20/05/2011
La petite chronique de FrancoFans
La pensée du jour : "La sagesse fait durer, les passions font vivre". CHAMFORT
Connaissez-vous le magazine FrancoFans ? Sur la couverture, en guise de sous-titre, on trouve : "bimestriel indépendant de la chanson francophone actuelle". Excellent magazine qui, dans quelques mois, consacrera un dossier complet à HFT !
Dans le dernier numéro, celui d'avril-mai, Florence Marek a consacré un petit article à "Suppléments de mensonge". Le voici (si vous avez envie de voir publiés ici des billets trouvés ici ou là dans la presse au sujet d'HFT, n'hésitez pas à me faire signe !) :
Si la chanson se changeait pour une heure en voyage onirique, elle s'appellerait sans conteste Suppléments de mensonge ou peut-être Infinitives voiles, du nom du septième titre de l'album. Rêve et réalisme s'entremêlent dans cette odyssée aux couleurs changeantes et miroitantes avec, pour point d'orgue absolu, cette écriture poétique unique. Si les noirs corbeaux croassent aux entournures, les scories de l'enfance s'écrivent en vers majeurs pour nous emmener dans La ruelle des morts qui ouvre de façon entraînante l'album, comme un oxymore entre la joie et la mélancolie toujours latentes. Le voile se lève peu à peu sur une personnalité complexe : Petit matin 4.10 heure d'été, les phrases se lisent dans la lumière crue d'une aurore torturée. Et, comme un écho dissonnant, se dessinent en creux d'autres références plus ironiques, elles, comme le très osé Garbo XW Machine, traversé par la guitare rock de JP Nataf. Supplément incontournable à une discographie déjà fastueuse, c'est déjà l'album de l'année pour les aficionados et peut-être bientôt pour les autres...
Florence Marek
15:53 | Lien permanent | Commentaires (3)
14/05/2011
"Infinitives voiles qui venez me bercer"...
La pensée du jour : "Il nous faut naître deux fois pour vivre un peu, ne serait-ce qu'un peu. Il nous faut naître par la chair et ensuite par l'âme. Les deux naissances sont comme un arrachement. La première jette le corps dans le monde, la seconde balance l'âme jusqu'au ciel". Christian BOBIN
Dès que j'ai entendu « Infinitives voiles » (un extrait était d'ailleurs disponible sur Internet avant la sortie de l'album), j'ai su que cette chanson ferait partie de mes préférées sur « Suppléments de mensonge ». Je ne m'étais pas trompée ! Il y a quelques semaines, en l'écoutant pour la énième fois, j'ai eu l'impression de planer. Ou plus précisément de voguer ! Rien d'étonnant, après tout : le champ lexical de la mer est très présent dans le texte (« mes cargos migrateurs », « je marcherai sur l'eau », « les gréements chauffés à blanc de vos rivages »). L'eau, l'élément premier, le retour aux sources. A la source suprême, celle dans laquelle nous avons tous baigné joyeusement. Avant l'enfance bâclée, avant le grand dérèglement qui nous a fait perdre « l'équation de notre ombre inconnue ».
L'eau, donc, est omniprésente dans le texte. Et même le rythme de la chanson rappelle celui des flots. En tout cas, pour moi, c'est une sensation très nette à chaque écoute.
Le rêve est là aussi, partout. D'ailleurs, ces infinitives voiles dont il est question ne sont-elles pas les lambeaux d'un rêve évaporé ?
Le texte est marqué par une étrange lutte entre le désespoir et la recherche de l'apaisement. La première strophe sonne comme une sorte de constat d'échec. Thiéfaine avoue ici lutter contre un double qui enchaîne les conneries, se baladant toujours sur le fil du rasoir, entre ivresses et blasphèmes. Le combat semble perdu d'avance, et pourtant il y a bel et bien lutte acharnée. Plus encore : volonté de lutter. Les bleus paradis s'opposent à la bile noire (la bile noire, selon Hippocrate, c'est la mélancolie, une crainte et une tristesse liées à une particulière humeur du corps). La revoilà, cette scandaleuse mélancolie dont il a déjà été maintes fois question dans les textes de Thiéfaine ! La voilà qui revient à la charge ! Le début de la chanson n'est pas sans rappeler l'atmosphère déglinguée de « Redescente climatisée » (cf. l'ambulance et les paradis qui, du vert, sont passés au bleu).
