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24/09/2011

"Chansons ordinaires", le nouveau Miossec

La pensée du jour : "J'ai peur de l'aube grège avec ses blancs fantômes". Bernard LORRAINE

 

Il y a quelques mois encore, j'avais un autre blog, consacré à Miossec celui-là. Je ne l'ai pas alimenté une seule fois en 2011, et je ne peux plus y accéder, je ne sais plus sous quel identifiant je m'y connectais, et j'ai oublié mon mot de passe ! Je vais donc consacrer ici une note à Miossec et plus particulièrement à son dernier album.

 

Ma « relation » à Miossec est compliquée. Parfois, quand j'écoute certaines de ses chansons, je me dis que quand même il exagère, qu'il pourrait renouveler sa garde-robe, que tout est de l'ordre de la redite. Oui, ça m'arrive de mettre un peu de fiel là où on croit qu'il n'y a qu'admiration ! Parce qu'il me semble que toute admiration doit être raisonnée. Idem pour HFT. Je ne pense pas toujours que du bien du bonhomme. Mais j'essaie de faire la part des choses, je sais aussi que la façade cache une « âme sur charbons ardents », comme disait Gary, une âme tourmentée et malade. L'indulgence est donc de mise, et je ne m'en suis jamais départie à l'égard de l'ami Hubert.

 

Je crois que c'est idem avec de nombreux artistes. Le dernier coup de gueule d'Higelin au NJP de Nancy m'a d'abord laissée pantoise, démunie, mécontente. Puis, l'indulgence a repris le dessus. Renaud m'a souvent énervée au cours des dernières années, j'ai souvent pensé, comme bien d'autres, que la société l'avait eu, finalement, et même jusqu'au trognon. Et puis, entendre sa voix déglinguée ici ou là me porte à chaque fois, encore et toujours, à cette fameuse indulgence.

 

Pour Miossec, c'est pareil. Quand je l'écoute parler, je le sens tellement fragile, tellement peu sûr de lui, que j'en oublie les quelques déboires qui ont suivi « Boire », album magnifique, percutant, alors que d'autres furent un peu mous et geignards...

 

Le dernier opus s'intitule « Chansons ordinaires ». Des chansons déclinées à toutes les sauces. Il y a la chanson que personne n'écoute, et c'est très subtil de l'avoir placée « en tête de gondole », au tout début de l'album. Forcément, ici, tout le monde va l'écouter ! « Toutes choses sont dites déjà; mais comme personne n'écoute, il faut toujours recommencer ». Ainsi parlait Gide ! Miossec reprend l'idée à sa façon !

 

Il y a aussi une chanson pour les amis, empreinte d'une douce nostalgie et de questions qui bousculent, comme celle-ci : « faites-vous encore quelques rêves ou vous êtes-vous assis dessus ? »

 

Viennent ensuite la chanson d'un fait divers, celle pour un homme couvert de femmes, etc. L'idée est sympathique et réussie. Avec sa « chanson dramatique », Miossec oscille entre désespoir (« quand on a connu trop de drames

 

on se demande bien ce qu'on fout là

 

on n'a plus rien à faire dans le paysage

 

on tient juste la chandelle entre nos bras ») et détermination

 

(« mais je respire encore

 

même à bout de souffle

 

chaque seconde vaut de l'or »).

 

La chanson protestataire me plaît bien aussi. La conclusion est marrante : « Y a pas que du bon chez les Bretons » !!!

 

Je n'ai pas encore toutes les mélodies en tête, mais je peux déjà vous dire qu'elles me parlent. Elles sont plus rock que celles de l'album précédent, ce qui devrait permettre à certains « abonnés » déçus de renouer avec Miossec, avec sa patte, sa verve, sa sensibilité.

 

22/09/2011

Garbo XW Machine

La pensée du jour : "Il est rare que je prenne des taxis (...), le fait est que je finis toujours, à l'arrière des berlines, par avoir mal au coeur. Ce matin-là pourtant, je fis l'effort de répondre au chauffeur, d'abord un peu évasive, et puis, comme il insistait, je finis par lui dire que j'écrivais.

