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27/10/2010

Chanson n°28 : "L'agence des amants de madame Müller"

La pensée du jour : "Mon grand problème, monsieur l'angoisse, c'est le commissaire". Romain GARY.

 

 

L'agence des amants de madame Müller

 

un jour, un jour ou l'autre / je sais que la police viendra chez moi pour une sombre histoire de mœurs

ou pour me fournir des yogourts à la myrtille... à moins que ce ne soit plutôt pour l'affaire de cette madame Müller...

de rage... je jetterai mes chats par la fenêtre du douzième étage... je rentrerai mes gosses dans le ventre de ma femme et

je leur dirai : je ne suis pas le mari de madame Müller

depuis longtemps je ne suis plus son amant

renseignez-vous... à l'agence des amants de madame Müller

messieurs de la police / je ne suis qu'un pauvre musicien...

je joue de la chasse d'eau dans un orchestre de free-jazz... / ...

vous êtes un peu barjots mais... je suis un peu nase... mais ...

qu'est-ce que vous faites ? Qu'est-ce que vous faites ? Vous êtes fous !

Vous êtes fous ! Non ! Non ! Arrêtez ! Arrêtez ! Ah, ah, ah, ah, arrêtez ! Oui c'est moi...

monsieur le commissaire / vous savez c'est pas tous les jours facile de vivre en société

quand on a un peu d'imagination... / ... monsieur le commissaire / j'ai ma névrose...

mais monsieur le commissaire... qui n'a pas sa névrose ?...

je ne suis pas le mari de madame Müller

depuis longtemps je ne suis plus son amant

renseignez-vous... à l'agence des amants de madame Müller

 

je n'ai absolument aucun alibi / ce soir-là justement j'étais sur un coup... sur un coup foireux... / ...

j'étais entré dans un bar-tabac et j'avais demandé un paquet de cigarettes-filtre et

3 timbres à 100 balles pour poster des lettres à quelques amis... / ....

elle est entrée à ce moment précis... nos regards se sont touchés... intérieurement...

j'ai craqué... j'ai craqué... j'ai craqué... / ... j'ai collé mes 3 timbres à 100 balles

sur mon paquet de cigarettes-filtre et j'ai fumé mes lettres....

je ne suis pas le mari de madame Müller

depuis longtemps je ne suis plus son amant

renseignez-vous... à l'agence des amants de madame Müller

 

monsieur le président / cette insoupçonnable et somptueuse inconnue était vêtue

d'un sweater de couleur pastel et d'un jean taillé dans de la toile d'emballage de la manufacture des armes et

cycles de Saint-Etienne... / ... quand nos regards se sont identifiés...

j'ai simplement prononcé ces quelques mots :

-dis-moi qui tu suis... je te dirai qui je hais !

Elle m'a répondu :

-prends-moi... / ... prends-moi... / ... prends-moi !

Alors je l'ai prise et nos corps se sont mélangés sur le bitume du trottoir devant les yeux déchirés et

hagards des badauds...

je ne suis pas le mari de madame Müller

depuis longtemps je ne suis plus son amant

renseignez-vous... à l'agence des amants de madame Müller

 

entre ces quatre murs... je ne sais vraiment pas quoi faire pour calmer mon ennui... / ... bien sûr...

deux fois par jour un infirmier entre dans ma cellule pour contrôler et poinçonner mon ticket...

mais... pour passer le temps... je n'ai guère que ce souvenir... que ce souvenir... ce souvenir !

 

 

26/10/2010

Chanson n°27 : "De l'amour, de l'art ou du cochon ?"

La pensée du jour : "L'art d'aimer ? C'est savoir joindre à un tempérament de vampire la discrétion d'une anémone". CIORAN.

 

                       

                                              

De l'amour, de l'art ou du cochon ?

