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21/03/2011

Anna Akhmatova (Requiem)

La pensée du jour : "La saison de l'amour triste et immobile plane en cette solitude". Robert DESNOS

 

DEDICACE

Devant tant de malheur les montagnes s'inclinent,

Le grand fleuve suspend son cours,

Mais les verrous des prisons sont solides,

Derrière, il y a les « terriers du bagne »*

Et l'angoisse poignante de la mort.

Des gens que le soleil caresse en se couchant...

Nous ne savons rien, nous sommes partout les mêmes,

Nous n'entendons que l'atroce cliquetis des clés

Et le pas lourd des soldats.

Nous nous levions comme pour les matines,

Nous traversions à pied la ville ensauvagée,

Nous nous retrouvions là, plus glacées que des mortes,

Et le soleil descend, et la Néva s'embrume.

Mais l'espoir chante toujours au loin.

La sentence... Et les larmes jaillissent,

La voilà maintenant coupée du monde entier,

Comme si la douleur lui arrachait le cœur,

Qu'on l'avait fait soudain tomber à la renverse,

Et pourtant, elle avance, elle titube... Seule...

Où sont donc aujourd'hui celles qui furent mes compagnes

Durant ces deux années d'infernale folie ?

Quelles visions les hantent dans les neiges de Sibérie,

Que croient-elles voir dans le halo de la lune ?

C'est à elles que j'adresse mon dernier adieu.

 

Anna Akhmatova, mars 1940


*Expression empruntée à Pouchkine.

 

Commentaires

Des textes magnifiques...Merci Katell pour ce partage!

Écrit par : Monsieur Müller | 21/03/2011

Quelle coïncidence !! C'est précisément le texte qui a été lu en russe, samedi après-midi, dans la performance de lecture dont je te parlais dans mon mail d'hier! Langue si expressive que l'on en devinait les montagnes qui s'inclinent et le fleuve suspendu. Magnifique! Merci Cath !

Écrit par : Evadné | 21/03/2011

Les commentaires sont fermés.