31/07/2011
Saint Augustin (suite)
La pensée du jour : "Etrange chose que ces individus qui attirent un jour notre regard, piquent notre curiosité, font surgir maintes questions, se fixent sans grande raison dans notre mémoire, et qui réapparaissent en nous de temps à autre, parfois longtemps après que nous les avons entraperçus". Charles JULIET, Lumières d'automne.
Bien qu'il fût désormais assuré de son avenir immédiat, l'inquiétude subsistait en Augustin mais elle était de nature spirituelle ; à Rome il avait été attiré pendant un temps par le scepticisme des Académiciens, d'Archésilas plutôt que de Carnéade. Il écoutait maintenant les prédications de saint Ambroise, le grand évêque de Milan. Mais trois choses retenaient encore Augustin loin de la foi et de la discipline de l'Eglise catholique : l'impossibilité de concevoir une substance absolument immatérielle, l'impossibilité d'expliquer l'origine du mal, l'impossibilité de se passer de femmes. Les deux premiers obstacles furent les plus facilement franchis : il lut les platoniciens (ou plutôt les néo-platoniciens, très probablement Plotin) et il trouva sur l'essence divine et la nature du mal des notions qui lui ouvrirent des voies nouvelles. Il comprit que Dieu est lumière, substance spirituelle dont tout dépend et qui ne dépend de rien. Quant au problème du mal, la solution lui en apparut dans le fait que les choses étant subordonnées à Dieu, elles ne possèdent ni l'être ni le non-être absolu : elles sont puisqu'elles tiennent leur existence de Dieu, elles ne sont pas absolument, puisqu'elles ne sont pas Dieu. Aussi ne sont-elles corruptibles que dans la mesure où elles participent de la bonté divine; si elles étaient dépourvues de bonté, elles ne pourraient même se corrompre. La corruption n'est donc que perte d'un bien; tout ce qui est, est bon; le mal n'est pas substance, mais absence de bien, non-être. Dès lors il était dans l'état d'un homme convaincu de la vérité, mais cela ne put l'empêcher de vivre encore dans le péché. Sur l'instance de sa mère qui voulait le marier à une jeune fille de bonne famille, il avait renvoyé sa compagne, mais ce fut pour reprendre une autre concubine. C'est alors qu'eut lieu la crise décisive : un jour qu'il était allé chercher la solitude et le calme sous un bosquet de son jardin, il crut entendre une voix qui lui disait « Tolle et lege » (« prends et lis »). Surpris, se demandant de quel livre il s'agissait, il courut consulter un de ses amis, un livre était placé devant ses yeux, les Epîtres de saint Paul; il les ouvrit au hasard et tomba sur ce passage : « Ne passez pas votre vie dans les festins et les plaisirs de la table ni dans la débauche et l'impiété..., mais revêtez-vous de votre Seigneur Jésus-Christ et gardez-vous de satisfaire les désirs déréglés de la chair. » Touché par la grâce, il décida de se retirer dans la maison de son ami Verecundus en Lombardie avec ses amis et disciples, sa mère Monique et son fils. Là ils passaient leur temps en prières, études et discussions. C'est là que virent le jour ses fameux dialogues philosophiques : Contre les philosophes de l'Académie, De la Vie Heureuse, De l'Ordre, Les Soliloques, les trois premiers en 386 et le dernier au début de 387. Après les vacances, il donna sa démission de professeur de rhétorique et dans la nuit du 24 au 25 avril de l'année 387, il reçut de saint Ambroise le baptême par lequel Augustin de Thagaste, futur évêque d'Hippone, docteur et saint de l'Eglise, se trouva lavé de tous ses péchés.
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03/07/2011
"Elle dit c'est pas Saint Augustin qui joue du violon dans les bois"...
La pensée du jour : "Je ne m'approche de la mort que pour mieux me précipiter vers la vie. Toute grande et âpre avidité de vivre naît d'une hantise de la mort". Charles JULIET, Ténèbres en terre froide.
