25/04/2011
Supplément d'impressions à propos de "Suppléments de mensonge"
La pensée du jour : "Après tout, écrire n'est rien d'autre que s'avouer malheureux". Louis CALAFERTE
Cela commence par une petite ritournelle, j'aurais envie de dire « une petite ritournelle toute bête ». Une ritournelle que certains d'entre vous, d'ailleurs, trouvent bête tout court. Ce n'est pas mon cas. J'adore « La ruelle des morts ». J'aime cette évocation de l'enfance insouciante qui se balade en sautillant dans la ruelle des morts, y déterrant joyeusement « casques et fémurs », y goûtant « le vert paradis des amours enfantines ». J'aime, tout autant que je le redoute, le moment où, dans la chanson, on bascule dans quelque chose qui n'est plus de la légèreté, mais bien plutôt son contraire : la lourdeur d'un clocher, la gravité de l'âge adulte qui, cette fois, claudique dans la ruelle des morts, y ramassant des deuils à la pelle.
« Que ne demeurent les printemps
à l'heure des sorties de l'école ? »
Le temps passe et ne revient plus...
Ailleurs, « le temps passe si lentement », trop lentement... C'est une angoisse, une terreur qui vous saisit à la gorge. Ce n'est pas l'heure bleue, c'est l'heure noire, celle qui enveloppe de ses brumes épaisses « l'aube du jour suivant », l'heure de l'insomnie brûlante. L'insomnie, cette indigestion de l'âme, se plaît à dire Thiéfaine. « Suppléments de mensonge » est un album qui sait parler à ceux dont l'âme n'a pas digéré un truc, peut-être tout simplement « l'inconvénient d'être né ». Mais aussi : à ceux qui n'ont pas digéré leur âme charbonneuse, noire comme suie, engluée dans la fange d'une torture quotidienne... « Suppléments de mensonge » sait parler à ceux qui subissent les assauts et les troubles de leur double, que ce soit un double pervers qui joue dans un groupe de rock, un « double ivre et blasphémateur », ou encore un double qui vous fouette quotidiennement de son intranquillité, de sa capacité infinie à toujours « broyer l'horizon », de son incapacité à trouver le repos...
« Supplément de mensonges », ce sont aussi des réminiscences de rêves. « Infinitives voiles » : hier, en écoutant cette chanson pour la millième fois, j'ai eu l'impression de me trouver sur un bateau qui tanguait sur les flots. C'est un morceau dont le mouvement rappelle celui de l'eau. Une eau plutôt tranquille. Mais une eau qui n'en demeure pas moins glacée... On ne sait pas si l'on atteindra le rivage, on sait aussi que si on l'atteint, ce ne sera pas sans perte et sans fracas... Le combat est décrit comme désespéré, et pourtant, ce combat, l'artiste semble bien décidé à le livrer. Un jour, je vous ferai part des réflexions que m'inspire la chanson « Infinitives voiles ». Je n'ai plus l'âge de faire des commentaires composés, je crois même que je leur préfère à présent les commentaires décomposés et déstructurés ! Ce sera donc un truc à ma façon, sans chichis !
Je vous trouve bien discrets en ce moment. Le compteur du blog m'indique des chiffres vertigineux, mais le silence a pris possession des lieux, les commentaires restent parcimonieux. Dommage...
Ce soir, j'ai vraiment fait une note sans queue ni tête. Une note pour le plaisir. Enfin, pas tout à fait : une note pour me vider un peu, une note pour faire s'écouler un « excès de bile noire »... Une fois tout cela jeté sur la table, je peux repartir un peu, cahin-caha, mais repartir quand même, et ce n'est déjà pas si mal.
Ce soir, j'ai parlé essentiellement des morceaux de « Suppléments de mensonge » qui me remuent lorsque la tristesse prend le dessus. Mais je n'en oublie pas pour autant les chansons plus apaisées et apaisantes, je n'oublie pas que « Suppléments de mensonge » n'est pas teinté uniquement de bile noire, je sais qu'il peut aussi vous emplir la bouche d'un « goût de folie mauve » et revêtir la couleur d'une attente sereine. C'est un album qui ne manque pas d'humour non plus, entre cette « vamp orchidoclaste » déjantée qui semble n'avoir été mise au monde que pour le faire suer, et cet accent qui sent le Saint Laurent...
Beaucoup de figures féminines dans ces « Suppléments de mensonge », beaucoup d'évocations de couleurs (le bleu, le mauve, le noir, l'argent). « Trois poèmes pour Annabel Lee », par la puissance des images employées, me rappelle la somptueuse poésie des « Fastes de la solitude » (qui, à bien y réfléchir, est à mes yeux le texte le plus merveilleusement abouti de Thiéfaine. Cela n'engage que moi, bien sûr. Ce vertigineux défilé de mots me touche parce que j'associe des images -presque des photos- très précises à « la féérie marbrée des crépuscules forains », à « l'ivresse glacée d'un ciel de neige », aux « banquises phosphorescentes », etc.).
