27/06/2012
Suite de l'article paru dans Chanson magazine en 1983
La pensée du jour : "Où trouver le temps de lire ? Grave problème. Qui n'en est pas un. Dès que se pose la question du temps de lire, c'est que l'envie n'y est pas. Car, à y regarder de plus près, personne n'a jamais le temps de lire. Ni les petits, ni les ados, ni les grands. La vie est une entrave perpétuelle à la lecture". Daniel PENNAC
Tournée Thiéfaine en direct
Oui, Thiéfaine « bourre » partout. Et se déplace en grande équipée. J'ai pu le constater en me joignant pendant quelques jours à la tournée, suite proposition d'Hubert. « Suis-nous quelques jours et tu verras ». Ne pas me le répéter deux fois ! Tayo, Tayo ! La vie d'artiste en quatre jours !
Les quatre jours achevés, je ne viendrai pas vous raconter que j'ai tout compris. Sûre d'une chose peut-être, c'est qu'il ne faut pas trop fabuler, et que la vie d'artiste n'est pas la vie de rêve qu'on veut trop faire croire. C'est de la vie, simplement. Une vie de groupe avec ses tensions et ses fous rires, une vie en vase clos, hors du temps, du monde qu'on croise à contretemps.
Premier jour, direction Lille. J'embarque dans un dodge somptueux avec les six musiciens. Ils ont tous dans les pattes trente et un concerts en trente trois jours (à part Alain Doueb le percussionniste arrivé seulement pour l'Olympia mais qui doit se remettre d'avoir dû mémoriser vingt-quatre morceaux en trois jours) et une semaine d'Olympia. Pas mécontents de repartir immédiatement après, les charentaises, c'est pas pour eux. Et puis, quoi, ne pas perdre le rythme angélique des tournées : route, concert, route !... Boutade d'Hubert alors que j'essaie de calculer le temps de vacances nécessaires pour récupérer. Deux mois ? « Non, vingt ans » !
Levés en début d'après-midi, couchés au petit matin. Route. Trouver l'hôtel inexorablement en bordure d'autoroute, tous identiques. Trouver la salle. Tout est fonction et tourne autour des deux heures de spectacle. Pour la vie de rêve, il faudrait pouvoir ôter fatigue et tension. (Ça carbure sec au café !) Et quelque soit son « état », réussir à être disponible tous les soirs, « donner ». Vous avez, vous, tous les soirs envie d'offrir quelque chose ?
La tournée de Thiéfaine n'a sans doute rien de plus extraordinaire qu'une autre. Mais y souffle un « vent de chaleur humaine » comme me dit un technicien, pas souvent perceptible ailleurs.
16 h 30. Arrivée à la salle « St-Sauveur » à Lille. Et une salle de sports, une ! Brève admiration des vestiaires dits « loges ». Dans la salle, deux panneaux lumineux affichent « Visiteurs/ Lille ». Tout le matériel est déjà installé. A dix mètres de haut, allongé sur une poutrelle, un technicien règle la direction des projos tandis que Serge Perod à la console lumière en fond de salle, doit sûrement lui raconter des histoires bizarres dans le casque. Chacun s'affaire dans son coin. Dans les loges, on change les cordes des guitares. Zem susurre inlassablement des « 2-2-1 » dans les micros. Chaque musicien fait sa balance et quand Hubert arrive, ils reprennent tout ça en chœur avec lui. Le son des synthés ne passe pas. On cavale pour régler ça en vitesse mais sans le moindre signe de panique.
Calme et efficacité des techniciens liés sans doute au climat de confiance qui règne. Pas vu Hubert une seule fois s'acharner sur un détail ou réclamer ceci ou cela. Silence, attend s'il y a un problème. Laisse chacun faire son boulot. Aucun risque, ici, d'entendre dire « C'est l'enfer, plus jamais je ne rebosserai avec lui ». L'équipe est soudée, fidèle.
Des techniciens qui, outre leur compétence, disposent d'un atout en or : la pêche en permanence ! Si avec Thiéfaine et les musiciens, la fatigue se ressent, créant parfois une ambiance un peu « apathique », elle ne semble guère les toucher. Premiers levés, partis, bossant de midi à deux heures du
matin et derniers couchés. Déconneurs de première... Pour la seule soirée « off », ils iront dérober malgré les cris hystériques de la réceptionniste, la télé couleur du hall de l'hôtel pour remplacer la leur en noir et blanc. Avec quelques musiciens, en se retrouvera à une dizaine dans une chambre pour regarder la « Dernière séance ». Pas triste !
Balance achevée, les sept technicos vont manger (un cuisinier suit la tournée avec sa camionnette). Dans la loge, silences et discussions s'entrecroisent. On sort les « costioumes de scène » ! Jason remporte haut la main le trophée des couleurs les plus criardes ! Gérard, qui assiste Tonv, annonce régulièrement « dans une heure », « vingt minutes », « dix minutes ». Top, partez ! Lampe de poche au poing, sourire parce qu'elle veut bien marcher, il guide le beau monde dans l'obscurité derrière le rideau noir.
Cris et piaffements dans la salle. On dirait qu'ils vont entrer sur un ring ! Sourires complices. Les loups sont lâchés. Musique. Magie...
