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10/10/2023

Géographie du vide : deux ans, déjà...

"Ma course fut une poursuite errante de quelque chose dont l'art me donnait la soif, mais dont la vie ne pouvait m'offrir l'apaisement". Romain GARY. 

Il y a un peu plus de deux ans, nous découvrions Géographie du vide. Voilà un album qui devait faire du bruit dans Landerneau et pas que dans Landerneau, petite cité bretonne qui, d'ailleurs, n'a rien demandé à personne. Géographie du vide sema un peu, voire beaucoup de stupéfaction dans la communauté thiéfainienne. Très vite, il y eut les pro-Géographie du vide, et puis les autres. Au départ, je me situais entre les deux, ne sachant pas trop me décider. Quelques écoutes, cependant, suffirent à faire de moi une défenseuse acharnée de cet album ! Aujourd'hui encore, je persiste et je signe. Deux ans de recul m'ont permis d'y voir plus clair. Toujours, je salue l'audace qui se dégage de toutes les chansons. Musiques inattendues et ruptures tout aussi inattendues dans ces musiques (je pense à L'idiot qu'on a toujours été ou encore à Nuits blanches, où régulièrement on passe d'une ambiance musicale à une autre).

L'ensemble s'ouvre, de manière un peu culottée déjà, sur Du soleil dans ma rue. Le genre de morceau qui te déconcerte et fait que tu ne sais plus sur quel pied danser. Ou sur quel pied ne pas danser, plutôt. On pourrait se croire dans un tube estival : le titre semble le promettre, en tout cas. Écoute attentivement la chanson, pour voir ! Et tu comprendras vite que ce soleil dans la rue d'Hubert, c'est avant tout une galère. Évidemment que cette histoire-là ne pouvait devenir une chanson à succès passant sur les radios. « La première meuf que j'ai connue m'a expulsé à quatre du mat' dans une maternité perdue qui fabriquait des automates » (comme un écho à « J'y suis né d'une vidange de carter séminal dans le garage intime d'une fleur sentimentale ») : on imagine mal ce tableau se déverser sur les ondes... La chanson en question divisa elle aussi la communauté thiéfainienne : était-ce du lard ou du cochon ? De l'art, voyons ! Art de l'ironie, art de la facétie. Passez donc au rayon farces et attrapes pour y voir les promos du jour ! Une chose est sûre : ce n'était pas de l'amour. « Faisons semblant d'être amoureux », voilà qui en dit long sur un sentiment qui n'a pas lieu. On voudrait bien, mais on ne peut point, quoi. Donc ce n'est pas une douce romance qui s'offre à nous, mais plutôt un catalogue trash. Bon, en même temps c'est HFT, n'est-ce pas ? Celui-là même qui nous dit ailleurs « pas prendre pour un courrier du cœur les pulsions des glandes endocrines »...

Et l'album poursuit son petit bonhomme de chemin, nous promenant d'une atmosphère à une autre. Nous secouant parfois. Preuve, cette Prière pour Ba'al Azabab. Une prière inversée, quoi. Si, comme moi, vous avez fait bien sagement votre catéchisme il y a quelques décennies, vous vous souvenez du poids dont chaque péché était censé affliger notre conscience. Actes de contrition à gogo, etc. Et « délivrez-nous du mal », surtout. Ici, tout le contraire. De toute façon, la prière s'adresse au « seigneur fou des bacchanales » et non à un quelconque seigneur sage des abstinences : la messe (noire, s'entend) est dite !

J'aime toutes les chansons de Géographie du vide. Cet album m'accompagne depuis deux ans et j'y reviens très régulièrement. Je frissonne toujours autant en écoutant Combien de jours encore, Reykjavik, Page noire, Nuits blanches ou Vers la folie. Et il me tarde de réentendre Combien de jours encore, Eux et Nuits blanches en concert. Plus que quelques dodos et j'y serai !

Bref, Géographie du vide ou de l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace ! Finalement, entre le Thiéfaine des années 1980 qui envoyait 113ème cigarette sans dormir chez Anne Sinclair et le Thiéfaine d'aujourd'hui, il n'y a pas grande différence !