-A quoi c'est dû, m'a-t-il demandé, exactement comme s'il s'agissait d'une maladie, voire d'une punition, ou d'une malédiction". Delphine DE VIGAN

 

Je relance le petit "jeu" d'il y a quelques mois et qui consistait à mettre ici les paroles des chansons de Thiéfaine. Je reprends les choses là où je les avais laissées : dans "Suppléments de mensonge", j'en étais à "Trois poèmes pour Annabel Lee". Juste après ce monument de poésie, nous arrive, tel un pion indélicat dans le circuit, "Garbo XW Machine", une chanson que, vous l'aurez peut-être compris, je n'affectionne pas des masses ! Dommage, cela commence plutôt bien. Comme une chanson d'amour. Sauf que... Sauf que ce n'est pas une chanson d'amour, c'est une chanson de sexe !!! Rien de bien choquant en soi. Qui écoute HFT depuis de longues années a l'oreille aguerrie et pas forcément chaste ! Mais là, quand même... "Tel un disciple de Jésus je boirai le sang de ta plaie". J'ai beau faire ce que je veux, je n'arrive pas à m'y faire, l'image me révulse !!!!!!!

Je n'en dis pas davantage. J'ai souvent fait le choix de ne parler ici que de ce que j'aimais, je vais donc vous laisser la parole.

Question, quand même : "Garbo XW Machine", cela vous évoque quoi ? Cela me fait penser à un flipper, un truc dans le genre.

Question 2 : Y a-t-il un lien avec Greta Garbo ?

 

GARBO XW MACHINE

J'ai longtemps kiffé dans la boue

 

sur de longs chemins chaotiques

 

en transmutant le je en nous

 

dans une alchimie romantique

 

mes actions d'amour dévaluées

 

m'ont laissé des larmes à crédit

 

et maintenant je viens m'annuler

 

devant ton lapis lazuli

 

 

 

prends mon pion dans ton circuit

 

Garbo XW machine

 

prends mon pion dans ton circuit

 

j'aime tant ta froideur féminine

 

prends mon pion dans ton circuit

 

Garbo XW machine

 

machine ! machine, machine !

 

 

 

Ne me dis pas que tes anglais

 

ont attaqué ta forteresse

 

que je dois déclarer forfait

 

avec mon doberman en laisse

 

tel un disciple de Jésus

 

je boirai le sang de ta plaie

 

et deviendrai le vampire nu

 

dans le coffre de tes jouets

 

 

 

prends mon pion dans ton circuit

 

Garbo XW machine

 

prends mon pion dans ton circuit

 

j'aime tant ta froideur féminine

 

prends mon pion dans ton circuit

 

Garbo XW machine

 

machine ! machine, machine !

 

 

 

Je te laisserai me déchirer

 

m'arracher la chair et les os

 

me greffer d'infernales idées

 

dans le gouffre de mon cerveau

 

tandis que mes doigts sous ta soie

 

chercheront la corde sensible

 

celle qui remonte jusqu'à ta voix

 

en hurlant au cœur de ma cible

 

 

 

prends mon pion dans ton circuit

 

Garbo XW machine

 

prends mon pion dans ton circuit

 

j'aime tant ta froideur féminine

 

prends mon pion dans ton circuit

 

Garbo XW machine

 

machine ! machine, machine !

 

14/09/2011

Saint Augustin et le temps

La pensée du jour : "Sa vie n'est rien d'autre que ça : une vue imprenable sur l'ampleur du désastre". Delphine DE VIGAN

 

 

Merci à vous d'avoir répondu à mes petites questions ! Finalement, de nombreuses tranches d'âge sont représentées dans le public d'HFT ! Mais nous le savions déjà ! Il est vrai qu'il suffit d'aller à un de ses concerts pour s'en rendre compte. En tout cas, les "animaux en quarantaine" sont nombreux. On s'aperçoit aussi que quand on est tombé en thiéfainie (comme certains d'entre vous disent si joliment), on a du mal à en sortir indemne. A en sortir tout court.

Je suis contente que la note précédente ait suscité autant de réactions. Cela fait chaud au coeur, donne envie de continuer. Merci !

Un peu moins drôle aujourd'hui (et, cette fois, les commentaires ne vont pas se bousculer, j'en suis sûre !!) : un texte de Saint Augustin sur le temps. Je l'avais étudié en philo il y a 21 ans (!!!). J'avais même pondu une dissert sur le sujet. Aujourd'hui, je me demande comment j'avais réussi cet exploit à l'époque !!!!! En me replongeant dernièrement dans les Confessions, j'ai dû, je l'avoue, lire plusieurs fois certains passages pour essayer de les piger un peu... Avec le temps, le cerveau se ramollit, mon cher Augustin !!!! Voilà la conclusion hautement philosophique à laquelle j'aboutis aujourd'hui ! Il y a 21 ans, aussi, j'avais une prof de philo qui accompagnait les élèves dans leur réflexion. Faisait littéralement accoucher les esprits !!! Elle disait que la philosophie était une matière qui devait bousculer, sans quoi elle n'avait aucune raison d'être. Cela me ramène à l'oeuvre de Thiéfaine, qui bouscule, elle aussi, et révolutionne la vie de qui la laisse entrer en lui...