Je rejoins Zem à la console scène. Brèves visites d'Hubert à qui l'on tend bouteille ou vitamines. Jason pète une corde, Paul, le batteur, manque de se casser la figure de son tabouret et perd en route une baguette. Jasper cavale et guette le moindre signe de détresse. Pas pour rien qu'il s'appelle SOS technique.
Où sont les miradors ?
Concert fini, repos ! Une heure après « à table ! ». Retour à l'hôtel. C'est la fête au genièvre, l'alcool du coin. Dodo cinq heures. On ne s'appesantit pas sur le concert du jour, on est déjà au lendemain. Hubert s'inquiète de l'état de la salle de Reims. Cette salle-là, toujours de sports, battra tous les records avec des tonnes de vitres inclinées à 45°, bonjour la résonance ! Se battre pour essayer de faire passer quelque chose alors que le son est irrémédiablement pourri et qu'une porte bat toutes les cinq minutes et éclaire toute la salle. Jouer dans une salle de sports, mais quel bonheur !
Dernier concert pour moi, Nancy : hall d'expo. Décor de tubulures en ferraille pour le plafond. Décor extérieur encore plus alléchant : bloc de béton en bord d'autoroute, entouré de grillages. « Où sont les miradors » demande Thiéfaine... Une table de ping-pong fera naître des exploits avant et après le spectacle. Sourires sur les lèvres. Autant déçus la veille à Reims, qu'heureux ce soir d'avoir pu offrir un beau concert.
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24/06/2012
Encore un article paru dans le magazine Chanson
La pensée du jour : "Non. Pas de dérision. Surtout pas de dérision. Mais des mots qui seraient source d'énergie, donneraient le courage de ne pas sombrer, exalteraient les forces de vie, inciteraient ceux qui les accueillent à aller vers toujours plus de lucidité, de tolérance, de compassion". Charles JULIET
Je prends enfin le temps de vous faire signe ! Voici ce matin un autre article paru en 1983 dans le magazine Chanson, et envoyé une fois encore par M.D., que je remercie au passage !
Quand la rage et le désespoir deviennent énergie, ne pleurent plus mais griffent, mordent, soi-même, les autres, il est urgent d'aller fondre sa rage et ses impuissances dans les siennes, d'aller s'éclater dans ses concerts où le noir du désespoir et le rouge de l'ironie s'enchaînent dans un rock flamboyant et tonique...
Prenez dans la main gauche les trois premiers disques de Thiéfaine, les deux derniers dans la main droite (vous avez le droit d'inverser main gauche et main droite). Non, il ne s'agit pas de peser mais de regarder et d'écouter. Premier réflexe rapide, ça n'a pas la même gueule, ça ne sonne pas pareil, ça ne raconte pas vraiment les mêmes choses. La rupture est flagrante...
« Entre deux délires, deux idées noires »
Thiéfaine, le clown narquois, grimé, aux chansons où l'absurde et l'ironie s'aiment à la folie, où délire et humour sont rois (La vierge au dodge, L'ascenseur de 22 h 43), ne se retrouve plus du tout dans les deux derniers disques. Le pire, c'est que ça ne donne même pas envie de pleurer. Aucun regret à exprimer.
Le « ch'est plus comme avant » geignard, on s'en balance! C'est plus pareil, mais qu'est-ce que ch'est beau !
Deuxième réflexe (moins rapide) : chercher des liens. On trouve la trace des angoisses dans les trois premiers LP. Un peu cachées mais déjà présentes :
« Orgie de silence et de propreté où celui qui aurait encore quelque chose à dire préfère se taire plutôt que d'avoir à utiliser leurs formulaires d'autorisation de délirer... Demain, nous reviendrons avec des revolvers au bout de nos yeux morts » (Autorisation de délirer).
Recourir dans l'autre sens, vers le quatrième et le cinquième pour retrouver une trace d'humour. « Il est bientôt minuit mais je fais beaucoup plus jeune » (Autoroutes jeudi d'automne).
Mais avec tout ça, je ne suis guère avancée. J'veux comprendre ! Que l'on puisse dépasser le cap de l'ironie, se détacher de cet atout-là pour fixer le noir dans les yeux, sérieusement, je ne peux pas y croire. Réponse fulgurante et convaincante d'Hubert, je m'incline.
« II y a des moments où tu ne peux plus rire. C'est pas la peine de vouloir se dire: on va rire de tout. Il y a certains moments où tu es carrément écorché dans un truc et c'est tout... Tu peux tout cacher derrière le rire, l'ironie. Jusqu'au jour où tu t'aperçois qu'en tournant tout en dérision, en riant de tout, tu tombes complètement. Il n'y a plus rien, parce que, quelque part, tu as tout détruit ».
Cette fameuse rupture entre le troisième et quatrième album, est également sensible à travers la musique. Les trois premiers suivaient des tracés classiques : bons vieux rocks, boogies, voire bourrées pour rigoler, avec un « son » plus folk que rock. Avec les suivants, le climat devient plus personnel, percutant et fort, du rock « léché » aux lignes mélodiques qui ont le faible don de s'installer dans vos oreilles pour ne plus vous quitter.