Deuxième strophe : toujours la même volonté de lutter. Mais les entraves sont nombreuses et les injonctions répétées (« Laissez-moi lâcher prise dans le vent qui se lève Laissez-moi décharger mes cargos migrateurs ») sonnent comme des supplications. Tant de fardeaux semblent faire obstacle à la victoire. Thiéfaine aimerait s'envoler vers les premières lueurs. Toujours cet élan vers le commencement, l'origine, vers ce qui est vierge de toute rature, n'a jamais été souillé encore. C'est un peu l'élan d'Antigone qui, aux aurores, se promène dans le jardin désert, parce que « c'est beau un jardin qui ne pense pas encore aux hommes ». Il est de nouveau question d'espoir ici. L'espoir d'un futur désiré. Cette deuxième strophe me paraît moins pessimiste que la première. Dans les deux cas, il y a le désir de se débarrasser de certains poids (première strophe : « les couloirs lumineux où je laisse la copie de mes fièvres insomniaques » / deuxième strophe : « laissez-moi décharger mes fardeaux migrateurs »). Le désespoir, les échecs, le mal de vivre pèsent lourd sur les épaules de celui qui, de surcroît, a pour habitude de se couvrir la peau de scarifications...
On vogue ensuite vers la troisième strophe. Cette fois, on sent de la détermination dans le propos. L'emploi du futur donne à l'ensemble des accents de résolutions. D'ailleurs, Thiéfaine ne se rêve-t-il pas en enfant sage, libéré de toute entrave, à jamais débarrassé de ce double qui vient sans cesse faire planer une ombre sur le tableau ? Serait-ce donc la juste vengeance de ce double évoqué ailleurs, fâché d'avoir été mangé dans le ventre de la mère ?!!
Une chanson qui sonne donc comme le désir de retourner aux sources, et même de s'envoler vers un territoire inconnu, que l'on pourrait nommer l'Infinitif, celui qui tient à la fois de l'infini et du définitif... Thiéfaine semble vouloir renaître, mais il sait aussi que toute renaissance passe d'abord par une mort nécessaire, un abandon de certaines habitudes. On a ici un pied dans le registre de la naissance, et l'autre dans la tombe, si je puis dire !
Enfin, c'est ainsi que je ressens les choses ! J'attends vos impressions !
22:03 | Lien permanent | Commentaires (13)
10/05/2011
Annabel Lee
La pensée du jour : "Les dieux sont jaloux de nos corps
Nous balayons l'éternité". Hubert-Félix THIEFAINE
Voici le poème "Annabel Lee" dans sa version originale :
Annabel Lee
This was the reason that, long ago
|
Je vous proposerai bientôt la traduction qu'en fit Charles Baudelaire.
20:52 | Lien permanent | Commentaires (3)
09/05/2011
Trois poèmes pour Annabel Lee
La pensée du jour : "Une atmosphère de beauté et d'élégance m'entourait"... Léon TOLSTOÏ, Le bonheur conjugal.
