, ça commencerait à peu près comme ça...
La pensée du jour : "La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux". Albert CAMUS
Je l'ai dit et écrit à maintes reprises : la chanteuse Barbara a compté, compte énormément pour moi. J'ai depuis quelques semaines une idée qui me trotte dans la tête : lui consacrer un livre. Un livre qui ne serait pas une biographie, je prendrais simplement quelques épisodes de la vie de cette femme qui chantait et je développerais... Voici le début que j'ai imaginé. Lâchez vos comm' (pas trop méchants !!) :
« Il ne faut jamais revenir au temps caché des souvenirs du temps béni de son enfance », écris-tu en 1968, évoquant ton enfance pendant la guerre. La guerre, mais pas seulement. Cette succession de départs précipités et de logements (Roanne, Tarbes, Saint-Marcellin) sera comme une parenthèse, un temps hors du temps. Ailleurs, tapie dans l'ombre, la barbarie fait rage. Mais ici, des soleils sont possibles, ils jaillissent et inondent de dahlias fauves l'allée où je t'imagine virevoltant en de presque insouciantes marelles. Le parfum des sauges rouges plane dans les airs, les noix fraîches de septembre jonchent le sol. Là, tu découvres l'odeur des mûres écrasées, celle que plus tard on associera toujours au fléchissement de l'été et à la rentrée des classes. Tu mènes une vie presque lumineuse. Presque. Tu vis comme une hors-la-loi, et ce n'est pas si désagréable après tout ! Tu diras plus tard que d'autres furent moins heureux que toi en ces temps de mistoufle.
Revenir sur les pas de l'enfant que l'on fut et dont on porte en soi le deuil écrasant et le souvenir blessé, c'est un peu comme soulever ces lourdes pierres qui dorment, paisibles, au fond d'un jardin. L'imprudence qui dérange l'objet fait soudain éclater au grand jour tout un chaos de bestioles qui sommeillaient jusque là. Araignées, vers de terre, orvets, cloportes. Tout à coup, cette foule, se sentant menacée, se met en branle, provoquant surprise, dégoût, effroi chez celui qui vient d'accomplir un geste qu'il croyait anodin. Revenir traînasser, grimaçant, affaibli, vieillissant, sur les lieux de l'enfance qui autrefois nous virent gambader comme des cabris, c'est espérer dénicher de l'or là où il n'y a plus qu'un troupeau gluant, hétéroclite et rampant qui dort sous la pierre.
On ne guérit pas de l'enfance. Les blessures infligées au corps et à l'âme en ce prétendu Eden nous accompagneront désormais tout au long du chemin. Il faudra s'accommoder tant bien que mal de ce paquetage incommodant. La feuille de route a pris un coup de canif, la trajectoire ne sera pas lisse, c'est donné d'avance comme un poison. Des casseroles, disent certains. On trimbale donc son armada d'inox avec soi, tel un rocher de Sisyphe. Tu le sais, toi qui, enfant, reçus en ta chair violence et ténèbres. La vie, en tes plus jeunes années, te marqua au fer rouge. Désormais, il te faudra tenter d'échapper à la douleur originelle. La sublimer sera ton salut. Après la blessure, tu choisiras non pas de glisser vers l'ombre, mais de te hisser vers la lumière. De ta voix, de tes mains, et avec ton piano, fidèle compagnon toujours prêt à se faire le réceptacle de tes confidences, tu façonneras des chansons qui, magie de la parole dite simplement, parleront au cœur de chacun. Tu ne seras pas une femme qui gémit, tu seras une femme qui chante. Des cloportes au fond de ta besace qui pèse parfois des tonnes ? Tu en feras de l'or, pardi ! Et, pour en revenir au mythe de Sisyphe, citons Camus : « La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d'homme ». L'ascension vers la lumière suffira donc à remplir ton cœur de femme qui chante. Dans ce cœur meurtri, tes chansons viendront déposer un baume et des étincelles. Il faut imaginer Barbara heureuse.