Responsable : un dénommé Claude Mairet. « Accusé levez-vous ! ». En fait, Claude reste tranquillement assis au bar à déguster son petit « déj », acceptant que je grignote son croissant. Evident qu'il tient un rôle principal dans l'affaire, avec, of course, Thiéfaine. Deux compères qui se sont connus sur les bancs de l'école, dans leur pays franc-comtois (je ne vous raconte pas l'accent détenu par presque toute « l'équipe » Thiéfaine).
Séparés quand l'un part délirer dans les cabarets parisiens, et l'autre s'amuse dans un groupe rock « Guidon Edmond et Clafoutis ». Absent du premier disque qu'il n'aimera pas, Claude se compromet à la guitare dans le second, arrange un morceau, puis deux pour le troisième. A partir de Dernières Balises, le voilà totalement arrangeur et même compositeur pour plus de la moitié des titres du dernier, dont les musiques de Lorelei et 713.105. Soleil Cherche Futur. « J'étais vraiment content de lui offrir ça un matin », tu parles ! Déclic. Collaboration fructueuse que reconnaît et approuve Tony Carbonare, arrangeur des trois premiers albums. Mettez Mairet et Carbonare sur un ring et repartez déçus ! Pas de match ni de luttes, apparents ou réels, puisque tous deux bossent toujours ensemble, Tony en tant que « manager ». Il a automatiquement interrompu son rôle d'interprète (bassiste) quand il n'était plus lié à celui de créateur.
Quand Thiéfaine, en 77, décide de s'entourer de musiciens, c'est le groupe « Machin » dont Tony, ami d'Hubert, est membre actif, qui viendra jouer avec lui. C'est la grande époque du folk, Tri Yann et compagnie. « Machin » est dans ce trip-là, d'où influence pas vraiment désirée sur des chansons de Thiéfaine. Le « son » de ces premiers albums est loin d'être parfait aussi. Mais, à l'époque, les sous sont rares. Quatre jours d'enregistrement pour le premier disque, c'est peu. Les deux suivants n'auront droit qu'à quelques jours de plus, alors que les deux derniers seront soignés pendant un mois dans un beau studio. Ça joue...
Bref, aujourd'hui, ce sont les grands moyens, pour les disques, comme pour les tournées. Le bouche à oreille, pour Thiéfaine, a fonctionné à une puissance rarement égalée. Jusqu'au point, aujourd'hui, de bourrer les plus grandes salles de France et de Navarre, y compris l'Olympia, de transformer deux LP en disques d'or... (Moi, ça me fait... rêver de médias en folie au bord du suicide, ou craindre de voir s'envoler tous les arguments et alibis des chanteurs géniaux mais oubliés ! Mais du calme !)
La suite dans les jours qui viennent. Et si vous avez loupé CO2 mon amour le samedi 16 juin sur France Inter, profitez de ce dimanche pour écouter cette émission ! L'épisode s'appelait Hubert-Félix Thiéfaine dans le silence de la forêt de Chaux. Suivez le lien :
http://franceinter.fr/archives-diffusions/137217/2012-06
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09/06/2012
Concert de la grande Sophie hier soir à Vandoeuvre-lès-Nancy
La pensée du jour : "On n'est pas heureux : notre bonheur, c'est le silence du malheur". Jules RENARD
En ce moment, je fais beaucoup d'infidélités à Hubert-Félix Thiéfaine ! Cela vous arrive-t-il ? Je n'en nourris aucune mauvaise conscience, sachant bien que, comme on dit en allemand, « alte Liebe rostet nicht ». En gros, cela veut dire que les vieilles amours ne rouillent pas. Et mon amour à moi fêtera ses vingt ans en septembre. « Vingt ans d'amour, c'est l'amour fol », chantait le grand Jacques. Je sais donc bien, au fond de moi, que si « parfois je ruisselle, comme un vieux troubadour », pour de douces donzelles, c'est pour mieux revenir à Hubert, l'amour-choc, le grand, le majestueux, le magique, celui qui me ramène à la source première.
Douces donzelles, disais-je. Oui, car depuis quelque temps, ce sont des voix féminines qui me bercent. En particulier celles de Berry et de la grande Sophie. Je rêvais de voir cette dernière sur scène. C'est chose faite : elle passait hier à Vandoeuvre-lès-Nancy.
En première partie, il y avait Laurent Lamarca. Et je vous conseille d'écouter quelques-unes de ses chansons. Faire la première partie d'un artiste déjà bien installé dans ses grolles, ce n'est pas chose aisée, on s'en doute, et il m'est arrivé de me sentir mal pour certains qu'un public irrespectueux se mettait presque à huer. Hier, notre brave Laurent ne s'est pas démonté une seule seconde, nous annonçant d'emblée qu'il y aurait une deuxième partie à son spectacle, une deuxième partie assurée par une jeune artiste. Et d'ajouter : « Par respect pour elle, restez, s'il vous plaît ». Sans se démonter, une fois de plus, le monsieur nous dit qu'il nous a trouvés un peu mous lorsqu'il est arrivé sur scène avec son acolyte, Victor. Il nous propose de refaire son entrée sous des cris hystériques. Et c'est encore des cris hystériques qu'il réclamera lorsqu'il nous demandera de l'accompagner dans un refrain orgasmique. Entre tendresse et déjanterie, on passe un bon moment, même si, avouons-le, secrètement, on attend la suite.
