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20/11/2010

Chanson n°44 : "Les dingues et les paumés" + petite note sur Lautréamont

La pensée du jour : "En descendant du grand au petit, chaque homme vit comme un sauvage dans sa tanière, et en sort rarement pour visiter son semblable, accroupi pareillement dans une autre tanière. La grande famille universelle des humains est une utopie digne de la logique la plus médiocre". LAUTREAMONT.

           

 

Les dingues et les paumés

Les dingues et les paumés jouent avec leurs manies

dans leurs chambres blindées leurs fleurs sont carnivores

et quand leurs monstres crient trop près de la sortie

ils accouchent de scorpions et pleurent des mandragores

et leurs aéroports se transforment en bunkers

à quatre heures du matin derrière un téléphone

quand leurs voix qui s'appellent se changent en revolvers

et s'invitent à calter en se gueulant come on

 

les dingues et les paumés se cherchent sous la pluie

et se font boire le sang de leurs visions perdues

et dans leurs yeux-mescal masquant leur nostalgie

ils voient se dérouler la fin d'une inconnue

ils voient des rois-fantômes sur des flippers en ruine

crachant l'amour folie de leurs nuits-métropoles

ils croient voir venir Dieu ils relisent Hölderlin

et retombent dans leurs bras glacés de baby-doll

 

les dingues et les paumés se traînent chez les Borgia

suivis d'un vieil écho jouant du rock'n roll

puis s'enfoncent comme des rats

dans leurs banlieues by night

essayant d'accrocher un regard à leur khôl

et lorsque leurs tumbas jouent à guichets fermés

ils tournent dans un cachot avec la gueule en moins

et sont comme les joueurs courant décapités

ramasser leurs jetons chez les dealers du coin

 

les dingues et les paumés s'arrachent leur placenta

et se greffent un pavé à la place du cerveau

puis s'offrent des mygales au bout d'un bazooka

en se faisant danser jusqu'au dernier mambo

ce sont des loups frileux au bras d'une autre mort

piétinant dans la boue les dernières fleurs du mal

ils ont cru s'enivrer des chants de Maldoror

et maintenant ils s'écroulent dans leur ombre animale

 

 

les dingues et les paumés sacrifient Don Quichotte

sur l'autel enfumé de leurs fibres nerveuses

puis ils disent à leurs reines en riant du boycott

la solitude n'est plus une maladie honteuse

reprends tes Walkyries pour tes valseurs maso

mon cheval écorché m'appelle au fond d'un bar

et cet ange qui me gueule viens chez moi mon salaud

m'invite à faire danser l'aiguille de mon radar

 

Un petit mot sur le comte de Lautréamont :

Qui était Isidore Ducasse, passé à la postérité sous le pseudonyme de comte de Lautréamont ? On ne sait pratiquement rien sur l'auteur des Chants de Maldoror.

Isidore Ducasse naît le 4 avril 1846 à Montevideo, en Uruguay. Très tôt orphelin de mère, il est d'un caractère renfermé mais montre de telles dispositions, au collège des Jésuites de Montevideo, pour les études, notamment en mathématiques et e sciences naturelles, que son père l'envoie à Paris afin qu'il y prépare Polytechnique. Il s'inscrit au lycée Henri IV et s'enferme dans sa chambre, dans le quartier de la Bourse, passant ses nuits à écrire.

En 1868, il fait paraître, à compte d'auteur, et anonymement, de Chant I de Maldoror. L'année suivante, il fait publier l'ensemble des six Chants, après en avoir remanié le premier : il y faisait allusion de façon trop précise à une de ses amitiés particulières. C'est pour cet ouvrage qu'il choisit son pseudonyme inspiré, sans doute, d'un personnage d'Eugène Sue, feuilletoniste alors très populaire : Lautréamont, un homme de cœur devenu monstre.