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18/06/2014
La bande à Renaud
La pensée du jour : "Je demeure une nostalgique invétérée". Amélie NOTHOMB
Je l'avoue à ma grande honte en cette heure tardive aux allures de 113ème cigarette sans dormir : je n'ai toujours pas écouté les reprises de « La bande à Renaud ». Qui, parmi vous, l'a fait ? Promis, j'irai bientôt acheter cet album. Je sais déjà que certains voudront m'en dissuader, et je les vois venir avec leur armada d'arguments contre. Contre Renaud lui-même (« c'est mort, il est récupéré »), contre les artistes qui ont participé à l'élaboration de cet hommage, contre quoi et contre qui encore ? Ici, on n'attaque pas Renaud ! C'est le truc impensable. On ne crache pas sur mes premières amours ! En réécoutant dernièrement plusieurs albums de l'ami Séchan, j'ai compris tout ce que je devais à ce grand monsieur. Toute son écriture dit sa douleur de vivre dans un monde comme le nôtre, brutal, dénué de poésie, toute son œuvre crie sa fatigue de tant de haine. Et c'est vrai, ça : « pour un temps d'amour, tant de haine en retour ». C'en est désespérant.
Bref, je m'éloigne de mon propos. J'irai bientôt acheter l'album, donc. Je veux écouter Hubert, mais pas que lui. Il y a aussi Dorémus (je découvre seulement, mais j'adore, j'adore, j'adore !), Alexis HK, Grand Corps Malade.
La suite, c'est-à-dire mes impressions, dans les jours qui viennent !
01:41 | Lien permanent | Commentaires (9)
24/05/2014
Alexis HK à la médiathèque de Créhange !!!!!!
La pensée du jour : "Gloire à qui n'ayant pas d'idéal sacro-saint
Se borne à ne pas trop emmerder ses voisins !" Georges BRASSENS
Oui, je mets plusieurs points d'exclamadmiration après le titre car la soirée d'hier les mérite bien ! Alexis HK à la médiathèque de Créhange pour une rencontre musicale, quel programme alléchant, et qui a tenu ses promesses, en plus ! Pas une seule fausse note. Rien que de la joie, même si les chansons flirtent parfois avec une certaine mélancolie (moi ça me fait même pas peur !!).
Avant de parler de cette soirée, j'aimerais évoquer ma « claque » Alexis HK. Il y a encore deux ans de cela, je connaissais la « sombre histoire » des Ronchonchon, grâce à une de mes filles, rien de plus. Et un jour, j'eus LA révélation en écoutant « Le pont des artistes ». Alexis HK était là pour parler de son album « Le dernier présent ». J'ai tout de suite craqué pour « Fils de » et les autres chansons interprétées par l'artiste ce soir-là. Deux jours plus tard, l'album était en ma possession ! Par la suite, j'ai acheté « Les Affranchis » aussi. Et je pense que très vite je me paierai toute la discographie du bonhomme.
La médiathèque de Créhange, donc. Il faut imaginer une petite ville mosellane d'environ 4 000 habitants, des habitants qui ont une sacrée chance, punaise, car leur commune est dotée d'une bien belle médiathèque. Active, surtout. Quand même, accueillir Alexis HK pour une rencontre musicale gratuite, ce n'est pas donné à tout le monde ! Alexis a d'ailleurs expliqué durant la soirée que l'idée de gratuité lui tenait à cœur et qu'il savait bien que certaines personnes ne pouvaient pas se payer des concerts.
Une heure durant, nous avons navigué dans le répertoire très riche de l'artiste, qui aime à plaisanter entre deux morceaux. Nous expliquant d'un air espiègle que ses thèmes de prédilection ne sont pas ceux du commun des chanteurs, il nous a invités plusieurs fois à saluer ses prises de risques, son audace, voire son suicide artistique, je cite ! Il est vrai qu'évoquer la mort et la fin du monde nous sort des trucs inconsistants dont on nous rebat les oreilles à longueur de temps. Les lieux communs et la facilité, très peu pour Alexis HK. Lui, ce qu'il aime, c'est servir au public des sujets du genre « métaphysique et trépas » (cela me rappelle vaguement quelqu'un...), les figures libres plutôt que les figures imposées par les lois du marketing... Il se veut funambule au-dessus d'un volcan plutôt que pépère dans ses charentaises. Il dit de Brassens que c'est « le patron », il admire l'œuvre et le personnage, il préparer quelque chose autour de l'ami Georges et de son irrévérence. De quoi réjouir d'avance nos écoutilles !