La suite, c'est elle, la grande Sophie, qui va nous la servir sur un plateau d'argent. Elle arrive et résonnent les premières notes de « La radio », splendide chanson de son dernier album tout aussi splendide. Elle enchaîne les titres, on ne voit pas le temps passer. Elle doit nous trouver un peu mous, elle aussi, plantés comme nous sommes sur nos fauteuils guère confortables. Elle nous explique qu'elle est née dans la région, mais qu'elle la connaît peu (j'apprendrai ensuite dans L'Est Républicain que son père travaillait à Arcelor Mittal et qu'il a été muté dans le Sud). Elle se dit contente car la journée a été un peu plus chaude que les autres. Mais le doux murmure des cigales lui manque, il faudrait que nous l'imitions pour elle. Et voilà que la salle se met à striduler. Timidement, d'abord. A la fin, avoue-le Sophie, « on dirait le Sud » !
On dirait le Sud aussi quand le public se lève enfin comme un seul homme pour acclamer comme il se doit cette artiste qui donne tout. Une véritable communion va surgir là, sous nos yeux. La grande Sophie continue à vibrer en chantant, on la sent émue par tant de magie, de respect, d'amour. A la fin, elle nous dit qu'elle et son équipe n'ont plus envie de partir. Qu'on n'a qu'à rester comme ça jusqu'au petit matin, à chanter « Je ne changerai jamais ». L'osmose a mis un peu de temps à se mettre en place, mais maintenant qu'elle est là, c'est du solide, ça ne va pas se défaire comme ça ! Nous non plus, Sophie, nous n'avons pas envie de partir. Pas envie de retourner à nos pâles quotidiens assoiffés alors que nous venons de brûler nos ailes à un bout d'absolu. C'est ce que, dans le jargon cher aux admirateurs de Thiéfaine, on a fini par appeler la « redescente »... C'est cela, j'imagine, le spleen qui vous envahit après un shoot...
Ce matin, le pâle quotidien était bien là, à nous attendre au tournant pour mieux nous piéger. Mais on se dit qu'il ne nous aura pas parce que déjà, on a regardé les dates des prochains concerts de la grande Sophie et qu'on en a trouvé une, voire deux, qui nous appellent...
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27/05/2012
Hubert-Félix Thiéfaine dans Philosophie magazine
La pensée du jour : "Ah, ma pauv'dame, m'en parlez pas, on a trente-six femmes, mais on n'a qu'une maman". François CAVANNA
Voici le questionnaire de Socrate, renseigné par HFT dans Philosophie magazine de "mai, joli mai, mois de Marie"...
Quel est votre démon ?
C'était Dionysos, mais aujourd'hui c'est plutôt Apollon. Le clochard et le dandy.
Quel penseur vous accompagne ?
Nietzsche. Les philosophes qui m'intéressent le plus sont des poètes.
Le sophiste qui vous exaspère le plus ?
Lacan. J'ai connu des gens qui suivaient ses conférences comme on va à la prière.
La question qui vous tourmente ?
La géographie de l'Univers. Je me demande chaque jour ce que je fous là.
Quel lieu se rapproche, pour vous, de la cité idéale ?
La Saline royale d'Arc-et-Senans, bâtie au XVIIIème siècle pour être idéale.
La chose la plus grotesque que vous ayez faite par amour ?
Offrir des fleurs et des bijoux. Dire "Je t'aime" une fois. Mais j'étais bourré, ça ne compte pas.
Le banquet de votre vie ?
Désormais deux pilules nutritives et un verre de Châteldon, le Dom Pérignon de l'eau minérale.
La maxime du bien que vous aimeriez transmettre à vos enfants ?
Le "souverain bien" de Cicéron : "Vivre en accord et en harmonie avec la nature".
L'animal que vous préférez à l'homme ?
Le dragon, parce que dans les supermarchés il n'y a jamais de boîte pour cette créature.
De quoi n'avez-vous pas encore accouché ?
Aucune idée !
Votre truc pour corrompre la jeunesse ?
Mes chansons. Certaines intéressent les jeunes car elles ont encore un peu de soufre.
La belle mort selon vous ?
Celle de Félix Faure dans le petit salon bleu de l'Elysée après une fellation de sa maîtresse. *
*Cela me fait penser à l'excellente chanson de Thomas Fersen... Ecoutez plutôt :
http://www.youtube.com/watch?v=HgxVwfYnnqg
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13/05/2012
Un compte rendu du concert de Dole (5 mai 2012)
La pensée du jour : "Je suis couvert de la mort comme d'un lichen". Lucien BECKER
Aujourd'hui, je vous propose un compte rendu du concert de Dole. Il est signé Aska, et je la remercie de m'avoir fait parvenir ce très beau texte.
5 mai 2012 : enfin, c'est pour moi le jour du concert d'HFT à Dole ! LE concert que j'attends depuis longtemps ! J'ai rendez-vous avec Hubert-Félix Thiéfaine dans sa ville natale et je trouve que ce n'est pas rien. J'ai hâte de voir l'endroit pour lequel il a imaginé cette chanson si belle et si critique, que j'adorerais entendre là-bas, mais que je n'entendrai certainement pas.
D'abord, Dole, c'est à cent kilomètres de chez moi, j'y suis donc allée en voiture. Trajet facile, la Commanderie est bien fléchée, et à 17 heures 30, je me retrouve au sein du petit groupe qui se presse devant une porte et où m'attendent une amie et son fils de 20 ans qui est un tout nouveau fan, fasciné par le dernier album.