Saint Augustin (Aurelius Augustinus) : Le plus illustre des Pères de l'Eglise latine est né à Thagaste (aujourd'hui Souk-Ahras), petite ville de Numidie, le 13 novembre 354, il est mort à Hippone le 14 août 430. Il était fils d'un païen, Patricius, et d'une chrétienne, Monique. Il fit ses premières classes dans sa ville natale, puis alla étudier la rhétorique dans la cité de Madaure. Il se passionna pour le latin et la littérature latine, mais il haïssait le grec, dont il semble qu'il n'ait assimilé que les quelques rudiments nécessaires pour comparer une traduction avec le texte original. Bien que sa mère, fort pieuse, le poussât à se faire baptiser, il resta catéchumène. Rentré à Thagaste, il y mena pendant une année (369-370) une vie dissipée, dont il se repentira amèrement, comme en témoignent les Confessions. Il put poursuivre ses études, comblant ainsi le vœu de son père, grâce à la libéralité du mécène Romanianus, ami et lointain parent de la famille. C'est ainsi qu'il partit pour Carthage, où il fréquenta l'école d'éloquence, sans oublier les plaisirs du théâtre et les jeux de cirque, dont il était avide. Il connut une jeune fille de très humble condition qui fut sa compagne pendant douze ans et à laquelle il fut fidèle « comme à une épouse légitime ». De leur union naquit un fils, Adeodat (A Deo datus) chéri sinon désiré, et à l'éducation duquel ils consacrèrent tous leurs soins. Entre-temps Augustin continuait à travailler avec acharnement, à la fois par goût, par ambition, par nécessité et par reconnaissance à l'égard de son bienfaiteur. A 18 ans la lecture de l'Hortensius de Cicéron lui révéla sa vocation philosophique. C'est alors qu'il s'éprit d'un amour sans égal pour la beauté incorruptible de la véritable sagesse. L'étude de la sagesse païenne l'amena à prendre connaissance de la doctrine chrétienne : il lut les Ecritures. Elles le déçurent et il ne les comprit pas. Hésitant, il adhéra en tant que simple auditeur au « manichéisme », une des innombrables sectes chrétiennes de l'époque. Deux raisons surtout guidèrent son choix : l'impossibilité d'accepter une foi imposée, non fondée sur la raison, et le problème du mal qui le préoccupera toute sa vie. Ses études une fois terminées, il rentra avec sa femme et son fils à Thagaste où, s'étant consacré à l'enseignement de la rhétorique et à la diffusion du manichéisme, il s'attacha des disciples qui le suivirent à Carthage. Entre 380 et 381, il écrivit son premier ouvrage, un traité en deux ou trois volumes, De pulchro et apto (Sur la beauté et la convenance), déjà perdu au moment où il écrivait les Confessions. Lorsqu'arriva de Rome à Carthage l'évêque Faustus, célèbre docteur manichéen, Augustin l'accueillit comme l'homme qui devait lever tous ses doutes. Il fut déçu : Faustus lui apparut comme un habile orateur, mais ignorant, et incapable de faire la lumière sur le moindre problème. Son ardeur manichéenne s'en trouva refroidie. Peu après il décida de se rendre à Rome, dans l'espoir d'y conquérir des lauriers et quelque aisance. Sa mère ne voulait pas le laisser partir ou du moins désirait qu'il l'emmenât (son père était mort en 379) : elle le suivit en pleurant jusqu'à la mer. Rome ne remplit pas son attente : il tomba gravement malade et l'enseignement de la rhétorique s'avéra peu lucratif. Un poste de professeur de rhétorique s'étant trouvé libre à Milan, il se présenta et fut agréé grâce à l'intervention de ses amis manichéens auprès de Symmaque, préfet de Rome. Il avait alors trente ans. L'amélioration de sa situation lui permit de faire venir sa femme et son fils, et l'année d'après sa mère et ses fidèles disciples.
La suite dans les jours qui viennent.
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26/06/2011
Petit matin 4.10 heure d'été
« Partir, c'est mourir un peu;
C'est mourir à ce qu'on aime.
On laisse un peu de soi-même
En toute heure et dans tout lieu ».
Edmond HARAUCOURT
De toutes les chansons de l'album « Suppléments de mensonge », « Petit matin 4.10 heure d'été » est à mes yeux la plus puissante, la plus terrifiante aussi. C'est un homme brisé, c'est une « âme brisée » qui nous parle ici. Une âme qui se sent engluée dans le « vieux drame humain » qui nous piège tous. C'est quoi, le vieux drame humain ? C'est d'avoir été floué dès la naissance. On nous donne la vie et, du même coup, la mort. De l'inconvénient d'être né dans ce merdier innommable sans avoir rien demandé à personne. Voici une âme qui vacille sur une corde raide suspendue au-dessus du néant.
