15/03/2012
Supplément d'interview
La pensée du jour : "Dès que la conscience apparaît, l'homme est travaillé par la mort comme le bois par le ver". Georges PERROS
Légèrement énervée ce matin : à plusieurs reprises, déjà, j'ai essayé de publier cette note, mais elle ne passe pas.
Il y a quelque temps, Aska m'a signalé (et je l'en remercie) que sur le site de Télérama, on pouvait trouver une version enrichie de l'interview parue dans le n°3241 du même magazine. Mon idée : vous livrer ici ce supplément de questions-réponses. J'ai tapé deux fois l'interview, pour finalement la paumer !! En tout cas, je suis au top, je la connais par coeur ! 130 000 visites sur ce blog, c'est une immense satisfaction, mais combien de moments passés à m'énerver sur ce machin ?!!! Je ne suis pas une pro de la technique. Si ça ne marche pas du premier coup, je suis incapable de trouver les solutions adéquates !
Allez, pour l'interview, je fais une dernière tentative ce matin...
Pensiez-vous que cet album allait aussi bien marcher ?
Non. On ne sait jamais si un disque va se vendre ou pas. Quand j'ai terminé Suppléments de mensonge en décembre 2010, j'y croyais comme à chacun de mes albums. Ensuite, j'ai senti que Sony, ma maison de disques, accrochait vraiment, que l'album plaisait à ceux qui l'écoutaient, que les premiers retours des critiques étaient bons. A ce moment-là seulement, j'ai commencé à me dire qu'il se passait quelque chose. Mais, encore une fois, rien n'est jamais prévisible. Quand j'ai fait Dernières balises (avant mutation), je commençais à m'installer grâce à mes trois premiers disques, j'avais un petit public. Pourtant, j'ai tout cassé avec la quasi certitude de me planter, d'être viré par ma maison de disques. J'en avais des sueurs froides à la sortie de l'album. Ce sera mon premier disque d'or. Totalement inattendu.
Vous évoquiez tout à l'heure un "changement de vie", est-il lié au burn-out que vous avez fait à l'été 2008 ?
... J'ai abandonné Itinéraire d'un naufragé, l'album sur lequel je travaillais avant mon burn-out. J'en ai simplement repris deux chansons (Petit matin 4.10 heure d'été et Garbo XW machine) dans Suppléments de mensonge et trois autres en bonus sur le deuxième CD de l'album. Il reste encore d'autres titres sur cet album fantôme que je reprendrai peut-être un jour.
Allez, j'en reste là pour aujourd'hui. Pas la peine de taper l'interview dans son intégralité si c'est pour qu'elle disparaisse à jamais dans les limbes du néant !!
Je mettrai la suite ici dans les jours qui viennent.
09:40 | Lien permanent | Commentaires (5)
11/03/2012
Un article paru dans un journal luxembourgeois suite aux Victoires de la musique
La pensée du jour : "Dépêche-toi de rire
Il en est encor temps
bientôt la poêle à frire
et adieu le beau temps". Jean TARDIEU
Merci à 655321, qui m'a donné dernièrement un article paru lundi 5 mars dans un journal luxembourgeois gratuit, L'essentiel, suite aux Victoires de la musique. Je vous recopie ici l'intégralité de cet article. J'espère pouvoir récupérer celui du Républicain Lorrain, consacré au concert d'Amnéville.
Des Victoires pour les rebelles notoires
PARIS – Catherine Ringer, Hubert-Félix Thiéfaine et Orelsan triomphent aux Victoires de la musique.
Les 27èmes Victoires françaises de la musique ont sacré, samedi soir, à Paris, deux des voix les plus singulières de la chanson française longtemps oubliées de la cérémonie, Catherine Ringer et Hubert-Félix Thiéfaine, et salué l'ascension du rappeur Orelsan.
Hubert-Félix Thiéfaine a remporté samedi ses premières Victoires en quarante ans de carrière, celle de l'artiste masculin de l'année et celle de l'album de chansons pour Suppléments de mensonge. Cette première, malgré seize albums studio et une influence revendiquée par nombre de jeunes artistes, est à l'image d'une figure du rock indépendant qui a construit sa carrière à l'écart du star-système. Absent des télés, peu diffusé à la radio, peu connu du grand public, « HFT » est cependant capable de remplir les plus grandes salles.
