Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

26/02/2011

"Suppléments de mensonge" : premières impressions

La pensée du jour : "Déjà je m'avance en bavant

dans les vapeurs d'un vague espoir

l'heure avant l'aube du jour suivant

est toujours si cruellement noire".

Hubert-Félix THIEFAINE, "Petit matin 4.10 heure d'été".

 

 

Ce n'est un secret pour personne ici, la poésie et la musique de Thiéfaine m'ont toujours parlé ! Traversé l'âme, fait frissonner jusqu'à la moelle...

Et ce n'est pas « Suppléments de mensonge » qui viendra renverser ces habitudes ! Déjà, «La ruelle des morts », écoutée de nombreuses fois sur internet, m'avait adressé un courrier recommandé avec accusé de réception. J'ai reçu le courrier, cinq sur cinq...

« Que ne demeurent les automnes

quand sonne l'heure de nos folies

j'ai comme un clocher qui bourdonne

au clocher de ma nostalgie

les enfants cueillent des immortelles

des chrysanthèmes / des boutons d'or

les deuils se ramassent à la pelle

en bas dans la ruelle des morts »...

Cette chanson qui ouvre l'album en donne aussi déjà l'entière tonalité (entre autres : un brin de nostalgie devant l'enfance pourtant décrite ailleurs comme « bâclée »).

Depuis que je suis en possession de ces « Suppléments de mensonge », je m'en suis enivrée déjà sept fois, je crois. Huitième audition, à l'instant où j'écris ces lignes. Et voici, après « Garbo XW machine », « Petit matin 4.10 heure d'été », et je vais encore pleurer, pour la huitième fois, pleurer sur le « drame humain » qui nous encercle tous, pleurer sur cette « si cruellement noire » déréliction qui a tordu les entrailles à HFT le jour où il a écrit ces lignes déchirantes... On voudrait presque, pour lui, qu'il n'ait jamais eu à coucher ces mots terrifiants sur le papier...

« Et j'hésite entre un revolver

un speedball ou un whisky sour »...

 

« Inutile de graver mon nom

sur la liste des disparus

j'ai broyé mon propre horizon

et retourne à mon inconnu »...

 

Et, une fois encore, Thierry Caens est là, à la trompette, pour bâtir un somptueux écrin à ces mots qu'on se prend dans la tronche comme autant de coups de poing.

La chanson « Infinitives voiles » semble être le pendant, le versant apaisé de « Petit matin 4.10 heure d'été ». Dans « Infinitives voiles », la dernière strophe résonne comme une ferme résolution, une certitude, une promesse :

« je marcherai sur l'eau / je remplirai mes brèves

avec d'autres comptines / avec d'autres histoires

que celles qui se racontent en bordure des comptoirs ».

Ces « infinitives voiles » semblent venir se poser comme un baume apaisant sur l'horizon broyé dont il était question dans « Petit matin ». On est moins plombé à l'écoute de ce morceau, on voit une issue là où, tout à l'heure, on n'apercevait qu'un horizon bouché, enténébré, barré par la noirceur d'une âme charbonneuse et brisée...

 

 

Entre « Petit matin 4.10 heure d'été » et « Infinitives voiles », il y a l'image de cette femme, assise dans un train, en partance pour on ne sait où et fuyant on ne sait quoi, on ne sait qui (un amant trop pressant, un enfant lui ayant rogné les ailes, peut-être...). Très belle chanson dans laquelle HFT s'adresse à la femme de ce tableau de Hopper, la comprenant magnifiquement... Un pont entre l'effrayante dérive de cette heure d'été qui nous laisse pantois, désarmés, déchiquetés, et la rive plus apaisante et apaisée d' « Infinitives voiles ».

La chanson « Trois poèmes pour Annabel Lee », sertie dans l'écrin d'une douce mélodie, est d'une grande beauté aussi.

« Annabel Lee

pas un seul cheveux blanc

n'a poussé sur mes rêves

Annabel Lee

au roman des amants

je feuillette tes lèvres »...

 

 

Et il y a aussi « Les ombres du soir », « Les filles du Sud ». Tout le reste, en fait !

Cet album, c'est le pion qui vient d'abord s'immiscer doucement dans votre circuit, puis vient y semer un joyeux bordel !! On sort de là complètement groggy, sous le choc encore des coups que l'on vient de se prendre de tous les côtés.