01/10/2023

Suis la flèche, dis-moi ce que tu vois !

"Il est bien des choses qui ne paraissent impossibles que tant qu'on ne les a pas tentées". André GIDE

 

Suis la flèche (https://www.thiefaine.com/), dis-moi ce que tu vois ! Je vois, je vois … un paquet de dates qui se sont ajoutées à celles qui avaient déjà été annoncées. C'est à vous rendre chèvres les calendriers qui auraient aimé signer un pacte avec la sagesse ! Les agendas ne savent plus où donner de la tête. Il y a du Replugged dans l'air, c'est moi qui vous le dis ! Et ce premier octobre me le rappelle avec entrain : dans 17 jours, ce sera le NJP. Thiéfaine y sera. Moi aussi. Normalement, si tout va bien. Je mets des p'tites pincettes, je prends mes précautions, des fois qu'un fâcheux événement viendrait inopinément se mettre en travers de ma route, comme ce fut le cas en novembre 2022. J'vous jure, je marche sur des œufs depuis... Toujours à craindre une chute de tuiles, un accroc dans le tissu, un nouveau dérèglement de tous les sangs (pas très rimbaldien, le truc, mais passons). J'ai cette drôle d'épée au-dessus de la tête, qui a pour nom Damoclès (Dame Oclès, dirait Mathias Malzieu) et qui, « parfois, dans les lueurs des nuits blanches et hostiles », se rappelle tristement à mon souvenir. Tombera, tombera pas ? Plus qu'à attendre le prochain épisode pour le savoir.

Bref... Le NJP, il y a quelques mois encore, je ne savais même pas si j'allais pouvoir y aller. J'avais décidé de prendre mon billet au tout dernier moment. Or, un matin de juin, je reçois un SMS d'une amie qui me demande si ce concert m'intéresse. Mille fois oui, comme on sait. Et voilà que ladite amie m'annonce qu'elle m'offre la place ! Pour moi, fini le questionnement métaphysique sans fin : « J'y vais, j'y vais pas ? Si je prends le billet trop tôt, ne vais-je pas me porter la scoumoune ? Si je ne le prends pas à temps, ne vais-je pas m'en mordre affreusement les doigts par la suite, si le site du NJP vient à afficher complet pour le concert en question ? ». Oui, chez moi, la métaphysique rejoint presque toujours le thiéfainien ! Et inversement !

Donc, j'ai un billet pour le NJP (merci Annabelle). Le concert d'Hubert débutera à 23 heures et j'ai un peu la trouille de ne plus tenir solidement dans mes godasses à cette heure-là. Je me couche tellement tôt la plupart du temps... Vous seriez effarés de connaître l'heure qui me voit rejoindre les bras de Morphée ! Je croise les doigts pour que ce 18 octobre soit un jour avec et non un jour sans. Et que je ne vacille pas avant l'arrivée de mon Bébert sur scène.

Dans l'autre poche de mon jean, j'ai également un billet pour le concert du 24 novembre aux Fuseaux (Saint-Dizier). Oui ! Celui-là, ce n'est pas sans émotion que je me le suis procuré dernièrement. Cette peur qui occupe toute ma tripaille désormais, dès que je m'approche de tout projet. Projet veut dire attention, risque de ne pas se faire. Ah, purée, cette maladie, c'était pas un truc pour moi ! J'avais déjà tendance à me méfier bougrement de la vie, mais alors là, mais alors là ! Enfin, quand même, tout doucement, je sors la tête de l'eau et je me projette. Pas très loin non plus, hein... Un mois, deux mois, c'est bien. Après, cela dépasse mes compétences. Fin novembre, je dois faire un bilan sanguin. J'ai décidé de le faire après le concert de Saint-Dizier. Comme ça, si mauvaise surprise il devait y avoir, elle ne viendrait pas ternir la soirée du 24, nananère !