TROIS POEMES POUR ANNABEL LEE
la lune s'attarde au-dessus des collines
et je sens les lueurs des étoiles sous ta peau
fleurs de jacaranda et parfum d'aubépine
dans cet or de la nuit tes cheveux coulent à flots
les groseilles boréales et les airelles fauves
au velours de tes lèvres humides et licencieuses
me laissent dans la bouche un goût de folie mauve
un arôme estival aux couleurs silencieuses
Annabel Lee
pas un seul cheveu blanc
n'a poussé sur mes rêves
Annabel Lee
au roman des amants
je feuillette tes lèvres
vapeurs de canneberge oubliées dans la bruine
et sur les pétroglyphes de tes bleus sanctuaires
l'esprit de la mangrove suit l'ombre de tes djinns
et dézeste les grumes aux subtils estuaires
ne laisse pas la peur entrouvrir le passage
obscur et vénéneux dans l'argent de tes yeux
mais donne à la lumière tes pensées les plus sages
pour un instant de calme / de plaisir délicieux
Annabel Lee
pas un seul cheveu blanc
n'a poussé sur mes rêves
Annabel Lee
au roman des amants
je feuillette tes lèvres
Annabel Lee
j'ai dans mes récepteurs
le parfum de ta voix
Annabel Lee
je te connais pas cœur
sur le bout de mes doigts
au loin dans la vallée la brume se mélange
aux pastels de safran de violette et d'orange
et j'en vois les reflets dans ton regard voilé
par des réminiscences d'antiques cruautés
ne laisse pas les mères de vinaigre envahir
tes pensées ta mémoire tes rêves et ton sourire
chasse au loin ta détresse laisse entrer le printemps
le temps de la tendresse et de l'apaisement
Annabel Lee
pas un seul cheveu blanc
n'a poussé sur mes rêves
Annabel Lee
au roman des amants
je feuillette tes lèvres
Annabel Lee
j'ai dans mes récepteurs
le parfum de ta voix
Annabel Lee
je te connais pas cœur
sur le bout de mes doigts
Hubert-Félix THIEFAINE / Arman MELIES
17:28 | Lien permanent | Commentaires (7)
27/04/2011
Encore un printemps (Aloysius Bertrand)
La pensée du jour : "Quel intérêt cela présente-t-il pour quiconque et pour lui-même, que le pauvre Barjavel ou le pauvre Dupont vive éternellement ? Un Dupont éternel, un Barjavel inoxydable, indestructible, vous voyez ça ? ça vous tente ? Vous vous plaisez tant que ça en votre compagnie ? Pour l'éternité ?" René BARJAVEL
ENCORE UN PRINTEMPS
Toutes les pensées, toutes les passions qui agitent le coeur mortel sont les esclaves de l'amour. COLERIDGE
Encore un printemps, - encore une goutte de rosée, qui se bercera un moment dans mon calice amer, et qui s'en échappera comme une larme !
Ô ma jeunesse, tes joies ont été glacées par les baisers du temps, mais tes douleurs ont survécu au temps qu'elles ont étouffé sur leur sein.
Et vous qui avez parfilé la soie de ma vie, ô femmes ! s'il y a eu dans mon roman d'amour quelqu'un de trompeur, ce n'est pas moi, quelqu'un de trompé, ce n'est pas vous !
Ô printemps ! petit oiseau de passage, notre hôte d'une saison qui chante mélancoliquement dans le coeur du poète et dans la ramée du chêne !
Encore un printemps, - encore un rayon du soleil de mai au front du jeune poète, parmi le monde, au front du vieux chêne, parmi les bois !
Aloysius Bertrand
08:38 | Lien permanent | Commentaires (2)
25/04/2011
Supplément d'impressions à propos de "Suppléments de mensonge"
La pensée du jour : "Après tout, écrire n'est rien d'autre que s'avouer malheureux". Louis CALAFERTE
Cela commence par une petite ritournelle, j'aurais envie de dire « une petite ritournelle toute bête ». Une ritournelle que certains d'entre vous, d'ailleurs, trouvent bête tout court. Ce n'est pas mon cas. J'adore « La ruelle des morts ». J'aime cette évocation de l'enfance insouciante qui se balade en sautillant dans la ruelle des morts, y déterrant joyeusement « casques et fémurs », y goûtant « le vert paradis des amours enfantines ». J'aime, tout autant que je le redoute, le moment où, dans la chanson, on bascule dans quelque chose qui n'est plus de la légèreté, mais bien plutôt son contraire : la lourdeur d'un clocher, la gravité de l'âge adulte qui, cette fois, claudique dans la ruelle des morts, y ramassant des deuils à la pelle.