Donc, la file d'attente, sous des parapluies, car le temps est à l'orage. On discute avec nos voisins, parmi lesquels une dame à cheveux gris et un autre jeune homme qui, lui, nous raconte qu'il est archi fan de Mylène Farmer et qu'il a campé trois jours devant le stade de France pour la voir en concert. Prix de la place : 270 euros. Euh, dire que je trouvais le billet pour Bercy un peu cher...
Les portes s'ouvrent et on se précipite, mais trop tard pour pouvoir s'appuyer sur les barrières, espoir que je nourrissais pourtant à cause du mal de dos que je traîne depuis plusieurs semaines. Tant pis, me voilà seule au troisième rang, ayant perdu mes accompagnants dans la bataille !
La salle n'est pas énorme, à taille humaine, bien fichue, avec des gradins pas très éloignés de la scène. Pendant que ça se remplit, je suis la seule assise par terre (mon dos) au milieu d'une forêt de jambes. Au-dessus de moi, quelques-uns chantent déjà "La Fille", ça promet...
Première partie : Jean-Marc Poignot, du staff d'Hubert. Tout sourire, avec de jolies chansons aux textes ciselés, j'aime beaucoup. Il n'en chante que trois ou quatre, ce qui est peu, et on recommence à attendre.
Et puis, IL arrive, celui pour qui on est venu; inchangé, avec son costume noir, sa chemise blanche, son harmonica autour du cou, son air grave. Sous des applaudissements nourris, il commence "Annihilation", la grande, immense chanson qui se trouve sur un disque que je n'aurai jamais... Pourquoi ? Parce que je suis une fan trop tardive qui n'a pas su voir, en trente ans, qu'un type qui était presque son voisin géographiquement parlant était devenu quelqu'un qui aurait enchanté sa vie si elle y avait fait attention plus tôt. Quelle gourde !
Pour l'instant, après "Annihilation", je ne suis plus vraiment dedans, encombrée de mes voisins de spectacle qui me collent et me gênent. Je dois vous avouer que je suis un peu agoraphobe, la foule, les gens pas toujours respectueux me fatiguent...
Thiéfaine non plus n'est pas vraiment dedans. C'est ce qu'il me semble en tout cas. Il dit "merci d'être venus", mais pas "merci pour votre fidélité", comme s'il n'était pas sûr qu'à Dole, sa ville natale, on lui soit si fidèle que ça. Je crois savoir qu'à part un festival il y a quelques années, ce concert est quasiment le premier qu'il fait ici en trente ans de carrière (corrigez-moi si je me trompe). Dans une interview ancienne que j'ai lue, il racontait qu'à Dole, au début, on lui lançait des tomates, ça doit marquer... Alors je le regarde, silhouette mince de jeune homme et air un peu incertain, et j'extrapole. L'introverti qu'est Thiéfaine, si connu qu'il soit aujourd'hui, est-il vraiment enchanté d'être là ? Je ne sais pas.
Mais le miracle arrive : juste après "Les dingues et les paumés", subitement le public s'enflamme, les gradins résonnent de mille talons qui frappent le plancher, une immense ovation s'élève. Première fois que j'entends ça, alors que j'ai fait trois concerts avant celui-ci. Et Thiéfaine est touché, je le vois, il murmure "merci" et enchaîne rapidement, mais comme il est libéré, il déploie ses ailes d'albatros, court sur la scène, balance son micro, sourit, fait participer le public, se lâche enfin...
Moi, j'entre dans le concert avec lui, ma douleur au dos a disparu, mes voisins se sont écartés par miracle, je suis sur un petit nuage...
Retour à la réalité quand une fan décomplexée (ben voyons !) s'incruste à côté de moi sous prétexte de faire des photos de l'artiste. Elle me gâche "Garbo" et, dans la foulée, "Ad orgasmum aeternum", que j'aurais tellement voulu écouter dans une bulle... Les gens, je vous dis...
Le concert se termine sur "La Fille" (très bonne ambiance), "Les ombres du soir" (musique trop forte pour moi sur ce titre qui mériterait un arrangement plus confidentiel), et enfin "Lobotomie média" et sa fin programmée.
Thiéfaine s'en va sur un dernier geste d'adieu et c'est là que je m'aperçois tout à coup de la bizarrerie : pas de Chippendale ce soir ! Il n'a pas mis le tee-shirt "merch", ne l'a pas lancé tout mouillé à un(e) fan hystérique. L'effet Dole ? Pas d'excentricités au pays ? On ne le saura pas, d'autant que je n'aurai pas la présence d'esprit de le lui demander plus tard. *
Parce que, miracle, il y a un plus tard. Après le concert, alors que certains Dolois réclament encore en vain "La cancoillotte" (oui, on aurait bien aimé, Hubert !), mes amis et moi restons là, assis sur des fauteuils (ouf !), à siroter des boissons. Près de la sortie, une porte et un petit groupe agglutiné qui regarde fixement cette porte. Les loges ! On s'approche, mon amie a justement apporté avec elle son disque collector, à tout hasard. Après une demi-heure de tractations, le vigile finit par nous laisser entrer. On est une dizaine, tout émus, à attendre dans le couloir. On voit passer Jean-Marc Poignot avec son carton de disques, Alice Botté qui plaisante, d'autres visages connus... Tous souriants et gentils. Une porte s'ouvre et voilà Lucas, qui n'est pas venu jouer sur scène avec son père, malgré la "nouvelle chanson" annoncée en clin d'oeil par celui-ci : "On a fait une nouvelle chanson, hein Alice ?"