Autre grande figure un peu oubliée des Victoires, Catherine Ringer a été sacrée artiste-interprète féminine de l'année. Emue, elle a remercié Fred Chichin « qui m'a tellement aidée et appris de choses ». Le guitariste des Rita Mitsouko et compagnon de l'artiste est décédé fin 2007 à l'âge de 53 ans d'un cancer fulgurant. En la récompensant, les Victoires de la musique ont salué une des voix les plus singulières de la chanson française. Autre grand vainqueur de la soirée, le rappeur Orelsan est reparti avec deux trophées, celui de la révélation du public et celui de l'album de musiques urbaines pour Le chant des sirènes. Cette double consécration de la profession et du public a un goût de revanche pour le jeune rappeur, souvent comparé à l'Anglais The Streets, après la polémique qui avait marqué ses débuts.
12:01 | Lien permanent | Commentaires (4)
09/03/2012
Thiéfaine à Amnéville hier soir
La pensée du jour : "Le moment présent est un cadeau dont je n'ai pas su profiter,
Je n'en connais pas bien l'usage, je le tourne dans tous les sens,
Sans savoir faire marcher sa mécanique difficile". Jules SUPERVIELLE
Que dire et comment le dire ? Avant de poster ici mon énième compte rendu de concert, je m'interroge : y a-t-il des mots capables de retranscrire l'intensité de ce qui se joue avant, pendant et après un concert de Thiéfaine ? Vais-je parvenir au plus près de ce que j'ai ressenti ou bouclerai-je cette note avec une sale impression d'inachevé ?
Comment dire ? Avant chaque concert d'Hubert, j'ai la courbe de Gauss branchée sur du 200 000 volts (et comme je ne suis bonne ni en maths, ni en physique, je ne sais pas trop ce que ça donne, j'ai même la vague intuition que c'est un truc impossible, mais, littérairement parlant, l'image me plaît !!).
Comment dire ? Pendant le concert, le compteur explose. Il y a les petites phrases d'Hubert auxquelles on s'attend (par exemple : « au départ, quand j'ai fait le programme de cette tournée, j'ai voulu éliminer toutes les chansons qui parlaient d'alcool, de drogue, de sexe, de Dieu et de mort, mais au final, cela aurait fait un concert de douze minutes, alors je n'ai rien changé »). Il y a les petites phrases qu'on avait un peu espérées et qui arrivent comme des cadeaux : « Je voulais vous dire que ma plus belle récompense, ma plus belle victoire, c'était vous ». Alors là, quand Hubert se la joue à la Barbara, genre « ma plus belle histoire d'amour c'est vous » et tutti quanti, je fonds. Merci de nous dire merci. Il ajoute quelques mots sur ce qu'il perçoit en concert : des gens qui se déplacent régulièrement, et même en famille, pour lui. On le sent sincère, on le sent ému. Et cela nous retourne. Toutes générations confondues ! Pour ma part, presque vingt ans de fidélité à Hubert ! C'est avec lui que j'ai battu tous les records de longévité de ce côté-là !!!!
Je suis désordonnée aujourd'hui. Pardon, c'est l'émotion, les glandes lacrymales chahutées, le trop-plein d'affolement !!!
Hier, je suis arrivée à 19h30 au Galaxie. Les portes étaient déjà ouvertes. Petite crainte : et si les premiers rangs étaient déjà bien occupés? J'arrive dans la salle. Ça va, je m'attendais à pire. J'aperçois le Doc et vais m'installer derrière lui. Quelques mots échangés. Avec le Doc, et aussi à droite, à gauche, avec les personnes des premiers rangs.
Les lumières s'éteignent. Tristan Nihouarn arrive. J'avoue que comme durant toutes les premières parties des concerts de Thiéfaine, j'ai les écoutilles un peu ailleurs. Je réécouterai Tristan Nihouarn chez moi, plus tard, à tête reposée, car j'ai noté ici ou là des petits trucs susceptibles de me plaire. J'ai également, dans un coin de ma tête, la date de sortie de son album : 26 mars. Il est même fort possible que je l'achète. Mais pour l'heure, pleins feux sur Hubert !
Les musiciens arrivent. Toujours le même choc quand retentissent les premières notes d'Annihilation. Autre choc, réellement physique celui-là : deux bourrins me foncent dessus et me délogent, m'obligeant à passer au troisième rang. Je suis furibarde. Je tapote l'épaule d'un des deux lourdingues : « Dites donc, j'étais là avant ». « Pardon, on ne t'avait pas vue », me répond-il. Genre : je suis une chose insignifiante, un ectoplasme. Bravo messieurs, je vous décerne la palme de l'indélicatesse ! Faut-il vous rappeler que c'est la journée de la femme aujourd'hui ? En tout cas, si vous en avez une, de femme, je vous la souhaite orchidoclaste au possible !!! Ce ne serait que justice ! Merde alors !!