Ces « Suppléments de mensonge », nous les avons espérés, tant espérés, tous autant que nous sommes, que nous les avons chargés à l'avance d'une flopée de lourdes attentes ! Nous avons été impatients, souvent, presque indélicats dans notre empressement, et nous voilà comblés au-delà de nos espérances. Chapeau bas et merci, monsieur Thiéfaine ! Une fois encore, vous nous chopez à un carrefour où on ne vous attendait pas ! Merci au petit pion qui vient s'insinuer dans nos âmes à l'écoute de cet album, s'y frayer un chemin et tout court-circuiter dans le système !

Commentaires

Bon, je n'ai réussi à sortir que ça. J'aurais voulu faire tellement mieux pour exprimer ma gratitude devant ces chansons si belles... Trop d'émotions, sans doute...

Écrit par : Katell | 26/02/2011

Et j'ai oublié de parler de "Fièvre résurrectionnelle", que j'adore aussi !

Écrit par : Katell | 26/02/2011

... chapeau Katell, de déjà réussir à mettre des mots sur cet album.../... je reste encore sous le choc... Je viens de faire une pause, sortir, prendre l'air... et je replonge pour une 13ème écoute.../...

Écrit par : Yannig | 26/02/2011

Bon, je dois être l'un des derniers à ne pas l'avoir écouté cet album!
Tes jolis mots, chère Katell, me mettent l'eau à la bouche, comme toujours!
Tu exprimes là un bien joli ressenti, à chaud... je me ferai un plaisir de commenter et d'essayer d'apporter (modestement) ma pierre à l'édifice, une fois que je l'aurais entre les deux oreilles!

Écrit par : Monsieur Müller | 26/02/2011

C'est magnifique Katell !
J'ai écrit aussi... Je ne crois pas avoir fait mieux. Ce sont des premières impressions, voila tout !

En tout cas, magnifique album !!!

Écrit par : Foxy | 26/02/2011

J'arrive même pas à sortir un mot tellement cet album est époustouflant , poignant , sublime ...

Écrit par : Loreleï2 | 26/02/2011

hâte de l'écouter!!

Écrit par : elodie | 27/02/2011

Si cet album devait être le dernier (pourvu que non), il serait l'apothéose de son oeuvre !!!
Dès samedi, j'avais prévenu que ça allait chialer dans les chaumières ;-)
Moi je fais une pause, je ne l'écoute plus pour ne pas me remuer encore plus les glandes lacrimales. Pas prendre le risque de craquer...

Écrit par : Tommie | 27/02/2011

Rien vu de tel depuis longtemps ... oh non rien de tel mon ami !

Écrit par : Loreleï2 | 27/02/2011

Vivement que je puisse aller l'acheter à la Fnac.

Écrit par : Luis Daoiz | 27/02/2011

Comme le dit si bien Cath, j 'en suis ressorti déchiqueté... De ce petit matin... Et je confirme les propos de Tommie, ça pleure dans ma chaumière...
Bref, je n'arrive pas encore à trouver les mots...
Amicalement,

Écrit par : vagabond soltaire | 28/02/2011

Bon voilà, je viens de me prendre une grosse baffe dans la gueule...désolé pour vos chastes oreilles, mais je n'ai que ces mots qui me viennent à l'esprit!
Impossible de commenter pour l'instant...juste que "Trois poèmes pour Annabel Lee" a une saveur particulière qui remue mes entrailles...

Écrit par : Monsieur Müller | 28/02/2011

Ce com' ne sera qu'un banal copié/collé de la chro' que j'ai fait ce soir, mais je crois qu'il illustre bien ma pensée !

"Aah, enfin, après trois longs mois d'attente, le nouvel album de Thiéfaine est bel et bien arrivé ! Suppléments De Mensonge est donc son quinzième album, sorti tout juste aujourd'hui. Contenant 12 titres pour 56 minutes, l'album est principalement acoustique. En fait, à part les plus rock Garbo XW Machine et Lobotomie Sporting Club, l'album est franchement calme et doux pour du Thiéfaine, lequel s'offre ainsi un monde musical qu'il n'avait jamais exploré jusque-là, malgré que le précédent disque fut très orienté variété française. Alors, tout ce barratin, de musique acoustique, posée, etc, ça peut faire peur. Et je vous comprend... Mais est-ce que ce disque est mauvais ? Bon dieu, non ! Il s'agit au contraire de l'un des plus beaux albums de HFT. Alors, c'est sûr, on atteint pas le sommet d'un Défloration 13, mais il ne faut pas comparer l'incomparable... Sans doute reprochera-t-on à Thiéfaine de se faire vieux, et de ne plus donner la même chose qu'avant, comme on l'avait reproché à Higelin l'année dernière. Et pourtant, Suppléments De Mensonge aligne les merveilles comme Barney Gumble aligne les chopes de bière.