Loge n° 2 : la loge du Maître, on entre timidement, les yeux écarquillés. Il fait une chaleur de four. Il est assis devant une coiffeuse, tout simple, ses lunettes sur le nez, Francine Nicolas derrière lui. C'est une scène irréelle. D'ailleurs, ne riez pas, je ne me souviens de rien, c'est tout moi ! Juste que je lui ai donné mon prénom et que je lui ai dit "merci beaucoup" avec ferveur. Et qu'il m'a dit "mais de rien !" en souriant. Rien d'autre, mais tout ce que j'aurais pu dire aurait été inutile, n'est-ce pas ? Je ne regrette rien.
En conclusion ? Quelle soirée ! Merci, Hubert, du fond du coeur, pour l'autographe et tout ce que tu m'apportes depuis deux ans ! Comme j'arrive bien tard dans ta carrière, j'ai pris rendez-vous avec toi le 29 juin, pour les Eurockéennes de Belfort...
J'oubliais : finalement, Dole, c'est une jolie ville avec une large rivière qui bouillonne et plein de ponts. En repartant de nuit, je n'ai vu ni clébard estropié ni noyés dans la glace. Et mince, j'y pense, j'ai loupé la statue du grand homme...
*On m'a dit après coup qu'il n'avait pas non plus lancé son tee-shirt à Mennecy, la veille...
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12/05/2012
Suite et fin de l'interview parue dans MOJO
La pensée du jour : "Le désir est en moi, englué dans ma chair,
comme une forêt l'est en pleine terre.
C'est lui qui me force à crier mon chant de vie
quand la mort bat plus fort que mon coeur
et qu'elle est déjà couchée sur moi, front contre front". Lucien BECKER
Ferré a abordé le rock. On a parlé de Hendrix, et puis il y a eu Zoo...
Je n'aime pas trop ce qu'il a enregistré avec Zoo. Cette ambiance jazz-rock, je trouve que ça sonne pas très rock, en fait. Sur La Solitude, les meilleurs morceaux sont ceux qu'il a arrangés lui-même.
Plus tard, est arrivé le mouvement punk, on a l'impression que vous êtes passé à côté...
J'habitais rue du Dragon, pas très loin du Vidéo Stone, une salle avec des fauteuils et des canapés où passaient des vidéos sur des écrans. Il suffisait de traverser le boulevard Saint-Germain. Acceleration Punk était diffusé, j'y suis resté deux jours. ça m'intéressait et m'inspirait, mes textes étaient punk. D'ailleurs, ce que les punks disaient en 1976, c'était un peu ce que j'écrivais en 70, puisque j'avais déjà écrit la première version de "113ème cigarette sans dormir" ou "Exil sur planète fantôme". Mais question musique, j'étais un peu décalé, je n'étais pas dans le bon milieu. Et je me suis toujours tenu à l'écart des phénomènes de mode.
Aujourd'hui, qu'écoutez-vous ?
J'écoute les disques des copains, par amitié. En voiture, je me mets beaucoup de musique classique. J'avais du retard dans ma culture, et ça me détend. J'aime beaucoup la musique contemporaine, Max Richter, Phil Glass, Brian Eno. Et j'apprécie de me réchauffer au jazz bien enfumé des années 60, Coltrane, Miles, Thelonious Monk...
Et le rock'n'roll ?
J'ai tout sur mon IPod. Tout à l'heure, dans la voiture, après Brahms, on s'est mis "Absolutely Sweet Mary". J'adore les Bootleg Series de Dylan. Je me mets régulièrement un petit Stones aussi, je dois avoir toute la discographie. Je possède même des bandes de studio ! Mon fils a eu sa période Keith Richards, avec des posters partout dans sa chambre. Et puis du jour au lendemain, il s'est mis à fond dans les Strokes et s'est fait la coupe de Casablancas !
On termine par une question un peu provoc : vous avez écrit une diatribe antinucléaire ("Alligators 427"), un plébiscite pour l'intégration ("La Ballade d'Abdallah Geronimo Cohen"), un manifeste pro-banlieue ("Quand la banlieue descendra sur la ville")... HFT, chanteur de gauche ?
La politique est présente dans mes chansons pour dresser des bilans de la société, pas pour son apsect politicien. On est actuellement en campagne électorale, je n'arrive à soutenir personne. On m'a catalogué chanteur de gauche, parfois anarchiste de droite. Je ne suis ni l'un ni l'autre. Il paraît que quand on n'est ni noir ni blanc, on est gris. Mais gris, c'est la couleur de la matière grise ! Je défends la démocratie avec tous ses défauts, parce que cela reste le système le plus humain. C'est la raison pour laquelle je suis capable de faire 1 000 kilomètres pour mettre un bulletin blanc dans l'urne. Pour me prouver à moi-même que je suis un citoyen responsable qui, le cas échéant, ne sera pas à la traîne. Je connais suffisamment mon histoire contemporaine pour savoir qu'en 1928, Hitler était à 1% des voix, et qu'en 1933, il avait la majorité. Il faut donc être prêt et toujours vigilant. Je suis un citoyen qui vote, c'est quelque chose de sacré.
