16/11/2010
Chanson n°40 : "Soleil cherche futur"
La pensée du jour : Ce que je vis n'est pleinement vécu que si je le mets en mots". Charles JULIET
Chanson n°40, donc : "Soleil cherche futur". Et en guise d'ouverture, de "discours de bienvenue" si vous voulez, vous trouverez ci-contre mon Sésame ! Le soleil de mon futur, quoi !!!
713705. CHERCHE FUTUR
l'infirmier de minuit distribue le cyanure
et demande à Noé si le charter est prêt
hé mec il manque encore les ours et les clônures
mais les poux sont en rut faut décoller pas vrai
et les voilà partis vers d'autres aventures
vers les flèches où les fleurs flashent avec la folie
et moi je reste assis les poumons dans la sciure
à filer mes temps morts à la mélancolie
soleil soleil
n'est-ce pas merveilleux de se sentir piégé ?
paraît que mon sorcier m'attend à Chihuahua
ou bien dans un clandé brumeux de Singapour
mais je traîne les P.M.U. avec ma gueule de bois
en rêvant que la barmaid viendra me causer d'amour
et je tombe sur l'autre chinetoque
dans cette soute à proxos
qui me dit viens prendre un verre tu m'as l'air fatigué
laisse tombe ta cuti deviens ton mécano
c'est depuis le début du monde
que l'homme s'est déchiré
soleil soleil
n'est-ce pas merveilleux de se sentir piégé ?
Rhâ-rat
adieu Gary Cooper adieu Che Guevara
on se fait des idoles pour planquer nos moignons
maintenant le vent s'engouffre dans les nirvânas
et nous sommes prisonniers de nos regards bidon
les monstres galactiques projettent nos bégaiements
sur les murs de la sphère où nous rêvons d'amour
mais dans les souterrains les rêveurs sont perdants
serions-nous condamnés à nous sentir trop lourds ?
soleil soleil
n'est-ce pas merveilleux de se sentir piégé ?
A ma grande honte, je dois avouer que pendant longtemps, je n'ai pas compris pourquoi, dans le livret de l'album, on trouvait le titre "713705. cherche futur" et non pas "soleil cherche futur". J'en discute un jour avec mon beau-frère, 655321, qui me dit : "Mais tu ne faisais jamais ça avec ta calculatrice quand tu étais petite ?" Quoi, ça ? Ecrire "713705" et retourner la calculatrice pour voir apparaître le mot "soleil". Ah si !!! Du coup, ce jour-là, toute mon enfance est remontée à la surface !! Allez, avouez, vous faisiez ça vous aussi avec votre machine à calculer ?! Et vous étiez tout contents !!!! Contents comme je le suis aujourd'hui, "comme une poule devant un mégot" ! Cela fait environ une heure que je suis en possession de mon billet pour Bercy. Moi qui suis pourtant timide, tout à l'heure, j'ai presque sauté au cou de la dame de la billetterie quand elle m'a tendu le Sésame qui me permettra de "prendre place dans le grand feu" dans 300 et quelques jours !!
Et vous, ça y est, c'est fait aussi ?!!!
Avec tout cela, j'ai oublié de vous dire que "Soleil cherche futur" était (est toujours, j'emploie l'imparfait uniquement pour la concordance des temps, il me semble que c'est préférable) une de mes chansons favorites ! Que de pépites dans ce texte ! "Les monstres galactiques projettent nos bégaiements sur les murs de la sphère où nous rêvons d'amour" : ouah, cela me laisse sans voix, toute bégayante moi aussi ! Quelle musique ! Et ce "soleil" qui revient sans arrêt ! Et ces mots splendides : "Et moi je reste assis les poumons dans la sciure à filer mes temps morts à la mélancolie"... Et cette question mystérieuse : "n'est-ce pas merveilleux de se sentir piégé ?" Piégé par quoi, par qui ? Je n'ai jamais très bien su, mais j'approuve ! Oui, c'est merveilleux de se sentir piégé. Par exemple par la vie qui "vous tombe dessus toujours au moment où on n'y croit plus" (cf. Jacques Higelin). Pendant de longs mois, je me suis traînée dans mon cafard. L'album d'Hubert, je n'y croyais plus. Si, c'est vrai. Beaucoup de découragement, d'obscurité. Et soudain ce soleil...