Voilà donc la première chanson un peu gâchée. Les deux types me font repasser au deuxième rang, l'un des deux tente une sorte d'étreinte. Et là, j'appelle le Doc au secours ! Je m'installe à ses côtés, tout devant ! A ma gauche, un jeune homme passionné, habité par les chansons de Thiéfaine, et avec qui je sympathiserai par la suite. Mais pour l'instant, je suis sur les nerfs. Je viens de perdre quelques minutes d'un concert quasi sacré à mes yeux. Attendu depuis ... ben depuis le dernier concert d'HFT en fait !!!!
Je mets quelques minutes avant de ne plus trembler de rage ! Les mots d'Hubert (« Ma plus belle récompense, ma plus belle victoire, c'est vous ») me permettent de me « recentrer sur mon axe ». Merci de nous dire merci !
Les chansons défilent. Petit tournant dans la tournée. Certains titres ont fait place à d'autres. Plus de Vamp orchidoclaste, plus d'Ombres du soir non plus. En revanche : Annabel Lee et Ad orgasmum aeternum. Une interprétation magistrale de cette dernière, d'ailleurs. Il faut dire aussi que c'est une de mes préférées depuis toujours.
Beaucoup d'émotion encore quand Thiéfaine s'assoit pour chanter L'étranger dans la glace. Décidément, cette « soufflerie où se terre le mystère inquiet des ondes et de l'asymétrie » me rappelle des souvenirs bien trop indélicats, coincés dans la gorge comme des sanglots étouffés...
Les chansons défilent, donc, et le public s'enflamme. La fille du coupeur de joints secoue la salle comme un tsunami. Nous voilà, comme dirait ma fille aînée, tout « avalanchés ». Tout chamboulés, quoi.
Un petit rappel. Les filles du Sud. Ah, depuis le temps que je l'attendais ! Je jubile. En revanche, les Ombres du soir manquent cruellement à l'appel. D'aucuns en cherchent la sortie, de cette chanson, ils la trouvent trop lente, trop lancinante, trop lassante. Moi, je pourrais l'écouter en boucle du matin au soir et y découvrir encore et toujours quelque subtilité...
Les lumières se rallument. L'occasion, pour moi, de discuter un peu avec mon voisin de gauche. Nous nous dirigeons ensemble vers le hall d'entrée. Le temps d'acheter un tee-shirt et un sac en toile (ben oui ! Groupie, peut-être, mais écolo !!)
Quelle magnifique équipe nous avons trouvée hier ! D'Hubert à Alice en passant par Bruce, Christopher et Marc, ils étaient tous en grande forme, contents d'être là, complices et détendus.
Voilà. J'ai parlé de ce qui se jouait avant chaque concert d'Hubert, j'ai tenté de vous faire un compte rendu pas trop lamentable de la soirée d'hier, et puisque nous voici arrivés au terme de cette note, il convient d'évoquer l'après... Après chaque concert d'Hubert, c'est ravages sur la courbe de Gauss, le « long retour au point zéro »... Les pieds, qui ne touchaient plus terre hier, redécouvrent aujourd'hui un sol inhospitalier. La tête plantée dans les étoiles hier, et à l'envers aujourd'hui. Maintenant, il va falloir veiller à ce que la redescente ne se transforme pas en vol plané. Le meilleur moyen pour y parvenir ? Je n'en vois qu'un : se lover dans la délicieuse attente du prochain concert d'Hubert !!!!
18:57 | Lien permanent | Commentaires (39)
07/03/2012
Interview parue aujourd'hui dans L'Est Républicain
La pensée du jour : "Il y a des moments où tout réussit. Il ne faut pas s'effrayer. ça passe". Jules RENARD
Flash-back sur les Victoires avec Hubert-Félix Thiéfaine. En concert ce jeudi au Galaxie, il sera également à l'affiche des prochaines Eurockéennes.
Nancy. Il y a un an pile, après la sortie de l'album Suppléments de mensonge, Hubert-Félix Thiéfaine disait : "Je n'ai pas envie d'être un has been, ni un never-been". Has been, il ne l'est assurément pas, même après 40 ans de carrière et 16 albums. Deux Victoires de la musique (artiste et meilleur album de l'année) viennent ce week-end de le démontrer... Flash-back avec le sexagénaire jurassien "bientôt jurassique", comme il plaisante.
Quel est votre état d'esprit après ces récompenses ?