« Que ne demeurent les printemps
à l'heure des sorties de l'école ? »
Le temps passe et ne revient plus...
Ailleurs, « le temps passe si lentement », trop lentement... C'est une angoisse, une terreur qui vous saisit à la gorge. Ce n'est pas l'heure bleue, c'est l'heure noire, celle qui enveloppe de ses brumes épaisses « l'aube du jour suivant », l'heure de l'insomnie brûlante. L'insomnie, cette indigestion de l'âme, se plaît à dire Thiéfaine. « Suppléments de mensonge » est un album qui sait parler à ceux dont l'âme n'a pas digéré un truc, peut-être tout simplement « l'inconvénient d'être né ». Mais aussi : à ceux qui n'ont pas digéré leur âme charbonneuse, noire comme suie, engluée dans la fange d'une torture quotidienne... « Suppléments de mensonge » sait parler à ceux qui subissent les assauts et les troubles de leur double, que ce soit un double pervers qui joue dans un groupe de rock, un « double ivre et blasphémateur », ou encore un double qui vous fouette quotidiennement de son intranquillité, de sa capacité infinie à toujours « broyer l'horizon », de son incapacité à trouver le repos...
« Supplément de mensonges », ce sont aussi des réminiscences de rêves. « Infinitives voiles » : hier, en écoutant cette chanson pour la millième fois, j'ai eu l'impression de me trouver sur un bateau qui tanguait sur les flots. C'est un morceau dont le mouvement rappelle celui de l'eau. Une eau plutôt tranquille. Mais une eau qui n'en demeure pas moins glacée... On ne sait pas si l'on atteindra le rivage, on sait aussi que si on l'atteint, ce ne sera pas sans perte et sans fracas... Le combat est décrit comme désespéré, et pourtant, ce combat, l'artiste semble bien décidé à le livrer. Un jour, je vous ferai part des réflexions que m'inspire la chanson « Infinitives voiles ». Je n'ai plus l'âge de faire des commentaires composés, je crois même que je leur préfère à présent les commentaires décomposés et déstructurés ! Ce sera donc un truc à ma façon, sans chichis !
Je vous trouve bien discrets en ce moment. Le compteur du blog m'indique des chiffres vertigineux, mais le silence a pris possession des lieux, les commentaires restent parcimonieux. Dommage...
Ce soir, j'ai vraiment fait une note sans queue ni tête. Une note pour le plaisir. Enfin, pas tout à fait : une note pour me vider un peu, une note pour faire s'écouler un « excès de bile noire »... Une fois tout cela jeté sur la table, je peux repartir un peu, cahin-caha, mais repartir quand même, et ce n'est déjà pas si mal.
Ce soir, j'ai parlé essentiellement des morceaux de « Suppléments de mensonge » qui me remuent lorsque la tristesse prend le dessus. Mais je n'en oublie pas pour autant les chansons plus apaisées et apaisantes, je n'oublie pas que « Suppléments de mensonge » n'est pas teinté uniquement de bile noire, je sais qu'il peut aussi vous emplir la bouche d'un « goût de folie mauve » et revêtir la couleur d'une attente sereine. C'est un album qui ne manque pas d'humour non plus, entre cette « vamp orchidoclaste » déjantée qui semble n'avoir été mise au monde que pour le faire suer, et cet accent qui sent le Saint Laurent...
Beaucoup de figures féminines dans ces « Suppléments de mensonge », beaucoup d'évocations de couleurs (le bleu, le mauve, le noir, l'argent). « Trois poèmes pour Annabel Lee », par la puissance des images employées, me rappelle la somptueuse poésie des « Fastes de la solitude » (qui, à bien y réfléchir, est à mes yeux le texte le plus merveilleusement abouti de Thiéfaine. Cela n'engage que moi, bien sûr. Ce vertigineux défilé de mots me touche parce que j'associe des images -presque des photos- très précises à « la féérie marbrée des crépuscules forains », à « l'ivresse glacée d'un ciel de neige », aux « banquises phosphorescentes », etc.).