Mais son éditeur, jugeant le livre trop cru, refuse de le mettre en vente. Lautréamont se rend alors en Belgique pour tenter d'y publier Maldoror. Parallèlement, il travaille à l'élaboration d'un autre ouvrage, consacré à l'espérance et qui sera le pendant de Maldoror. Il en rédige la préface, qu'il fait paraître en mai 1870.

Ducasse-Lautréamont, qui vit toujours des subsides envoyés par son père, change fréquemment de domicile : s'est-il livré, en cette tumultueuse fin de règne de Napoléon III, à des activités révolutionnaires ? La guerre éclate, mettant fin à ses projets littéraires. Sa trace se perd jusqu'au 24 novembre 1870 : un acte de décès, confirmé par le patron et le garçon d'étage, annonce sa mort, dans un meublé du faubourg-Montmartre.

Les Chants de Maldoror, défendus par Léon Bloy, et par Rémy de Gourmont, seront réimprimés, de façon confidentielle, en 1874 et en 1890. Et c'est Blaise Cendrars qui, au début du XXème siècle, les fera reparaître. Les Surréalistes se chargeront alors de les faire connaître et de révéler l'œuvre énigmatique de Lautréamont au grand public.

 

19/11/2010

Goethe et aussi chanson n°43 : "Ad orgasmum aeternum"

La pensée du jour : "Denn ich bin ein Mensch gewesen

Und das heißt ein Kämpfer sein". GOETHE.

 

 

Les allusions à la culture allemande ne manquent pas dans l'œuvre de Thiéfaine, nous avons pu nous en rendre compte ensemble, ici même ! Pas un seul album où il ne soit pas question d'une ville allemande (Berlin, Hambourg), d'un auteur allemand (Hölderlin, Nietzsche), etc. Impressionnant !

 

Goethe apparaît trois fois dans l'œuvre de Thiéfaine, sauf erreur de ma part. De différentes façons :

  1. Première référence dans l'album « Météo für Nada » : dans la chanson « Diogène série 87 », on entend un extrait du Satyros, lu par un Allemand.

  2. Une deuxième fois dans l'album « Chroniques bluesymentales », et plus particulièrement dans la chanson « 542 lunes et sept jours environ ». « Mehr Licht », ce sont les derniers mots que Goethe prononça (voir une de mes premières notes ici).

  3. Troisième allusion (plus ou moins) dans la chanson « Confessions d'un never been », où il est question cette fois du mouvement Sturm und Drang, dont Goethe fut un des membres en sa jeunesse.

Il me semble que c'est tout. Pour la petite histoire, j'ai commencé à apprécier Goethe il y a six ans seulement, lorsque je préparais l'agreg et que les poèmes qu'il écrivit sur ses vieux jours étaient au programme. Auparavant, j'avais lu Die Leiden des jungen Werther ... pour très vite leur préférer Die neuen Leiden des jungen W., d'Ulrich Plenzdorf ! J'ai lu Die Leiden des jungen Werther quand j'avais 17 ans. Il faut croire que je n'avais pas la maturité nécessaire pour piger. Pourtant, ce roman épistolaire est magnifique, j'ai pu l'apprécier plus tard, en le relisant. Ensuite, j'ai lu des extraits de Faust. Jamais le Faust en entier. L'immense honte pour une prof d'allemand !!! Mais j'assume ! J'ai toujours préféré me plonger dans Kleist, plus tourmenté, plus sombre... Quand même : en deuxième année de fac, j'avais lu Götz von Berlichingen, quand on étudiait le Sturm und Drang justement, et j'avais beaucoup aimé cette œuvre.