On ne se laisse pas intimider. Je suis assez froid vis-à-vis de tout ça. Nominé, c'était déjà pas mal... Lors des nominations en décembre, mon staff m'avait dit : "On a une mauvaise nouvelle..." Le principal est d'avoir vu beaucoup de bonheur dans les yeux de tous mes collaborateurs.
C'est un honneur, une revanche ?
Il y a des choses qu'on organise soi-même dont on est responsable et qui correspondent au choix de nos vies. Et les choses qui arrivent et pour lesquelles on n'y est pour rien... Ce serait prétentieux de refuser ce genre de prix, et je n'aime pas un tel défaut. Ce prix, je le reçois avec beaucoup d'humilité. Mais j'ai un certain nombre de choses à faire dans ma vie, ça ne va pas changer grand-chose. Je suis en tournée, j'ai du plaisir à repartir, avec ce souci en moins (rires)... Les seules cérémonies que j'aime, ce sont mes concerts.
Cette visibilité aux Victoires va-t-elle élargir votre public, vers les jeunes notamment ?
On n'a pas attendu... Depuis le mois d'otobre, on remplit les salles partout. Il y a un paquet de jeunes et ils ont toujours été là. Il y a plusieurs générations, des familles qui sont là...
Aux Victoires, vous avez côtoyé la jeune scène française. Vous vous sentez en adéquation avec elle ?
Elle manque un peu de culture, la chanson française en ce moment. Moi, je ne fais que continuer ce qu'ont fait mes maîtres comme Ferré, Brel. Il y a un petit appauvrissement, c'est indéniable, sans vouloir tirer tous azimuts. Du lot, on peut sauver Archimède ou Thomas Dutronc. Ou Tristan Nihouarn (ex-Matmatah) qui fait ma première partie. Il ne faut pas avoir honte d'être à son niveau et de ne pas descendre. Il y a trop de chaînes populistes qui tapent le plus bas possible pour avoir le plus grand nombre de téléspectateurs. C'est d'une médiocrité absolument dérangeante !
Aubert, Voulzy, Ringer et vous, récompensés aux Victoires. En 2012, on se croirait encore dans les années 80, non ?
Je m'en fous complètement ! C'est peut-être encore ce qu'il y a de meilleur en ce moment, non (rires) ? Mais écoutez : élections en Russie, campagnes en France et aux USA, crise financière, panique en Grèce. On vit dans une période d'incertitudes à beaucoup de niveaux. Peut-être que les gens se tournent vers des valeurs qui existent déjà, qui ont fait leurs preuves. C'est ma petite analyse : dans les périodes troubles, on ne prend pas beaucoup de risques. Et puis, il faut arrêter les conneries, Catherine Ringer et moi, on a mérité nos prix !
François Hollande est passé saluer les artistes aux Victoires. Vous vous êtes entretenu avec lui ?
Je lui ai serré la main, c'est quelqu'un de très poli.
Allez-vous vous engager durant la campagne ?
Je vais m'engager dans ma solitude, oui ! Je vais aller voter, je ne sais pas pour qui, mais sans doute blanc, pour la démocratie. ça reste le meilleur système par rapport aux autres. J'irai faire mon devoir de citoyen !
Propos recueillis par Xavier FRERE
21:04 | Lien permanent | Commentaires (11)
03/03/2012
Victoire !
La pensée du jour : "Même au-dessus du cimetière il y aura toujours les cieux". Louis ARAGON
Il y a quelques mois, j'avais consacré ici une note à l'ambiance qui régnait sur le parking du Zénith de Nancy, juste avant le concert d'Hubert. Cette fois, petit billet de rien du tout sur ce qui se passe chez moi en ce moment même, avant la cérémonie des Victoires de la musique. J'ai promis à mes filles que ce soir, elles auraient le droit de rester éveillées un peu plus longtemps que d'habitude afin de regarder Hubert avec moi. Il y a une demi-heure, la plus petite des deux dansait dans le salon en répétant à tue-tête : « Hubert-Félix Thiéfaine » !! L'aînée est déjà assise sur le canapé, en face de la télé, et me demande toutes les cinq minutes : « Bon, ça commence quand ? » Bientôt, ma fille, bientôt...
Nous savons bien, vous et moi, que dans l'absolu Thiéfaine n'a pas réellement besoin de ces victoires. Qu'il est un peu au-dessus de tout ça, d'une certaine manière. Mais, en même temps, avouons quand même que cela ne nous démange pas qu'un peu qu'il rafle trois victoires ce soir, le père Hub'. Ce serait la petite cerise à l'eau-de-vie sur le gâteau d'une carrière à nulle autre pareille. La réparation d'un oubli long de je ne sais combien d'années...
