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11/03/2011

Anna AKHMATOVA (première partie)

La pensée du jour : "Mais toi tu cherches ailleurs les spasmes élémentaires

qui traduisent nos pensées comme on traduit Homère

et tu m'apprends les vers d'Anna Akhmatova

pendant que je te joue Cage à l'harmonica".

Hubert-Félix THIEFAINE, "Fièvre résurrectionnelle".

 

Anna AKHMATOVA

Poétesse russe. Née à Bolchoï Fontan, près d'Odessa, le 23 juin 1889, morte à Domodedovo, près de Moscou, le 5 mars 1966. Son père, Gorolenko, est ingénieur de la marine du Tsar. Akhmatova est un pseudonyme emprunté à la grand-mère, tartare, d'Anna. Elle passe son enfance à Tsarskoïe Selo, près de Pétersbourg. Elevée au gymnase de cette ville, elle s'inscrit à la Faculté de Droit de l'Université de Kiev, puis à la Faculté de Lettres de Pétersbourg. Dès son enfance, elle découvre la poésie et écrit des vers. Elle voyage en Italie, en France. A Paris, elle fait la connaissance de Modigliani qui dessine plusieurs portraits de la poétesse. Un seul subsiste; les autres seront perdus pendant la Deuxième Guerre mondiale. Dès 1912, elle publie un premier recueil, Le Soir, suivi en 1914 par Le Chapelet. Sa gloire au sein de l'élite intellectuelle est immédiate. Le mythe Akhmatova prend forme. Elle devient la Sapho russe et, malgré son destin tragique – la terreur stalinienne qui l'aura réduite au silence pendant plus de vingt ans – elle va régner, un demi-siècle durant, sur la poésie de son pays.

En 1909, Anna Akhmatova épouse Nicolas Goumilev, chef de file de la renaissance poétique russe du début du XXème siècle. Avec leur ami Mandelstam, ils vont fonder l'Acméisme. Le mouvement entend opposer sa « belle clarté » à l'obscurité de l'école symboliste qui triomphait alors. A la veille de la Révolution, en 1917, Akhmatova fait paraître un troisième recueil, La Volée blanche. En 1921, paraît Le Plantain. Cette même année, Goumilev, resté fidèle à la foi orthodoxe et à la monarchie, se trouve compromis dans un complot. Il est fusillé. Il laisse un fils, Lev. Akhmatova épouse en secondes noces V. Chileïko, un savant orientaliste. Un dernier recueil paraît en 1923, Anno Domini MCMXXI. Ensuite, Akhmatova est condamnée au silence. Très liée au couple Mandelstam, elle assistera à leur martyre, l'exil, la déportation, et les aidera de son mieux. Au cours de ces mêmes années de terreur stalinienne qu'elle peindra dans son chef-d'œuvre, Requiem, son fils est arrêté et déporté (1935).La même année, son troisième mari, l'historien d'art N.N. Pounine, est condamné à la déportation. Akhmatova doit se consacrer à des travaux de traduction. Elle entreprend aussi une réflexion sur Pouchkine, qui aboutira à des essais, dont elle parviendra à faire publier certains. Dans le cadre de la nouvelle politique patriotique, adoptée en 1940, la censure autorise la publication d'une anthologie des cinq recueils antérieurs d'Akhmatova, suivie d'un nouveau cycle de poèmes, Le Saule. En 1941, la guerre mondiale la surprend à Leningrad. Elle vit le siège que soutient cette ville, dont elle chantera l'héroïsme et les souffrances. L'un de ses poèmes qui dit le courage des assiégés, Le Serment, sera placardé sur les murs de la ville. Evacuée à Tachkent, elle visite les hôpitaux, lit ses vers aux blessés. Elle tombe malade (du typhus) et on la croit perdue. En 1944, Akhmatova rentre à Léningrad. La politique stalinienne se durcit. Jdanov contrôle la vie culturelle du pays. Akhmatova sera l'une de ses victimes. Elle évite de justesse la déportation, mais se voit de nouveau réduite au silence jusqu'en 1958. Cette année-là, paraît une première anthologie, suivie d'une seconde en 1961. Celle-ci donne la mesure de sa gloire auprès du public soviétique, conservée malgré l'ostracisme dont elle fut la victime et les silences auxquels elle fut condamnée : les cinquante mille exemplaires d'un premier tirage sont épuisés en quelques heures. Cependant, Akhmatova compose et fait publier à l'étranger les deux grands poèmes où l'on a salué ses deux grands chefs-d'œuvre : le Poème sans héros à New York (1960) et le Requiem à Munich (1963). Sans jamais retrouver la faveur du régime, ni rentrer en grâce, Akhmatova vécut de dernières années adoucies par la tolérance krouchtchévienne. Son fils rentra des camps et de l'exil. Un prix international de poésie décerné en Italie (Etna-Taormina, 1964), un doctorat honoris causa de l'Université d'Oxford (1965) devaient lui permettre de revoir l'Europe occidentale et ses amis qui s'y trouvaient. Akhmatova fut emportée par une crise cardiaque le 5 mars 1966.

