12/05/2015
Silence radio
La pensée du jour : "Mort l'enfant qui vivait en moi
qui voyait en ce monde-là
un jardin, une rivière
et des hommes plutôt frères". Renaud SECHAN
À plusieurs reprises, j’ai dit ici la profondeur de mon attachement à Renaud. Le chanteur aux cheveux jaunes, c’est toute ma jeunesse ou presque, et bien plus encore.
Tout commence dans les années 80. Mon frère, adolescent, vient de découvrir ce chanteur, il cite à tout bout de champ des paroles de ses chansons. Dans la voiture, sur les longs trajets, mon père tolère que les cassettes du frangin tournent en boucle. Parfois, elles sont tellement passées et repassées dans les divers lecteurs de la maison qu’elles présentent des signes de faiblesse, presque d’agonie. Cela les rend encore plus précieuses à nos yeux. Je dis bien à nos yeux. Car, ça y est, moi aussi j’ai le virus. J’essaie de comprendre, d’analyser, mais, décidément, certains passages me semblent bien abscons. C’est quoi, cette histoire de poissons qui baisent dans la mer et la rendent dégueulasse ? Je n’y pige rien ! Qu’à cela ne tienne, je suis sous le charme de ce gavroche au cœur tendre qui crie tantôt sa révolte, tantôt son amour pour sa gonzesse ou sa fille. Cet attachement-là, qui prend ses racines dans le pays mordoré de l’enfance, ne me lâchera plus. Durant toute mon adolescence, j’attendrai avec une impatience fébrile la sortie des albums de Renaud, je guetterai ses passages à la télé, je le citerai à tout propos. Dans ma chambre de jeune fille, un poster immense de mon artiste préféré recouvre tout un pan de mur. Quand j’écoute Petite, je pense prétentieusement que cette chanson s’adresse avant tout à moi. Après tout, n’ai-je pas moi aussi une petite main jaune au revers du zonblou ?! Comme tout ado qui se respecte, j’ai mes convictions et défends toutes griffes dehors mes grandes causes ! Touche pas à mon pote. Leur succès c’est le vôtre (ça, c‘est de Coluche, à propos des Restos du cœur, j‘ai collé ces quelques mots sur une bouteille d‘Oil of Olaz qui trône sur mon bureau, allez savoir pourquoi ! L‘adolescence a ses raisons que la raison ne connaît pas). J’écris des poèmes, je me sens profondément artiste et proche des sensibilités extrêmes. D’ailleurs, le premier texte que je griffonne à l’époque s’inspire largement de Où c’est qu’j’ai mis mon flingue ? Il évoque mon premier grand chagrin d’amour. Je peux dire que c’est Renaud qui m’a menée à l’écriture.
Plus tard, toujours je surveillerai de plus ou moins loin la carrière du chanteur énervant. Toujours, je le défendrai ardemment quand on me dira que Renaud c’est mort, il est récupéré. Toujours je penserai que cet homme-là a simplement évolué. Après tout, on ne peut pas rester le même toute une vie durant. D’ailleurs, je ne crois pas que Renaud ait totalement viré de bord. Je pense que ses blessures sont restées les mêmes. Que nous dit-il quand il déclare avec tristesse : « J’ai du mal avec la vie » ? Il nous dit que la nostalgie est une gangrène qui vous cloue parfois jusqu’à la moelle, que l’enfance est un âge d’or qui revient systématiquement le hanter. Il nous dit que la coupe est pleine, que face à tout ce qui le fatigue, il n’a probablement plus que le silence à opposer. Peut-être n’avons-nous pas su déceler la fragilité qui a toujours fait de lui un être vacillant ? Pourtant, la balafre était là depuis longtemps dans son œuvre. Depuis de longues années, Renaud nous dit qu’il va mal, qu’après l’enfance c’est quasiment fini et que ce constat est le plus amer de tous ceux que l’on fait au cours de sa vie.