Mais assez bavassé : place à Saint Augustin même si ce n'est pas lui qui joue du violon dans les bois !!!!!

 

« Qu'est-ce en effet que le temps ? Qui serait capable de l'expliquer facilement et brièvement ? Qui peut le concevoir, même en pensée, assez nettement pour exprimer par des mots l'idée qu'il s'en fait ? Est-il cependant notion plus familière et plus connue dont nous usions en parlant ? Quand nous en parlons, nous comprenons sans doute ce que nous disons; nous comprenons aussi, si nous entendons un autre en parler.
Qu'est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais; mais si on me le demande et que je veuille l'expliquer, je ne le sais plus. Pourtant, je le déclare hardiment, je sais que si rien ne passait, il n'y aurait pas de temps passé, que si rien n'arrivait, il n'y aurait pas de temps à venir; que si rien n'était, il n'y aurait pas de temps présent.
Comment donc, ces deux temps, le passé et l'avenir, sont-ils, puisque le passé n'est plus et que l'avenir n'est pas encore ? Quant au présent, s'il était toujours présent, s'il n'allait pas rejoindre le passé, il ne serait pas du temps, il serait l'éternité. Donc, si le présent, pour être du temps, doit rejoindre le passé, comment pouvons-nous déclarer qu'il est aussi, lui qui ne peut être qu'en cessant d'être ? Si bien que ce qui nous autorise à affirmer que le temps est, c'est qu'il tend à n'être plus ».

 

09/09/2011

Petit sondage

La pensée du jour : "Dreißig Meter lange Arme müsste ich haben, damit ich greifen könnte, wonach meine Sehnsucht geht, denn es ist immer zu fern von mir, und ich kann es auch schlecht sehen". Iris HANIKA

 

 

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« Quel âge a le public de Thiéfaine ? »

Aujourd'hui, c'est moi qui ai envie de connaître la réponse à cette question. Je ne dis pas que ce blog est un échantillon représentatif du public d'HFT, mais j'aimerais savoir quel âge vous avez, vous les visiteurs du CSL. Autre question : depuis quand écoutez-vous Thiéfaine ?

Je commence par ma petite personne : j'ai 37 ans, bientôt 38. J'ai découvert Thiéfaine en septembre 1992 et ce fut un choc dont je ne me suis jamais totalement remise ! En septembre 2012, donc, je fêterai mes 20 ans de haute dépendance à l'œuvre d'HFT ! Voilà qui ne me rajeunit pas...

 

 

 

07/09/2011

Petite biographie d'Edward Hopper (suite et fin)

La pensée du jour : "Il n'y a plus d'écriteaux au ciel

que des lambeaux". Pierre REVERDY (ces mots me font penser à ceux d'HFT : "Dans le jardin d'Eden désert, les étoiles n'ont plus de discours").

 

Two Comedians, Edward Hopper

 

 

Suite et fin de la petite bio d'Edward Hopper, donc :

1943 : Il se rend à Mexico en train. Il retournera au Mexique en 1946, 1951 et 1952.

 

1945 : Il est élu membre du National Institute of Arts and Letters.

 

1950 : Rétrospective au Whitney Museum of American Art. Exposition au Museum of Fine Arts de Boston et à l'Institute of Arts de Detroit.

 

1952 : Edward Hopper fait partie des artistes choisis pour représenter les Etats-Unis à la Biennale de Venise.

 

1953 : Il rejoint le comité éditorial de la revue Reality.

 

1955 : Médaille d'or de peinture par le National Institute of Arts and Letters.

 

1960 : Il reçoit le prix annuel Art in America. Avec les artistes de Reality, il proteste contre la prédominance de l'art abstrait au Whitney Museum et au Museum of Modern Art de New York.

 

1964 : Exposition rétrospective majeure au Whitney Museum, puis à l'Art Institute de Chicago.

 

1965 : Il peint sa dernière peinture, Two Comedians.

 

1967 : Edward Hopper meurt le 15 mai à New York. Ses oeuvres sont présentées à l'exposition américaine à la Biennale de Sao Paulo.

06/09/2011

Suite de la biographie d'Edward Hopper

La pensée du jour : "Alors tu reviendras vers moi

Nous pourrons rire

Un espoir à peine indiqué

Sous le vent une plainte amère".

Pierre REVERDY

 

1920 : Première exposition personnelle au Whitney Studio Club de New York. A partir de 1920, il peint de plus en plus à l'huile.


1921 : Il participe à l'exposition annuelle du Whitney Studio Club de New York et il y exposera régulièrement jusqu'en 1925.