On entre dès le début dans le vif du sujet :
« Le temps passe si lentement
et je me sens si fatigué
le silence des morts est violent
quand il m'arrache à mes pensées ».
Seul le silence des morts peut être violent, d'ailleurs, car, habituellement, le silence est associé à l'apaisement et la douceur. L'idée de violence est renforcée par le verbe « arracher ».
Chanson douloureuse dans laquelle tout est dit. Pas une lueur d'espoir dans ces ténèbres épaisses, impénétrables. A couper au couteau. Dans « Infinitives voiles », on peut aisément imaginer un répit pour cette âme torturée (« et je viendrai poser ma tête d'enfant sage
sur les gréements chauffés à blanc de vos rivages »). Ici, rien. Le vide sidéral. Triple zéro.
C'est peut-être l'été, mais il n'est question que d'hiver et de froid dans tout le texte : « je rêve de ces ténèbres froides », « mes yeux gris reflètent un hiver
qui paralyse les cœurs meurtris
mon regard vient de l'ère glaciaire ».
Le bilan qui est exposé ici est lourd et sans appel. L'âme brisée qui nous parle avoue avoir « broyé son propre horizon » et trimbaler son mal-être dans le « jardin d'Eden désert » où, de surcroît, « les étoiles n'ont plus de discours ». Jolie allitération en « d ». Pour souligner un peu plus le dé-sespoir, le dé-couragement, la dé-réliction... « Les étoiles n'ont plus de discours » : toujours ce silence ennemi, inquiétant, malveillant. Quand les étoiles nous parlent, c'est peut-être pour livrer un semblant de réponse aux lancinantes questions « Qui suis-je ? D'où viens-je ? », etc. Quand elles n'ont plus de discours, c'est qu'elles restent muettes et nous renvoient à notre déchirante condition : il n'y a pas de réponse. Cela n'a peut-être rien à voir, mais cela me fait penser à la terrible fin d'une pièce de théâtre écrite par Wolfgang Borchert (Draußen vor der Tür). Là aussi, un homme se retrouve confronté au silence obstiné du monde qui l'entoure. Et surtout au silence obstiné de Dieu ou de toute grande puissance qui ressemblerait à Dieu :
« Gebt doch Antwort !
Warum schweigt ihr denn ? Warum ?
Gibt denn keiner eine Antwort ?
Gibt keiner Antwort ???
Gibt denn keiner, keiner Antwort ?? »
Quel est donc ce « vague espoir » dont il est question dans la dernière strophe ? La mort ? Elle apparaîtrait alors comme la grande espérance salvatrice. Mais encore un peu floue quand même. En tout cas, ce n'est pas la première fois non plus qu'en évoquant la camarde, Thiéfaine parle de bave. Cf. « Psychopompes / métempsychose et sportswear » :
« et quand le pinocchio baveux
poussera ma brouette à l'Ankou ».
Voilà une chanson qui fait mal, qui tourmente, qui paralyse, qui glace. On se demande comment il est possible d'aller aussi loin dans le désespoir et l'excès de bile noire. Parfois aussi, on ne se le demande pas. Le désespoir et l'excès de bile noire, on y baigne soi-même jusqu'au cou.
Une chance que Thiéfaine ait donné, au fond de l'eau vaseuse, le coup de pied qui lui a permis de remonter à la surface.
Je suis désolée si cette note est mal écrite, maladroite, bancale. Je ne prétends pas livrer ici des analyses de textes, j'ai toujours préféré parler d'impressions, de ressenti. Je ne pige pas grand-chose aux chansons d'HFT, leur infinie richesse m'échappe, se dérobe dès que je veux la saisir, et c'est sans doute mieux ainsi. "Petit matin 4.10 heure d'été" me bouleverse à chaque écoute, mais je ne suis pas sûre d'avoir su le dire correctement...
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14/06/2011
L'art de la bio, une rencontre avec Jean Théfaine à Saint-Brieuc
La pensée du jour : "Personne n'est rien. Et en même temps chacun est tout l'univers". Eugène IONESCO, Le solitaire.
