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25/10/2013

A peine croyable...

A peine croyable, et pourtant il semblerait bien que ce soit vrai : HFT se produira sur la scène du Galaxie d'Amnéville, en compagnie d'autres artistes, le samedi 21 décembre 2013 !!!

Suivez le lien et cliquez sur "POP ROCK PARTY 7" :

http://www.le-galaxie.fr/

 

 

 

21/08/2013

Le dico des mots qui n'existent pas et Les Lisières

La pensée du jour : "On écrit pour exprimer ce dont on ne peut pas parler, pour libérer tout ce qui, en nous, était empêché, claquemuré, prisonnier d'une invisible geôle". Jérôme GARCIN

 

Cela fait un joli bail que je n'ai pas écrit ici ! Pas de compte rendu de concert à vous livrer, pas d'inspiration, de souffle nouveau me permettant de coucher sur le papier quelques réflexions sur telle ou telle chanson d'Hubert. Le vide sidéral. Que je choisis de remplir aujourd'hui en citant deux lectures que j'ai faites dernièrement et dans lesquelles il est question de Thiéfaine. Voici :

Tout d'abord, dans le Dico des mots qui n'existent pas, on trouve "orchidoclaste" et ceci :

adjectif ou substantif - emmerdeur.

Néologisme savant formé à partir du grec orkhis ("testicule"), comme dans "orchidée", et du suffixe -claste, comme dans "iconoclaste", également d'origine grecque, orchidoclaste n'est jamais qu'une manière de dire casse-couilles plus élégante que brise-burnes. Il a été notamment popularisé par une chanson d'Hubert-Félix Thiéfaine, qui a toujours bien aimé utiliser des mots bizarres dans ses chansons.

 

On trouve également le nom de Thiéfaine dans Les Lisières, le dernier roman d'Olivier Adam :

"Je l'avais aussi connu à quinze ans branché du matin au soir sur Radio Libertaire, lisant Charlie Hebdo et L'Humanité, écoutant Jacques Higelin, Bernard Lavilliers et Hubert-Félix Thiéfaine, lisant les poètes russes et la Beat generation".

29/04/2013

Beau repaire

La pensée du jour : "Pourquoi les amants

Après s'être tant aimés avant

Oublient juste

Après

Tout le bien qu'ils se sont fait". Jacques HIGELIN

 

 

Voilà un album qui célèbre avec joie et entrain le « retour des beaux jours », la fulgurance de certaines rencontres, en gare d'Angoul-aime ou d'ailleurs. L'or et l'étincelle de la première fois, la magie du premier regard entre deux êtres que la vie, ingénieusement, met soudain sur le même chemin. Et c'est un instant de grâce, dont on aimerait qu'il « reste pour toujours gravé dans la mémoire des histoires d'amour ». Cela s'appelle « Pour une fois », et c'est sans doute ma chouchoute chanson de cet album-cadeau. Higelin nous offre à nouveau ce qu'il a de plus noble et de plus doux dans les entrailles. C'est un opus qui porte le nom de « beau repaire », et l'on se dit que le mot aurait tout aussi bien pu s'écrire « repère », tant ces douze chansons nous orientent, nous indiquent la voie à suivre dans les ténèbres. Higelin nous emmène faire un tour du côté de « la joie de vivre, sur le chemin qui vibre, ivre, sous les pas ».

Voici donc douze petits joyaux dans leur écrin de dentelle. Ici, c'est un duo mi-vache mi-tendre avec la merveilleuse Sandrine Bonnaire, là c'est un hommage à la non moins merveilleuse Barbara. Que demande le peuple ? On retrouve Higelin le grand, le majestueux, mais l'avait-on jamais perdu ? Voilà un homme qui, comme Thiéfaine, m'accompagne depuis de nombreuses années. Thiéfaine le sombre, le profondément, viscéralement mélancolique, Higelin le tendre, le foncièrement optimiste.