Source : Dictionnaire des auteurs de tous les temps et de tous les pays (Editions Robert Laffont, octobre 1990). L'article consacré à Anna Akhmatova est signé Jean BLOT.

 

La deuxième partie de cet article arrivera dans les jours qui viennent, ainsi que plusieurs poèmes d'Anna Akhmatova (merci, monsieur Thiéfaine, de m'avoir fait découvrir cette poétesse. J'ai feuilleté un de ses recueils de poèmes, et suis sous le charme de cette écriture).

09/03/2011

Thiéfaine, conquistador écorché

La pensée du jour : "Je m'évertue vers quelque point insaisissable. Le chemin qui y conduit, s'il y conduit, est incandescent. On s'y brûle. Je ne sais si j'y progresse. Je m'évertue". Louis CALAFERTE

Le vendredi 25 février, Patrice Demailly consacrait, dans Nord éclair, un magnifique article à Thiéfaine. Le voici (merci, Cath, de me l'avoir envoyé !) :

Hubert-Félix Thiéfaine est un artiste en mouvement qui ne se laisse pas capturer. Photo Yann Orhan

Honnêtement, on ne s'attendait pas à un tel uppercut. Avec "Suppléments de mensonge", dans les bacs ce lundi, Hubert-Félix Thiéfaine signe son chef-d'oeuvre. Douze morceaux pour autant de pépites. Saisissant.

Il a arpenté ciel et terre, de bas en haut, des fosses sulfureuses des enfers tièdes aux paradis artificiels où il s'est parfois brûlé les ailes. Au milieu de ce monde englouti, Hubert-Félix Thiéfaine est un sublime survivant. Qui cultive ses marges - dont celle du show-biz - et son existence pas toujours cadrée. L'homme a près de 35 ans de carrière derrière lui. Pour ceux qui s'intéressent d'un air seulement distrait à la musique, il est le créateur de La fille du coupeur de joints, un hymne qui s'élève au-dessus des cieux.
Dans la chambre d'un hôtel où il nous reçoit, il pourrait réciter la Bible qu'on resterait pendu à ses lèvres. Certainement le privilège des incandescents. Pas facile d'échanger avec ce grand incendie cérébral. Parce que son âme a une longueur d'avance sur la meute. Parce que la solitude est sa meilleure compagne. « J'adore ça. Si je me retire, faut pas venir m'emmerder. Je ne m'ennuie jamais quand je suis seul. Je m'amuse avec mes jeux préférés, il y a une sorte de télécommande dans ma tête ». Quand on lui demande en référence à la chanson sur le suicide Petit matin 4.10 Heure d'été s'il a déjà tenté de mettre fin à ses jours, il se recroqueville dans son fauteuil. Semble être ébranlé. Et répond par un expéditif « joker ». Plus tard dans la conversation, au sujet de son rapport à la mort, il glissera : « J'ai essayé donc je n'ai plus peur ».