Je note également que l'album "Dernières balises" s'achève sur l'image d'un "vieux soleil glacé" qui "retraverse la nuit". Et voici qu'ici le soleil ouvre la danse. J'aime bien les ponts entre les oeuvres...
14:41 | Lien permanent | Commentaires (10)
15/11/2010
Chanson n°39 : "Redescente climatisée"
La pensée du jour : "La mort, chaque fois qu'elle survient, détruit un livre d'images". Christian BOBIN.
L'album "Dernières balises (avant mutation) s'achève sur cette chanson magnifique qu'est "Redescente climatisée". Elle est encore plus poignante en version live au Bataclan...
Petite question : qui ira acheter son billet pour Bercy demain ? Et l'album-hommage à Bashung ? Pour ma part, j'hésite entre la passion qui m'ordonne d'aller me procurer tout cela dès que je sortirai de cours (à midi) et la raison qui me rappelle l'état piteux de mon compte en banque...
Redescente climatisée
Un autre paumé descend les rues de ton ghetto
Et tu pleures en essuyant ses yeux figés
Combien de mutants ayant rêvé ton numéro
Se sont perdus croyant l’avoir trouvé ?
Petite sœur-soleil au bout du quai désert
Petite gosse fugitive accrochée dans mes nerfs…
Je t’ai rêvée ce soir au fond d’une ambulance
Qui me raccompagnait vers mes « verts paradis »
Dans le dernier écho de ton dernier silence
J’ai gardé pour la route ma haine / ma rage et ma connerie
Un vieux soleil glacé retraverse la nuit
Et c’est le long retour au point zéro
La dernière étincelle a grillé mes circuits
Et soudain j’ai si froid dans ma peau…
Petite sœur-soleil au bout du quai désert
Petite sœur fugitive accrochée dans mes nerfs…
Maintenant je t’imagine dans un hôtel-garage
Essayant de marquer des points sur ta machine
Tes amants déglingués s’accrochent à tes mirages
Moi je suis en exil ton consul ivre mort
Bavant sur ta benzine
18:45 | Lien permanent | Commentaires (14)
14/11/2010
Chanson n°38 : "Exil sur planète-fantôme".
La pensée du jour : "La vérité, ce n'est pas un trou dans la terre. La vérité, c'est l'infini d'amour parfois reçu dans cette vie quand nous n'avions vraiment plus rien". Christian BOBIN.
Exil sur planète-fantôme
en ce temps-là les fleurs vendaient leur viande aux chiens
et nous habitions tous de sordides tripots
avec des aiguillages pour nos petits matins
quand le beau macadam nous traitait de salauds
nous traitait de salauds
nous vivions nos vertiges dans des vibrations folles
et gerbions nos enzymes en nous gueulant : moteur !
mais entre deux voyages entre deux verres d'alcool
nous n'avions pas le temps de décompter nos heures
de décompter nos heures
nous étions les danseurs d'un monde à l'agonie
en même temps que fantômes conscients d'être morts-nés
nous étions fossoyeurs d'un monde à l'agonie
en ce temps-là le rien s'appelait quotidien
et nous allions pointer dans les jobs interdits
dans les musiques blêmes dans les sombres parfums
dans les dédales obscurs où plane la folie
où plane la folie
et nous avions des gueules à briser les miroirs
à ne montrer nos yeux que dans le contre-jour
mais entre deux délires entre deux idées noires
nous étions les plus beaux nous vivions à rebours
nous vivions à rebours
nous étions les danseurs d'un monde à l'agonie
en même temps que fantômes conscients d'être morts-nés
nous étions fossoyeurs d'un monde à l'agonie
en ce temps-là les gens s'appelaient citoyens
nous, nous étions mutants nous étions androgynes
aujourd'hui la tempête a lynché mes copains
et je suis le dernier à rater mon suicide
à rater mon suicide
mais je veux vivre encore plus ivre de cramé
je veux ronger le mal jusque dans ses recoins
j'ai traîné mes vingt siècles d'inutilité
je n'ai plus rien à perdre mais j'en veux pour ma fin
j'en veux pour ma faim