 

Écoute-moi... écoute-moi mon amour... je claquerai connement la tête coincée dans un strapontin...

ce sera pendant l'été de 1515 sur l'aéroport de Marignane... Je claquerai vraiment connement...
mais je ressusciterai le troisième jour et ce troisième jour sera l'avant-veille de l'attentat de Sarajevo...

je passerai te chercher et tu me reconnaîtras facilement puisque je porterai mon éternel chapeau à cran d'arrêt

et que j'aurai à la boutonnière une fleur de tournesol comme celles que tu aimes tant !

toi ! Tu te jetteras dans mes bras et alors je te dirai :

souviens-toi ! Souviens-toi mon amour... j'étais beau comme un passage à niveau et toi tu étais douce...

douce comme les roubignolles d'un nouveau-né... souviens-toi...

on avait des scolopendres qui dansaient dans nos veines et

un alligator au fond de la cuisine sur la droite en entrant... mais si !

Quand on entrait par la bouche d'incendie... / ... dans ta bouche il y avait des sirènes

qui chuchotaient des mots... des mots qu'on avait oublié d'inventer... des mots qu'on avait oublié d'inventer

à cause de notre enfance malheureuse... à cause de notre enfance malheureuse parce qu'on avait mal aux dents

on avait mal aux dents parce que toujours on nous obligeait à manger des sucres d'orge et qu'on n'aimait pas ça !

Et puis après... après, quand on se sera bien souvenu... quand fatigués de s'être souvenu...

nos souvenirs ne seront plus que des loques... alors... je te prendrai par la taille et

nous irons nous promener à l'ombre des tilleuls menthe... tu me souriras... je te rendrai ton sourire et

dès lors... dès lors nous ne saurons plus vraiment si ce que nous ressentons l'un pour l'autre

c'est de l'amour... de l'art... ou du cochon !

 

 

J'adore cette chanson, je la trouve empreinte d'une mélancolie folle. Les corbeaux du début, le piano, la voix traînante de Thiéfaine viennent faire un nid douillet à cette douce mélancolie... contrebalancée par des « acrobaties » surréalistes (« beau comme un passage à niveau », « mon éternel chapeau à cran d'arrêt », etc.). Les repères chronologiques perdent la tête (« ce troisième jour sera l'avant-veille de l'attentat de Sarajevo »).

Le sujet qui parle se souvient d'une époque révolue où il vivait avec sa belle et qu'ils étaient tous deux entourés d'une étrange animalerie (un alligator dans la cuisine, des scolopendres dans les veines. Au passage, on peut se demander si ces scolopendres qui leur courent dans les veines -l'image me fait froid dans le dos, j'imagine des bestioles se trimbalant tranquillou dans mes veines, horreur !!- on peut se demander si ces scolopendres ne sont pas une allusion à la drogue, non ?). Epoque révolue donc, dont il s'agit de se souvenir ensemble. Il y a eu séparation, changement de trajectoire et le sujet qui s'exprime ici souhaite revenir vers sa bien-aimée (« douce comme les roubignolles d'un nouveau-né »). C'est décidé : il passera la chercher, ensemble ils iront se promener à l'ombre des tilleuls menthe (« on n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans et qu'on a des tilleuls verts sur la promenade »), ils s'enivreront de souvenirs et, dans ce doux embrouillamini, ils ne sauront plus vraiment si ce qu'ils ressentent l'un pour l'autre, c'est de l'amour, de l'art ou du cochon... La chanson s'achève sur cette question surprenante ! Pendant tout le morceau, on hésite entre le rire et les larmes. Enfin, moi, en tout cas, parce que je reçois ce texte et cette musique cinq sur cinq. Ils me courent dans les veines comme des scolopendres agités, ainsi que de nombreuses chansons de Thiéfaine... Cette chanson d'amour se classe parmi ce que l'on fait de mieux sur le marché, je trouve ! L'amour, c'est à la fois de l'art et du cochon, un subtil mélange des deux. Comme disait Cioran, « un moine et un boucher se bagarrent à l'intérieur de chaque désir »...

Pardon, je raconte un peu n'importe quoi ! En tout cas, j'ai hâte de connaître les réflexions ou impressions que vous inspire cette chanson !

25/10/2010

Chanson n°26 : "Comme un chien dans un cimetière (le 14 juillet)"

La pensée du jour : "Je suis à l'affût de mon coeur,

de l'instant où, à nouveau,

va bourdonner l'amour,

simple et humain". MAÏAKOVSKI.