L'art de la bio. Ils sont quatre à être venus en débattre en ce samedi 10 juin, dans l'ancien Monoprix de Saint -Brieuc. Quatre, à savoir : Régis Canselier pour sa biographie de Jimi Hendrix, Pierre Mikaïloff pour Jacno, l'amoureux solitaire, Christian Eudeline pour une biographie de Little Bob et … Jean Théfaine, pour un ouvrage consacré à qui vous savez !
Belle table ronde, durant laquelle on ne voit pas le temps passer. Les propos de tous sont intéressants, mais ce sont ceux de Jean Théfaine que je vais retranscrire ici. Première question posée par Bernadette Bourvon, programmatrice et animatrice de cette rencontre : Pourquoi avoir choisi Thiéfaine ? Ce à quoi Jean Théfaine répond qu'il a toujours suivi avec intérêt le travail de Thiéfaine. Il rappelle qu'il lui avait consacré un dossier spécial dans Chorus, il y a quelques années. La retraite arrivant, Théfaine se dit « Chiche que je me colle une bio de Thiéfaine » ! Et ce sera donc Jours d'orage, dont il existe deux versions, que vous connaissez.
Théfaine explique qu'il a commencé son travail en 2004. Pour lui, dès le début de cette aventure, il ne s'agit pas d'un simple décryptage, mais bien plutôt de « faire comprendre ce personnage sur lequel presque rien n'avait été écrit jusqu'alors». Le travail s'effectuera en collaboration étroite et plutôt amicale avec Thiéfaine, ce qui n'exclut cependant pas quelques prises de bec ! Ainsi, un jour, Théfaine conduit Hubert-Félix Thiéfaine au petit séminaire où celui-ci a passé plusieurs années de sa jeunesse, et les choses se gâtent. Thiéfaine finit par dire « des choses très désagréables » à son biographe. La collaboration ne va donc pas sans heurts, mais l'amitié reprendra le dessus. Théfaine qualifie Thiéfaine de « timide, gentil, complexe ». Ce n'est pas une personnalité lisse, mais c'est justement cela qui fait l'intérêt de la recherche. Ce qui passionne Théfaine, ce sont « les gens qui ont les deux doigts dans la prise ». La complexité l'intrigue. « Je serais incapable d'écrire la biographie de quelqu'un qui ne m'intéresse pas, qui ne me secoue pas », précise-t-il. Ou encore : « Je me suis coltiné quelqu'un, j'y ai laissé des plumes, j'ai été secoué. Je ne suis pas sorti intact, y compris de la deuxième version. Thiéfaine, c'est une forteresse. Il faut y aller au pied de biche ».
On comprend que les longs mois de recherches qui ont permis à Théfaine d'élaborer ce travail extrêmement documenté ne l'ont pas laissé indemne, mais que si c'était à refaire, il foncerait de nouveau tête baissée dans la forteresse Thiéfaine !
Jean Théfaine rappelle également que notre artiste est prisonnier de l'étiquette qui lui a été collée sur le dos à ses débuts. Même ses fans préfèrent le savoir à l'écart des émissions télévisées, certains étant allés dernièrement jusqu'à ne pas lui pardonner son passage chez Ruquier !
C'est une table ronde passionnante. On sort de là en ayant envie de lire les quatre ouvrages présentés ici, tant leurs auteurs sont captivants ! Pour ma part, je n'en ai lu qu'un, celui de Théfaine, et je suis heureuse d'avoir rencontré cet homme si humble qui reconnaît n'avoir levé qu'un petit morceau du voile, tant l'ami Thiéfaine présente une personnalité complexe. « Il est à la fois conforme à ce qu'il écrit, et en même temps très différent ». Théfaine évoque aussi le « côté bruyant des textes explosifs et explosés de Thiéfaine », lui opposant le « silence de pierre tombale » dans lequel vit cet artiste au fin fond du Jura. Un artiste qui est aussi un infatigable lecteur qui peut avoir 5 à 30 bouquins en chantier.
Voilà, je crois avoir dit l'essentiel. Ceux qui étaient présents samedi à cette table ronde peuvent venir ajouter des choses que j'aurais oubliées !