Il y a quelques semaines, j'avais eu l'idée de noter ici une chanson par jour. Pour patienter jusqu'au nouvel album. A l'époque, je ne savais pas du tout quand ce nouvel album sortirait. A présent, nous savons qu'il est prévu pour février 2011. Ce matin, je me suis lancée dans des calculs d'apothicaire : il y a 153 chansons en tout (si je compte « Amicalement blues » et « Annihilation »). Jusqu'au 7 février, date possible pour la parution de l'album tant attendu, il y a encore 85 jours ! Donc, j'aurai quelques chansons de retard !! Sans compter que je ne suis pas très assidue ici. La semaine dernière, par exemple, j'ai été trop chamboulée par les nouvelles qu'on nous a annoncées. Impossible alors de parler d'autre chose que de ces belles perspectives ! Bref, autant dire que mon truc ne marchera jamais. Par avance, je réclame votre indulgence. Je me suis lancée là-dedans pour « meubler », j'avoue (là encore, indulgence, s'il vous plaît !). Parce qu'il n'y avait pas de nouvelles croustillantes à se mettre sous la dent. Parce que je pensais que vous pourriez réagir à ces chansons, me dire quelles réflexions ou quelles émotions elles vous inspiraient. Continuons à le faire, si vous voulez bien, mais soyez déjà certains qu'il y aura des jours où je vais merder. Où je n'écrirai rien ici. D'avance pardon. Je n'aime pas ne pas tenir mes promesses...
Hier, avec tout ça, je ne vous ai pas dit que « Dernières balises (avant mutation) » était certainement l'album qui me bousculait le plus. « Une fille au rhésus négatif » m'a toujours fait froid dans le dos : entre le rat en laisse, les cafards, l'aiguille qui s'enfonce dans la peau, les bébés qui tombent du lit en lisant « Mein Kampf », on est servi ! C'est l'histoire d'un mauvais trip ou quoi ? Que de visions d'horreur ! Une chanson qui, il y a longtemps, lorsque je l'ai découverte, fit grande impression sur mon âme de 19 ans. J'en avais des frissons partout, j'imaginais toute la scène : le rat en laisse, Berlin, les œufs durs, l'aiguille (j'ai trop lu le bouquin de Christiane F. !!!), le téléphone sur la tombe. Visions hautement perturbantes ! Aujourd'hui encore, cette chanson me fait un effet incroyable. « Photographie-tendresse » aussi, d'ailleurs.
Je ne vois rien de négatif dans tout cela. Certains œuvres peuvent effrayer et fasciner à la fois. Je me demande même si ce ne sont pas celles qui nous marquent le plus. Je me souviendrai toujours d'un bouquin de Marlen Haushofer, Die Wand, qui raconte l'histoire d'une femme qui soudain se trouve coupée du monde, enfermée derrière un mur invisible et infranchissable. Pendant la lecture, j'avais parfois la sensation d'étouffer, carrément. Je me sentais prisonnière aussi, comme la narratrice. En repensant à ce livre, je ressens encore cela de manière très forte...
Quant à « Exil sur planète-fantôme », c'est également une chanson à la fois effrayante et fascinante, vous ne trouvez pas ? « Nous avions des gueules à briser les miroirs, à ne montrer nos yeux que dans le contre-jour ». « Et je suis le dernier à rater mon suicide », de quoi flipper encore !! Et la fin, donc ! Terrible ! « J'ai traîné mes vingt siècles d'inutilité, je n'ai plus rien à perdre mais j'en veux pour ma fin, j'en veux pour ma faim »... Sa faim ? Tiens, je croyais qu'Hubert l'avait laissée chez la famille Duraton !
21:11 | Lien permanent | Commentaires (11)
13/11/2010
Chansons n°36 et n°37 : "Photographie-tendresse" et "Une fille au rhésus négatif"
La pensée du jour : "Ils sont trop nombreux. On meurt d'une surcharge de morts". Elias CANETTI
Photographie-tendresse
cheveux-tilleuls-écartelés-sur-visage-
taxiphone-de-l'attente-souvenir-coma-
trauma-de-vieillard-géranium-camé-
baisers-tranxène-coagulés-sur-miroir-
hygiaphone-T.V.-lunettes-noires-pyjama-rayé-
wo ist das Blut ?
ich habe Durst....