Ce soir, tous à nos postes, amis dingues et paumés, fidèles de la première heure ou petits jeunots ayant chopé le train en route il y a peu. Le public d'HFT a ceci de particulier qu'il tape dans toutes les tranches d'âge !
Oui, dans l'absolu, c'est vrai que Thiéfaine n'a pas besoin de victoire, de récompense. Sa victoire, c'est nous, non ?! Sa récompense, c'est cette carrière qui s'est maintenue contre vents et marées sur du long terme.
Mais bon, mais bon...
20:31 | Lien permanent | Commentaires (26)
29/02/2012
"Je suis l'ado qui ne veut pas mourir idiot" (HFT dans Télérama n°3241, suite et fin)
La pensée du jour : "Il y a les choses qu'on fait parce qu'il faut pourtant qu'on mange
Et les soleils qu'on porte en soi comme une charrette d'oranges". Louis ARAGON
Bergman, que vous admirez, disait beaucoup par les silences, vous, vous déversez des avalanches de mots...
J'essaie d'assommer les mots... pour trouver le silence. L'avalanche de mots, c'est mon côté oral. C'est ce que j'aime chez Céline, chez le Rimbaud d'Une saison en enfer, chez Lautréamont ou Miller, la littérature beat. Tous ces gens qui vomissent les mots. Ma nature, c'est l'oralité. J'aime mâcher, cracher, j'ai été alcoolique, j'ai sucé mon pouce enfant jusqu'à très tard, j'aime les poitrines des femmes, les lèvres, la bouche... D'où cette rafale de mots qui sort dès que je chante. C'est un vrai plaisir infantile.
Du coup, on ne comprend pas tout à vos textes...
Mais c'est une volonté ! Je veux du mystère. Comme les zones d'ombre chez Bergman. Il faut laisser deviner ou imaginer des choses. La télé, c'est le contraire : elle veut tout montrer, tout décortiquer. On n'en est même plus à la vie privée, on en est à la vie intime maintenant. On est en train de tuer l'imaginaire ! J'aime les avalanches de mots parce que, justement, on n'en comprend qu'un sur deux et qu'il faut, du coup, réécouter. Ferré, je peux encore l'écouter et découvrir des choses nouvelles.
Vous êtes un chanteur engagé ?
Je suis un chanteur engagé, mais je n'engage que moi ! Je sais à peu près où me situer, quoi voter, mais ça ne regarde personne. L'artistique et le politique, ça ne peut pas aller ensemble.
Mais vous avez des énervements ?
Les infos, la télé sont invivables. Je ne supporte pas la vulgarité des hommes politiques. Tout est ramené à des petites phrases sans intérêt. On n'en a rien à foutre, il faut avoir l'esprit plus large, ne pas s'arrêter à un mot. Il nous faudrait un Churchill ou un de Gaulle, des gens de cette stature... Des types qui nous élèvent. En ce moment, c'est le contraire. Aujourd'hui, tout est orienté vers le bas. Comme si on avait décidé que 65% des Français avaient un QI de 65 et que tout devait se situer à ce niveau-là. En chanson, ça donne des paroles de plus en plus terribles. C'est pour cela que j'en rajoute en compliquant mes textes, en les truffant de citations, de références, de grec, de latin, pour tirer un peu dans l'autre sens. Le titre de mon dernier album, Suppléments de mensonge, vient du Gai Savoir, de Nietzsche, qui lui était pour l'Übermensch... Là, on est underdog !
Comment entretient-on un esprit adolescent tout en mûrissant ?
L'adolescent, c'est le rebelle naïf. Quand je réagis face à tout ce qui nous entraîne vers le bas, je suis l'ado qui en veut plus, qui ne veut pas mourir idiot. Je ne sais rien, je sors de l'enfance. L'humanité vient de très loin, j'ai besoin de savoir d'où. C'est un désir dévorant d'en savoir plus, d'être curieux.
On entend dire que tout est plus dur pour un jeune musicien. Vous avez galéré, vous vous êtes fait tout seul. Est-ce toujours possible ?