Et, depuis plusieurs jours (depuis que j'ai eu le Doc au téléphone, en fait, car c'est lui qui m'a suggéré l'idée), me taraude une nouvelle question métaphysique (et donc thiéfainienne) : est-ce que le concert de Troyes (25 octobre) ne serait pas jouable ? Je serai en vacances depuis quelques jours et, avec un peu de chance, reposée, les traits moins tirés, la tronche moins décalquée. Je ne sais pas, j'hésite. Je me dis que dans mon jean, il y a encore deux poches à l'arrière et que je pourrais donc aisément y glisser un troisième billet. Histoire de me venger de l'automne 2022 qui ne fut rien qu'un sombre embrouillamini de « diesels encrassés » et de pieds de nez envoyés gratis dans ma face par un sort on ne peut plus coquin, on ne peut plus mesquin.

Oui, Troyes, cela pourrait être pas mal, franchement. Toutes les conditions sont réunies, n'est-ce pas ? Seulement, je voulais aussi profiter des vacances pour aller en Allemagne, pays dont je n'ai plus foulé durablement le sol depuis un petit moment... L'arithmétique me dit que combiner HFT + Allemagne est hautement dangereux pour mes finances ! La métaphysique me dit qu'on ne vit qu'une fois et que plaie d'argent n'est pas mortelle !!! Bon, une chose est sûre : dès aujourd'hui, je regarde s'il reste des places pour le concert de Troyes et des chambres d'hôtel dans la ville !!!

03/09/2023

Itinéraire d'un naufragé : un ouvrage à paraître le 13 octobre. NJP : un concert de Thiéfaine à venir !

"Espérons. Nous n'avons pas le choix". Simone DE BEAUVOIR

Vous avez vu comme cet automne va être chouette ? Célébrons tout d'abord la parution, le 13 octobre, d'un livre regroupant les textes des chansons de Thiéfaine, le tout étant précédé d'un entretien exclusif. Vous me direz peut-être : « Mais on connaît toutes les paroles par cœur, pas besoin d'un recueil ! ». Vraiment, connaissons-nous toutes les paroles par cœur ? En ce qui me concerne, j'avoue que je sèche souvent sur les passages un peu ardus. Jamais réussi, par exemple, à retenir dans quel ordre passent les tramways dans La vierge au dodge 51 ! Et ce n'est pas mon unique lacune. Il y en a un paquet. Elles se sont d'ailleurs multipliées au fil des années, ma mémoire se faisant de moins en moins performante, de plus en plus poussive...

Sans oublier les grossières erreurs dont je me suis rendue coupable : paroles comprises de traviole et jamais vérifiées dans le livret accompagnant les CD. Ainsi, pendant longtemps, le futur a sniffé Narcisse à rebours, le plantant sur un long tréteau ! N'importe quoi ! Il y a de nombreuses années, j'avais demandé aux lecteurs de ce blog de me faire la liste de leurs grossières erreurs à eux, au cas où ils se seraient rendus coupables eux aussi, et cela avait donné lieu à quelques cocasseries ! Je me souviens de « Demain, tu verras tous ces petits alchimistes pulvérisés, incontinents ». Le reste, j'ai oublié. Il faudrait que je cherche.

Bref, tout ça pour dire que ce recueil à paraître ne sera pas de trop. Je me vois déjà le feuilleter passionnément, le soir, à la chandelle !

Quelques jours après la parution de ce livre, il y aura pour moi un événement énormissime : un concert de Thiéfaine ! Enfin, si tout va bien. Si la vie ne me plante pas sur un long tréteau juste avant. Si le destin ne se rend coupable d'aucune traîtrise à mon égard. Après ce que je viens de vivre, je prends des pincettes avec les projets. Je les regarde un peu bizarrement, un brin de défiance dans les yeux. Ok, il est convenu que, mais il se peut que non... Vous me direz, c'est comme ça pour tout le monde, en fait, chacun des sept milliards d'humains pouvant être tué quarante mille fois. Le tourbillon de la vie veut que nous fassions régulièrement abstraction des innombrables épées de Damoclès qui menacent de s'abattre sur nous. C'est assez volontiers, n'est-ce pas, quon oublie qu'à tout moment, on peut claquer la tête coincée dans un strapontin... Comme disait ma mère, il vaut mieux ne pas penser à tout ce qui pourrait nous tomber sur le coin du nez, sinon on ne vivrait plus.