Après ce petit concert, Alexis HK a invité le public à lui poser des questions. Silence d'abord dans l'assemblée. Et puis une question est arrivée, puis deux, puis trois. La célébrité ne l'intéresse pas, il espère juste un peu de reconnaissance. Etre invité chez Drucker lui donne tout simplement envie de mourir. Il sait très bien que s'il passait demain sur les très grandes ondes, il devrait se renier un peu, traîner ses guêtres dans les sentiers battus qui ne lui disent rien qui vaille. Un petit côté Thiéfaine ? Il avoue admirer la carrière de notre artiste préféré, il l'a beaucoup écouté quand il était ado. Lui qui, à quatre ans, écoutait avec ravissement « Orly » de Brel, a dû retrouver, j'imagine, un peu de son âme dans la noirceur de certaines chansons de Cousin Hub, qui n'est pas le dernier quand il s'agit de chanter que « la vie ne fait pas de cadeaux » !!
Bref... Ce fut une belle rencontre. De celles qui laissent dans le cœur une étincelle que l'on pourra trimbaler avec soi sur le chemin. De celles qui vous font dire que cette chienne de vie vaut quand même bien un petit détour, que l'on veut bien endurer mille et un tourments pour un seul de ces instants de grâce. Merci l'ami !
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21/05/2014
"Mais le jour s'lève pas toujours au milieu des dentelles"...
La pensée du jour : "Ah ! que la vie est dérisoire, vue de chez nous, vue des hommes, c'en est fou, c'en est déchirant..." René FALLET
« sur mon styx
une étoile fixe
illumine ma fréquence
et dans l'axe
où elle me faxe
excess est sa fragrance
comme une guêpe sur une fleur à peine éclose
mes lèvres sur sa déchirure explosent
son bouton de rose
dans sa soie
j'm'essuie les doigts
je bois dans son cristal
et son vin
coule au parfum
de ses vasques orientales
comme une guêpe sur une fleur à peine éclose
mes lèvres sur sa déchirure explosent
son bouton de rose
et je voyage en classe clandestine
dans la sève des bouquets d'églantines
dans le satin d'essences assassines
je m'incline
elle est clean
si fine
féline
féminine ... / ... féminine
mais le jour s'lève pas toujours
au milieu des dentelles
et parfois
je sens le froid
quand je suis trop loin d'elle
comme une guêpe sur une fleur à peine éclose
mes lèvres sur sa déchirure explosent
son bouton de rose ... / ... »
C'est la chanson qui me trotte dans la tête depuis ce matin. Je l'aime beaucoup. On y trouve, on y retrouve la façon dont Thiéfaine appréhende le féminin. Avec ses images végétales, cette chanson annonce déjà « Les jardins sauvages ». D'ailleurs, ici, le monde animal et le monde végétal (la guêpe et la fleur) communient, signant leur appartenance à un même grand ensemble, l'univers qui les contient. Comme souvent, la femme apparaît ici comme un point d'ancrage rassurant. « Sur mon styx une étoile fixe illumine ma fréquence ». Cela rappelle étrangement d'autres envolées : « A chercher le Pérou sur ma radio inca j'ai trouvé la fréquence que je n'attendais pas ». La zone du féminin est chaude, c'est l'ultime refuge, le nid douillet où vient s'échouer le désespoir. C'est la douceur, voire la fragilité (que l'on trouve dans les images du cristal, de la fleur à peine éclose, ou encore de la déchirure). Impossible pour moi de ne pas faire un parallèle avec la chanson de Ferré, « Cette blessure » :
« Cette blessure
Où va ma lèvre à l'aube de l'amour
Où bat ta fièvre un peu comme un tambour
D'où part ta vigne en y pressant des doigts
D'où vient le cri le même chaque fois
Cette blessure d'où tu viens
Cette blessure
Qui se referme à l'orée de l'ennui
Comme une cicatrice de la nuit
Et qui n'en finit pas de se rouvrir
Sous des larmes qu'affile le désir ».