Un bain bouillonnant de vie
à vif et de poésie

Thiéfaine fait partie de ces artistes qui ne s'arrêtent jamais, dont la vie est faite d'écriture et de questionnements, de chemins tortueux et de fureur, de mélodies et de parfums vénéneux. Il dit : « C'est une histoire de guerrier d'être chanteur. On va de combat en combat, il faut se maintenir debout et aller de l'avant ».
On l'avait quitté à l'été 2008 avec un album de blues délicieusement concocté avec Paul Personne (Amicalement Blues). Avant de refaire surface, Thiéfaine a encore morflé. Un burn out qui a nécessité une longue hospitalisation. « J'avais enchaîné les projets. Mon corps avait besoin de se reposer ». Il ne s'étendra pas davantage là-dessus. Juste précise-t-il qu'il avait dans son escarcelle un disque presque complet.
« Il devait s'appeler Itinéraire d'un naufragé, mais quand je me suis remis en selle, je n'avais pas envie de regarder dans le rétroviseur, je voulais des idées neuves ». Bien lui en a pris puisque Suppléments de mensonge (titre emprunté à un chapitre du Gai Savoir de Nietzsche), c'est un coup de chapeau magistral d'où s'échappent des myriades de mots patraques, biscornus, métaphoriques. L'écouter c'est se plonger dans un bain bouillonnant de vie à vif et de poésie. Le gaillard, lui, avoue ne pas savoir dissimuler la vérité.
« Je n'y arrive pas, j'ai les yeux trop clairs. On voit mon cerveau à travers eux quand j'essaie de mentir, il y a plein de lumières qui clignotent ». L'album est arrangé avec goût et, disons-le, avec maestria par Édith Fambuena et Jean-Louis Piérot, tandem génial des Valentins qui avait déjà notamment imposé sa patte sur l'exceptionnel Fantaisie Militaire de Bashung. « Je ne le savais pas parce que je n'avais jamais écouté cet album d'Alain. J'étais resté bloqué sur la pochette et le titre que je n'aimais pas ». Il ajoute, avec un sourire malicieux : « Le pire, c'est que j'ai chez moi des albums avec des pochettes superbes qui sont musicalement d'une nullité totale ».
Comme pour son précédent opus Scandale mélancolique, Hubert-Félix Thiéfaine a envoyé une partie de ses textes à des compositeurs extérieurs. Sont retenus : le duo de La Casa, Ludéal, Arman Méliès, Dominique Dulcan, Guillaume Soulan, JP Nataf, Robert Briot. « Hormis ces deux derniers, je ne les connaissais pas. Je suis allé à la cueillette. Il faut qu'il y ait une alchimie avec mes textes, une sorte d'étincelle ».
On le suit donc, avec vertige, au bord de ses gouffres profonds comme dans les mille et un détours de son écriture éblouissante. « J'ai fait plus de place ici à ma part féminine. C'est un peu moins cow-boy que d'habitude ». Une grande latitude émotionnelle émane d'ailleurs des morceaux.
C'est rarement léger, mais toujours marquant et profond, traversé par des fulgurances mais aussi par le froid des marbres. Le coeur du chanteur semble battre dans chacun de ses vers qui, sous une beauté destructrice, suggèrent les sentiments les plus brûlants. Les cicatrices sont palpables mais l'espoir ne semble pas être mort. On a l'impression que toute une vie se retrouve dans Suppléments de mensonge. Ne pas demander à Thiéfaine de faire l'exégèse de ses textes. Ce n'est pas son trip. « Je ne cherche pas à prouver quoi que ce soit. Je veux laisser les autres rêver ce qu'ils ont envie de rêver par rapport à ce que je donne. Je travaille avec des mots, je ne suis pas prosateur, ce sont les mots qui m'intéressent ».
Les obsessions existentielles de Thiéfaine le font vaciller en bordure du crépuscule mais la plupart des ritournelles lui confèrent une mélancolie étrange, quasi heureuse. Entre le festival d'oxymores crachés sur la rythmique punk Lobotomie Sporting Club, la nostalgie lumineuse de La ruelle des morts, le sexuel Garbo XW Machine, les cordes coulissantes comme des perles sur un collier d' Infinitives voiles et les trompettes à la Calexico de Petit matin 4.10 Heure d'été - sommet du disque - difficile de ne pas être littéralement conquis. « Le ton du disque, c'est d'être moins austère et de mettre plus de foi dans nos instincts vitaux. Mais je n'allais pas m'arrêter à être profond et percutant ».
Au final, sans doute un des plus beaux, des plus foudroyants albums jamais enregistrés sur le sol français depuis belle lurette. On s'y enfonce comme dans un paysage sombre et tourmenté et on en ressort paradoxalement apaisé, ébaubi et inondé de lumière.

05/03/2011

Thiéfaine à la FNAC Saint-Lazare hier

La pensée du jour : "Tu te retrouves avec, dans la tête, le sourire amer de la médiocrité impuissante, tu réalises que tes illusions étaient bien trop pures pour toi". Nicolas FARGUES

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Petite déception hier matin à la Maison de la Radio : impossible d'assister à l'enregistrement  du "Fou du roi". Et pour cause ! L'émission avait déjà été enregistrée auparavant !