Et puis, lorsque je suis partie faire mes études en Allemagne, à Leipzig, j'ai eu un prof de poésie tout à fait révolutionnaire, qui détestait Goethe, allant jusqu'à dire qu'il n'avait écrit que de la merde ou presque, qu'il ne fallait garder que ses poèmes et jeter le reste !! Comme toutes les filles de la promo, j'étais secrètement amoureuse de ce prof incroyable, véritable poète, qui ne se gênait pas pour dire en plein cours qu'il avait déjà testé pas mal de drogues !!!!! Alors, du coup, je me suis dit : « Oui, c'est vrai, ça, jetons Goethe !! » Et puis, il y a six ans, il y eut cette rencontre. Avec l'homme vieillissant se retournant sur sa vie. Au programme d'agreg, il y avait West-östlicher Divan. J'ouvre le recueil :

« Nord und West und Süd zersplittern,

Throne bersten, Reiche zittern,

Flüchte du, im reinen Osten

Patriarchenluft zu kosten;

Unter Lieben, Trinken, Singen

Soll dich Chisers Quell verjüngen ».

Tout de suite, ça le fait ! L'allemand, en poésie comme en tout d'ailleurs, ça sonne bien ! Moi, ça me prend aux tripes, j'adore ! J'ai dû être une des amoureuses de Goethe dans une vie antérieure !!!!!

Bref, alors là, Goethe, j'en suis tombée raide dingue. De sa poésie, surtout. Raide dingue aussi de l'homme vieillissant étreignant encore et toujours la vie avec le même élan !

 

Je peux vous mettre un topo sur sa vie si cela vous tente. Mais il ne faudrait pas que ce soit trop austère non plus, hein...

 

Allez, encore quelques extraits du recueil West-östlicher Divan :

« Eh er singt und eh er aufhört

Muss der Dichter leben ».

 

« Und solang du das nicht hast,

Dieses : Stirb und werde !

Bist du nur ein trüber Gast

Auf der dunklen Erde ».

 

« Wunderlichstes Buch der Bücher

Ist das Buch der Liebe;

Aufmerksam hab ich's gelesen :

Wenig Blätter Freuden,

Ganze Hefte Leiden ».

 

 

 

Et maintenant : « Ad orgasmum aeternum » !

 

Dans cité X y'a une barmaid

qui lave mon linge entre deux raids

si un jour elle apprend mon tilt

au bout d'un flip tourné trop vite

je veux pas qu'on lui renvoie mes scores

ni ma loterie ni mon passeport

mais je veux qu'on lui rende ses lasers

avec mes cendres et mes poussières

et j'aimerais qu'elle tire la chasse d'eau

pour que mes tripes et mon cerveau

enfin redevenus lumière

retournent baiser vers la mer

 

je reviendrai comme un vieux junkie

m'écrouler dans ton alchimie

delirium visions chromatiques

amour no-limit éthylique

je reviendrai comme un vieux paria

me déchirer dans ton karma

retrouver nos mains androgynes

dans ta zone couleur benzédrine

 

je reviendrai fixer ta chaleur

dans la chambre au ventilateur

où tes ombres sucent les paumés

entre deux caisses de s.t.p.

je reviendrai te lécher les glandes

dans la tendresse d'un no man's land

et te jouer de l'harmonica

sur un décapsuleur coma

 

je reviendrai jouir sous ton volcan

battre nos cartes avec le vent

je reviendrai taxer ta mémoire

dans la nuit du dernier espoir

je reviendrai chercher notre enfance

assassinée par la démence

et lui coller des lunettes noires

le blues est au fond du couloir

je reviendrai narguer tes dieux

déguisé en voleur de feu

et crever d'un dernier amour

le foie bouffé par tes vautours

18/11/2010

Chanson n°42 : "Autoroutes jeudi d'automne"

La pensée du jour : "Il est certain qu'une vie sans espoir a au moins l'avantage de la clarté". René FALLET.