Une fille au rhésus négatif
Je me souviens de toi dans ces années obscures
où tu te promenais avec un rat en laisse
les cafards te disaient : l'amour vient du futur
et te laissaient leurs croix comme on laisse une adresse
maintenant tu me regardes avec les yeux flétris
bouffés par la machine à plastiquer les rêves
tu me tends ton ticket pour la foire aux zombies
et m'invites à trinquer au doomsday qui se lève
oh ! love
lové sur ton ventre le bébé s'ouvre les veines
et tu me demandes s'il a bien pris sa dose
nous sommes de vieux enfants traînant nos écorchures
à travers les décors jaunis d'un vieux cartoon
nous marchons sur Berlin en gobant nos œufs durs
et nous sommes à Paris victimes d'un baby-boom
nous n'sommes que les fantasmes fous d'un computer
avec son œil grinçant fouillant dans nos cerveaux
dans la fluorescence bleutée de son scanner
je regarde l'aiguille s'enfoncer dans ta peau
oh ! love
lové sur ton ventre le bébé s'ouvre les veines
et tu me demandes s'il a bien pris sa dose
les mômes de ton quartier se déguisent en momies
un aigle lentement tourne autour de ta chambre
les assassins défilent en levant leurs képis
les bébés tombent du lit en lisant Mein Kampf
oh ! love... love
hier je t'aimerai de mon amour taxi
hier je t'aimerai de mon amour tocsin
hier je t'aimerai dans un bar à minuit
des soirs où la tendresse fait plus bander les chiens
oh ! love... love
les ambulances attendent le long des terrains vagues
les réverbères s'allument au fond des catacombes
les bulldozers préparent l'autoroute pour le stade
dois-je me faire installer le téléphone sur ta tombe ?
Oh ! love
lové sur ton ventre le bébé s'ouvre les veines
et tu me demandes s'il a bien pris sa dose ?
13:38 | Lien permanent | Commentaires (2)
10/11/2010
Sénèque le Philosophe
La pensée du jour : "Pour moi, être aimé n'est rien, c'est être préféré que je désire". André GIDE.
C'est amusant : il y a quelques semaines, j'avais entendu, sur Arte, des extraits de La Vie heureuse, de Sénèque, et j'avais trouvé cela tellement beau que j'avais commandé le livre en question sur Amazon. C'était début octobre. Un mois plus tard, j'apprends que Thiéfaine, sur l'affiche annonçant son Bercy 2011, fait un clin d'œil à Sénèque (merci à tous ceux qui m'ont éclairée sur ce point) ! Drôle de coïncidence, non, quand même ?
Qui donc était Sénèque ? Voici ce que j'ai trouvé dans mon Dictionnaire de la philosophie :
Sénèque le Philosophe (Lucius Annaeus Seneca, dit Sénèque le Philosophe) : : philosophe latin (Cordoue vers 4 avant J.-C. - Rome 65 après J.-C.). Il étudia d'abord l'éloquence, puis suivit les leçons de trois philosophes : Attale (stoïcien), Fabianus et Sotion (pythagoriciens). De retour d'un exil en Corse (41 à 49), il fut le précepteur de Néron. Celui-ci, devenu empereur, l'impliqua dans la conjuration de Pison et lui donna l'ordre de mourir. Sénèque s'ouvrit les veines sans trembler.
De son œuvre volumineuse, on retiendra sa morale proche du stoïcisme. Il s'oppose à Cicéron, pour lequel la vie sociale et le devoir de citoyen devaient tenir la première place. Sa sagesse est de cultiver sa volonté pour mettre son bonheur dans la vertu et non dans les hasards de la fortune. L'originalité de Sénèque est dans le détail, dans la pénétration avec laquelle il a discerné les vices et les maux de ses contemporains, dans la place accordée aux devoirs de pitié et d'humanité (contre l'esclavage, les gladiateurs, etc.). Ses idées lui ont valu d'être consulté non seulement par les philosophes, mais aussi par les Pères de l'Eglise et les moralistes chrétiens.