En revanche, aucune déception à la FNAC Saint-Lazare ! J'ai d'abord flâné un peu du côté du "Golden Black", attendant que d'autres me rejoignent (question : Cédric, es-tu venu, finalement ?). Vers 14h30, Elodie est arrivée. Peu après, nous avons décidé d'aller nous installer à la FNAC, pour être bien placées pendant l'interview. Et je ne regrette pas d'avoir "poireauté" ainsi pendant quelques heures ! Quel moment riche que celui qui a précédé l'arrivée d'Hubert ! Aussi riche que l'interview elle-même. J'ai adoré ce petit comité que nous formions, nous tenant bien chaud les uns les autres. J'ai adoré discuter avec Adrien, dont la jeune fougue m'a rappelé celle qui était la mienne quand j'avais 20 ans moi aussi. Je ne te l'ai pas dit, Adrien, et tu l'apprendras si tu passes par là, mais lorsque je t'ai quitté quelques minutes après avoir papoté avec toi, j'étais bouleversée, émue aux larmes... La relève est assurée, et de bien jolie façon !

Des émotions partagées, donc, et aussi des rires fort sympathiques avec Yoann, vu plusieurs fois durant mon séjour à Paris. L'immense joie de rencontrer enfin Lorelei2, de voir ses yeux pétiller rien qu'à l'évocation du nom de Thiéfaine. L'immense joie de retrouver des visages familiers, comme celui du Doc.  L'immense joie de retrouver des gens pas vus depuis bien longtemps. Le Petit Hubert illustré (c'est formidable de rencontrer un dictionnaire !!) et sa moitié, mais aussi Sapq, Uther Pendragon, David, Yoann, Tommie, Sœur Sparadrap, et tant d'autres...

17h. Zegut, qui doit mener l'entretien, arrive et discute chaleureusement avec le public. En arrivant au Forum de la FNAC, je me suis baladée et j'ai découvert, sous l'affiche annonçant la venue de Thiéfaine, des livres, des CD et des films qui ne sont pas sans rappeler l'univers du bonhomme : Voyage au bout de la nuit, Au-dessous du volcan, Blow-up, The Beat Generation, Twin Peaks, les Stones et Dylan. En fait, tout cela est destiné à annoncer déjà la couleur que va revêtir l'entretien HFT-Zegut. Thiéfaine a été invité précédemment à sélectionner cinq livres, cinq disques et cinq films qui ont compté pour lui. Il cite donc Voyage au bout de la nuit, Au-dessous du volcan, The Beat Generation, Finnegan's Wake, de Joyce (jamais entendu parler de ce livre, et je dois d'ailleurs dire qu'hier j'ai découvert l'étendue immense, vertigineuse, affolante, de mon ignorance, cela remet salement les idées en place !). Quel autre livre encore ? Je ne sais plus. J'ai noté des noms, pêle-mêle : Homère ("Il faudrait commencer par Homère", dira Thiéfaine, et aussi : "Si je devais partir avec un seul livre, ce serait Homère"), Aragon et notamment Les cloches de Bâle, Hédi Kaddour (Waltenberg ... jamais entendu parler !).

Côté cinéma, HFT a retenu Blow-up, Le septième sceau, Mystery Train, Twin Peaks et Le mépris. Il aime aussi O'Brother, des frères Coen. Personnellement, je n'ai vu aucun de ces films (si, j'ai bien vu Le mépris, mais il y a plus de 20 ans, je pense !!!) et je me fais toute petite dans mon fauteuil...

Nous abordons ensuite le thème de la musique, et Thiéfaine nous parle de Bach, de Dylan, des Rolling Stones (il a sélectionné l'album "Aftermath"), de John Lee Hooker et Canned Heat. Il nous apprend qu'avant chaque tournée, il réécoute systématiquement "Rock'n'roll Animal", album live de Lou Reed. Bien sûr, il évoque Léo Ferré et plus particulièrement cet album sans titre, celui qu'on appelle parfois L'été 68, et sur lequel on peut trouver "Pépée" et "C'est extra". Il nous en dit un peu plus sur son admiration pour Ferré. Ce qu'il aime, c'est le Ferré mélancolique et tendre, les chansons comme "A toi". "Le Ferré révolutionnaire n'est pas intéressant", affirme-t-il. Ou encore : "Le Ferré qui faisait de la politique et un peu de la démago aussi, celui-là, il m'agaçait".