 

AUTOROUTES JEUDI D'AUTOMNE

 

(MATHEMATIQUES SOUTERRAINES N°2)

 

Elle m'envoie des cartes postales de son asile

m'annonçant la nouvelle de son dernier combat

elle me dit que la nuit l'a rendue trop fragile

et qu'elle veut plus ramer pour d'autres Guernica*

et moi je lis ses lettres le soir dans la tempête

en buvant des cafés dans les stations-service

et je calcule en moi le poids de sa défaite

et je mesure le temps qui nous apoplexise

et je me dis stop

mais je remonte mon col j'appuie sur le starter

et je vais voir ailleurs encore plus loin ailleurs

 

et je croise des vieillards qui font la sentinelle

et me demandent si j'ai pas des cachous pour la nuit

je balance mes buvards et tire sur la ficelle

pour appeler le dément qui inventa l'ennui

et je promène son masque au fond de mes sacoches

avec le négatif de nos photos futures

je mendie l'oxygène aux sorties des cinoches

et vends des compresseurs à mes ladies-bromure

et je me dis stop

mais je remonte mon col j'appuie sur le starter

et je vais voir ailleurs encore plus loin ailleurs

 

il est bientôt minuit mais je fais beaucoup plus jeune

je piaffe et m'impatiente au fond des starting-blocks

je m'arrête pour mater mes corbeaux qui déjeunent

et mes fleurs qui se tordent sous les électrochocs

et j'imagine le rire de toutes nos cellules mortes

quand on se tape la bascule en gommant nos années

j'ai gardé mon turbo pour défoncer les portes

mais parfois il me reste que les violons pour pleurer

et je me dis stop

mais je remonte mon col j'appuie sur le starter

et je vais voir ailleurs encore plus loin ailleurs

 

Thiéfaine / arrangements : Mairet

 

*A propos de « Guernica » : Gernika-Luca en basque (nom officiel) ou Guernica y Luno en espagnol. Ville de la province de Biscaye, en Euskadi, au nord-ouest de l'Etat espagnol.

Cette ville est particulièrement célèbre pour la destruction qu'elle a subie le 26 avril 1937 par les aviateurs de la légion Condor, envoyée par Hitler au secours du général Franco.

« Guernica » est un des tableaux les plus célèbres de Picasso.

 

J'ai quelques nouvelles idées d'articles pour ce blog : un petit topo sur Rimbaud (je vous mettrai cela ici après les paroles de la chanson « Affaire Rimbaud ») et un autre sur Goethe, le grand, l'unique !!!

 

Autre chose : « Autoroutes jeudi d'automne » (oh purée, d'ailleurs : nous sommes en automne, c'est jeudi, quelle classe !!!!!) est une de mes chansons préférées !

17/11/2010

Chanson n°41 : "Lorelei Sebasto Cha"

La pensée du jour : "Toute cruauté vient d'une faiblesse". Sénèque.

 

LORELEI SEBASTO CHA

 

mon blues a déjanté sur ton corps animal

dans cette chambre où les nuits

durent pas plus d'un quart d'heure

juste après le péage assurer l'extra-ball

et remettre à zéro l'aiguille sur le compteur

ton blues a dérapé sur mon corps de chacal

dans cet hôtel paumé aux murs glacés d'ennui

et pendant que le lit croise l'aéropostale

tu me dis reprends ton fric aujourd'hui c'est gratuit

Lorelei Lorelei

ne me lâche pas j'ai mon train qui déraille

Lorelei Lorelei

et je suis comme un cobaye qui a sniffé toute sa paille

 

tu m'arraches mon armure dans un geste un peu lourd

en me disant reviens maintenant je te connais

tu me rappelles mes amants Rue-Barrée à Hambourg

quand j'étais orpheline aux yeux de feu-follet

tu me rappelles mes amants perdus dans la tempête

avec le cœur-naufrage au bout des bars de nuit

et tu me dis reviens je suis ton jour de fête

reviens jouir mon amour dans ma bouche-agonie

Lorelei Lorelei

ne me lâche pas j'ai mon train qui déraille

Lorelei Lorelei

et je suis comme un cobaye qui a sniffé toute sa paille

 

le blues a dégrafé nos coeurs de cannibales

dans ce drame un peu triste

où meurent tous les Shakespeare

le rouge de nos viandes sur le noir sidéral

le rouge de nos désirs sur l'envers de nos cuirs

et je te dis reviens maintenant c'est mon tour

de t'offrir le voyage pour les Galapagos

et je te dis reviens on s'en va mon amour

recoller du soleil sur nos ailes d'albatros *

Lorelei Lorelei

ne me lâche pas j'ai mon train qui déraille

Lorelei Lorelei

et je suis comme un cobaye qui a sniffé toute sa paille

 

*Analyse très intéressante de Yannig hier à propos du mot « soleil ». Le voilà encore !