Déjà, le premier single, et également première chanson de l'album, La Ruelle Des Morts, promettait un chef d'oeuvre. Superbe chanson nostalgique et orientée sur le passé, l'enfance des années 50. Arrangements magnifiques, compo de grande qualité. Et comme on pouvait s'en douter, il s'agit de l'un des meilleurs titres du disque. Mais il ne faudrait pas sous-estimer le déroutant Fièvre Résurrectionnelle, assez original pour du HFT, niveau musical, avec son ukulélé, mais pourtant excellente également. Parlons des autres sommets, nous avons Petit Matin 4h10 Heure D'Eté, merveilleuse chanson de presque 6 minutes, une montée en puissance sublime. Infinitives Voiles, Ta Vamp Orchidoclaste et Les Filles Du Sud se définissent par les mêmes adjectifs que précédemment... On ne pourrait pas ne pas aborder Les Ombres Du Soir, un morceau de pas moins de 9 minutes ! Bien que trop long (ouais, faut pas déconner, six minutes auraient suffi), je le vois bien en ouverture des concerts, un grand morceau encore une fois, du niveau de l'album. En fait, il n'y a que Quebec November Hotel que je trouve anodine, heureusement elle n'est pas trop longue, donc rien de grave... Quant à Garbo XW Machine, vous ne trouvez pas que l'intro ressemble énormément à Dernière Station Avant L'Autoroute ? Volontaire ?

Cet album d'apparence calme et facile d'accès est en fait un disque puissant, qui se retient facilement, mais qui demeure indéniablement une grande réussite. Pas un des meilleurs de HFT, mais quand même une oeuvre merveilleuse, qui fait déjà se lécher les lèvres à l'idée d'un concert, et du prochain album. Thiéfaine n'a pas perdu de son talent, et cette incartade pop/folk le prouve. Bref, si vous aimez la bonne variété française, relax quoiqu'un peu torturée, ainsi que les textes poétiques et beaux à en pleurer (La Ruelle Des Morts) ce disque vous tend les bras !"

Écrit par : koamae | 28/02/2011

Très belle chronique, Koamae ! Merci !

Écrit par : Katell | 28/02/2011

Très belle chronique, Koamae ! Merci !

Écrit par : Katell | 28/02/2011

moi j'ai pris une claque, une vrai tuerie cet album!!!

Écrit par : elodie | 01/03/2011

J'ai eu la même impression que Koamae concernant l'intro de "Garbo" !! Les premières notes ressemblent au début de "Dernière station avant l'autoroute" !!!
Cet album est pour moi celui de l'émotion...surtout sur les morceaux tels que "3 poèmes pour Annabel Lee", "Fièvre résurectionnelle", "Petit matin", "Compartiment C Voiture 293" sans oublier "Infinitives voiles" et "Les filles du sud" qui clôturent l'album... Musicalement, beaucoup de guitare sèche et de belles mélodies, il faut varier un peu car si c'est toujours pareil on risquerait de se lasser !! enfin, personnellement pas moi en tout cas !!
Un opus promis à un bel avenir, futur disque d'or ?? Why not ???
Les mouchoirs auraient du être fournis pour l'achat de l'album...