On évoque très (trop ?) rapidement "Suppléments de mensonge", et Thiéfaine dit une fois de plus qu'il a, dans cet album plus que dans les autres, laissé libre cours à sa part féminine. "Dans l'écriture, surtout," précise-t-il. Zegut lui parle du corbeau que l'on voit un peu partout dans le livret, et Thiéfaine dit que c'est un peu l'animal fétiche des poètes, il évoque Edgar Allan Poe, mais aussi Rimbaud, The Beat Generation, précisant que cet "animal pas rassurant représente le côté maudit de l'artiste".

 

Voilà. Hubert s'en retourne ensuite dans sa loge. Cinq, dix minutes. Et nous sommes je ne sais combien à attendre de nous retrouver en face de l'artiste, pour une dédicace, pour échanger deux ou trois mots. Et il s'agira bien de n'échanger là que deux ou trois mots, la vue de la foule impatiente n'invitant guère à de longs épanchements. Thiéfaine se prête plus ou moins chaleureusement à l'exercice. On sent bien qu'il est fatigué et qu'il voit le truc comme un travail à exécuter, comme il l'a dit au "Fou du roi"... Ce n'est pas le moment que j'ai préféré. De toute façon, je n'aime pas approcher les artistes que j'aime. Tout est dit dans leurs œuvres, à quoi bon chercher plus loin ?

 

Après la séance de dédicaces, nous sommes une quinzaine à nous retrouver dans un bar situé non loin de là. Je discute avec une certaine Florence, qui n'était jusque là mon amie que sur Facebook, et je me rends compte que nous pourrions très bien être amies dans la vraie vie, tant l'échange est bouillonnant et passionnant, tant nous partageons, entre autres, le même amour de la lecture.

Vers 21h, tout le monde regagne ses pénates. Il est tard, je dois préparer mes bagages pour demain. Et j'ai dans le cœur un bagage fabuleux, impalpable et pourtant bien réel : des sourires, des mots, des échanges engrangés, et qui me porteront de longues semaines durant...

 

28/02/2011

"Suppléments de mensonge" : sortie officielle aujourd'hui !

P1170498.JPGLa pensée du jour : "Excuse-moi cette platitude, mais j'ai envie de dire que c'est dingue, la vie, j'ai envie de redire qu'il n'y a vraiment pas de hasard. Non, c'est vrai, si tu te penches deux minutes sur l'agencement des événements, il y a de quoi te mettre à l'astrologie, à la magie, aux sciences déterministes, aux sciences occultes, à tout ce que tu veux". Nicolas FARGUES

 

Voilà une bien jolie façon de démarrer la semaine, n'est-ce pas ? Ce matin, en allant prendre le train pour Paris, j'ai vu cette affiche devant la gare de Nancy.

28 février 2011 : sortie officielle de "Suppléments de mensonge", même si nous sommes nombreux à avoir pu nous procurer l'album dès samedi... Pour le moment, toutes les réactions sont positives ! Je n'entends dire que du bien de ces "Suppléments de (men)songe". On écoute une ou deux chansons, et nous voilà en larmes pour toute la durée de l'écoute. Etrange phénomène...

Continuez à poster ici vos impressions ! Pour ma part, je vais avoir une belle semaine thiéfainienne, et je vous promets un petit compte rendu, photos à l'appui, de ce qui se passera vendredi, avant, pendant et après la rencontre avec HFT à la gare Saint-Lazare.

 

26/02/2011

"Suppléments de mensonge" : premières impressions

La pensée du jour : "Déjà je m'avance en bavant

dans les vapeurs d'un vague espoir

l'heure avant l'aube du jour suivant

est toujours si cruellement noire".

Hubert-Félix THIEFAINE, "Petit matin 4.10 heure d'été".

 

 

Ce n'est un secret pour personne ici, la poésie et la musique de Thiéfaine m'ont toujours parlé ! Traversé l'âme, fait frissonner jusqu'à la moelle...

Et ce n'est pas « Suppléments de mensonge » qui viendra renverser ces habitudes ! Déjà, «La ruelle des morts », écoutée de nombreuses fois sur internet, m'avait adressé un courrier recommandé avec accusé de réception. J'ai reçu le courrier, cinq sur cinq...

« Que ne demeurent les automnes

quand sonne l'heure de nos folies

j'ai comme un clocher qui bourdonne

au clocher de ma nostalgie

les enfants cueillent des immortelles

des chrysanthèmes / des boutons d'or

les deuils se ramassent à la pelle

en bas dans la ruelle des morts »...

Cette chanson qui ouvre l'album en donne aussi déjà l'entière tonalité (entre autres : un brin de nostalgie devant l'enfance pourtant décrite ailleurs comme « bâclée »).