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Voici ce soir les paroles d'une de mes chansons préférées ! D'ailleurs, sur la tournée "Scandale mélancolique", "Comme un chien dans un cimetière" faisait partie des excellentes surprises...

 

Comme un chien dans un cimetière (le 14 juillet)

 

t'as été à l'herbe aux lapins

mais t'as fait un faux numéro

si tu crois que j'en ai du chagrin

téléphone à la météo

le ciel est bleu / le jour est J

la bombe est H mais mon grand-père s'ennuie

comme un chien dans un cimetière le 14 juillet

 

le canari s'est suicidé

avec une lettre de créance

mais n'en fais pas une céphalée

ton bateau repart pour l'enfance

et si le mien va s'échouer

j'en parlerai à ma psyché qui s'ennuie

comme un chien dans un cimetière le 14 juillet

 

ne cherche plus dans l'annuaire

j'ai mis les scellés sur mon cœur

mais passe plutôt chez le notaire

je te lègue ma part de bonheur

je pourrai toujours me recycler

avec la veuve du fossoyeur qui s'ennuie

comme un chien dans un cimetière le 14 juillet

 

le marchand d'ordures est passé

je vais pouvoir m'évanouir

remonte-moi mes oreillers

je pars pour un éclat de rire

tandis qu'au loin j'entends sonner

les oreilles d'un sourd et muet qui s'ennuie

comme un chien dans un cimetière le 14 juillet

 

je jette mon dernier sac de billes

la tempête vient de s'apaiser

déjà les moutards de ma ville

viennent vers moi pour me regarder

il n'y a plus rien à espérer

puisque maintenant les enfants s'ennuient

comme des chiens dans des cimetières le 14 juillet

 

23/10/2010

Chanson n°25 : "Scorbut (du film rock à la préfecture)"

La pensée du jour : "Menacée par nous, la nature ne manquera pas de riposter sans se soucier davantage de Michel-Ange, de Shakespeare ou de Mozart que des jonquilles". Romain GARY

 

 

SCORBUT (du film rock à la préfecture)

 

c'est l'histoire d'un pauvre gars

courant la gueuse dans les baluches

quand t'as toute la semaine dans le baba

tu peux bien rêver d'une greluche

chevauchant sa motocyclette

sur les chemins du samedi soir

il dérapa sur ses roupettes

en entendant ce cri bizoire

 

les filles de La Rochelle

ont attrapé le scorbut

mignons, finie la bagatelle

la Charentaise ne répond plus ... / ... oh gué !

 

le pauv'gars bloqua son engin

en se croyant halluciné

puis il tendit ses esgourdins

espérant bien s'être trompé

oui mais tout soudain derrière lui

il entendit ce cri fatal

qui semblait déchirer la nuit

de toute son horreur sidérale

 

les filles de La Rochelle

ont attrapé le scorbut

mignons, finie la bagatelle

la Charentaise ne répond plus ... / ... oh gué !

 

assis sur le rebord du trottoir

avec sa tête entre ses mains

le pauvre gars broyait du noir

en triquant dur comme un vieux chien

et d'ailleurs à propos de chien

celui qui passait à cette heure-là

lui qui n'avait envie de rien

eut droit à ce qu'il n'attendait pas ... / ... oh ?

 

les filles de La Rochelle

ont attrapé le scorbut

mignons, finie la bagatelle

la Charentaise ne répond plus ... / ... oh gué !

 

le chien repartit la queue basse

sans avoir bien tout-tout compris

tandis que notre pauvre gars

lui se sentait tout rajeuni

il remonta sur sa moto

et s'en retourna dans la nuit

mais depuis dans tous les hameaux

paraît que les chiens courent derrière lui

 

 

les filles de La Rochelle

ont attrapé le scorbut

mignons, finie la bagatelle

la Charentaise ne répond plus

 

la morale de ce cantique

pour ceux qui ne le sauraient pas

c'est que dans la vie faut être pratique

quand on veut ce que l'on n'a pas

quant à vous les pauvres fillettes

de la Rochelle ou bien d'ailleurs

soyez donc un peu moins couillettes

voyez que les chiens nous font pas peur

 

(cheval deux trois)

 

les filles de La Rochelle

ont attrapé le scorbut

mignons, finie la bagatelle

la Charentaise ne répond plus ... / ... oh gué !