Il s'agit de savoir jusqu'où on peut aller pour assouvir son rêve de gosse. On ne peut pas lutter contre un désir fou. Quelle que soit l'époque. La musique est là, elle ne demande qu'à être « exploitée » d'une manière ou d'une autre. Je ne supporte pas d'entendre que c'est « la faute aux autres » ou « la faute à pas de chance ». Je sais que mes qualités de Jurassien, tenace et pugnace, m'ont aidé, mais, au départ, il y a une envie, un choix. Je connais mal Sartre, mais il a dit « la liberté, c'est le choix ». Je voulais être libre. En 1973, j'ai choisi de ne faire que chanter. C'était une affaire de vie et de mort. En 1975-1976, j'ai vraiment failli crever, mais je n'échangerais pas ma vie pour celle d'un autre. Des cauchemars et des angoisses, j'en ai eu. Mais j'ai voulu être un missionnaire et un aventurier et, quelque part, je l'ai été. C'était un travail de furieux. Vouloir à l'époque être chanteur à Paris, quand t'es fils de prolo de province, c'était sans doute plus dur qu'aujourd'hui où l'on est « mondialement » informé, au fait des choses...
Vous avez la réputation de quelqu'un de très solitaire...
Aujourd'hui, j'habite au milieu de la forêt et je mets la radio le matin, juste pour vérifier que le monde existe encore autour de moi. Je regarde les chevreuils passer, je leur parle et je suis bien. Je me sens apaisé quand je suis seul. Je ne m'ennuie pas, alors que la vie sociale me fatigue. La solitude est souvent connotée de façon négative. Chez moi, c'est tout le contraire, elle est immensément riche et synonyme d'épanouissement.
Peut-on dire de vous, qui appréciez Nietzsche, que « ce qui ne vous a pas tué vous a rendu plus fort » ?
C'est plutôt « lève-toi ou crève ». Il y a toujours ce besoin d'aller au-delà, même si on sait qu'on va en chier, à l'intuition. En entrant dans la société, on a tendance à remplacer l'intuition par des règles. En devenant artiste, j'ai choisi de la conserver. On peut aussi appeler ça les larmes, ces choses qui nous dirigent, un peu floues, qui viennent soit de nos vie d'ange ou d'animal, plutôt animal, d'ailleurs. Quand je pars, je ne sais pas où je vais, mais le mets le cap plein nord. Pour mes chansons, c'est pareil.
Comment faut-il entendre le titre de votre tournée, « Homo Plebis Ultimae Tour » ? Tournée du « dernier homme » (Sénèque) ou ultime tournée ?
Gardons l'ambiguïté, laissons les latinistes travailler...
Pourquoi vous présenter nu sur la pochette de Suppléments de mensonge ?
Après une vie assez décadente et destructrice, des décennies de réveils douloureux dûs à l'alcool avalé pour tromper mes angoisses, j'ai conscience que je m'en sors plutôt bien. Je suis heureux d'avoir retrouvé un corps qui fonctionne et de me sentir bien dedans. Heureux d'aller mieux aussi dans ma tronche, même si tout n'est pas tout à fait réglé. Je suis un rescapé, un survivant.
Propos recueillis par Hugo Cassavetti et Olivier Milot
09:07 | Lien permanent | Commentaires (8)
26/02/2012
"Je suis l'ado qui ne veut pas mourir idiot" (HFT dans Télérama n°3241, suite)
La pensée du jour : "Le ciel déjà prend goût de terre
Puisqu'on est des morts sursitaires
Tous les calculs que nous ferons
Auront une balle en plein front". Louis ARAGON
Pourquoi entrez-vous au petit séminaire en cinquième ?
Je ne supportais plus l'école, j'étais toujours mal, il fallait que je parte. Parallèlement, j'ai sombré dans une réflexion existentielle. J'ai fini par faire une vraie crise mystique. Je voulais devenir missionnaire, alors j'ai demandé à entrer au petit séminaire. J'y suis resté quatre ans avant d'aller chez les Jésuites pour y passer un bac philo, avec latin et grec.
A quel moment le rock entre-t-il dans votre vie ?
Dès mon entrée au petit séminaire ! A l'étude, un garçon lisait Salut les copains et possédait tous les 45 tours de l'époque : Johnny Hallyday, Les Shadows, Claude François... Il m'a initié à la musique. Une révélation. Trois semaines après mon arrivée, je montais mon groupe, Les Caïds Boys. Je chantais Kili Watch, de Johnny, et je me mettais à écrire des chansons. En quelques semaines, j'avais changé de vocation !
Que vous reste-t-il du petit séminaire ?
De l'autodiscipline et une forme de culpabilisation. Au séminaire, on vivait comme des moines. Lever à 6 heures, coucher à 21 heures. Le reste du temps était consacré aux cours, à la religion et à l'étude. Aujourd'hui encore, si je me lève et que je ne me mets pas au travail, je ne suis pas bien. Un comble : je n'ai pas choisi d'être artiste pour travailler quinze heures par jour, merde ! Mais je bosse toujours deux heures au réveil. Après, seulement, j'ai gagné le droit de faire autre chose.