C'est peut-être bien la troisième note que je consacre à l'album « Suppléments de mensonge ». Il faut dire qu'à chaque écoute, j'ai envie de pondre un billet pour le Cabaret !! Envie d'écrire quelque chose sur ce quelque chose qui crie en moi à chaque écoute. « Suppléments de mensonge » est peut-être bien l'opus le plus puissant de Thiéfaine. On en ressort complètement groggy. Moi, en tout cas !
21:48 | Lien permanent | Commentaires (11)
23/04/2011
HFT, nostalgique du futur
"HFT, nostalgique du futur", c'est le titre de l'article consacré aujourd'hui, dans L'Est Républicain, à la visite que Thiéfaine a faite hier à des élèves de première de Jarville.
Voici ici, rien que pour vous, l'intégralité de cet article ! Mine de rien, le père Hubert occupait une grande place de la première page de notre journal aujourd'hui !
Thiéfaine a livré en personne et gratuitement le processus de création de sa poésie aux 1ères de la Malgrange.
Les Fleurs du mal de Baudelaire plongeraient leur racine dans le même terreau que « Les Fleurs sauvages » d'Hubert-Félix Thiéfaine. C'est en gros la théorie que Jean-Marc André développe face au soleil, devant l'entrée principale du lycée de La Malgrange, à Jarville, en attendant le chanteur franc-comtois, un poil en retard. Après Lavilliers, HFT a accepté « gracieusement », sans tambour ni trompettes, de parler de ses textes à ses premières.
Baudelaire, Verlaine, Thiéfaine, même combat, vraiment ? « Leurs écrits semblent hermétiques mais ils regorgent de références. Il faut des clefs pour y accéder. Comme eux, Thiéfaine est féru de littérature antique », explique le prof de français. Et ils ont en commun un « positionnement dans le monde qui ne leur convient pas », une « souffrance », ajoute-t-il quand son invité déboule dans le parc. HFT est descendu de sa montagne (le Jura) sur un cheval noir (un coupé sport). Et en compagnie d'un invité surprise : Lucas, son fils, « élève de première à Dijon ».
Le « songwriter » confirme d'emblée les propos de son hôte : il s'est toujours « senti mal » dans ces endroits, « même à la fac ». C'est comme ça qu'il a commencé à écrire, d'ailleurs. Bilan littéraire de sa scolarité : « 50 chansons et des pièces de théâtre sur des profs un peu délirants ». « A l'école, j'étais mauvais sauf en histoire ». ça lui a d'ailleurs valu un séjour à Verdun « encadré par des militaires ». « L'ossuaire de Douaumont m'a donné le goût du morbide », dit-il en riant aux éclats. Une digression inspirée par une madeleine de Commercy posée sur la table. Thiéfaine cède facilement « aux charges de son inconscient ».
Devant son jeune public sagement assis (son fils a foncé au fond de la classe), l'antistar pas très à l'aise hume l'odeur « de la craie et de l'éponge » en croisant les bras. C'est que les élèves devant lui ont bûché quelques-uns de ses textes, lu des articles de presse et se sont livrés à des « études comparatives ». Charlie croit voir dans son œuvre une filiation avec celle de Nerval. Elle y décèle des « références à l'Antiquité », des traces morbides, un parfum de nostalgie. Pas lui qui se définit comme un « nostalgique du futur ». Encore un de ces « oxymores » dont il raffole. Il préfère de loin la poésie à la prose, fusse-t-elle de Nerval. Au « Soleil noir » du poète romantique, il oppose la « lune noire », c'est-à-dire « Lilith qui symbolise la femme un peu perverse, la maîtresse idéale ».
HFT compare son processus de création à une longue marche périlleuse sur la crête d'une montagne. « A chaque pas, on peut tomber dans le vide, côté création ou côté folie ». Il lui arrive même de rêver ce qu'il écrit. Il s'endort d'ailleurs avec un carnet et un crayon posés sur le chevet. Le deuxième couplet des « Fastes de la solitude », il l'a rêvé ! « C'était le 25ème couplet de mon rêve. Je me suis dit c'est bien, il faut que je me réveille, que je prenne des notes ».