22/10/2010

Chanson n°24 : "L'amour mou"

La pensée du jour : "Et maintenant que ma vie tire à sa fin, je ne cherche pas refuge dans l'abstraction, que ce soit Dieu ou la féminité, élevés au niveau d'un culte. Les au-delà, une "autre vie" ne m'intéressent pas : j'aime trop dormir". Romain GARY

 

 Hubert-Félix Thiéfaine

C'était un mécano-métallo-mégalo

qui s'appelait chimie-travelot

il s'épuisait du ciboulot

dans un de ces si sots boulots

qui font de nous des bêtes à dodo

bien mûres et complètement frigos

elle, c'est chipolata-delco

la p'tite amie du mécano

 

elle est belle / elle remue du pot

elle aime bien son p »tit mégalo

bien qu'elle soye pas trop parano

et qu'elle s'envoie d'autres gigots

 

y s'sont connus à Saint-Lago

dans un de ces trains qui partent très tôt

qui r'viennent très tard suivant les trots

de ceux qu'on doit mettre au métro

d'un coup d'œil au fond du rétro

ils ont vu comme ils étaient beaux

et se sont roulé le chicot

sans même retirer leurs mégots

mais gare mais gare à mon mégot

s'écrie soudain le mécano

l'amour me mord, me mord la peau

l'amour nous rendra tous dingos

l'amour le mord / l'amour le moud

l'amour ça mord / l'amour c'est mou

l'amour ça meurt à la mi-août

sans mots sans remords ni remous

 

bientôt le tantôt sans se dire un mot

les v'là coco chez un bistro

à s'faire des bécots dans les crocs

des vibrations dans le bas du dos

des trémolos sur le pipeau

tout en siphonnant leurs Pernod

mais le plus beau c'est dans un pageot

d'un garno de la rue Rambuteau

où ils continuèrent leur duo

dans la position de l'escargot

et se faisant cadeau du pavot

qui leur poussait à fleur de peau

 

y s'sont perdus à Saint-Lago

dans un de ces trains qui partent très tôt

qui r'viennent très tard suivant les trots

de ceux qu'on doit mettre au métro

d'un coup d'œil au fond du rétro

ils ont vu comme ils étaient beaux

et se sont roulé le chicot

sans même retirer leurs mégots

mais gare mais gare à mon mégot

s'écrie soudain le mécano

l'amour me mord, me mord la peau

l'amour nous rendra tous dingos

l'amour le mord / l'amour le moud

l'amour ça mord / l'amour c'est mou

l'amour ça meurt à la mi-août

sans mots sans remords ni remous

 

Et j'apprends en consultant le dictionnaire de l'argot que Saint-Lago désigne Saint-Lazare.

14/10/2010

Jours d'orage

La pensée du jour : "Espérer, c'est démentir l'avenir". CIORAN.

Jours d’orage, c’est le titre de la biographie d’Hubert-Félix Thiéfaine qui était parue sous ma plume, chez Fayard/Chorus, début novembre 2005. En 330 pages, je tentais un portrait de cet artiste monumental auquel, jusque-là, hormis une monographie de Pascale Bigot, publiée en 1988 chez Seghers, peu d’ouvrages avaient été consacrés. Essentiellement parce que l’ombrageux Jurassien n’a jamais aimé ce genre d’exercice. Pour moi, il avait fait exception et la foule de ses fans s’y était apparemment retrouvé, même si certains auraient préféré une exégèse de son œuvre au récit de sa vie, ce qui est une autre histoire. Cinq ans ont passé. Il était temps de reprendre la bio de HFT et de la compléter. Sous le même titre, mais avec une couverture nettement plus conforme à l’image qu’on se fait de l’hombre, elle paraîtra au premier trimestre 2011, toujours chez Fayard, augmentée d’une centaine de pages. De nouveaux témoins ont accepté de venir à la barre et, surtout, Hubert lui-même m’a de nouveau ouvert sa porte. C’est à livre ouvert qu’il raconte notamment comment sa vie a basculé un soir d’août 2008, comment il s’est reconstruit, comment il repart de plus belle.  On reparle très vite de tout ça.