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10/05/2012
Suite de l'interview parue dans MOJO
La pensée du jour : "Parfois on croit que l'on ne fait rien, ne produit rien... mais j'ai appris que c'est durant cette période que s'élabore ce qui va naître". Charles JULIET
Le rock'n'roll, comment l'avez-vous rencontré ?
Au début, j'ai rencontré les yéyés, qui traduisaient un peu ce qui se passait aux Etats-Unis. Un jour, à la fin des années 50, j'étais tout jeunot, on m'a prêté un 45 tours de Dalida, mais en fait à l'intérieur, il y avait un disque de John Lee Hooker. C'est là que j'ai découvert le "boom boom". Et ça m'a bien frappé ! Au début des années 60, on trouvait, en France, des disques "Festival Folk'n'blues", issus de festivals où se côtoyaient du folk, du blues et du country. Et puis il y a eu le Swinging London vers 65-66. J'étais comme tous les mecs de mon âge, à devenir cinglé des Stones, des Animals, Yardbirds ou Them que j'adorais particulièrement.
Quels ont été les plus grands chocs ? Dylan ?
J'ai surtout accroché au Dylan rock Highway 61 Revisited, puis Blonde On Blonde. Et puis il y a eu Aftermath, le chox absolu. En écoutant des trucs comme "Going Home", ej suis devenu fou; 1966, c'est ma grande année du rock, Blonde On Blonde, les débuts de Hendrix, ça tombait du ciel !
Vous en avez vu certains sur scène ?
J'étais en province, je n'avais pas d'argent. J'ai vu Antoine - avec Les Problèmes - qui était sans doute le plus proche de tous ces gens-là. Plus tard à Londres, j'ai vu des groupes formidables : Fairport Convention, Yes, Patto dont le chanteur est mort ensuite, et surtout Peter Green, qui m'a vraiment bien éclaté. Et en 70, je suis allé au festival de Wight, j'ai vu défiler les Doors, Jimi Hendrix, toute la bande-son de l'époque.
Ces auteurs rock'n'roll, comme Morrison ou Dylan, ont directement influencé votre écriture ?
C'étaient mes années lycée et malheureusement, j'étudiais l'allemand en première langue, donc on me traduisait des bouts de chansons et j'imaginais le reste. Je me suis d'ailleurs aperçu après que ce que j'imaginais n'était pas forcément très éloigné de la réalité. J'ai appréhendé le rock anglo-saxon de cette manière, ça me permettait de me barrer où je voulais, je n'étais pas obligé de suivre le texte comme en français. Cela devenait interactif, j'entendais un mec chanter et j'imaginais, je devenais le chanteur, en fait. Toutes ces sonorités du rock anglo-saxon m'ont apporté autant d'idées musicales que de textes.
L'autre grosse influence, c'est Léo Ferré...
Léo Ferré entre dans ma vie à la fin des années 60, avec son disque blanc, L'Eté 68. A Paris, j'étais un peu plus "riche", je pouvais aller aux concerts, j'avais plus d'opportunités. J'ai pu voir Léo, Barbara, Félix Leclerc et le Nougarou période Paris mai, qui était d'une puissance rare. A l'époque, on avait une émission de radio exceptionnelle, Campus, avec Michel Lancelot. Il y avait de la place pour tout ce qui était beau dans la musique : un peu de classique, du jazz, de la chanson française et tout le rock naissant. Le tout animé par un lancelot brillant, passionnant. Quand on rentrait dans nos chambres à la cité U, le soir, on se précipitait pour écouter Campus.
C'est en mixant le son rock à la poésie de Ferré que vous trouvez votre voie ?
C'est un moment où, pour moi, plein d'influences se bousculent ou se croisent. Donc, j'essaie de digérer tout ça. Concernant Ferré, l'influence est également très musicale : je suis un mélancolique et sa musique est d'une mélancolie inouïe, on trouve dans ses arrangements, souvents réalisés par Jean-Michel Defaye, des orchestrations déchirantes. J'adore cette période qui correspond à Amour Anarchie et Léo Ferré chante Verlaine et Rimbaud, une bénédiction qui nous a fait redécouvrir ces deux poètes. Je n'arrive plus à mettre la main sur mon album, d'ailleurs, et quand je vais chez les disquaires, ils ne l'ont jamais ! Le Léo de la fin des années 60 est ma plus grande influence, j'ai moins écouté le Ferré des débuts. A l'aube des seventies, je m'en imprègne d'autant plus que je vis à ce moment-là des choses dramatiques, comme le décès de ma mère et mon arrivée à Paris en zonard. D'ailleurs, pendant deux ans, mon écriture est un peu du sous-Léo.
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Suite de l'interview parue dans le magazine MOJO
La pensée du jour : "Faut pas vouloir la lune. D'abord, même qu'on la voudrait..." René FALLET
Le virage symbolisé par Suppléments de mensonge est-il le plus important de votre carrière ?