 

Je dédie cette note à toutes les Lorelei du net, et tout particulièrement à Lorelei2, toujours présente, fidèle dans toutes les tempêtes, et pas seulement !

P.S. : Je ne suis toujours pas allée à Hambourg. J'ai hâte d'y mettre les pieds et d'y faire un petit reportage-photo. Une de mes anciennes élèves est partie s'y installer et m'a invitée, alors les photos devraient apparaître ici dans les mois qui viennent.

16/11/2010

Chanson n°40 : "Soleil cherche futur"

P1160400.JPGLa pensée du jour : Ce que je vis n'est pleinement vécu que si je le mets en mots". Charles JULIET

 

Chanson n°40, donc : "Soleil cherche futur". Et en guise d'ouverture, de "discours de bienvenue" si vous voulez, vous trouverez ci-contre mon Sésame ! Le soleil de mon futur, quoi !!!

 

713705. CHERCHE FUTUR

l'infirmier de minuit distribue le cyanure

et demande à Noé si le charter est prêt

hé mec il manque encore les ours et les clônures

mais les poux sont en rut faut décoller pas vrai

et les voilà partis vers d'autres aventures

vers les flèches où les fleurs flashent avec la folie

et moi je reste assis les poumons dans la sciure

à filer mes temps morts à la mélancolie

soleil soleil

n'est-ce pas merveilleux de se sentir piégé ?

 

paraît que mon sorcier m'attend à Chihuahua

ou bien dans un clandé brumeux de Singapour

mais je traîne les P.M.U. avec ma gueule de bois

en rêvant que la barmaid viendra me causer d'amour

et je tombe sur l'autre chinetoque

dans cette soute à proxos

qui me dit viens prendre un verre tu m'as l'air fatigué

laisse tombe ta cuti deviens ton mécano

c'est depuis le début du monde

que l'homme s'est déchiré

soleil soleil

n'est-ce pas merveilleux de se sentir piégé ?

Rhâ-rat

 

adieu Gary Cooper adieu Che Guevara

on se fait des idoles pour planquer nos moignons

maintenant le vent s'engouffre dans les nirvânas

et nous sommes prisonniers de nos regards bidon

les monstres galactiques projettent nos bégaiements

sur les murs de la sphère où nous rêvons d'amour

mais dans les souterrains les rêveurs sont perdants

serions-nous condamnés à nous sentir trop lourds ?

soleil soleil

n'est-ce pas merveilleux de se sentir piégé ?

 

A ma grande honte, je dois avouer que pendant longtemps, je n'ai pas compris pourquoi, dans le livret de l'album, on trouvait le titre "713705. cherche futur" et non pas "soleil cherche futur". J'en discute un jour avec mon beau-frère, 655321, qui me dit : "Mais tu ne faisais jamais ça avec ta calculatrice quand tu étais petite ?" Quoi, ça ? Ecrire "713705" et retourner la calculatrice pour voir apparaître le mot "soleil". Ah si !!! Du coup, ce jour-là, toute mon enfance est remontée à la surface !! Allez, avouez, vous faisiez ça vous aussi avec votre machine à calculer ?! Et vous étiez tout contents !!!! Contents comme je le suis aujourd'hui, "comme une poule devant un mégot" ! Cela fait environ une heure que je suis en possession de mon billet pour Bercy. Moi qui suis pourtant timide, tout à l'heure, j'ai presque sauté au cou de la dame de la billetterie quand elle m'a tendu le Sésame qui me permettra de "prendre place dans le grand feu" dans 300 et quelques jours !!