Par Jean Théfaine
 
Source :

12/10/2010

Article de L'Est Républicain à propos du concert d'Higelin au NJP

 

Voici l'article paru ce matin dans L'Est Républicain à propos du concert d'Higelin hier au NJP :

 

Le coup de foudre permanent

 

Avec Higelin, il faut s'attendre à tout; Sur « quel pied allait-on danser », hier soir, au chapiteau, où le vieux briscard à la voix déchirée faisait étape, une première dans l'histoire du NJP. Le « Coup de foudre », son dernier album, enregistré en terre voisine (vosgienne) allait-il enflammer ce public, multi-générations, venu en masse pour le grand monsieur ?

C'est plutôt un « coup de sang » qui lançait les débats, à l'endroit des photographes et autres « voleurs » d'images, y compris dans le public. La provocation ne l'a pas quitté, et c'était plutôt un baromètre encourageant. Rien à foudre ?

Non. Le feu couve encore sous le casque gris du combattant. Un très rock « ça booste, ça boume, ça cartonne, ça move à mort » dissipait les inquiétudes, même si l'autre Grand Jacques restait muet, entre les morceaux, loin des habitudes de causeur de scène.

Sa musique, ses textes suffisent apparemment au bonheur de ses fans. Qu'importe l'attitude, pourvu qu'on ait l'ivresse. Le public buvait ensuite jusqu'à la lie les paroles de « La jeune fille au cœur d'acier », très belle version sous influences rock américain, et sans doute du « reclus » alsaco-vosgien nommé Burger (king ?). L'Amérique s'était invitée au festin. Le « fauve » se lâchait dans une interminable version de « New York-Paris », très sèche, jusqu'à l'étourdissement.

Entre nouveaux titres et classiques indémodables (« Mona Lisa Klaxon », « Champagne »), le père d'Izia et Arthur H ne redescendait plus, restait sur son nuage. Des morceaux à rallonges, à tiroirs multiples, qui regorgent encore de trésors, chez ce musicien toujours « barré ». « La folie qui m'accompagne et qui ne m'a jamais trahi ».

Sur des guitares forgées à l'americana (Burger encore ?) , il clôturait un set sans fioritures, (trop ?) sec en bons mots pour abreuver les disciples.

Est-ce la grève qui hantait les esprits ? Higelin servait un service minimum sans mots et sans rappels. « Inhabituel », ont jugé les fins connaisseurs. Un « Pars et ne te retourne pas » enlevé, où il énumérait ses fidèles complices, Dominique Mahut (percussions) et Alice Botté (guitare), régional de l'étape et fidèle de CharlElie, en tête.

Sa jeune troupe de techniciens venait aussi l'embrasser sur scène, comme on étreint un père (« spirituel » disait Jeanne Cherhal dans l'après-midi). Respectueusement. Chaleureusement. Comme ce public qui l'a, malgré tout, encore adulé, aimé. « Pars, et surtout reviens-nous vite ».

 

Xavier FRERE

 

Bon, eh bien ce journaliste est moins en colère que moi ! C'est sûr, moi c'est différent, j'y mets de l'affect (comme toujours).

En tout cas, j'ai envie de réagir à quelques phrases de cet article : "Qu'importe l'attitude, pourvu qu'on ait l'ivresse". Je ne suis pas du tout de cet avis. Pour moi, si l'attitude est déplorable, il ne peut y avoir ivresse. Impossible de me laisser emporter hier soir, je suis restée crispée pendant tout le concert, attendant jusqu'au bout un mot de Jacques, un sourire, et ayant attendu tout cela en vain...

Quant aux musiciens, certains semblaient vraiment mal. Alice Botté était très ému à Toul, je m'en souviens. Là, je l'ai senti tendu. Pas vraiment heureux d'être là. Il faut dire aussi qu'au début du concert, Higelin lui a lancé sur un ton sec : "Eh mec, tu démarres ?!"