Et ce « beau repaire » n'échappe pas à la règle : il déborde de tendresse, parfois blessée, parfois blessante, aimante toujours. Le mot « amour » vient se poser délicatement dans presque toutes les chansons. On croirait entendre le malicieux Higelin nous dire, comme lors de certains concerts : « Aimez-vous, il n'y a que ça de vrai » ! On tient là un chef-d'œuvre qui nous ferait presque jubiler d'être là, d'être en vie. Avec ce « beau repaire », ce beau repas, que dis-je, ce fabuleux festin, on se prend douze belles dans la peau. C'est encore et toujours l'amour qui fait vibrer notre grand Jacques. On partirait bien faire le tour du monde avec lui, juste pour le plaisir de chanter la vie, quoi, le bordel !

Découvrir cet album, ce fut un instant de grâce, et l'instant s'est prolongé magiquement, me portant chaque jour de ce mois d'avril. On voudrait que cela ne s'éteigne jamais. « Et que cet instant reste pour toujours gravé dans la mémoire des histoires d'amour »...

17/03/2013

Alexis HK à L'Autre Canal hier soir

 

La pensée du jour : « Où que j'aille souvent

J'entends battre le cœur

De ceux qui m'ont aimé

Et sont partis ailleurs

De ceux qui m'ont donné

Les belles années de mon enfance ». Alexis HK

 

Il y a quelques mois, j'avais voulu consacrer, sur ce blog, une note à quelqu'un que j'ai réellement découvert grâce au fabuleux Pont des artistes : il s'agissait d'Alexis HK. Je ne dirai jamais assez quelles découvertes je dois à cette grande dame qu'est Isabelle Dhordain ! Les dernières en date : Salomé Leclerc, Lisa Leblanc et Kent, que je connaissais de nom bien sûr, mais dont j'ignorais qu'il adorait Berlin et mettait même de l'allemand dans ses chansons ! Je vais d'ailleurs me procurer son dernier album dans les meilleurs délais !

Mais pour l'heure, Alexis HK, donc... Déjà, depuis longtemps, ma fille aînée, du haut de ses petits huit ans, sait chanter à tue-tête La maison Ronchonchon ! D'une traite et sans un accroc ! Je connaissais également Les affranchis, mais je n'étais pas allée plus loin (honte à moi).

Et puis il y a eu cette claque monumentale dans ma voiture, un samedi soir de septembre 2012. Alexis passait au Pont des artistes. Une révélation pour moi. La semaine suivante, je fonçais acheter l'album Le dernier présent. Je l'ai énormément écouté durant l'automne, saison qui lui va comme un gant...

« Que pourrais-je bien te raconter

Pour rassurer tes yeux

Ombrageux ? » C'est sur ces mots que s'ouvre Le dernier présent. Consacrer la première chanson de l'album à une possible fin du monde, quelle audace ! A quoi bon écrire et composer encore si le ciel doit s'abattre sur nos têtes un certain 21 décembre ?! A quoi bon les neuf autres chansons de l'album alors ? C'est un cadeau, un dernier magnifique présent qu'Alexis HK, dans sa grâce immense, vient déposer à nos pieds. Tout l'album est une série de joyaux : Fils de et son phrasé presque rap, César, tout en finesse, en émotion, et qui n'est pas sans rappeler Le grand chêne de Brassens, Je reviendrai qui me touche profondément à un moment de ma vie où moi aussi je reviens me lover dans les racines et les souvenirs, Son poète dont je retiens particulièrement ces mots sublimes : « avant que la mort ne nous taise ». Et cette Princesse de papier dont, sans vergogne, on déballe la vie dans Voici, dans Gala. Charité populaire aussi, où un homme de « culture populaire » s'en va, bon prince, courir la gueuse des beaux quartiers pour lui apprendre les bonnes manières. Une noble pas loin d'être ignoble, tout comme ce type dont il est question deux chansons plus loin (Ignoble noble, j'adore : un texte suranné sur lequel s'abat d'un coup, sublime anachronisme, le mot « cougars » !!) On peut apprendre regorge de drôleries. Entre autres : « On peut apprendre à un taxi

A devenir aimable

Je ne dis pas que c'est facile

Je dis que c'est faisable », tout cela sur un air de banjo enjoué et entraînant.