A quel moment basculez-vous dans la carrière musicale ?
Entre 15 et 20 ans, j'ai tâté de tout : peinture, photo, théâtre, écriture de romans ou de poèmes. Au bout du compte, j'ai opté pour la musique, mais l'important n'est pas tant le choix d'une discipline, c'est ce qu'il y a avant, le désir de création. Après, une fois qu'on a choisi sa voie, il faut s'y tenir. Bob Dylan avait un titre d'album : Bringing it all back home. Moi aussi, je ramène tout à la maison. Le facteur Cheval, une de mes idoles, a mis toute sa vie dans son Palais, c'est un peu ce que j'essaie de faire. Pourquoi m'éparpiller, alors que je peux tout mettre dans quelque chose que je commence à maîtriser ?
Vos albums sont nourris de références littéraires. Vous avez plongé dans la lecture dès l'école ?
Non, je n'ai lu que deux livres dans toute ma scolarité. Le goût de la lecture m'est venu plus tard, au milieu des années 1970, quand je me suis installé à Paris. On m'avait prêté une chambre dans laquelle traînait un seul livre, La République, de Platon, en latin. Je m'ennuyais, alors j'ai passé des heures à le traduire. A cette époque, je crevais de faim, et j'ai répondu à une annonce de Gallimard qui cherchait des vendeurs. On m'a fait passer un examen, j'ai été d'une nullité crasse. J'étais tellement vexé de mon inculture que j'ai commencé à dévorer Faulkner, Henry Miller... Mais ce n'est pas tout à fait un hasard. A l'école, j'avais quand même découvert l'existence de Baudelaire, Rimbaud, Villon, Verlaine, et même de poètes grecs ou latins, comme Ovide. A l'époque, ça me suffisait pour écrire. Je m'essayais à la rédaction de chansons comiques, mais c'était franchement dramatique ! C'était le début des années 1960, on baignait dans le yéyé. En 1963, les Beatles ont débarqué, puis le Swinging London. J'ai commencé à me nourrir des textes de Dylan ou des Stones. Dylan a été une révélation. Il y a d'abord eu Like a rolling stone, puis l'album Blonde on Blonde que j'écoute encore aujourd'hui. C'est au-delà de la musique. Et puis Jacques Brel et surtout Léo Ferré sont entrés dans ma vie. Et avec eux, le français. Adolescent, j'avais deux cahiers : un où j'écrivais des poèmes, l'autre où j'écrivais des chansons. Avec Ferré et Dylan qui avaient déjà bien taillé la route, je n'ai plus fait qu'un seul cahier.
C'est avec la chanson L'Ascenseur de 22h43 que vous dites avoir trouvé votre style...
Au début des années 1970, je suis sous l'influence de Ferré, je tente de l'imiter, et ça me gêne même si j'ai déjà des moments d'illumination à la Thiéfaine. En 1973, je décide d'arrêter tous les petits boulots et de ne plus me consacrer qu'à la chanson. Je réussis à décrocher des passages le soir dans des cabarets. Je ne sais plus où loger, je n'ai pas vraiment à bouffer, alors je m'annihile dans l'écriture. Sur scène, je teste L'Ascenseur de 22h43, mais je ne la sens pas encore aboutie. Un jour, je prends un café en terrasse en bas du Sacré-Cœur, et je réalise ce qui ne va pas dans la chanson. Je la corrige, le soir même je la joue, et le public marche. Je sais désormais où je vais.
18:53 | Lien permanent | Commentaires (4)
24/02/2012
"Je suis l'ado qui ne veut pas mourir idiot" (HFT dans Télérama n°3241)
La pensée du jour : "Autrefois, ma grand-mère me désignait comme un enfant débrouillard et moi, roi du malentendu, je croyais être un enfant des brouillards, perdu au milieu de ses origines". Eric FOTTORINO
Voici aujourd'hui une partie de l'interview qu'HFT a accordée dernièrement à Télérama (voir n°3241). Merci à Aclh de m'avoir informée de la publication de ce numéro.
Chanteur poète, éternel enfant blessé, Thiéfaine a bâti une relation unique avec son public, loin du show-biz. Tout arrive : le voici nominé trois fois aux Victoires de la musique.