"Le père d'Izia et d'Arthur H ne redescendait plus, restait sur son nuage" : eh bien moi, à aucun moment je n'ai senti Higelin sur un nuage ! A certains de ses concerts, je l'ai déjà vu s'envoler pour des transes phénoménales, mais hier soir, rien de tout cela. Le minimum syndical. "Le minimum", c'était la première chanson, et cela a été le ton de tout le concert. Quel dommage !

Higelin au NJP...

La pensée de cette nuit : "Il y a deux manières d'être malheureux : ou désirer ce que l'on n'a pas, ou posséder ce que l'on désirait". Pierre LOUYS

 

 

Normalement, quand on va à un concert, c'est, entre autres, pour se détendre. Oublier la lourdeur du quotidien, se payer une tranche de rêve. Normalement, Higelin est de ces artistes qui vous portent vers les étoiles, et cela dure plus que le temps du concert, cela dure des heures, cette magie qui vous enveloppe et vous tient chaud, il arrive même que cela dure des semaines. Normalement. Car, ce soir, rien n'était vraiment normal. Jacques Higelin est arrivé crispé. La horde de journalistes qui s'était plantée devant la scène l'a dérangé illico. Pendant la première chanson, déjà, il a montré son mécontentement. Ensuite, avant d'entamer le deuxième morceau, il a dit : « Putain, ça fait chier, j'aime vraiment pas les photos. Exprès, je vais me planquer pendant tout le temps où vous serez là ». Et il est allé se cacher, effectivement, derrière Dominique Mahut. En se plantant royalement dans les paroles de « Coup de foudre ». En commençant par la deuxième strophe, ce qui vient saper la logique et la chronologie du morceau. Une fois les journalistes partis (un vigile les a carrément chassés !), on aurait pu croire que tout allait redevenir normal. Higelinesque, comme j'aime. Mais non. Rien. Pas un mot. A part pour engueuler les musiciens. A part pour répondre à un type qui, dans le public, a crié « merci ». Et Jacques de rétorquer, d'un ton sec que je ne lui connaissais pas : « A ton service ».

Un de mes amis m'avait déjà parlé des colères monumentales d'Higelin. Ayant vu plusieurs fois l'artiste sans avoir jamais affaire à un de ses soi-disant légendaires emportements, j'avais fini par douter de la véracité du truc. Mais ce soir, j'ai pu voir de mes yeux, entendre de mes oreilles. Vérifier les choses à mes dépens. Au bout de trois chansons, j'étais horriblement crispée moi-même. Complètement tombée de mon « socle de rêve »... Ce soir, Jacques Higelin n'a pas adressé un seul mot à son public. Je n'ai pas vu la moindre esquisse d'un sourire sur son visage. A la fin, après « Pars », nous avons eu beau le rappeler à cor et à cri, il n'est pas revenu. Les lumières se sont rallumées brusquement, et merci de circuler, il n'y a plus rien à voir !

Bon, d'accord, il avait froid sur scène, cela s'est vu à la façon dont plusieurs fois il a remonté le col de sa veste. D'accord, il n'avait pas d'eau, on l'a compris en le voyant plus d'une fois faire des gestes en direction des coulisses et montrer son gosier assoiffé. D'accord, quelque chose ne tournait pas rond ce soir. D'abord il y a eu ces journalistes attroupés devant la scène. Mais il n'y a pas eu que cela. Il a dû se passer quelque chose avant le concert. D'accord. Mais en quoi, nous, public, en sommes-nous responsables ? En quoi avons-nous démérité ?

J'aime beaucoup Jacques Higelin, sans quoi je ne serais pas déçue ce soir. Déçue, c'est peu dire. Amère... Je vais continuer à l'aimer, je vais me remplir à nouveau des images grandioses des concerts précédents, me dépêcher d'oublier ma colère... Il est vrai que ce soir je n'ai pas réussi à faire le lien entre l'étranger que j'ai vu sur scène et le compagnon familier qui, tant de fois, en me susurrant des mots d'espoir à l'oreille, me tira du naufrage...

« Faut faire avec ou sans ça »...