Depuis que je suis en possession de ces « Suppléments de mensonge », je m'en suis enivrée déjà sept fois, je crois. Huitième audition, à l'instant où j'écris ces lignes. Et voici, après « Garbo XW machine », « Petit matin 4.10 heure d'été », et je vais encore pleurer, pour la huitième fois, pleurer sur le « drame humain » qui nous encercle tous, pleurer sur cette « si cruellement noire » déréliction qui a tordu les entrailles à HFT le jour où il a écrit ces lignes déchirantes... On voudrait presque, pour lui, qu'il n'ait jamais eu à coucher ces mots terrifiants sur le papier...

« Et j'hésite entre un revolver

un speedball ou un whisky sour »...

 

« Inutile de graver mon nom

sur la liste des disparus

j'ai broyé mon propre horizon

et retourne à mon inconnu »...

 

Et, une fois encore, Thierry Caens est là, à la trompette, pour bâtir un somptueux écrin à ces mots qu'on se prend dans la tronche comme autant de coups de poing.

La chanson « Infinitives voiles » semble être le pendant, le versant apaisé de « Petit matin 4.10 heure d'été ». Dans « Infinitives voiles », la dernière strophe résonne comme une ferme résolution, une certitude, une promesse :

« je marcherai sur l'eau / je remplirai mes brèves

avec d'autres comptines / avec d'autres histoires

que celles qui se racontent en bordure des comptoirs ».

Ces « infinitives voiles » semblent venir se poser comme un baume apaisant sur l'horizon broyé dont il était question dans « Petit matin ». On est moins plombé à l'écoute de ce morceau, on voit une issue là où, tout à l'heure, on n'apercevait qu'un horizon bouché, enténébré, barré par la noirceur d'une âme charbonneuse et brisée...

 

 

Entre « Petit matin 4.10 heure d'été » et « Infinitives voiles », il y a l'image de cette femme, assise dans un train, en partance pour on ne sait où et fuyant on ne sait quoi, on ne sait qui (un amant trop pressant, un enfant lui ayant rogné les ailes, peut-être...). Très belle chanson dans laquelle HFT s'adresse à la femme de ce tableau de Hopper, la comprenant magnifiquement... Un pont entre l'effrayante dérive de cette heure d'été qui nous laisse pantois, désarmés, déchiquetés, et la rive plus apaisante et apaisée d' « Infinitives voiles ».

La chanson « Trois poèmes pour Annabel Lee », sertie dans l'écrin d'une douce mélodie, est d'une grande beauté aussi.

« Annabel Lee

pas un seul cheveux blanc

n'a poussé sur mes rêves

Annabel Lee

au roman des amants

je feuillette tes lèvres »...

 

 

Et il y a aussi « Les ombres du soir », « Les filles du Sud ». Tout le reste, en fait !

Cet album, c'est le pion qui vient d'abord s'immiscer doucement dans votre circuit, puis vient y semer un joyeux bordel !! On sort de là complètement groggy, sous le choc encore des coups que l'on vient de se prendre de tous les côtés.

Ces « Suppléments de mensonge », nous les avons espérés, tant espérés, tous autant que nous sommes, que nous les avons chargés à l'avance d'une flopée de lourdes attentes ! Nous avons été impatients, souvent, presque indélicats dans notre empressement, et nous voilà comblés au-delà de nos espérances. Chapeau bas et merci, monsieur Thiéfaine ! Une fois encore, vous nous chopez à un carrefour où on ne vous attendait pas ! Merci au petit pion qui vient s'insinuer dans nos âmes à l'écoute de cet album, s'y frayer un chemin et tout court-circuiter dans le système !

Vendredi 4 mars : Carte blanche à Thiéfaine à la FNAC Saint-Lazare

La pensée du jour : "Je t'aime et je t'attends à l'ombre de mes rêves" (Hubert-Félix THIEFAINE, Fièvre résurrectionnelle).

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Vendredi 4 mars, Thiéfaine sera donc, comme vous le savez déjà tous, au Forum de la FNAC Saint-Lazare, à Paris. La rencontre aura lieu de 17h30 à 19h. J'aimerais bien savoir qui, parmi vous, assistera à ce forum. J'y serai, pour ma part, et compte bien vous faire un petit compte rendu ensuite, sur ce blog !

A quelle heure arriverez-vous à la FNAC ? Ce serait sympa de se retrouver un peu avant et de papoter ensemble, non ?