Mais trêve de pessimisme : normalement, donc, le 13 octobre, le bel Itinéraire d'un naufragé atterrira dans mes pénates. Normalement, donc, le 18 octobre, j'assisterai à mon premier concert d'après la maladie !

17/07/2023

Jane Birkin : une douceur infinie quitte ce monde...

Un dimanche après-midi d'avril ou de mai. C'était peut-être bien en 1997. À Sarreguemines, ça j'en suis sûre. Exactement là où j'avais vu Thiéfaine pour la première fois, deux ans auparavant. Sous le même soleil, exactement. Ma mère et moi étions assises au premier rang, tout près de la scène, tout près de Jane et de sa bonne chaleur. Elle avait planté un crayon dans sa chevelure pour y stabiliser un chignon un tantinet capricieux. Elle portait un jean et un tee-shirt blanc. Il n'y avait qu'elle pour être d'une classe indiscutable dans cette tenue ultra simple. 
À un moment donné, elle avait demandé si on pouvait allumer la salle. Elle voulait voir nos visages. Et là il s'était passé un truc que je n'ai jamais oublié : elle nous avait repérées, ma mère et moi. Elle avait tout de suite saisi quel lien nous unissait (en même temps, ce n'était pas très ardu : je suis le portrait de ma mère tout craché !). Elle nous avait fait un clin d'œil en disant : "Moi aussi je suis venue avec ma mère aujourd'hui". 
Douze ans plus tard, ma mère devait mourir dans des circonstances dramatiques. Jane resta un lien incassable entre elle et moi. En mai 2009, ma mère aurait eu 61 ans. J'avais décidé de l'emmener voir Jane sur scène pour son anniversaire. Sauf que la mort en décida autrement, et c'est seule que je me rendis au concert. Cela devint un rituel par la suite. Surveiller chaque tournée et faire une date, une date symbolique, comme pour m'accrocher à un reste de cordon ombilical. Grande émotion à chaque fois, surtout quand Jane chantait Fuir le bonheur de peur qu'il ne se sauve, L'anamour ou Quoi, trois titres que ma mère aimait particulièrement. 
La dernière fois que j'ai vu Jane, c'était en 2022 à Neuves-Maisons. Ce fut bel et bien la dernière fois...
En s'en allant, Jane prive le monde d'une douceur infinie, qui va nous manquer. Elle emporte également quelque chose de ma mère, mais je ne saurais dire quoi au juste...

11/07/2023

Festivals

La saison des festivals a commencé. Ce sera sans moi, mais je n'ai pas dit mon dernier mot ! En octobre, Thiéfaine sera au NJP (Nancy Jazz Pulsations) et j'en serai, normalement, si tout va bien. 

En attendant, je me renseigne sur les concerts d'été. Ainsi, j'ai appris qu'à Saint-Denis-de-Gastine (Mayenne), au festival Au foin de la rue, il n'y avait pas eu La fille du coupeur de joints. Je me demande à quoi ça ressemble, un concert sans cette chanson culte, mais pourquoi pas ? Si vous avez vécu ça, racontez-nous ! Je suppose que cette absence ne sera pas propre au Foin de la rue et qu'elle sera la marque de fabrique un peu inattendue de tous les festivals à venir. Vous nous direz si vous savez ?

Autre élément marquant : à Saint-Denis-de-Gastine, il y a eu une version signée (= en langue des signes) de Cabaret Sainte-Lilith. Cela donne quelque chose de surprenant, voire d'hilarant (une vidéo envoyée par une de mes amies montre clairement les fous rires en coulisses sur certains passages, notamment quand il est question d'une "bonne branlette" !). Mais voyez vous-mêmes et réagissez dans les commentaires si le cœur vous en dit :

https://www.youtube.com/watch?v=VX2n4K0WrV8

Si jamais vous assistez à un festival, ici ou là, n'hésitez pas à nous faire un petit compte rendu ! Passez un bel été !