HFT ne croise plus ses bras et les élèves ont les yeux grands ouverts. Quand la sonnerie des vacances retentit, ils ne bougent pas d'un iota. Plus tard, il confiera que lui aussi aurait aimé voir un artiste débouler dans le lycée qui l'ennuyait à mourir. Lequel ? « Clo-Clo, quand j'étais en 5ème, Brian Jones ou Bob Dylan en 1ère ».
Saïd LABIDI
19:59 | Lien permanent | Commentaires (12)
Aloysius Bertrand
La pensée du jour : "Même quand nous dormons nous veillons l'un sur l'autre
Et cet amour plus lourd que le fruit mûr d'un lac
Sans rire et sans pleurer dure depuis toujours
Un jour après un jour une nuit après nous". Paul ELUARD
Le dernier album de Thiéfaine devrait pouvoir donner lieu à de nombreuses notes sur mon blog. J'aimerais, par exemple, parler des différents auteurs dont les mots parsèment le livret, ici ou là. En exergue de "Fièvre résurrectionnelle", on trouve des mots d'Aloysius Bertrand, ils m'ont d'ailleurs servi de pensée du jour dans la note précédente. En lisant ce nom d'Aloysius Bertrand, je me suis souvenue que j'avais déjà lu des textes de cet auteur dans mon Grand Livre de la Poésie française. Je vous proposerai bientôt un de ses poèmes en prose. Aujourd'hui, voici un petit résumé de sa vie !
Aloysius Bertrand (Louis Jacques Napoléon Bertrand) : poète français. Né à Céva (Piémont, Italie) le 20 avril 1807, mort à Paris le 29 avril 1841.
Fils d'un capitaine de gendarmerie, qui était lorrain, et d'une mère italienne, il fut à l'âge de sept ans ramené en France par ses parents qui allèrent s'établir à Dijon (1814). Ayant fait de fort bonnes études au collège de cette ville, il débuta dans les lettres en publiant quelques ballades dans un journal (Le Provincial). D'entrée de jeu, il montrait là qu'il avait au plus haut degré le sens de la prose française. Fort des encouragements qu'il recevait de son entourage, il voulut connaître Paris (1828), désertant ainsi, comme tant d'autres, sa province par ambition. Accueilli chaudement par la jeune école romantique, il aurait pu s'y fixer, car on s'offrait à l'aider. Mais il était trop soumis à son humeur vagabonde pour ne pas avoir l'envie de retourner à Dijon. Il s'y trouvait quand éclata la Révolution de Juillet (1830). Fou d'enthousiasme, il la servit avec sa plume dans la feuille Le Patriote de la Côte-d'Or. Revenu à Paris en 1832, il devait y composer la plupart de ces morceaux qui tendaient à la création, comme il disait, « d'un genre de prose tout nouveau ». En dépit de la pénurie dans laquelle il se trouvait, il en retardait constamment la publication en volume, tant il avait le goût de la perfection. Etant, par surcroît, soutien de famille, il gagne sa vie alors comme correcteur d'imprimerie, collabore à de petits journaux, se livre aux plus basses besognes et se voit réduit, en fin de compte, à tous les expédients. Pris de la poitrine, il dut entrer à l'hôpital de la Pitié (1838). Il n'en sortit un peu plus tard que pour entrer à l'hôpital Necker où il mourut. Ce n'est qu'après sa mort, et par les soins de ses amis Sainte-Beuve et David d'Angers, que parut le recueil de ses poèmes en prose : Gaspard de la nuit, fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot (1842). Grâce à ce pur chef-d'œuvre, Aloysius Bertrand s'est, en quelque sorte, fait montreur de terre promise : tout le poème en prose de Baudelaire à Mallarmé.
10:27 | Lien permanent | Commentaires (2)