C'est peut-être bien la troisième note que je consacre à l'album « Suppléments de mensonge ». Il faut dire qu'à chaque écoute, j'ai envie de pondre un billet pour le Cabaret !! Envie d'écrire quelque chose sur ce quelque chose qui crie en moi à chaque écoute. « Suppléments de mensonge » est peut-être bien l'opus le plus puissant de Thiéfaine. On en ressort complètement groggy. Moi, en tout cas !
21:48 | Lien permanent | Commentaires (11)
Commentaires
Note que tu ressens sans queue ni tête, Katell, mais qui dévoile toute ta sensibilité... Je te souhaite, non pas de repartir un peu, mais d'aller droit devant toi, là où ton destin te mène!
Écrit par : Monsieur Müller | 25/04/2011
.../...
Écrit par : Le Doc. | 25/04/2011
mais si on est là, on t'aime et on t'attend à l'ombre de nos rêves...
Écrit par : Arnaud | 26/04/2011
Merci pour ces commentaires. Un petit clin d'oeil amical, un mot gentil, et ça repart ! Parfois, je me sens découragée, je voudrais pouvoir lâcher ce blog, mais c'est comme une espèce de drogue, je pense très souvent aux différentes notes que je pourrais mettre dessus. Et quand les visiteurs sont silencieux, je me demande ce qui se passe dans leur tête, s'ils sont mécontents, indifférents, que sais-je encore !
Écrit par : Katell | 26/04/2011
Pour ma part , ni mécontente ni indifférente , juste surbookée et ne sachant quoi écrire ... bises et longue vie à ton blog !
Écrit par : Loreleï2 | 27/04/2011
je trouve que ton blog est très bien, je viens le regarder fréquemment, c'est un bon blog, merci pour tes articles et tes poésies, il n'y a pas de mécontentement, seulement une vie qui va à 100 à l'heure et pas forcément beaucoup de temps pour soi.
Écrit par : sylvie | 27/04/2011
, Hubert dit qu'il écrit pour lui et en ne pensant pas à son public !... alors ?...
Écrit par : Le Doc. | 27/04/2011
Coucou, ça faisait un moment que je n'étais pas passée, la ruelle des morts, j'aime beaucoup... beaucoup, beaucoup...
Dans le précédent, il y avait "When Maurice went Alice". Passation de l'enfance de ses parents à la sienne propre...
J'aime beaucoup cette part de lui, qu'on porte tous, chacun à notre façon...
Et j'espère bien qu'il écrit pour lui, tels sont les véritables artistes...
Écrit par : Brenda Mortadelle | 28/04/2011
Je rejoins Lorelei2 et Sylvie,... vie de merde à 100 à l'heure....
Mais surtout continues, we need it!
biz
Écrit par : Ditch | 28/04/2011
Cit. de Brenda Mortadelle :
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" Et j'espère bien qu'il écrit pour lui, tels sont les véritables artistes .. "
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1) merci pour cette perche que tu tends et qui me permet de souligner que " tout un chacun travaille au maintient de son homéostasie ", c'est le message que je voulais passer à Cath et je savais que la ' perche ' n'allait pas tarder.
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2) il n'y pas de véritables artistes car en reprenant le commentaire de Ditch, je le cite : " vie de merde à 100 à l'heure .. " chacun est l'artiste de sa vie !... , le reste n'est que statut !...
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3) je ne souhaite pas jouer les iconoclates mais j'ai cotôyé Hubert pendant 13 ans nous évoluons dans des fosses différentes, en concert la sienne est simplement surélevée, mais je ne suis point septique sur la destination qui nous est commune : " nous irons tous voir l'océan qui se trouve au bout " !...
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, et ne pas croire que l'herbe est forcemment plus verte ailleurs ..
Écrit par : Le Doc. | 28/04/2011
Bonjour cath,
personnellement je me suis senti un peu désagréable de compagnie ces derniers temps alors je suis éclipsé un peu.
Sans pour autant déserter complètement bien sur.
Il y a aussi le temps qui passe très vite, comme pour d'autres, et les déplacements pros, etc etc.
En plus, étant un diléttante de la littérature...que dire sur des auteurs que je ne connais pas encore.
Merci d'être là toutefois.
à Doc,
tout a fait d'accord, notre vie est une oeuvre d'art, chacun son style.
Écrit par : hervé | 29/04/2011
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