 

13/05/2023

Fièvre résurrectionnelle

"La vie est deuil. Un putain d'interminable deuil". François CAVANNA

 

1992. Il y a ce chanteur qui entre dans ma vie par la grande porte. Ou plutôt par un ascenseur. Peut-être bien celui de 22h43, allez savoir. En tout cas, c'est par une nuit déjà froide de septembre qu'il se pointe. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, il va déboulonner quelques-unes de mes certitudes. Je croyais que Gainsbourg et moi ou encore Renaud et moi, c'était indépassable, eh bien non ! Soudain, il n'y a plus que ce drôle de type. Qui vient rejoindre, dans la somme de mes éblouissements, les Baudelaire, les Rimbaud, les Verlaine. Pas piqué des vers, le monsieur, c'est le cas de le dire. Très vite, l'adolescente que je suis encore flaire qu'elle tient là un durable motif d'exaltation ! De là à penser que l'exaltation durera toute sa vie, il n'y a qu'un pas … que j'ai largement franchi depuis. Combien de fois m'est-il arrivé de retrouver d'anciennes connaissances, d'anciens collègues qui m'ont dit : « À chaque fois que j'entends parler de Thiéfaine, je pense à toi ». Immense fierté d'être systématiquement associée à lui. Trop la classe, franchement, sans vouloir me vanter (ce que je fais pourtant).

Alors oui, j'ai dix-neuf ans en 1992 et je me prends une décharge électrique en plein cœur. De celles qui, presque, justifieraient l'inconvénient d'être né(e). Ou même, allez je prends le risque, le justifient. Bien sûr que si rien ni personne ne m'avait tirée du néant, aucune conscience ne m'aurait jamais effleurée. Thiéfaine ou pas, ça n'aurait rien changé à la face de mon monde qui, précisément, n'aurait pas existé. Mais puisque deux êtres, disparus aujourd'hui, jugèrent un jour utile d'appeler à la vie un autre enfant après le premier, eh bien autant que mon inconvénient d'être née soit tout de même un peu fleuri par endroits. Sincèrement, si l'œuvre de Thiéfaine ne m'avait pas percutée de plein fouet, il aurait manqué une sacrée dimension à mon existence. Je crois qu'elle aurait été un peu fadasse de temps en temps. Thiéfaine, encore maintenant en pleine maladie, c'est celui qui réveille ma sensibilité. Sortie de l'hôpital, la démarche farouche, le pas incertain et le regard un peu hébété, j'avais l'impression que plus rien ne pouvait me secouer réellement. Il y a même eu un moment où m'est venu le dégoût des livres. Oui ! J'en avais trop lu dans ma chambre stérile. Je n'en pouvais plus de ces compagnons d'infortune. J'étais certes bien contente de les avoir fréquentés dans mon univers aseptisé, mais justement : par la suite, et pendant de longues semaines, ils étaient condamnés, les pauvrets, à me rappeler sans cesse le cauchemar vécu et pas encore tout à fait surmonté. Bon, ça s'est arrangé au fil du temps et je lis de nouveau avec grand plaisir. La musique dans tout ça ? Je n'en ai pas beaucoup écouté à mon retour de l'hôpital. Il y avait comme une césure dans ma vie, un truc difficile à expliquer. Comme l'impression de flotter à la surface des choses. De ne pas pouvoir en pénétrer l'intime substance. C'est que je me battais pour ma survie, tout un programme ! Et puis, un jour, en voiture (cela faisait déjà un bout de temps que j'étais sortie de l'hosto), une de mes filles proposa qu'on écoute Thiéfaine. Oui, j'ai des filles qui proposent ça régulièrement. Trop la classe, franchement, sans vouloir me vanter (ce que je fais pourtant). Et là, sur Mathématiques souterraines, je devins fontaine. Bien sûr que cette chanson avait encore le pouvoir de me disjoncter ! Plus tard, ce fut La dèche, le twist et le reste. Souvenirs en pagaille d'un amour vécu au sortir de l'adolescence, dans une profonde détresse. Dans la dèche, le twist et le reste, quoi. Encore un peu plus tard (choix opéré par ma fille Clara), Je t'en remets au vent. Souvenirs en pagaille de ma mère qui aimait tellement cette chanson qu'elle l'avait enregistrée plusieurs fois de suite sur la même cassette afin de pouvoir l'écouter en boucle. Eh oui, je viens d'un monde obsolète... Ensuite La ruelle des morts. Fontaine, de nouveau je bois de ton eau. Celle de mes larmes. C'est vrai que les deuils se ramassent à la pelle comme des cons. C'est vrai que la nostalgie est toujours ce qu'elle était : un machin qui te démonte les tripes.