Je complète avec cet extrait du Dictionnaire des auteurs de tous les temps et de tous les pays :
Avant tout, Sénèque recherche la sagesse et non l'érudition : la sagesse enseigne à l'homme de jouir de son temps, l'érudition à le perdre; la première, à vivre bien et avec fruit; la seconde, mal et d'une existence vaine. La culture peut et doit être un acheminement vers la sagesse, non une fin. Le but de la vie humaine n'est pas de posséder un grand nombre de notions qui ne servent à rien, mais d'avoir la force de résister au mal, de vaincre les rudesses du sort, d'accepter la douleur. La félicité la plus grande, c'est de n'avoir pas besoin de félicité, de trouver en soi-même son bien absolu, sans dépendre aucunement du hasard et des injures de la fortune et des hommes : ainsi seulement le sage, dans l'immobilité de sa conscience, intangible parce qu'intérieure, incorruptible parce qu'isolée, domine tous les rapports de forces extérieures qui agissent autour de lui et sur lui, devenant et demeurant l'unique véritable maître et libérateur de lui-même.
Voici comment commence La Vie heureuse (je parle du livre, parce que pour la vie réelle, je ne sais pas !!!) :
Première partie : le souverain bien et la sagesse
Vivre heureux, Gallion, mon frère, c'est ce que veulent tous les hommes, mais, quant à discerner ce qui rend la vie heureuse, ils sont dans les ténèbres. Et il est tellement peu facile d'atteindre la vie heureuse que, plus on est pressé de la rejoindre, plus on s'en éloigne si l'on s'est trompé de chemin. En effet, quand la route conduit à l'opposé, notre rapidité elle-même augmente la distance. Il faut donc rétablir d'abord ce que nous devons rechercher ; puis il faut examiner en détail comment nous pouvons l'atteindre le plus rapidement, avec le souci de comprendre une fois que nous serons en chemin, si du moins c'est le bon, combien chaque jour nous abattons de besogne et dans quelle mesure nous sommes plus près de ce vers quoi nous pousse un désir naturel.
14:32 | Lien permanent | Commentaires (8)
09/11/2010
Réjouissons-nous déjà !!!!!
12:34 | Lien permanent | Commentaires (39)
04/11/2010
Chansons n°34 et n°35 : "Scènes de panique tranquille" et "Cabaret Sainte Lilith"
La pensée du jour : "Qu'il faut donc aimer quelqu'un pour le préférer à son absence !" Jean ROSTAND.
Question n°1 : Faut-il considérer "Scènes de panique tranquille" comme une chanson à part entière ? Ou n'est-ce pas plutôt une introduction à "Cabaret Sainte Lilith" ? Que chacun tranche. Moi je n'en sais rien !
"Cabaret Sainte Lilith" ... J'adore cette chanson. Je l'ai déjà dit, c'était le morceau interdit quand j'étais adolescente. J'avais tellement dit à mes parents, histoire de les amadouer et de les gagner à ma cause, que toutes les chansons de Thiéfaine regorgeaient de références littéraires, que je me sentais obligée de baisser le son à chaque fois qu'il chantait "Une p'tite canette, une p'tite fumette", etc. !!!! C'est un peu en souvenir de cette époque que j'ai eu envie de baptiser ce blog de ce nom-là. Et aussi parce que le mot "cabaret" m'évoquait bien des choses agréables. Genre un café où l'on échange des idées, tout en sirotant un verre...
Question n°2 : En ce moment, on entend parler partout de Philippe Manoeuvre et d'Antoine de Caunes pour les ouvrages qu'ils ont récemment consacrés au rock'n'roll. J'aimerais savoir si dans au moins un des bouquins, le nom de Thiéfaine est évoqué une seule fois. De Caunes parle de Gainsbourg dans son Dictionnaire amoureux du rock'n'roll : je pense, malgré toute l'admiration que j'ai pour cet artiste, qu'il a moins fait pour le rock français que Thiéfaine...