Le voilà donc en retrait, assis sur un banc pour on ne sait combien de temps. Immobile. Contemplant ses contemporains, c’est dire s’il contemple rien. De ce spectacle qui très certainement l’afflige encore, il ne parvient plus à tirer une seule ligne. Il nous faut respecter son silence, même s’il nous fait mal, même si nous appelons de nos vœux une résurrection. Et, comme le disait Didier Varrod en conclusion du très bel hommage qu’il a rendu à Renaud dans un reportage diffusé hier soir sur France 3, il nous faut écouter et réécouter encore les chansons de ce titi parisien. En attendant le moment de grâce où, qui sait, quelque chose sera peut-être de taille à le bousculer et à lui arracher de ces mots percutants dont il a le secret. Je veux y croire. Tout comme ma petite Louise, sept ans, et fan absolue de monsieur Séchan !
16:04 | Lien permanent | Commentaires (8)
Commentaires
D'avance, je réclame votre indulgence, je sais que cette note dégouline de sensiblerie et de guimauve, mais il faut dire que je suis bouleversée par le reportage vu hier. Renaud me manque tellement...
Écrit par : Katell | 12/05/2015
Beaucoup de souvenir avec toi. Des pages et des pages que l'on s'écrivait, avec sa suffa comme ci... et d'autres phrases à Renaud...
Écrit par : Aurélia | 12/05/2015
Eh oui ! Tout un pan de nos vies !
Écrit par : Katell | 12/05/2015
Félicitations Cath pour tes lignes très bien écrites, et aussi à France 3 pour ce superbe documentaire, les larmes sont sorties prendre l'air par 2 fois hier soir.... A moi et à tant d'autres, "La Chetron Sauvage" nous manque tellement...
Écrit par : FRED06 | 12/05/2015
Un reportage magnifique, comme je l'ai dit par ailleurs. Renaud nous manque à tous. Il a su fédérer les générations (mes élèves de 3ème l'écoutent!), il est cité dans les manuels scolaires, il est parvenu à susciter l'engouement dans toutes les classes sociales, son maître Brassens le trouvait doué, il a su distiller coups de gueule et tendresse débordante dans ses textes, non content déjà d'y insuffler des tombereaux de jeux de mots, d'expressions, tous plus hilarants (de la Baltique) les uns que les autres. Sa sensibilité nous a fait fondre, ses combats nous ont fait réagir. Il est cruel pour nous, fans depuis tant d'années, de savoir qu'il se fait quelques "Sorgen" à l'Isle-sur-la-Sorgue. Si seulement nous pouvions l'aider... Un retour sur le devant de la scène semble improbable, bien sûr, j'espère simplement et sincèrement qu'il retrouve très vite le bonheur.
Écrit par : monsieur müller | 12/05/2015
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Écrit par : Le Doc. | 12/05/2015
Bonjour,
Très belle note à la hauteur de la tendresse et de l'admiration que je porte à Renaud.Dans mon Panthéon des Artistes incontournables qui m'aidaient à vivre il y avait Thiéfaine,Manset Couture,Lavilliers et bien sur Renaud.
Quelqu'un a écrit qu'une des missions de l'Art devait etre de procurer des compagnons aux "infirmes" de l' humanité,aux dingues et aux paumés par exemple...Et effectivement Renaud a longtemps été ce grand frére que je n'ai jamais eu ,sorte de guide plein de bienveillance mais jaloux aussi de cette verve moqueuse qui culminait en insolence jubilatoire...
Souvent et comme qui vous savez,l'ironie représentait le seul moyen à sa disposition pour tenir à distance une austérité qui aurait sabordé son statut de trublion à trop flirter avec les affres d'un artiste engagé donneur de leçon...et justement par rapport à ces écueils qu'Est-ce que j'aurai été ravi d'entendre Renaud et Thiéfaine discuter de leur position respective...Thiefaine-Renaud convergents,divergents je pense qu'ils offrent 2 tendances différentes mais complémentaires d'aborder l'engagement...Renaud me semble plus dans le collectif,Thiéfaine dans l'individuel mais les 2 assument leur contradiction,leur paradoxe,leur humour (peut-être le seul manquement à l'œuvre de Damien Saez, ma derniére rencontre Artistique la plus marquante) et c'est là aussi que leur humanité s'universalise et que j'y vois ,du moins à titre personnel,une profonde complicité...le cœur mis à nu,toujours quitte à s'exposer et à dévoiler une part de son intimité,pas facile et rarement salutaire; mais comme dirait Léonard Cohen "c'est par les fissures qu'entrent la Lumiére...
Mes amitiés à tous ...
Écrit par : alfana | 13/05/2015
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Écrit par : Le Doc. | 13/05/2015
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