Alors voilà. Je ressuscitai. Par la grâce de quatre chansons. Dans la voiture, ce jour-là, je me dis que je n'étais pas encore tout à fait morte cérébralement. Ouf.

N'empêche que, quand même, à l'approche de la cinquantaine (il y a encore un an, je redoutais les cinquante ans, maintenant je me dis que ce serait pas mal de les avoir), je me sens autorisée à féliciter l'adolescente un peu paumée que je fus et qui sentit, sans pouvoir encore le formuler concrètement, que Thiéfaine et elle, c'était pour la vie ! À l'époque, je ne savais pas qu'un jour il écrirait Des adieux, Exercice de simple provocation avec 33 fois le mot coupable, Annihilation, En remontant le fleuve, Page noire, et j'en passe, mais quelque chose, en moi, a dû espérer fortement la naissance de ces chefs-d'œuvre. Quelque chose, en moi, a dû savoir que le poète (car c'en est un, on ne m'enlèvera pas cette conviction) ne me décevrait pas. Encore une fois, je ne suis que gratitude. Je sais, je sais, ça paraît exagéré, et même un peu dingue. Mais je m'en moque. Je répète : encore une fois, je ne suis que gratitude. Parce que celui qui, dernièrement, m'a ramenée à l'émotion artistique que je croyais perdue, c'est encore lui, Hubert-Félix Thiéfaine !

14/04/2023

Thiéfaine sera au Zénith de Paris ce soir !

"On dirait que les projets de joie sont un défi. Trop longuement préparés, ils laissent le temps à la destinée de changer les œufs dans le nid, et ce sont des chagrins qu'il nous faudra couver". Georges RODENBACH

 

Ce soir, Thiéfaine et ses incroyables musiciens se produiront au Zénith de Paris. Vous serez quelques veinard(e)s à assister à ce concert. Moi j'peux pas, j'ai leucémie. Et folle amertume et profonde tristesse. Normalement, tout était en place pour que je puisse en être : en week-end à midi, mes filles aussi (enfin l'aînée pas tout à fait, mais on aurait arrangé ça, cela fait bien longtemps que je suis passée experte dans l'art de faire de la place pour Hubert !). On aurait pu être au Zénith, puis passer quelques jours à Paris, grâce aux vacances scolaires qui commençaient. Ben non, ce ne sera pas comme ça. « On ne fait pas toujours ce qu'on veut dans la vie », disent parfois les parents aux enfants pour leur inculquer la frustration.

De la frustration, j'en ai à revendre depuis cinq mois. Tu en veux une pelletée ? Largement jouable ! Tu en veux un paquebot ? Jouable aussi.

Je ne m'appartiens plus, j'appartiens au corps médical. « Vous reprendez bien un petit ECG, et puis une prise du sang, et même un myélogramme ». Obligée de m'exécuter sur-le-champ et sans broncher, moi qui déteste qu'on m'indique ce que j'ai à faire.

Il paraît que si tout va bien, je serai sortie de ce cauchemar à cent têtes à la fin du mois de juillet. Peut-être que je pourrai me faire le festival de Courlans, dans le Jura, qui sait ? Je prendrai mon billet au dernier moment. La maladie m'aura appris à regarder tout projet avec un brin de méfiance désabusée. Et donc à éviter de planifier des mois à l'avance. En cela, je serai désormais toujours raccord avec les mots de Georges Rodenbach cités ci-dessus !