Hubert-Félix Thiéfaine, 63 ans, trente ans et des poussières de carrière depuis son premier album, ne connaît pas la crise. Solitaire, envers et contre tous, il a tracé dans la marge un chemin couronné de succès, inversement proportionnel à l'attention que les médias lui ont prêtée. Aujourd'hui, la prose si particulière du Jurassien, torrent de mots et d'images où se bousculent les références littéraires et cinématographiques, les inventions poétiques, le grec et le latin, est enfin salué par tous. Suppléments de mensonge, son dernier album, toujours lyrique mais quelque peu apaisé, lui vaut trois nominations aux Victoires de la musique. Comme si cet éternel révolté, férocement indépendant et à l'abri des modes, était devenu, faute de combattants, un des derniers repères vivants dans une industrie musicale en déroute. L'homme de l'Est, qui vit à l'écart de la société en pleine forêt, est tout sauf un misanthrope. Hubert-Félix Thiéfaine, forçat de la scène et de l'écriture, en disciple de Ferré, est un individualiste au service des autres. Rencontre avec un éternel enfant blessé qui n'en finit pas de se soigner.
Vos êtes nominé aux Victoires de la musique dans les catégories « Artiste masculin de l'année, » « Album / chanson de l'année » et « Spectacle / tournée de l'année ». Laquelle vous ferait le plus plaisir ?
Si j'avais été la révélation féminine, j'aurais tiqué. Là, c'est assez complet. Les trois correspondent à mon job : auteur, compositeur, interprète. Une pour Hubert, l'autre pour Félix et la troisième à Thiéfaine. Je suis déjà heureux d'être parmi les quatre nominés. Après, premier, ça contraint à monter sur scène, à remercier, et pour un mec réservé comme moi, ce n'est pas facile.
Suppléments de mensonge n'est pas votre premier album qui se vend bien, mais c'est le premier à le faire en pleine lumière...
C'est le plus médiatisé. La plupart de mes albums précédents tournaient déjà autour de 300 000 ventes. La différence, c'est qu'entre-temps le monde a changé. Continuer à bien vendre en pleine crise du disque me permet de garder le cap. Chaque album est une balise, certaines sont là pour permettre de grands virages, d'autres pour marquer le temps. Suppléments de mensonge correspond à un changement de vie.
Un changement de vie lié au « burn-out » que vous avez fait à l'été 2008 ?
Oui. Ma guérison a été très longue, et quand je me suis senti mieux, j'avais vraiment envie de passer à autre chose, de ne pas revenir en arrière, d'écrire des textes plus compatibles avec mon nouvel état d'esprit.
Ce nouvel état d'esprit vous a amené à La Ruelle des morts, chanson où vous racontez votre enfance de façon limpide, sans vous cacher derrière la carapace des mots ?
Je sortais d'une expérience où j'ai rencontré des gens qui m'ont aidé, accompagné. J'étais encore dans cette chaleur humaine quand j'ai écrit cette chanson. D'habitude, quand je regarde en arrière, je mets beaucoup d'acidité dans mes souvenirs d'enfance, je m'arrête à une période où j'ai beaucoup souffert. Celle où j'ai dû quitter l'école paroissiale où m'avaient mis mes parents pour entrer en primaire à l'école publique. Venant du privé, on m'a d'emblée mis dans une classe inférieure et ma mère a dû se battre pour que je réintègre une scolarité normale. Ça a été l'enfer, mes maîtres ont été cruels avec moi et ont entraîné les autres gosses à l'être également. J'ai subi un harcèlement destructeur et traumatisant dont je conserve des séquelles, comme cette incapacité à croire en moi. Pour la première fois, je suis remonté plus loin. J'ai été frotter là où ça faisait du bien, retrouver l'ambiance familiale chaleureuse et douce dans laquelle j'ai grandi. C'est ce que raconte La Ruelle des morts.
Y avait-il une culture familiale de la musique ?
Disons une culture populaire et provinciale. Les jours de marché, ma mère allait écouter les chanteurs de rue et achetait leurs partitions. Elle avait des cartons entiers de chansons réalistes du début de siècle. Elle nous berçait avec du Berthe Sylva. Quand votre mère vous endort avec Les Roses blanches, ça ne s'oublie pas... Mon père, lui, faisait du théâtre. Il avait une troupe amateur qui jouait du Feydeau ou du Labiche.
La suite dans les jours qui viennent. En attendant, pensée envieuse (mais surtout affectueuse ... quand même !) pour ceux qui vont voir HFT ce soir à Saint-Brieuc ! Si, parmi ces veinards, il y en a un ou une que ça tente de mettre ici un compte rendu de ce concert, qu'il ou elle me fasse signe !
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