Et vous, ça y est, c'est fait aussi ?!!!

Avec tout cela, j'ai oublié de vous dire que "Soleil cherche futur" était (est toujours, j'emploie l'imparfait uniquement pour la concordance des temps, il me semble que c'est préférable) une de mes chansons favorites ! Que de pépites dans ce texte ! "Les monstres galactiques projettent nos bégaiements sur les murs de la sphère où nous rêvons d'amour" : ouah, cela me laisse sans voix, toute bégayante moi aussi ! Quelle musique ! Et ce "soleil" qui revient sans arrêt ! Et ces mots splendides : "Et moi je reste assis les poumons dans la sciure à filer mes temps morts à la mélancolie"... Et cette question mystérieuse : "n'est-ce pas merveilleux de se sentir piégé ?" Piégé par quoi, par qui ? Je n'ai jamais très bien su, mais j'approuve ! Oui, c'est merveilleux de se sentir piégé. Par exemple par la vie qui "vous tombe dessus toujours au moment où on n'y croit plus" (cf. Jacques Higelin). Pendant de longs mois, je me suis traînée dans mon cafard. L'album d'Hubert, je n'y croyais plus. Si, c'est vrai. Beaucoup de découragement, d'obscurité. Et soudain ce soleil...

Je note également que l'album "Dernières balises" s'achève sur l'image d'un "vieux soleil glacé" qui "retraverse la nuit". Et voici qu'ici le soleil ouvre la danse. J'aime bien les ponts entre les oeuvres...

 

15/11/2010

Chanson n°39 : "Redescente climatisée"

La pensée du jour : "La mort, chaque fois qu'elle survient, détruit un livre d'images". Christian BOBIN.

 

L'album "Dernières balises (avant mutation) s'achève sur cette chanson magnifique qu'est "Redescente climatisée". Elle est encore plus poignante en version live au Bataclan...

Petite question : qui ira acheter son billet pour Bercy demain ? Et l'album-hommage à Bashung ? Pour ma part, j'hésite entre la passion qui m'ordonne d'aller me procurer tout cela dès que je sortirai de cours (à midi) et la raison qui me rappelle l'état piteux de mon compte en banque...

Redescente climatisée

Un autre paumé descend les rues de ton ghetto

Et tu pleures en essuyant ses yeux figés

Combien de mutants ayant rêvé ton numéro

Se sont perdus croyant l’avoir trouvé ?

Petite sœur-soleil au bout du quai désert

Petite gosse fugitive accrochée dans mes nerfs…

Je t’ai rêvée ce soir au fond d’une ambulance

Qui me raccompagnait vers mes « verts paradis »

Dans le dernier écho de ton dernier silence

J’ai gardé pour la route ma haine / ma rage et ma connerie

 

Un vieux soleil glacé retraverse la nuit

Et c’est le long retour au point zéro

La dernière étincelle a grillé mes circuits

Et soudain j’ai si froid dans ma peau…

Petite sœur-soleil au bout du quai désert

Petite sœur fugitive accrochée dans mes nerfs…

Maintenant je t’imagine dans un hôtel-garage

Essayant de marquer des points sur ta machine

Tes amants déglingués s’accrochent à tes mirages

Moi je suis en exil ton consul ivre mort

Bavant sur ta benzine

14/11/2010

Chanson n°38 : "Exil sur planète-fantôme".

La pensée du jour : "La vérité, ce n'est pas un trou dans la terre. La vérité, c'est l'infini d'amour parfois reçu dans cette vie quand nous n'avions vraiment plus rien". Christian BOBIN.