Si, il y a quelques années, on m'avait dit qu'un jour une maladie me clouerait en une espèce de confinement à moi toute seule, j'aurais peut-être frimé et affirmé : « Sûr que j'en profiterai pour écrire ». Oui, ben non. Ça ne se passe pas comme ça. J'ai bien pensé à peaufiner plusieurs récits dans lesquels je m'étais lancée avant la maladie. Parmi ces écrits, il y en avait un sur ma rencontre avec l'œuvre d'Hubert. Mais je n'ai que des velléités de faire et je ne fais pas. Parce que la fatigue, parce que l'angoisse qui prend le dessus, parce que « je n'ai pas la frite », et pas la peine de repasser me voir demain, ladies and gentlemen, car je serai dans le même état, entre somnolence et sidération, ou entre désespoir et colère, je ne sais pas encore.

Comme en février, je vous demanderai de bien vouloir me faire rêver un peu : inondez ce billet de commentaires racontant dans les grandes largeurs vos impressions sur le concert au Zénith !

19/03/2023

En trois mots comme en cent : beau, pur, efficace !

"Tu voudrais qu'il y ait des ascenseurs au fond des précipices". Hubert-Félix THIÉFAINE

 

Masque FFP2 sur le nez et la bouche. « Lunettes noires, pyjama rayé ». C'est que ce soir-là, je sortais exceptionnellement de la quatrième dimension qui me retient prisonnière depuis novembre 2022. C'est un pays étrange, où les ascenseurs au fond des précipices sont denrée rare. Un pays qui te met l'esprit dans un brouillard épais, un pays où il ne fait pas bon vivre. Je ne peux supporter d'y être enchaînée qu'au regard de ce qui est censé m'attendre d'ici quelques mois : du mieux... Je croise les doigts.

Donc, le 10 mars, je suis tout de même sortie de ma tanière. Ce soir-là, j'avais rendez-vous à Amnéville avec Hubert et sa fine équipe. J'avais deux billets (un pour ma fille Clara et un pour moi) depuis très longtemps. Si longtemps que je ne saurais dire quand. Deux billets achetés à une époque où je pouvais faire allègrement des projets sans trop penser au risque qu'ils ne se réalisent pas. Maintenant, c'est une autre histoire. Mais laissons ça de côté.

Donc, masque FFP2 sur le nez et la bouche. Dans la voiture, avant le concert, des larmes. Je suis sur le point de rebrousser chemin. Voir Thiéfaine dans des conditions pareilles, franchement, est-ce bien raisonnable et bien utile ? Je suis fatiguée, comme tous les soirs. Non, pas fatiguée : décalquée. Complètement à l'ouest de mes pompes. Effet de l'arsenic qui m'est injecté dans les veines cinq jours sur sept pendant les cures. « Arsenic is good for you » : oui et non... Bref... Ma fille me console, me dit que si, je peux aller à ce concert, que ça va me faire du bien. Alors j'y vais, oui. En sachant que la soirée sera à la fois sacrée et étrange. Sacrée parce que pied de nez à la maladie, moment hors du temps et de mes emmerdes. Étrange parce que jamais concert ne fut plus nimbé de tristesse. Mais on y va.

Par tout un jeu de solidarité qui s'est embrasé à mon insu avant le concert, mes places dans la fosse se sont transformées en places carré or. Ma fille et moi sommes presque isolées. C'est ce qu'il faut à ma putain de maladie qui exige des traitements de faveur en pagaille...

Nous y voilà.

Je passe sur la première partie. Paul Pavillon m'a l'air bien sympathique, son univers aussi, mais je ne parviens pas à y entrer. Je sais d'avance que même celui d'HFT me sera un peu étranger ce soir, alors ce n'est pas pour réussir une immersion dans celui d'un inconnu.

Passons donc sans plus attendre à la partie qui nous intéresse. La scène est aménagée de façon étonnante. Les musiciens haut perchés. Au propre comme au figuré. Les premières notes de Droïde song retentissent, la voix d'Hubert se fait entendre, mais lui se fait attendre. C'est déroutant tout en étant délicieux. Ah, cette attente d'une face cachée qui va finir par se dévoiler, comme elle est succulente !