La dernière chanson s'intitule La fin de l'empire, et j'en connais d'autres, des fins d'empire, et pas des moindres... Ici, il s'agit, si j'ai bien tout pigé et si j'ai bien tout lu Freud, de la fin de l'empire des sens. Après une nuit « pleine de grâce », le voyage sensuel s'achève au petit matin, tout le monde regagne ses pénates et la fin de ses illusions. J'adore encore !

Audacieux, surprenant, riche et généreux, donc, Le dernier présent. Tout comme cette entrée en scène d'Alexis HK hier soir, à L'Autre Canal (Nancy). Ce sont d'abord les musiciens qui se sont installés un à un sur la scène pour un premier morceau instrumental, le chanteur de cette belle équipe n'arrivant qu'après. Il est comme ça, Alexis : il sait rendre hommage à ceux qui l'accompagnent, et cela n'exclut pas les taquineries en tous genres : « Vous aurez sans doute remarqué que la moyenne d'âge du groupe n'est pas de 24 ans. On est obligé de se trimbaler dans un véhicule médicalisé parce que la route, ça nous fatigue ». « 13 heures, c'est l'heure de la Suze, ensuite on a le Scrabble ». Ah la Suze, parlons-en ! Dans le public, un joyeux luron osera la blague « Suze-moi », et Alexis dira, avec son air de ne pas y toucher, qu'on a trouvé le relou de service et qu'il en faut un, c'est la règle. Tout au long de la soirée, on aura senti une grande complicité entre cet Alexis plein d'espiègleries bon enfant, jetées comme ça, toujours l'air de rien, et un public attentif, réceptif et réactif. Je suis sortie de là, comment vous dire ? Scotchée. Avec l'envie de remercier le monde de n'avoir pas pris fin le 21 décembre 2012 !!!

 

PS : Désolée, je n'ai pas mentionné ci-dessus la belle performance dont Alex Toucourt nous a gratifiés hier en première partie d'Alexis HK. Une première partie qui seyait à ravir à ce qui allait suivre. Humour, tendresse, textes chiadés, tout cela ouvrait royalement la voie à une soirée d'une beauté infinie. Merci à vous, les deux Alex, et au plaisir.

09/03/2013

Room in New York

La pensée du jour : "Le destin, avec ce côté vache qui le caractérise". Romain GARY

 

Je continue la série d'articles sur les tableaux d'Edward Hopper. Cette fois, c'est Alice Ferney qui laisse parler son imagination en regardant le tableau Room in New York :

 

Une chambre à New York

 

Et voilà ! Il s'est installé ! Le journal, son cul dans le fauteuil, un sourire, et il lira les nouvelles pendant que je prépare son dîner, léger s'il te plaît. Quel ennui ! Quelle tristesse ! Pourquoi les hommes finissent-ils dans cette routine égoïste ? Dieu qu'ils sont insupportables avec leurs chemises blanches, leur gilet et leur cravate, et cet air important qu'ils promènent partout et qu'ils assoient encore le soir en face de leur femme ! Ils sont gonflés de leur importance : ils connaissent, ils commandent, ils font le marché, ils ont des clients, des fournisseurs, des secrétaires ! Tout leur est dû de la part des femmes, et que donnent-ils en échange ? Ils disparaissent dans l'édition du soir ! En seront-ils plus intelligents pour autant ? Pensez-vous ! Même si physiquement ils prennent soin d'eux-mêmes, ils oublient de sentir, d'exprimer, ils sont anesthésiés par les poses qu'ils prennent. Ils sont intellectuellement amollis.

Elle pense : Je prodigue une affection sans bornes à une personne qui n'en vaut pas la peine ! Le silence lui pèse, comme ce train-train quotidien dont le journal est devenu le symbole. Dans cinq minutes, elle le lui arrachera des mains ! Voilà ce qu'elle fera. Et elle lui dira comme elle s'ennuie avec lui et se désespère qu'il manque à ce point d'attention pour elle, et de fantaisie pour eux. Leur beau couple, qui croyait que vivre à New York serait trépidant !

Cet après-midi, elle a rencontré un homme, il flânait derrière elle dans une galerie qui exposait Hopper. Fallait-il vraiment qu'elle fût malheureuse pour avoir osé s'adresser à un inconnu ! Un parfait inconnu qui s'intéressait aux mêmes choses qu'elle. Elle y pense en ouvrant un tiroir, visualise son intérieur, le fauteuil de cuir, la table ronde, ce confort douillet dans lequel se côtoient deux solitudes : on se croirait dans Une chambre à New York. Elle pense : Amusant.