25/02/2011

Article de Télérama

La pensée du jour : "Mon origine, mon devenir. Ma joie pour vivre et pour mourir. Toi sans qui la vie m'eût paru injuste comme une pierre sur un chemin sans fin, ni feu, ni lieu". Jean-Pierre ROSNAY.

 

 

"Seizième album studio, trente-trois ans après le premier. La même écriture, fantasque et imagée. Le même phrasé, fluide et tendu. Et la même voix, à peine plus grave. Avec une insolente pose à la Iggy sur la pochette – torse nu bien conservé -, Thiéfaine, 62 ans, reste cet animal étrange, hors norme et curieusement indémodable. Est-ce à dire qu'il n'y a rien à attendre de nouveau de ses disques ? Plus ou moins. Car à lire les crédits de celui-ci on pouvait espérer du neuf : y figurent plusieurs signatures consacrées, si ce n'est par le public, du moins par la critique : Arman Méliès et JP Nataf, et, dans une moindre mesure, Ludéal et La Casa... Très bons compositeurs, qui auraient pu (dû ?) égayer les lignes mélodiques en général assez atones du chanteur. Or il n'en est rien, comme si leur invention musicale avait été écrasée par la figure trop prégnante du héros. Du coup, on retrouve, comme hier, les longues logorrhées presque psalmodiées qui font la marque de Thiéfaine – cela dit, elles ne manquent pas d'attrait.

La nouveauté, il faut plutôt la chercher du côté des arrangements, signés des ex-Valentin (Edith Fambuena et Jean-Louis Pierot) : eux gardent leur esprit pop originel, leurs guitares légères, leur rythmique presque métronomique, leurs cordes et leurs cuivres discrets mais toujours opportuns... Ce sont même leurs orchestrations, très souvent, qui assurent le versant mélodique de l'album. Conviennent-elles aux chansons de Thiéfaine ? Parfois, parfaitement : elles magnifient sa Fièvre résurrectionnelle, son Petit matin 4.10 heure d'été (titre le plus marquant du disque), ou ses très longues (8' 55'') mais pas ennuyeuses Ombres du soir. Sur d'autres, en revanche, la greffe est moins convaincante : Infinitives Voiles ou Quebec November Hotel en prendraient presque des échos de variété.

En tout cas, ce n'est sûrement pas avec ce disque-là que Thiéfaine prendra la place laissée vacante par Bashung (qui, comme par hasard, avait lui aussi travaillé avec Arman Méliès et Les Valentins...). Quant au discours stricto sensu, il reste épique, ironique, érotique. Il s'assume aussi nostalgique. Preuve que l'homme, malgré tout, n'est pas insensible au temps qui passe. Ce qui ajoute à son humanité."

Valérie Lehoux

 

Voilà. N'hésitez pas à réagir à ces lignes (l'album récolte trois étoiles, mais je trouve que l'article ne les reflète pas réellement) ! Pour ma part, je ne vois pas bien pourquoi il est question ici de Bashung. Je ne vois pas pourquoi qui que ce soit devrait prendre la place laissée vacante par cet artiste...

Je pars à Paris lundi, chers amis ! Oui, le 28 février, date de sortie de « Suppléments de mensonge » ! Je ne sais donc pas encore quand je pourrai venir poster ici mes impressions, même si j'embarque mon ordinateur portable. A Paris, je vais aller voir Thiéfaine plusieurs fois, je crois. Et quelques-uns d'entre vous, ce dont je me réjouis aussi, beaucoup !

23/02/2011

Article de VSD

La pensée du jour : "Il y a un poème à faire sur l'oiseau qui n'a qu'une aile". Guillaume APOLLINAIRE

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Inconnu du grand public et quasiment absent des médias, le Jurassien multiplie les disques d'or et remplit des salles comme Bercy. Tentative de décryptage du phénomène avec l'intéressé.

 

Le mystère Thiéfaine

 

« Un jour, alors que je devais passer chez Drucker, on m'appela très peu de temps avant l'enregistrement de l'émission pour me dire que c'était annulé. Je demandai pourquoi. La réponse était que je n'étais pas assez connu. Qu'est-ce qu'il fallait faire pour être connu ? Passer chez Drucker », me répondit-on. Et si la problématique Thiéfaine était tout entière résumée dans cet aveu amusé qui date d'il y a dix ans mais qui reste d'actualité ? Hubert-Félix Thiéfaine, HFT pour les intimes, 62 ans au compteur dont quarante passés sur la route, quasiment absent des grands médias, probablement inconnu de votre mémé ou de vos enfants mais qui multiplie les disques d'or et bourre, mine de rien, des salles comme Bercy (1). Thiéfaine et ses textes alambiqués (et que dire des titres de chansons comme Critique du chapitre 3 (du livre de l'Ecclésiaste), Autoroutes jeudi d'automne (mathématiques souterraines n°2) et autres Tout corps vivant branché sur le secteur étant appelé à s'émouvoir ?) Thiéfaine, quoi. L'un des derniers artisans du métier.