1923 : Il s'occupe du cours du soir de dessin au Whitney Studio Club de New York et réalise de nombreuses esquisses. Il réalise ses dernières eaux-fortes et commence à peindre régulièrement des aquarelles. Le Brooklyn Museum de New York achète son aquarelle The Mansard Roof.

1924 : Il épouse Josephine Nivison le 9 juillet.

En octobre, son exposition d'aquarelles à la galerie Frank K.M. Rehn remporte un tel succès qu'il peut quitter son emploi d'illustrateur.


1925 : Il se rend au Colorado et au Nouveau-Mexique où il peint des aquarelles.

1927 : Achat d'une automobile. Il va désormais beaucoup voyager en voiture à travers les Etats-Unis. De nombreuses œuvres voient le jour pendant ses voyages.

1928 : Il réalise sa dernière gravure, une pointe sèche : Portrait of Jo.

1930 : Il loue la maison d'un ami à Truro dans le Massachusetts. Il reviendra à Truro plusieurs fois et s'y fera construire une maison-atelier (1934) où il passera presque tous ses étés.


1932 : Il participe à la première Biennale du Whitney Museum of American Arts.

1933 : Exposition rétrospective au Museum of Modern Art de New York.


1934 : Exposition rétrospective à l'Arts Club de Chicago.

1941 : Voyage sur la côte ouest des Etats-Unis.

 

29/08/2011

COMPARTIMENT C VOITURE 293 EDWARD HOPPER 1938

La pensée du jour : "Conscious of the spaces and elements beyond the limit of the scene itself". Edward HOPPER

 

COMPARTIMENT C VOITURE 293 EDWARD HOPPER 1938

 

tu sembles si loin

si proche à la fois

dans l'ordre incertain

d'un silence bourgeois

voyageuse solitaire

entourée de mystère

 

 

les pages que tu lis

nous cachent ton regard

te cachent-elles aussi

qu'une guerre se prépare

voyageuse solitaire

entourée de mystère

 

 

est-ce que tu fuis dans ce train

quelque amant

qui chercherait à briser ton silence

est-ce que tu fuis dans ce train

quelque enfant

qui volerait ton indépendance

 

 

ton compartiment

reflète sans passion

ton comportement

de femme de salon

voyageuse solitaire

entourée de mystère

 

 

 

le soleil couchant

joue avec l'horizon

et tes sentiments

se cherchent une raison

voyageuse solitaire

entourée de mystère

 

 

est-ce que tu fuis dans ce train

quelque amant

qui chercherait à briser ton silence

est-ce que tu fuis dans ce train

des serments prononcés lors d'une dernière danse

 

 

 

est-ce que tu fuis dans ce train

quelque amant

qui chercherait à briser ton silence

est-ce que tu fuis dans ce train

quelque enfant

qui volerait ton indépendance

Petite biographie d'Edward Hopper :

1882 : Naissance le 22 juillet d'Edward Hopper à Nyack, Etat de New York.


1899 : Il obtient l'équivalent du baccalauréat au lycée de Nyack.


1899-1906 : Il étudie l'illustration d'abord à la Correspondence School of Illustrating puis, à partir de 1900, à la New York School of Art.


1906 : Emploi d'illustrateur à New York. En octobre, il se rend pour environ neuf mois en Europe et d'abord à Paris.


1907 : Edward Hopper quitte Paris pour Londres. Il visite la National Gallery, la Wallace Collection et l'abbaye de Westminster. Il se rend ensuite à Amsterdam et Haarlem, puis à Berlin, Bruxelles, et revient à New York. Il travaille comme dessinateur publicitaire et peint pendant ses loisirs ou sur ses lieux estivaux de villégiature.


1909 : Séjour de six mois à Paris. Il peint le long de la Seine, visite Fontainebleau et Saint-Germain-en-Laye.


1910 : Il participe à l'exposition des Artistes Indépendants à New York. De mai à juillet, il retourne à Paris, se rend à Madrid, à Tolède, et assiste à une corrida.


1912 : Edward Hopper participe pour la première fois à une exposition au MacDowell Club. Jusqu'en 1918, il exposera régulièrement dans cette manifestation annuelle.


1913 : Edward Hopper participe à la célèbre exposition de l'Armory Show à New York.


1915 : Il reprend les eaux-fortes.


1916 : La revue Arts and Decoration reproduit huit de ses aquarelles parisiennes.

1918 : Il gagne le premier prix de la compétition nationale du National Service Section of the United States Shipping Board Emergency Fleet Corporation pour son affiche Smash the Hun.

 

Source : Dehors est la ville, François BON, FLOHIC Editions, 1998.

 

 

La suite dans les jours qui viennent. En attendant, n'hésitez pas à me dire quelles réflexions vous inspire cette chanson, si vous aimez Edward Hopper, le tableau « Compartiment C voiture 293 », etc. !

 

Quant au livre de François Bon, cité précédemment, il est très intéressant. Il se compose de reproductions de tableaux d'Edward Hopper et de réflexions de François Bon à propos de ces mêmes tableaux. Un livre qu'on m'avait offert en 1998 et qui me sert bien aujourd'hui pour l'élaboration de ma note !

 

15/08/2011

"Je voudrais qu'on m'inhume dans mon plus beau posthume ... pacifiste inconnu"

La mort d'Allain Leprest nous laisse nus, démunis, orphelins... Cela me fait drôle de me dire que ce matin déjà, sans le savoir, je me suis réveillée dans un monde où Leprest n'était plus... C'est bizarre, je pensais beaucoup à lui dernièrement...

Bien évidemment, au journal télévisé, pas un mot au sujet de la mort de ce grand bonhomme. On préférera toujours nous parler de chiffres, de foot, nous assommer, nous abêtir...

Avec cet artiste, c'est encore un peu de poésie qui s'en va. Qui chantera encore la douceur inutile de la pluie qui tombe sur la mer ? Qui hurlera avec autant de fêlures dans la voix et dans l'âme « je ne te salue pas » à la face d'un Dieu oublieux de son œuvre, laissée en plan, en friche, en merdier ? Qui chantera encore « je hais les gosses » ? Et Rouen, et le sac à main de la putain ? Leprest, c'était une longue déchirure qui se mettait à nu dans ses textes...

Profonde tristesse ce soir... Je ne peux me consoler (c'est un bien grand mot) qu'avec la voix d'Allain.

Allez, lançons ensemble une prière à la face des cieux !

 

Je ne te salue pas

 

Je ne te salue pas

Toi qui vis dans les cieux

Athée, j'habite en bas

De ton toit prétentieux

En fumeur de havane

Gros beauf qui te pavanes

Au milieu des charniers

Avec tes dobermans

Je ne te salue pas

Toi qui te crois mon Dieu

 

Je ne te salue pas

Toi qui vis dans les cieux

Pacha, mauvais sherpa

Coupeur de bites en deux

P.D.G. des nuages

Vendeur de faux voyages

Dealer de poudre aux yeux

Metteur de filles en cage

Je ne te salue pas

Toi qui te crois mon Dieu

 

Je ne te salue pas

Toi qui vis dans les cieux

Le monde, et pourquoi pas ?

Un gosse aurait fait mieux

Fait l'amour à l'atome

Doublé la couche d'ozone

Eve aurait eu le droit

De faire des tartes aux pommes

Je ne te salue pas

Toi qui te crois mon Dieu

 

Je ne te salue pas

Toi qui vis dans les cieux

Je suis né à Couba

Quelque part en banlieue

Tes bourses à Washington

Ton pape et ta madone

L'univers les oublie

Et Satan les pardonne

Je ne te salue pas

Toi qui te crois mon Dieu

 

Je ne te salue pas

Toi qui vis dans les cieux

A mon dernier repas

Appelle-moi « Monsieur »

Pas « mon fils » ni « machin »

Un père j'en ai d'jà un

Qui arrachait les clous

Quand on clouait mes poings

Je ne te salue pas

Toi qui te crois mon Dieu

 

Je ne te salue plus

Toi qui vis dans les nues

Si ton plafond s'effondre

Epargne un peu le monde

Mais qu'au moins soient sauvés

Ceux qui savent leurs « Ave »

En ce qui me concerne

Je balance un pavé

Un pavé rouge et bleu

Dans la vitre des cieux

 

Se peut-il être sans clocher

Une insulte pour t'approcher ?

 

 

Que soient sauvés ceux qui savent leurs « Ave », certes, mais que soient sauvés aussi ceux qui, dès la naissance ou presque, ont eu mal au monde, ont noté au bas de la feuille « peut mieux faire », et ont essayé de changer les choses. Que soient sauvés les écorchés vifs, ceux que flinguent sur place la cruauté humaine et celle de la vie. Que soient sauvés les poètes, et plus encore les poètes maudits, ceux qui, en ce bas monde, ne trouvèrent pas de point d'ancrage suffisamment solide pour ne pas vaciller. Que soient sauvés les doux au cœur pur, dont Allain Leprest était. J'espère bien, tiens, qu'à son dernier repas Dieu l'aura appelé monsieur ! C'est la moindre des choses !