 

Exil sur planète-fantôme

 

en ce temps-là les fleurs vendaient leur viande aux chiens

et nous habitions tous de sordides tripots

avec des aiguillages pour nos petits matins

quand le beau macadam nous traitait de salauds

nous traitait de salauds

nous vivions nos vertiges dans des vibrations folles

et gerbions nos enzymes en nous gueulant : moteur !

mais entre deux voyages entre deux verres d'alcool

nous n'avions pas le temps de décompter nos heures

de décompter nos heures

nous étions les danseurs d'un monde à l'agonie

en même temps que fantômes conscients d'être morts-nés

nous étions fossoyeurs d'un monde à l'agonie

 

en ce temps-là le rien s'appelait quotidien

et nous allions pointer dans les jobs interdits

dans les musiques blêmes dans les sombres parfums

dans les dédales obscurs où plane la folie

où plane la folie

et nous avions des gueules à briser les miroirs

à ne montrer nos yeux que dans le contre-jour

mais entre deux délires entre deux idées noires

nous étions les plus beaux nous vivions à rebours

nous vivions à rebours

nous étions les danseurs d'un monde à l'agonie

en même temps que fantômes conscients d'être morts-nés

nous étions fossoyeurs d'un monde à l'agonie

 

en ce temps-là les gens s'appelaient citoyens

nous, nous étions mutants nous étions androgynes

aujourd'hui la tempête a lynché mes copains

et je suis le dernier à rater mon suicide

à rater mon suicide

mais je veux vivre encore plus ivre de cramé

je veux ronger le mal jusque dans ses recoins

j'ai traîné mes vingt siècles d'inutilité

je n'ai plus rien à perdre mais j'en veux pour ma fin

j'en veux pour ma faim

 

 

 

Il y a quelques semaines, j'avais eu l'idée de noter ici une chanson par jour. Pour patienter jusqu'au nouvel album. A l'époque, je ne savais pas du tout quand ce nouvel album sortirait. A présent, nous savons qu'il est prévu pour février 2011. Ce matin, je me suis lancée dans des calculs d'apothicaire : il y a 153 chansons en tout (si je compte « Amicalement blues » et « Annihilation »). Jusqu'au 7 février, date possible pour la parution de l'album tant attendu, il y a encore 85 jours ! Donc, j'aurai quelques chansons de retard !! Sans compter que je ne suis pas très assidue ici. La semaine dernière, par exemple, j'ai été trop chamboulée par les nouvelles qu'on nous a annoncées. Impossible alors de parler d'autre chose que de ces belles perspectives ! Bref, autant dire que mon truc ne marchera jamais. Par avance, je réclame votre indulgence. Je me suis lancée là-dedans pour « meubler », j'avoue (là encore, indulgence, s'il vous plaît !). Parce qu'il n'y avait pas de nouvelles croustillantes à se mettre sous la dent. Parce que je pensais que vous pourriez réagir à ces chansons, me dire quelles réflexions ou quelles émotions elles vous inspiraient. Continuons à le faire, si vous voulez bien, mais soyez déjà certains qu'il y aura des jours où je vais merder. Où je n'écrirai rien ici. D'avance pardon. Je n'aime pas ne pas tenir mes promesses...

Hier, avec tout ça, je ne vous ai pas dit que « Dernières balises (avant mutation) » était certainement l'album qui me bousculait le plus. « Une fille au rhésus négatif » m'a toujours fait froid dans le dos : entre le rat en laisse, les cafards, l'aiguille qui s'enfonce dans la peau, les bébés qui tombent du lit en lisant « Mein Kampf », on est servi ! C'est l'histoire d'un mauvais trip ou quoi ? Que de visions d'horreur ! Une chanson qui, il y a longtemps, lorsque je l'ai découverte, fit grande impression sur mon âme de 19 ans. J'en avais des frissons partout, j'imaginais toute la scène : le rat en laisse, Berlin, les œufs durs, l'aiguille (j'ai trop lu le bouquin de Christiane F. !!!), le téléphone sur la tombe. Visions hautement perturbantes ! Aujourd'hui encore, cette chanson me fait un effet incroyable. « Photographie-tendresse » aussi, d'ailleurs.