Bref... Je me suis déjà énervée tout rouge hier à cause de cela. Manoeuvre et De Caunes étaient invités au Fou du roi, et pas une seule fois le nom de Thiéfaine n'a été prononcé. Injuste oubli, je pense. Mais peut-être que ce n'était qu'une étourderie, qu'en une heure et demie d'émission on n'a pas le temps d'évoquer tous les grands du rock, peut-être que cette étourderie est réparée dans les ouvrages des deux messieurs ? Je vais aller vérifier cela assez vite dans la première librairie du coin !!!
Et maintenant place au rock'n'roll !
SCENES DE PANIQUE TRANQUILLE
valium / tranxène / nembutal / yogourts / acides ?
Fais-moi une place dans ton linceul
quand y en a pour un y en a pour deux
pour un coup de dents, j't'arrache les yeux
CABARET SAINTE-LILITH
y a toujours un cinglé au bout de son trimard
qui se crame les yeux sur un ours en chaleur
du côté de ces nuits où s'enfuit le hasard*
avec les doigts collés de foutre et de sueur
y a toujours un taxi qui se perd dans la brume
avec une reine morte en pâture aux fantômes
et de vieux corbeaux rances en marge du bitume
qui s'en viennent crever au détour de ta zone
Lilith ! Oh Lilith
y a toujours un pingouin qui souffle ses poumons
à travers un saxo branché sur du mélo
et des gosses exilés qui maquillent leurs noms
sur les fiches-transit d'hôtels hallucinos
y a toujours un pigeon qui s'envole en fumée
dans les couloirs visqueux d'un vieux rêve-agonie
et des cigares bandants sur les lèvres flippées
de dieux défigurés maquillés par tes nuits
oh ! Lilith
tu sais comment ça jouit
Lilith
les mecs roussis
les dingues de la déglingue
qui s'flinguent derrière ton zinc
Lilith ! Lilith !
Tu sais comment ça jouit
les mecs complètement stress
qui t'réclament aux toilettes
une p'tite canette / une p'tite fumette
une reniflette / une seringuette
une bonne branlette
et puis : ciao ... dodo
y a toujours une frangine qui se noie dans ses nerfs
au fond d'une arrière-salle d'un vieux boxon crado
et d'autres qui s'en vont respirer le grand air
sur une plage à Hambourg, à Belfast ou Glasgow
y a toujours un clébard de bar unijambiste
qui largue ses sachetons dans les w.c. pour dames
et des gonzes un peu raides
au bras de vieilles groupies
qui dégueulent en riant leurs canigous on ice
oh ! Lilith
tu sais comment ça jouit
Lilith
les mecs roussis
tu marches nulle part à genoux sur mes rames
avec des souvenirs à tringler du bourrin
tu descends le quartier où les mômes jouent aux dames
et me font voir la came dans le creux de leurs mains
mais j'ai perdu l'adresse des autres solitudes
à contempler la noïlle dans les yeux des passants
souvent t'en as croisé au bord de l'hébétude
qui ne pouvaient dormir sans leur dose de sang
Lilith !
Tu sais comment ça jouit
Lilith
les mecs finis
les dingues de la déglingue
qui s'flinguent derrière ton zinc
Lilith ! Lilith !
Tu sais comment ça jouit
les mecs complètement stress
qui t'réclament aux toilettes
une p'tite canette / une p'tite fumette
une reniflette / une seringuette
une bonne branlette
et pis ... ça joue ! Ça jouit !
21:58 | Lien permanent | Commentaires (34)
03/11/2010
"On pleure pas parce qu'un train s'en va"... Pensées éparses autour de "Libido moriendi"...
La pensée du jour : "Nous sommes la triste opacité de nos spectres futurs". Stéphane MALLARME.
L'album « Scandale mélancolique » s'ouvre sur une chanson splendide, « Libido moriendi ». D'entrée de jeu, le ton est donné : la faucheuse fait une irruption fracassante dès le début de l'album, son ombre planera au-dessus de presque toutes les chansons...
« On pleure pas parce qu'un train s'en va (bis)
on reste là sur le quai
on attend ».