Écrit par : FRED06 | 01/03/2011

Nouvel itinéraire d’un naufragé en perpétuel renouvellement dont je ne manquerai pas, une nouvelle fois, de suivre le devenir…Première écoute de l’album et ce malaise diffus d’un HFT au bord de l’implosion sous les coups de boutoirs de la nostalgie (« la ruelle des morts ») de la lassitude existentielle (« Petit matin… ») et de ces « Annabel Lee »émergeant d’histoires extraordinaires d’un artiste à fleur de Poe….
En parallèle une ivresse de Vie communicative qui illumine le disque de jubilatoires et nécessaires fanaux : « ma Vamp » « Garbo » et « les filles du Sud ».Mais comme souvent avec les albums de Thiéfaine il faut laisser infuser, décanter. Puis s’y replonger car chaque nouvelle écoute est différente et unique. Effectivement, la grandeur et la réussite d’une œuvre poétique se jauge aussi par les multiples reliefs chromatiques dont elle peut parer nos sentiments, notre sensibilité. Et d’ailleurs, par la magie ou grâce de l’artiste, les écoutes suivantes confirmérent cette propension :ces suppléments de mensonge lézardaient une perplexité initiale sans doute trop nourrie par les réussites alors inégalées du précédent opus (« le jeu de la folie » « l’étranger dans la glace » « confessions…. »).Pourtant qu’elle est intense cette « fiévre résurrectionnelle »…quel plaisir de regarder ce tableau de Hopper par le truchement d’une chanson si évocatrice…et face à une froide et dure nuit qui se précipiterait à ma rencontre quel réconfort je retrouverai en ce petit matin …pendant que les ombres du soir sont joliment magnifiées en cloture d’un disque enivrant sur lequel il est important de s’attarder pour vraiment en apprécier le charme et l’enchantement
Enfin la découverte de ce 16 e album (outre les compositions,pour la plupart, accoustiques confiées à d’autres) réside aussi dans les nuances vocales de HFT qui, à mesure que la charge émotionnelle s’intensifie, se déclinent en voix à peine saccadée en effet « vibrato » tout juste perceptible, (fièvre résurrectionnelle notamment)un régal chapeau l’artiste.
Un seul regret: que « annihilation » n’ait pas été intégré à cette (déjà) subjugante œuvre.

A noter dans les crédits une dédicace à Damien Saez, espoir d'une certaine filiation poétique à Thiéfaine.
Bonnes écoutes à tous et à Fred 06 en particulier.

Écrit par : alfana | 03/03/2011

J'ai découvert ce blog par hasard et il va rejoindre directement mes favoris.

Par contre, je risque de détoner dans le concert de louanges adressées à ce dernier opus du maitre es poésie française contemporaine:

Textuellement, c'est toujours du Thiéfaine, aucun souci la dessus, le problème vient plutôt du côté musical de ce nouvel album. Le génie des mots a 62 ans et cela se ressent. Disque Ô combien mou du genou qui me donne envie de crier :"Mairet revient et vite". Pas un seul morceau où le côté rock écorché de l'ours des montagnes Jurassiennes ne ressorte et même mélodiquement, sur les différentes balades ( qui sont sur représentées, convenons en), ça parait faible, faible, faible ( on est très loin des "Mathématiques Souterraines" ou d'un "Chant du fou" pour ne citer que ces deux exemples). Il avait réussi le tour de force, sur "Scandale mélancolique", de s'entourer d'une équipe de compositeurs qui avaient relativement bien cerné son univers, ce qui, à mon humble avis, n'est pas le cas sur "Suppléments de mensonge".
Quand je vois que cet album est encensé par la critique, je me dis que cette même critique n'avait donc jamais du écouter un extraordinaire "Soleil cherche futur" ou un non mois excellentissime "Dernières balises avant mutation" par exemple .
Pour conclure, je pense qu'on est très loin du chef d'œuvre même si cet album se laisse écouter, mais uniquement, parce qu'il a l'immense avantage d'être un album de Hubert Félix Thiéfaine ( et aussi pour la plume magique du personnage tout de même !).

Écrit par : sangvert | 09/03/2011

Enfin, un écho à mon ressenti.
c'est du Thiefaine dans les mots, presque par endroit de la paraphrase de Thiefaine.(j'aurai l'occasion de le montrer) mais il manque l'esprit de la lettre.
En un mot, la magie de ce qui nous a fait vibrer sur Soleil, dernieres balises, alambic, et chroniques bluesymentales.
Mais il nous a tant donné qu'on peut aussi, comprendre, admettre, pardonner et comme, en dernier ressort, peu importe pour lui ce que l'on pense...
Je sais que c'est dur, mais quand on a beaucoup aimé, on a le droit aussi d'être un peu déçu.
Le contraire, par manque d'objectivité pourrait devenir de l'idolatrie, et ça, juste par respect pour lui, serait innaceptable.

Écrit par : hervé | 10/03/2011

Les commentaires sont fermés.