Déchirure pour Thiéfaine, blessure pour Ferré, le registre reste le même...
J'aime aussi la mélancolie qui se dégage du dernier couplet :
« Mais le jour
s'lève pas toujours
au milieu des dentelles
et parfois
je sens le froid
quand je suis trop loin d'elle ».
Non, le jour ne se lève pas toujours au milieu des dentelles. Il n'est pas rare que l'on se prenne en pleine face la brutalité du soleil levant... Coups de poing dans la tronche après la torpeur bienfaisante du sommeil (quand on a la chance de s'y être enfoncé et qu'on n'a pas grillé 113 cigarettes sans dormir). Le jour qui se lève, c'est plutôt « Caterpillar dans la lingerie fine », comme dirait Souchon. Peu ou pas de place pour les dentelles, les froufrous, les douces fragrances et la poésie. D'où la nécessité absolue, l'urgence totale de s'enivrer des mots d'HFT...
11:31 | Lien permanent | Commentaires (9)
19/05/2014
La longue dame brune
La pensée du jour : "Je suis si lourde
du temps que je porte". BARBARA
Elle n'avait pas sa pareille pour dire la pâleur des amours en déclin, les baisses de température dans les sentiments, les virevoltes du cœur, la mélancolie de l'automne (elle avait même créé le verbe « automner »), les trains qui partent (« au revoir, nous étions bien ensemble »), l'absence qui crie. Et tant encore. Le pardon malgré les horreurs subies. La douceur des rues de Vienne. Les « enfants blonds de Göttingen ». Elle, je veux dire : Barbara. Barbara dont les chansons ont bercé mon enfance, puis mon adolescence, et enfin ma vie d'adulte. Barbara, cette femme qui chantait, qui se définissait tout entière dans ce seul verbe : chanter. Qui n'avait pas eu peur de renoncer à une vie de famille bien ordonnée pour pouvoir chanter encore et toujours. La vie d'artiste avant tout, et tant pis pour le reste ! Un homme à demeure ? Trop encombrant ! Une entrave à sa liberté de femme qui chantait et sillonnait les routes pour aller retrouver régulièrement sa plus belle histoire d'amour : le public. Un enfant ? Même topo ! Plus tard, dans ses mémoires, elle écrira : « Dans ma vie de femme j'ai échoué. Dans ma vie de mère j'ai échoué. J'ai longtemps senti dans mon ventre un vide glacé, j'ai longtemps jalousé les femmes enceintes et détesté les nouveau-nés. J'ai souvent marché la main posée sur mon ventre. Aujourd'hui, je pense que c'était sans doute le prix à payer et que ma vie a été malgré tout belle et intense ».
Barbara, c'est comme Thiéfaine, je l'ai tellement écoutée que je peux passer de longs mois sans faire entrer sa voix chez moi, ce n'est pas une absence, c'est juste la mer qui se retire mais n'est jamais bien loin. Je la porte à l'intérieur de moi, ses mots m'habitent, ses mélodies me sont une maison.
Hier, en écoutant Marie-Hélène Fery chanter et évoquer Barbara dans son spectacle musical « De l'Ecluse au Châtelet », j'ai senti à quel point le répertoire de la longue dame brune faisait partie de moi. Quelques mots, quelques notes, et j'étais repartie au « temps béni de mon enfance », j'aimais et je souffrais avec Barbara. Marie-Hélène Fery a le mérite de mettre sa touche et sa sensibilité personnelles dans l'univers qu'elle revisite. Elle raconte les débuts de Barbara à l'Ecluse, sort des tiroirs des chansons audacieuses comme « Joyeux Noël », et c'est un peu comme si Barbara, du fond de son exil, nous faisait un petit clin d'œil espiègle... On réécoute avec émotion (moi, en tout cas) la merveilleuse aventure que fut le voyage à Göttingen, et l'on se dit que Barbara était tout simplement admirable dans ses pardons et dans ses choix.
Merci, Marie-Hélène, pour cet hommage vibrant. En sortant du spectacle hier, je me suis dit que la mer s'était retirée trop longtemps et qu'il était temps de me refaire une petite cure de Barbara ! J'ai commencé ce matin !
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