Je m'ennuie avec toi, dit-elle.

A-t-il levé les yeux de l'article qui le captive tellement ? Non !

-On ne s'ennuie qu'à cause de soi-même...

Il se moque d'elle ! Tout est de sa faute à elle, pas vrai ?

J'ai quelque chose à te dire. Je ne sais pas trop par quel bout commencer. J'ai rencontré un homme, invente-t-elle.

Ah ! Voilà comment il faut s'y prendre pour obtenir toute son attention ! Maintenant, il écoute ! Elle rit : Ne me regarde pas avec ces grands yeux ! On dirait un de ces petits Boliviens pieds nus qui ont besoin de parents adoptifs !

Où a-t-elle entendu cette phrase ? Elle pense : Je perds la tête décidément.

Tu marches sur ton journal, remarque-t-elle.
Quelle importance, répond le haussement d'épaule.

Elle pense : Ah, le journal n'a d'importance que si la petite femme est à la cuisine, heureuse et soumise !

Je n'arrive pas à croire que tu as rencontré quelqu'un que tu préfères à moi, lance-t-il.

Tu as raison, ça n'est pas encore le cas, je voulais t'obliger à me regarder.

Tu es jolie dans cette robe, dit-il en ramassant le journal.

Que cache la paix domestique ?!

02/03/2013

Daniel Darc : une grande âme se taille...

"Je suis né en mai

C'est moi le printemps

D'un ventre épais

J'ai foutu le camp

Né scarifié

Né en pleurant

Né sacrifié

Né en passant". Daniel DARC

 

« Quand je mourrai, j'irai au paradis

C'est en enfer que j'ai passé ma vie

Quand je mourrai, j'irai au paradis

... J'ai gâché ma vie ». Daniel DARC

 

Depuis quelques années, une voix fluette nous envoyait régulièrement des messages d'outre-tombe, des cris de détresse comme autant de cartes postales du fond de l'asile. Daniel Darc, toujours sur le fil du rasoir, les doigts dans la prise, à deux doigts de se taillader les veines. Une âme délicate vient de nous quitter. Il était de ceux qui, dès le départ, l'ont avalée de travers, cette âme qui pèse comme une enclume et dont la taille immense ne fait aucun doute... « Sans le punk et l'écriture, je serais forcément mort ou en prison, parce que rien d'autre ne m'intéresse. Il n'y a qu'avec ça que j'arrive à me débarrasser un peu de tout ce qui me fait chier », disait Daniel Darc. Le punk, l'écriture, les drogues. Un cocktail explosif pour échapper à la pesanteur du monde, et qui l'en blâmerait ? Daniel était plus qu'un écorché vif, il se trimbalait la tripaille à l'air, les yeux dans le vague, en quête d'un absolu qui sans cesse se dérobait. Les tatouages comme une armure, pour masquer la fragilité.

C'est en 2004 que j'avais découvert Daniel Darc par hasard et pas rasé sur France Inter. Je n'avais pas tout de suite fait le lien avec Taxi Girl. J'avais été bouleversée par ce filet de voix, par ce petit quelque chose aussi qui rappelait Gainsbourg. J'avais foncé à la FNAC pour y acheter Crève Cœur. Depuis, je guettais les sorties d'album, les concerts. Je n'en aurai pas fait un seul, pas eu l'occasion, et merde.

Ce matin, je lisais un article sur l'exposition que le Musée des lettres et manuscrits va consacrer aux œuvres que Verlaine a écrites en prison. Jean-Pierre Guéno, commissaire de l'exposition, définit Verlaine comme un « encagé permament », « simultanément crucifié par la tentation de l'enfer et par celle de la grâce, éclairé par Dieu mais toujours sensible au Diable », et j'ai pensé que ces mots auraient très bien pu s'appliquer à Daniel Darc aussi, autre pauvre Lelian dans son genre. Qu'il aille donc rejoindre, l'âme légère comme une plume cette fois, les autres poètes maudits de sa noble espèce, les Verlaine-Rimbaud-Gainsbourg-Leprest et tant d'autres...