Ainsi commence la chanson. Un train qui s'en va : je ne peux m'empêcher de voir là l'image du grand départ, le définitif, celui pour lequel on a pris un billet-aller, sans le billet-retour. Ceux qui restent sur le quai attendent, pétrifiés. Et qu'attendent-ils ? Leur départ définitif à eux. « Et ça sent le sexe transi sous le rose de nos ecchymoses ». Même sous les blessures, les preuves les plus sûres de notre existence (comme chantait Renaud : « La souffrance, c'est très rassurant, ça n'arrive qu'aux vivants »), même sous les blessures, se cache déjà l'éternelle immobilité qui viendra nous piéger. « Nous sommes la triste opacité de nos spectres futurs », comme l'écrivait Stéphane Mallarmé . Eternelle immobilité au boulevard des allongés. Le sexe transi. Engourdi de froid. A jamais figé.
On attend que s'abatte « l'ouragan de nos souvenirs » sur « nos boîtes crâniennes en délire ». Ne dit-on pas que lorsque l'on s'enfonce dans la mort, on voit défiler le film de notre vie entière ? Plus loin, dans le texte, les images de mort se font plus précises. « On attend l'ange inquisiteur ». Du latin « inquirere », « rechercher ». L'ange inquisiteur, encore un oxymore sous la plume de Thiéfaine. Etre à la fois ange et inquisiteur, ce n'est pas commun, si ? Le voilà donc, l'ange qui nous recherche. Il se pointe dans « le calme froid de l'aurore ». Parmi les aboiements des chiens qui « flairent l'odeur sucrée de la mort »... Ne dit-on pas que parfois, les chiens hurlent à la mort ? Qu'ils sentent souvent des trucs qui nous échappent ? « L'odeur sucrée de la mort » : cette image ne cesse de me poursuivre. A chaque fois que j'écoute « Libido moriendi », je me la prends violemment en pleine face, j'imagine une odeur lourde, écœurante, qui planerait dans les airs comme un oiseau de mauvais augure...
Dans le dernier couplet, la mort vient asseoir sa présence de façon plus lourde encore. Elle est « l'ultime prédatrice ». Celle qui gagne toujours à la fin. A la fois vamp et araignée. Il y a là deux forces qui s'opposent : la vamp, c'est la femme fatale. De prédatrice, la mort se fait séductrice. Mais il ne faut pas oublier que « vamp » est l'abréviation de vampire. Et que si elle est là, cette charmeuse, ce n'est pas pour une partie de rigolade. De toute façon, elle est également araignée, ce qui ne laisse rien présager de bon !!! Mais je ne suis pas objective sur ce point : je suis une grande arachnophobe, une vraie, et ne peux donc associer des images positives au monstre velu ! Pourtant, je lis à l'instant dans mon livre Symboles et signes que l'araignée est chargée de symboles positifs dans certains pays : au Cameroun, elle représente l'assiduité et la sagesse. En Chine, une araignée au bout de son fil est un symbole de chance. En tout cas, pour moi, une prédatrice qui est un mélange de vampire et d'araignée suscite l'effroi ! C'est elle qui viendra déposer un dernier baiser sur nos peaux transies... Encore une fois, on est ici à la fois dans la séduction (le baiser) et dans la répulsion (l'acier du lady-smith). Dans « lady-smith », il y a « lady ». Beaucoup d'images féminines pour symboliser la mort : la camarde, la faucheuse (et je note ici que le mot allemand « Tod » est masculin, tout est question de langue !!). Une séductrice qui vous attend au tournant.
Les images de mort, de froid, d'effroi se multiplient dans ce texte soigneusement ciselé... Le froid est partout : dans le « sexe transi » du premier couplet, dans l'aurore, dans l'acier de l'ultime caresse...
L'album « Scandale mélancolique » est à mon sens celui qui empoigne le plus le thème de la mort. Se bat en duel avec lui. « Sich mit etwas herum=schlagen », dit-on en allemand, et je ne trouve pas d'expression assez forte en français pour dire cela... « Libido moriendi » n'est que le début d'une lente descente vers la « soufflerie où se terre le mystère inquiet »...
J'ai écrit ce texte après avoir accompagné mon père à la gare, ceci expliquerait-il cela ? Sans aucun doute ! Moi, quand un train s'en va, je pleure ! Et je pense à cette chanson. Thiéfaine m'habite, me hante, me poursuit ! C'est grave, docteur ?!!
09:35 | Lien permanent | Commentaires (9)