Cet album s'inscrit dans la même optique que Dernières balises (avant mutation) (1981) et Soleil cherche futur (1982), qui étaient les albums d'un renouveau. J'avais sorti trois disques avant ceux-là et je trouvais que ça ne me représentait pas musicalement. Mon troisième album De l'amour, de l'art ou du cochon (1980) est un album un peu neutre pour moi, je ne le revendique pas trop. C'étaient les restes de mes compositions des années 70, je n'étais pas très concerné. Quand on l'enregistrait, j'écrivais déjà la suite. C'est un moment de ma vie où j'ai aussi opéré des ruptures, je me suis débarrassé du superflu : j'ai coupé la moustache, enlevé les masques et montré mon vrai visage.
Sur ces albums, intervient votre collaboration avec Claude Mairet...
Claude et moi, on était à l'école ensemble. On jouait dans de petits groupes. On se produisait lors de soirées estudiantines. C'était le milieu des années 60, on jouait Dylan, Aufray. Et certaines de mes chansons. J'avais de ces titres ! « Piments rouges dans les neiges du Fuji-Yama », « Bain de minuit dans le Gange à Bénarès », ça voyageait beaucoup ! Après je suis monté sur Paris, j'ai rencontré Tony Carbonare, mon arrangeur (et plus tard son manager, ndlr), qui jouait dans Machin, un groupe folk-rock électrique. Ça allait pas mal avec mes textes, mais ce n'était pas ce que je voulais faire, pas vraiment du rock'n 'roll. Dès que j'ai obtenu un contrat, j'ai fait venir Claude à Paris, je l'ai ajouté au groupe pour le deuxième album, Autorisation de délirer (1979), qui sonne déjà plus blues. Et après, j'ai travaillé toute la décennie suivante avec lui.
Alambic/Sortie-Sud (1984) est même cosigné Thiéfaine-Mairet !
Oui, j'avais eu un accident de moto qui avait eu pour conséquence que je ne pouvais plus jouer de guitare, or il me faut une guitare pour composer. Je n'étais pas très heureux de cet album, le résultat est mitigé. J'ai pu composer à nouveau sur les albums Météo für nada (1986) et Eros über alles (1988). Et puis ensuite, Claude et moi avons perdu l'osmose, ça n'avançait plus, j'ai décidé de mettre fin à la collaboration. On n'était plus sur la même planète.
Une nouvelle collaboration avec lui est-elle envisageable ?
Il faudrait qu'on se voie, qu'on se retrouve. Ça pourrait être drôle, intéressant même. Ça dépend où il en est, et ça je n'en sais rien.
Durant cette période Soleil cherche futur, vous rencontrez un grand succès. « Lorelei Sebasto Cha » se retrouve numéro 1 du Hit-Parade RTL en 1982. Comment avez-vous vécu cette période ?
J'étais en tournée à ce moment-là et j'ai eu du mal à assumer tout ça. J'étais très surpris. On m'avait tellement dit que je ne ferais jamais rien, que je ne chanterais jamais à l'Olympia... Dans toutes les villes où l'on passait, on trouvait un mot sur la salle disant que le concert était déplacé dans un endroit plus grand. On jouait devant 4 000 ou 5 000 personnes. C'est dur quand tu débarques du cabaret, même si tu as déjà un peu grandi et gagné un public. D'autant plus que j'étais déjà un peu déglingué à l'époque, accro à certaines substances toxiques. C'était une tournée où je planais, donc je n'ai pas tellement suivi cette histoire de tube.
Dans les années 90, vous tentez l'expérience américaine, avec deux albums enregistrés à New York (Chroniques bluesymentales – 1990) et Los Angeles (Fragments d'hébétude – 1993).
Au début, Chroniques bluesymentales, c'était sympa : on se mettait tous assis en rond le matin dans le studio, je jouais mes morceaux aux musiciens américains. On bœuffait, mais une fois qu'on avait bien assemblé la rythmique, que ça sonnait bien, je pensais que Barry Reynolds, le réalisateur, avait prévu des arrangements. Mais là, rien, rideau. On a dû tout écrire nous-mêmes, avec Tony Carbonare, et il y avait des jours terribles, où rien ne sortait. Au final, on a un album un peu sous-produit. Du coup, pour le suivant je m'étais blindé. J'avais écrit la moitié des arrangements, et Patrice Marzin l'autre moitié.
Arrive ensuite le diptyque La Tentation du bonheur (1996) et Le Bonheur de la tentation (1998) avec à nouveau Tony Carbonare. Comment vous est venue cette idée ?
C'était un pari un peu raté. J'ai eu cette idée-là un matin où je n'étais pas très frais. J'ai pris deux feuilles de papier, d'un côté j'ai inscrit les titres de l'un, et de l'autre côté j'ai décliné leurs négatifs. Je les ai sortis à presque deux ans d'intervalle mais tout était prêt à l'avance, même les pochettes. D'ailleurs, les concepteurs les avaient perdues ! Heureusement que j'en avais conservé des copies ! C'était déjà arrivé à New York sur Chroniques bluesymentales, où la fille qui était chargée de rapporter les photos les avait paumées dans le métro. Au final, j'ai un petit manque sur ce diptyque. On va trop loin ou pas assez, je ne sais pas, mais musicalement on aurait pu faire mieux; plus rock'n'roll.
09:01 | Lien permanent | Commentaires (8)