Les morceaux s'enchaînent de manière résolument rock'n'roll. Je retrouve des émotions qui remontent à loin, très loin dans la jeunesse. Cabaret Sainte-Lilith, Mathématiques souterraines, Bipède à station verticale, Sweet Amanite Phalloïde Queen, Alligators 427, Groupie 89 turbo 6, Redescente climatisée, Diogène série 87, Soleil cherche futur, Whiskeuses images again. Et d'autres encore, qui secouent en moi les fibres premières, me ramènent à l'origine de ma passion. C'est beau, pur, efficace. J'aurais juste aimé entendre Maalox Texas Blues. Les chansons absentes ont toujours tort, mais bon... Qui sait, peut-être que, sur une autre tournée ? Je veux y croire !

Les arrangements sont malicieux, audacieux, judicieux. Alligators 427 vous explose à la tronche façon carnaval inattendu. Au début, on se demande bien de quoi il s'agit. Là aussi : beau, pur, efficace. Du grand art.

Vous explose à la tronche également : Combien de jours encore, dans un autre registre et pour des raisons différentes. La question est tranchante et flippante. Combien de jours encore ? Mais des flopées, c'est tout ce qu'on espère, pour que la fête dure longuement, parce qu'elle est de celles qui vous font sentir vivants jusqu'à la moelle (c'est bien le cas de le dire en ce qui me concerne, en cette période où ma moelle osseuse ne fait que des conneries).

Entre deux chansons, j'envoie ma fille dévaliser le merchandising. Je veux un mug, et puis même deux, je veux un sac, je veux un cendrier alors que je ne fume plus depuis vingt ans. Je veux qu'il me reste des souvenirs concrets de ce concert tellement spécial...

La voix d'Hubert comme un soleil dont les rayons ne perdraient jamais leur éclat : ferme, assurée, solide et belle. Les musiciens comme des magiciens venus d'un autre monde. Chacun apportant sa merveilleuse pierre à un édifice parfaitement ficelé.

Mathématiques souterraines revêt ce soir-là un sens particulier pour moi : cette chanson, je me la suis passée et repassée en boucle dans ma chambre stérile. La sophrologue de l'hôpital m'avait dit : « Trouvez-vous une sorte de mantra qui pourra vous aider en toutes circonstances ». Me vint illico à l'esprit cette histoire d'ascenseurs au fond des précipices. Ces machines bienfaisantes, combien de fois les ai-je implorées pour qu'elles me hissent très loin hors du trou où je venais de sombrer. La sophrologue est formidable : elle connaissait Thiéfaine, mais pas Mathématiques souterraines. Elle revint un jour en me disant : « J'ai écouté la chanson dont vous m'aviez parlé. Elle est très belle. Et incroyablement reliée à votre situation actuelle. Le coup de « j'ai mal aux globules », ça ne vous rappelle rien ? ». Ben si, tiens, la maladie qui a mis le bordel dans mes cellules. Je me suis gourée, erreur de programmation : je voulais atteindre un dérèglement de tous les sens à la manière d'Arthur Rimbaud (la prétentieuse que je suis) et je me suis payé un dérèglement de tous les sangs. Heureusement que quelque part, quelqu'un a laissé allumé, bébé, parce qu'en moi ce n'est vraiment que glaciales ténèbres...

Dès le début du concert, j'avais prévenu Clara : il faudrait partir avant la fin de La fille du coupeur de joints. Pour éviter le hall bondé (toujours ces traitements de faveur exigés par ma maladie). Alors, au moment où la foule s'embrasait encore un peu plus (certains ont trouvé le public d'Amnéville faiblard, je n'ai pas eu cette impression-là, bien au contraire) après les petits lapins logés dans les nuages, nous sommes parties. À regret, bien sûr, what else ?

Ce fut une soirée étrange, presque surréaliste. Comme un moment de science-fiction dans une vie qui, pour le moment, manque cruellement d'évasion. J'ai traversé le miroir, oublié un peu la quatrième dimension qui me retient prisonnière depuis novembre 2022. Par moments, mon esprit s'absentait de là et repensait aux barbares ennuis qui sévissent actuellement dans mon quotidien mais, globalement, la magie HFT a opéré et j'ai eu mes grandioses éclaircies entre deux averses. Ce fut beau, pur, efficace...