Jeans, bottes, blouson et tous ses cheveux, il tente lui aussi de comprendre « le mystère Thiéfaine ». Et de nous l'expliquer : « Lorsque j'ai commencé, au début des années soixante-dix, je me produisais dans les derniers cabarets de Paris avec un spectacle qui deviendrait la base de mes trois premiers albums, Comme un chien dans un cimetière. Je chantais devant, quoi, quinze à vingt personnes, maximum. Lorsque je revenais un an après, il y avait cinquante personnes. Assez rapidement, je suis sorti du circuit cabaret pour me retrouver sur des petites scènes et toucher cent personnes. Et puis, un beau jour, je m'en souviens comme si c'était hier, j'ai « fait » deux cents personnes dans une MJC ! Je me suis alors entouré de musiciens et on a vite atteint des scores de cinq cents. Puis, à Nantes, un soir, il y avait deux mille personnes. » Narré de la sorte, ça semble simple.

Son biographe (2) et quasi homonyme, Jean Théfaine, décortique le mystère Thiéfaine de façon plus convaincante. « Il y a d'abord ses mots, sa manière d'écrire. Une ligne claire, romantique et imaginaire conjuguée à une approche radicalement rock. A cela, il convient d'ajouter une intégrité rarissime dans le métier, sans oublier un charisme fou. Hubert – et même s'il déteste le mot -, c'est comme un gourou. Anges comme démons, ce qu'il chante, c'est sa vie. »

Voilà, sans la grosse cavalerie promotionnelle, le Jurassien s'est construit le public le plus fidèle qui soit (3) : les fans, des acharnés qui le suivraient, si ce n'est en enfer, du moins dans n'importe quelle salle de l'Hexagone, de Francofolies en Zénith. Eric Issartel, le président du HFT Aficionados Service Club, est catégorique. « Difficile de leur trouver un dénominateur commun, à tous ces fans. Cela va du zonard marginal au professeur de philosophie, en passant par le chirurgien. Les niveaux de lecture sont donc très différents, mais tous se retrouvent avec une même fascination pour l'intégrité, la personnalité et une qualité de textes peu commune. C'est le seul chanteur français à écrire comme ça. »

Une fois, une seule fois, Hubert-Félix Thiéfaine a connu les honneurs du Top 50, ainsi que le rapporte Yannick Suiveng dans son épatant Dictionnaire des tubes en France (4). C'était en mars 1983, avec Lorelei Sebasto Cha, et l'on se souvient de plusieurs petites filles croisées à Formentera qui avaient été prénommées Lorelei en souvenir de ce tube resté unique. Mais, comme s'il était écrit qu'il ne ferait jamais rien comme les autres, le chanteur ne capitalise pas sur ce succès, au contraire : il arrête tout ! « J'avais vécu mon rêve de gosse et je ne savais plus où aller. En outre, j'étais littéralement lessivé par les cinq années précédentes, où j'avais tourné sans arrêt. » Finalement, un an après, il repart. Depuis, il a sorti dix-huit albums (vingt-trois au total) et traîné son spleen un peu partout. Thiéfaine est complexe, l'intéressé le confirme : « Il y a Hubert, qui est le mec bosseur et qui est assez rationnel; il y a Thiéfaine, qui est un peu l'artiste, star, expansif, qui fait applaudir les foules; et il y a Felix, qui est le déglingué de l'histoire et qui empêche les autres de travailler parce qu'il se couche trop tard. »

 

Christian EUDELINE

 

  1. Le 22 octobre. En tournée du 15 octobre au 9 décembre.

  2. Hubert-Félix Thiéfaine : Jours d'orage, Fayard, 456 pages, 22, 50 euros.

  3. Ce public, c'est nous !!!!!!!!!!!!!!

  4. www.dictionnairedestubesenfrance.com

 

 

Qui a déjà acheté la biographie ? Pas moi, je l'avoue, à ma grande honte...