 

23/02/2013

Nighthawks, un tableau d'Edward Hopper

La pensée du jour : (...) "J'ai appris, depuis, que l'abîme n'a pas de fond, et que nous pouvons tous y battre des records de profondeur sans jamais épuiser les possibilités de cette intéressante institution". Romain GARY

Dans le numéro 3197 de L'Express, plusieurs écrivains ont laissé vagabonder leur imagination et leur plume en regardant tel ou tel tableau d'Hopper. J'ai bien l'intention de recopier leur prose ici dans les semaines qui viennent.

Voici pour aujourd'hui les lignes que Marc Dugain a écrites au sujet du tableau Nighthawks (voir ci-dessus) :

"Parfois la solitude vous pousse vers les autres, même si ce n'est pas votre nature. Ma femme m'a quitté il y a un an au prétexte qu'elle s'ennuyait avec moi. Je le savais depuis le début de notre mariage, qu'elle s'ennuierait un jour avec moi. Cela a pris plus longtemps que je ne le pensais. Ce qui nous liait, il faut bien le dire, c'était notre fils. Maintenant qu'il est porté disparu dans le Pacifique, elle est partie. Ma femme n'était pas très intelligente. J'imagine que, dans son esprit simple, elle a dû penser que partir lui ramènerait notre fils. Un genre de superstition si on peut dire. Elle ne me manque pas pour être tout à fait honnête.

Je travaille dans un cabinet de courtage en assurances sur la 57ème et Lexington. En hiver, quand le jour s'est fait la belle depuis un bon moment, je m'arrête là pour me jeter deux ou trois verres avant de rentrer me coucher sans dîner car, depuis que ma femme m'a quitté, je ne dîne plus. Je ne dors pas non plus parce que les deux ou trois verres que je prends ici me ramonent l'œsophage une bonne partie de la nuit. Mon médecin m'a dit d'arrêter de boire et de fumer. « Et pourquoi pas arrêter de vivre ? » je lui ai répondu. Vous dire que la rousse ne me fait pas un peu d'effet, ce serait mentir. On ne peut pas dire qu'elle soit belle, mais quelque chose émane d'elle aussitôt tempéré par le sentiment qu'elle doit être compliquée. J'ai eu une maîtresse qui lui ressemblait. Elle se débarrassait vite fait de votre attrait pour son corps et ensuite elle parlait à n'en plus finir de tout ce qui la préoccupait, quand on sait qu'elle entretenait ses soucis comme un jardin anglais. A la fin, j'en ai eu marre de faire l'amour avec elle une fois de temps en temps et de devoir supporter en échange ses longues plaintes sur le monde. A mon avis, le type qui est à côté d'elle en est là. Ils ne se touchent pas la main, car le désir est passé, et maintenant il doit se coller la mélancolie de la belle.

Je suis bien heureux d'être seul, au fond. A les voir ainsi, on peut s'imaginer plein de choses excitantes sur leur compte, mais moi, je sais que ce genre d'histoires finit toujours de la même façon. On sombre dans l'ennui, voilà la vérité. Il n'a pas l'air drôle, lui non plus. Je l'étais plus que cela à une certaine époque, je veux dire quand je trompais ma femme avant qu'elle me quitte, si pour sûr, j'étais plus drôle que cela. Elle a au moins une qualité, cette femme, elle parle doucement. Mais elle est persuadée de l'importance de sa petite vie, je vous le dis d'expérience. Quand ces deux-là seront partis, je quitterai le bar. Pourquoi ? Je ne sais pas. Peut-être pour ne pas me retrouver tout seul avec le barman qui ne dit jamais rien et qui regarde à travers la grande baie vitrée comme s'il voyait la mer. Si au moins il voyait mon fils dans cette mer... S'il revient, je lui parlerai, pas de doute, cette fois, je lui parlerai."