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07/06/2011
Concert privé du 6 juin à la Flèche d'or
La pensée du jour : "Pour quitter
la surface
tu dois couler". Charles JULIET
« Fièvre résurrectionnelle »... C'est sans doute l'état dans lequel nous étions plongés hier, nous les chanceux qui assistions au concert privé de Thiéfaine à la Flèche d'or, à Paris ! Fébrilité extrême en arrivant devant la salle et en apercevant, parmi la foule impatiente, des visages familiers. Au fil du temps et autour d'une même passion, un joyeux réseau de doux dingues s'est créé ! C'est un peu le « noyau dur » du public de Thiéfaine, celui qui est là contre vents et marées, celui qui, à la moindre date de concert annoncée, se déplace comme un seul homme vers la terre promise !
Je reconnais que parfois, du haut de mes 37 ans grisonnants, je m'interroge : d'où me vient ce feu dévorant qui occupe une si large place dans ma vie ? Le moment ne serait-il pas venu de me calmer enfin ? Et les réponses fusent assez rapidement : je ne sais pas d'où vient ce feu ! Mais, après tout, pourquoi savoir ?! Quant à l'idée de me calmer, oui, elle m'effleure bien de temps à autre, sans pour autant parvenir à m'atteindre réellement. J'aurai bien le temps de mettre le point mort quand je picorerai les pissenlits par la racine !
Il était donc tout naturel qu'hier soir, je me retrouve, une fois de plus (pour la quarantième fois, peut-être bien ?!!), parmi ces voix acclamant toutes avec joie le retour de Thiéfaine !
Peut-être lui fallait-il broyer son propre horizon pour renaître à la vie et à lui-même ? Hier, en tout cas, et sauf grave erreur d'appréciation, j'ai eu l'impression de retrouver un artiste ayant fait peau neuve. Le visage reposé et amène. C'était, du moins, l'image que renvoyait ce « double pervers » qui joue dans un groupe de rock. Maintenant, on sait bien que, dissimulée sous le costume de scène, doit bouillir encore ce que Gary appelait « une âme sur charbons ardents à mille années-lumière de la paix intérieure ».
« Fièvre résurrectionnelle ». C'est sur ces mots magiques que s'est ouvert le concert d'hier. D'excellentes surprises ont jalonné la soirée. Ainsi ce « Chant du fou » inespéré, puissant, grandiose, et dont on a appris hier qu'il avait été écrit dans la ... fièvre, la vraie, celle à laquelle vous cloue une mauvaise maladie. On apprendra que « 113ème cigarette sans dormir » fut aussi écrite dans la tourmente de la fièvre, dans une sorte de « dérèglement de tous les sens » !
Autre grande surprise : « Autorisation de délirer », en guise d'introduction à « Alligators 427 ».
Thiéfaine a fait, bien sûr, la part belle à son dernier album, et c'est ainsi que nous avons pu entendre les très oniriques « Infinitives voiles », « Ta vamp orchidoclaste », « La ruelle des morts », « Lobotomie Sporting Club ». C'est ainsi aussi que nous avons fait une douloureuse plongée dans les eaux glaciales du terrible « Petit matin 4.10 heure d'été ». A chaque fois que j'écoute cette chanson, je suis submergée par une vague d'émotions incontrôlables. Faut-il être allé loin dans la désespérance pour écrire un texte pareil ! Qu'est-ce qui fait qu'à un moment donné le fil ténu qui nous raccrochait à la vie se rompt ? Qu'est-ce qui fait qu'à un moment donné, aussi, on décide de le raccommoder ?
Hier, haut les cœurs, Thiéfaine nous a magistralement prouvé qu'il avait encore bien des choses à « exposer dans la galerie des sentiments » !
Voilà une soirée qui laisse présager une très belle tournée. Avant de quitter la scène, Thiéfaine a remercié le public. C'est nous qui aurions dû crier « merci » d'une seule voix !
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04/06/2011
Suite et fin de l'interview parue dans le magazine Nouvelle Vague
La pensée du jour : "Je porte des gris-gris au cou, des lunettes et une âme plus compliquée que des déclarations d'impôts". René FALLET
On résume l'album par ces thèmes : mélancolie, amour, folie, mort... Comme toujours ?
J'essaie par tous les moyens de ne pas écrire toujours la même chanson ! J'ai mis beaucoup d'accidents dans mon road-movie. Malgré tout, on a des thèmes fondamentaux et sa propre personnalité qui se reflètent dans tout ce qu'on écrit. Il faut savoir évoluer autour de ce style. Il y a des albums qui sont typiquement expérimentaux. D'autres sont plus consensuels; c'est peut-être le cas de celui-là. Les angoisses sont tamisées. Tout est plus doux, plus féminin.
Où trouvez-vous tous ces textes alambiqués, comme dans le titre « Ta vamp orchidoclaste » ?
C'est des montages. J'aime bien m'amuser, inventer. J'ai passé suffisamment de temps à traduire Platon et Aristote pour ne pas utiliser mon latin et mon grec. Pour cette chanson, le français proposait « brise-burne », mais je trouvais ça un peu dur. J'ai formé « orchidoclaste » en grec. Mes textes ne sont pas compliqués, ce sont des livres d'images. Chacun y prend ce qu'il veut, ressent en écoutant. J'y mets beaucoup de vie onirique, psychanalytique et d'écriture automatique, un peu.
Quel regard portez-vous sur votre parcours artistique ?
Je vois beaucoup de vies différentes et pas mal de moments difficiles. Mais je m'en sors pas trop mal. J'ai fait 4 000 à 5 000 concerts... Il y en a un où j'ai fini dans les ambulances, un autre où un mec est monté sur scène avec un poignard en disant : « Si tu continues de chanter je te plante ! ».
Que pensez-vous de votre étiquette de rebelle revendicateur ?
Ça ne me déplaît pas. Je suis comme ça dans la vie. Même si maintenant je fais beaucoup d'efforts pour essayer de dominer mes colères. C'est une façon un peu rock'n'roll de vivre. Je n'ai jamais qu'écrit ce que j'ai vécu.
De quel œil voyez-vous le business de la musique ?
C'est une vraie crise. Le support CD ne fonctionne plus, avec le piratage et les machines à graver. Je ne veux pas être le papy qui court derrière le monde mais je vis avec les droits d'auteur. Les gens sont très mal informés là-dessus. Si on me vole un disque, c'est deux ans de mon travail qui disparaissent. Est-ce que parce qu'on est artiste on devrait crever de faim parce que ça fait plus joli sur la bio ?
Pendant la tournée allez-vous jouer votre hymne « La fille du coupeur de joints » ?
Oui, mais finalement je ne la joue qu'à moitié. C'est plutôt le public qui la chante ! Je l'avais enlevée du répertoire, il la chantait quand même. Là je l'ai remise pour dire : « Je suis avec vous ! Je vais vous donner la bonne tonalité! » (rires). Sinon je vais faire un peu le tour de mes chansons et de cet album.
Vous avez appelé la tournée Homo Plebis Ultimae Tour, ça veut dire que c'est la dernière ?
Tout dépend si « Ultimae » s'accorde avec « Tour » ou « Plebis »... Je vous laisse faire les recherches en latin !
Propos recueillis par Leïla Marchand
09:36 | Lien permanent | Commentaires (4)
02/06/2011
Father and son
La pensée du jour : "Damit es der Tod, wenn er einmal eintritt, nicht mehr so schwer hat, vielmehr, damit wir es nicht so schwer haben mit ihm, sterben wir schon im Laufe unseres Lebens unmerklich oder schubweise ab". Anne WEBER
Mardi soir (comme beaucoup d'entre vous, j'imagine), j'ai regardé « Taratata ». Et je dois dire que cette émission m'a littéralement portée hier, toute la journée.
Nagui a tout de suite annoncé la couleur : Thiéfaine n'aime guère passer à la télé ! Finalement, il semblerait que cette remarque ait plutôt mis notre artiste à l'aise !
Au cours de ce bel entretien, Thiéfaine a évoqué ces idéalistes qui nous poussaient vers le haut, comme Romain Gary. Et là, j'étais aux anges, évidemment !! Thiéfaine a également parlé de Nietzsche et s'est même risqué à dire quelques mots en allemand !
Lorsque Nagui a demandé à Thiéfaine ce qui lui a finalement permis de ne pas tomber (cf. « Petit matin 4. 10 heure d'été »), ce dernier a répondu : « l'amour des enfants ». Quoi de plus logique, alors, que de conclure sur cette magnifique chanson de Cat Stevens, « Father and son » ? Thiéfaine l'a interprétée en compagnie de Cocoon. En voici les paroles, version « Taratata » :
Il est temps de se parler
Sois relax et laisse-toi aller
Tu es jeune, t'as du cœur
Pas beaucoup d'heures au compteur
Trouve une fille, un bon job
Ou voyage au bout du globe
Vois ma vie, j'ai vieilli
Et j'en ai joui
I was once like you are now, and I know that it's not easy
To be calm when you've found something going on
But take your time, think a lot,
Think of everything you've got
For you will still be here tomorrow, but your dreams may not
Comment trouver l'étincelle
Quand ça tourne au désespoir ?
C'est toujours l'éternelle
Même vieille histoire
Chaque fois qu'on veut parler
On nous demande d'écouter
Mais maintenant je connais
La route qu'il me reste à faire
La route que j'ai à faire
It's not time to make a change,
Juste relax, take it slowly
You're still young, that's your fault,
There's so much you have to go through
Find a girl, settle down,
If you want you can marry
Look at me, I am old, but I'm happy
Oublie ces temps où je taisais
Mes souvenirs et mes secrets
Le vent soufflait sur mon passé
Et mes pensées s'envolaient
Comme de vieux oiseaux blessés
Et maintenant je connais
La route qu'il me reste à faire
La route que j'ai à faire
Pensée affectueuse pour le Doc qui, souvent, quand "ça tournait au désespoir", m'a rappelé que j'avais moi aussi "du monde sur le porte-bagage"...
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31/05/2011
Une interview parue dans le magazine Nouvelle vague
La pensée du jour : "Ich bin im wirklichen Leben gelandet, denkt sie, und im wirklichen Leben lügen Menschen, mitunter sind sie schwach und feige und für sich selber und andere eine Enttäuschung". Anne WEBER
En vrac : 1) Merci à Fred06, qui m'a envoyé dernièrement un exemplaire de la revue Nouvelle vague de mai 2011, dans laquelle on peut lire une interview d'HFT, dont voici le début ce soir (la suite viendra plus tard).
2) Félicitations à tous les veinards qui iront voir Thiéfaine en concert privé lundi prochain ! Evidemment, j'ai tenté ma chance, moi aussi, sur le site officiel, mais comme je n'ai jamais rien gagné, je ne me faisais guère d'illusions, ce en quoi j'ai eu raison (malheureusement !!)
3) Ce soir, ne manquez pas l'émission "Taratata" !
Et voici donc un petit bout de l'article de Nouvelle vague :
2011 marque le grand retour d'Hubert-Félix Thiéfaine avec une nouvelle tournée et un nouvel album « Suppléments de mensonge ». Rockeur-poète, animal étrange curieusement indémodable, HFT pose torse nu, authentique, sur la pochette de son seizième album. Cinq ans après l'album « Scandale mélancolique » et trente-trois ans après son tube « La fille du coupeur de joints », ses textes au lyrisme percutant et halluciné marient toujours l'amour avec la folie, la mort et la mélancolie.
Pourquoi « Suppléments de mensonge » ?
J'ai flashé sur cette citation de Nietzsche dans Le Gai savoir. J'aime le mensonge – alors même que je suis mauvais menteur – car je trouve qu'il n'y a aucune vérité. Et je trouvais ça amusant de titrer « Supplément » après seize albums.
Sur l'album, pourquoi faites-vous autant d'hommages à la littérature, la philosophie ?
J'ai voulu que l'album représente bien le disque, qu'il soit présenté un peu comme dans un recueil de poèmes avec des citations, des notes d'auteurs, des clins d'œil. C'est écrit en grec, en latin, en anglais pour laisser un peu de mystère, de clair-obscur. Sur la pochette, la photo est une sorte de mise à nu et le corbeau un clin d'œil à Edgar Poe, à qui je vole déjà le prénom « Annabel Lee » dans un de mes titres.
Comment en êtes-vous arrivé à travailler avec la productrice Edith Fambuena ?
Dans l'écriture de cet album, j'ouvrais largement la porte à ma part féminine. C'est pour ça que j'ai choisi une réalisatrice. Mon choix s'est porté sur Edith Fambuena. Elle venait de produire l'album de La Grande Sophie que j'aime beaucoup. Elle m'a présenté Jean-Louis Pierot. Je ne savais même pas qu'ils avaient formé un groupe auparavant : les Valentins. Des compositeurs ont aussi participé : JP Nataf, Armand Méliès, Ludéal, Dominique Dalcan et La Casa. Je voulais élargir mon univers de musicien, comme je l'avais déjà fait avec « Scandale mélancolique ».
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