Je ne vois rien de négatif dans tout cela. Certains œuvres peuvent effrayer et fasciner à la fois. Je me demande même si ce ne sont pas celles qui nous marquent le plus. Je me souviendrai toujours d'un bouquin de Marlen Haushofer, Die Wand, qui raconte l'histoire d'une femme qui soudain se trouve coupée du monde, enfermée derrière un mur invisible et infranchissable. Pendant la lecture, j'avais parfois la sensation d'étouffer, carrément. Je me sentais prisonnière aussi, comme la narratrice. En repensant à ce livre, je ressens encore cela de manière très forte...

Quant à « Exil sur planète-fantôme », c'est également une chanson à la fois effrayante et fascinante, vous ne trouvez pas ? « Nous avions des gueules à briser les miroirs, à ne montrer nos yeux que dans le contre-jour ». « Et je suis le dernier à rater mon suicide », de quoi flipper encore !! Et la fin, donc ! Terrible ! « J'ai traîné mes vingt siècles d'inutilité, je n'ai plus rien à perdre mais j'en veux pour ma fin, j'en veux pour ma faim »... Sa faim ? Tiens, je croyais qu'Hubert l'avait laissée chez la famille Duraton !

13/11/2010

Chansons n°36 et n°37 : "Photographie-tendresse" et "Une fille au rhésus négatif"

La pensée du jour : "Ils sont trop nombreux. On meurt d'une surcharge de morts". Elias CANETTI

 HFT[1].jpg

 

 

 

 

Photographie-tendresse

cheveux-tilleuls-écartelés-sur-visage-

taxiphone-de-l'attente-souvenir-coma-

trauma-de-vieillard-géranium-camé-

baisers-tranxène-coagulés-sur-miroir-

hygiaphone-T.V.-lunettes-noires-pyjama-rayé-

wo ist das Blut ?

ich habe Durst....

 

 

 

Une fille au rhésus négatif

 

Je me souviens de toi dans ces années obscures

où tu te promenais avec un rat en laisse

les cafards te disaient : l'amour vient du futur

et te laissaient leurs croix comme on laisse une adresse

maintenant tu me regardes avec les yeux flétris

bouffés par la machine à plastiquer les rêves

tu me tends ton ticket pour la foire aux zombies

et m'invites à trinquer au doomsday qui se lève

oh ! love

lové sur ton ventre le bébé s'ouvre les veines

et tu me demandes s'il a bien pris sa dose

 

nous sommes de vieux enfants traînant nos écorchures

à travers les décors jaunis d'un vieux cartoon

nous marchons sur Berlin en gobant nos œufs durs

et nous sommes à Paris victimes d'un baby-boom

nous n'sommes que les fantasmes fous d'un computer

avec son œil grinçant fouillant dans nos cerveaux

dans la fluorescence bleutée de son scanner

je regarde l'aiguille s'enfoncer dans ta peau

oh ! love

lové sur ton ventre le bébé s'ouvre les veines

et tu me demandes s'il a bien pris sa dose

 

les mômes de ton quartier se déguisent en momies

un aigle lentement tourne autour de ta chambre

les assassins défilent en levant leurs képis

les bébés tombent du lit en lisant Mein Kampf

oh ! love... love

hier je t'aimerai de mon amour taxi

hier je t'aimerai de mon amour tocsin

hier je t'aimerai dans un bar à minuit

des soirs où la tendresse fait plus bander les chiens

oh ! love... love

les ambulances attendent le long des terrains vagues

les réverbères s'allument au fond des catacombes

les bulldozers préparent l'autoroute pour le stade

dois-je me faire installer le téléphone sur ta tombe ?

Oh ! love

lové sur ton ventre le bébé s'ouvre les veines

et tu me demandes s'il a bien pris sa dose ?