 

 

13/02/2013

Jane Birkin à La Passerelle hier soir

La pensée du jour : "On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné". Romain GARY

 

La dernière fois que j'ai vu ma mère chez elle et bien vivante, c'était en novembre 2008. Elle écoutait L'anamour de Gainsbourg. C'est moi qui lui avais fait découvrir cet artiste et elle l'avait tout de suite aimé. Plus encore, elle aimait Jane Birkin. Il y a 15 ou 16 ans, je crois, nous étions allées la voir en concert. Nous étions au premier rang, et je me souviens très bien que Birkin était très émue ce jour-là : sa propre mère était dans la salle. En le disant, Jane nous avait regardées, ma mère et moi, et elle nous avait fait un clin d'œil. Car le lien qui nous unissait était évident. Encore aujourd'hui, on me dit régulièrement que je suis le portrait tout craché de ma maman...

En mai 2009, ma mère devait fêter ses 61 ans et j'avais depuis longtemps une petite idée pour son cadeau d'anniversaire : un concert de Jane que j'avais repéré. Sauf que le destin devait bouleverser mes plans. En décembre 2008, ma mère tombait subitement malade. En février 2009, elle n'était plus là. Je me souviens avoir beaucoup hésité pour le concert de Birkin en mai : devais-je y aller ou non ? J'ai suivi mon instinct, j'y suis allée. La première chanson de ce magnifique spectacle ? L'anamour...

Hier, Birkin était en concert à La Passerelle de Florange. C'était un triste anniversaire : le 12 février 2009, on enterrait ma mère... Je savais que voir Jane hier allait me coller quelques uppercuts, mais j'y suis allée quand même. Il le fallait.

21 heures et des poussières. La frêle silhouette de Jane s'avance sur la scène et nous envoie le Requiem pour un con. Quelle audace de commencer par cette chanson ! Et c'est tout un feu d'artifice qui nous entraîne dans un vertige lumineux ! Je redécouvre des mélodies et des mots qui ont bercé ma jeunesse, des chansons que ma mère aimait particulièrement. Birkin souligne l'ingéniosité des mots de Gainsbourg et les fait revivre, leur donnant un autre relief encore, celui d'une tendresse mature, mais jamais usée :

« Les amours perdues ne se retrouvent plus

Et les amants délaissés peuvent toujours chercher ».

 

« Le temps ne peut-il s'arrêter

Au feu de nos passions ?

Il les consume sans pitié

Et c'est sans rémission ».

 

Pour cette tournée, Jane s'est entourée de musiciens japonais hors pair. Le show est émaillé d'audaces multiples et variées : dans Comic Strip, c'est la violoniste qui prête sa voix aiguë aux délicieuses onomatopées inventées par Gainsbourg. Et que dire des instruments majestueux (piano, trompette,  batterie et violon) qui habillent élégamment les compositions du grand maître ? Pendant qu'elle chante Mon amour baiser, Jane n'hésite pas à monter dans le public, souriant aux uns et aux autres de toute sa gentillesse. Allant jusqu'à faire se lever une rangée entière pour pouvoir passer de l'autre côté des sièges ! Que de générosité dans les gestes de Jane ! Le public désobéit à la consigne « pas de photos dans la salle », mais Jane s'en fout et se laisse photographier sans faire d'histoires ! Jamais de pose ni de caprices chez cette femme, elle est heureuse comme ça, sans chichis, et s'abandonne tout entière et en toute simplicité aux élans de son grand cœur.

Elle nous remercie pour notre curiosité, elle nous remercie d'être venus (« alors que vous avez déjà assez d'ennuis comme ça » !!), elle apprécie que nous nous soyons déplacés malgré le froid glacial et la neige. Elle nous trouve comme nous sommes depuis toujours : aguerris au froid, mais le cœur chaud comme un brasier !

Il faut se quitter et c'est un drame. Malgré le rythme sautillant et les mots souriants de La gadoue, je me sens «  le cœur sous perfusion ». Ce concert qui se meurt, c'est ma mère qui s'enfonce toujours plus loin, à pas feutrés, dans le désert, c'est un bout de ce qu'elle fut qui m'abandonne encore, et je planque comme je peux les torrents de larmes qui font rage sur mon visage... Je repars chancelante jusqu'à ma voiture et je me dis que les plus beaux mots de la littérature française, c'est sans conteste à Romain Gary qu'on les doit : « Avec l'amour maternel, la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais ».