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31/12/2022

Après une insomnie...

"Vie, mince pellicule. C'est très possible de se laisser tomber. De devenir gâteux. D'abandonner. Plus difficile de se tenir à la seule énergie qui fait la station verticale". Georges PERROS

 

Après sept semaines passées à l'hôpital (dont quatre en chambre stérile), je suis de retour à la maison. Le reste du traitement va se faire en ambulatoire. Car je n'ai pas encore terrassé la bête qui sévit en moi et a rendu mon sang complètement dingue...

Ce qui m'a aidée à surmonter cette période difficile ? D'abord une équipe médicale absolument merveilleuse. Ensuite, mes essentielles : l'écriture, la lecture et la musique. J'ai beaucoup écouté les chansons de Thiéfaine et me suis aperçue avec stupéfaction qu'elles parlaient assez souvent de sang. Exemples : « Wo ist das Blut ? Ich habe Durst », « J'ai mal aux globules », « Bientôt je ne serai plus qu'une vieille tache d'hémoglobine », « L'instituteur qui nous coursait sa blouse tachée de sang ». Et peut-être que j'en oublie. Si d'autres passages de ce genre vous viennent : à votre bon cœur !

Malheureusement, avec ma maladie, il est presque certain que je ne pourrai pas assister à beaucoup de concerts de la prochaine tournée. Éventuellement après juin. Pas sûr à cent pour cent. Mes semblables sont devenus de potentiels dangers pour moi, mon système immunitaire étant tout en vrac. Le moindre microbe, aussi riquiqui soit-il, pourrait, en m'atteignant, se révéler maous costaud. Donc, prudence.

Que cela ne m'empêche cependant pas de rêver. Cette nuit, à la faveur d'une insomnie, je me suis amusée à faire une liste des chansons que j'aimerais vraiment entendre sur la tournée Replugged ! Je vous livre ça comme ça, sans respecter la chronologie !

Voilà :

-Maalox Texas Blues : alors celle-là, sur scène, je sens qu'elle pourrait déchirer ! Je l'aime pour sa musique, je l'aime pour « le vent joue de l'harmonica », somptueuse image on ne peut plus juste,

-Mathématiques souterraines : incroyable comme cette chanson m'accompagne. Dans la solitude de ma chambre d'hôpital, aux heures sombres, c'est elle qui venait me tendre ses « ascenseurs au fond des précipices » et me murmurer « ne lâche rien, laisse allumé »,

-Redescente climatisée,

-Whiskeuses images again,

-Nyctalopus airline,

-De l'art, de l'amour ou du cochon ?

-Villes natales et frenchitude,

-Portrait de femme en 1922,

-Roots & déroutes + croisement,

-En remontant le fleuve,

-Nuits blanches,

-L'idiot qu'on a toujours été,

-Combien de jours encore.

 

Bon, et puisque je ne pourrai pas profiter pleinement de cette tournée à venir, je propose un « jamais deux sans trois » : une troisième tournée qui serait comme la synthèse des deux précédentes. Genre Re-Unplugged. Ou Un-Replugged, au choix ! Parce que même si mon sang déconne, mes veines restent traversées par les chansons d'HFT et en redemandent encore, encore, encore !

15/11/2022

Chambre 52 et des poussières...

"La lutte d'un être vivant pour ne pas mourir le fait inévitablement souffrir". Jim HARRISON 

Ce matin, une furieuse envie d'écouter Thiéfaine, entre deux pages de Jim Harrison. Il est bon, voire indispensable, de se créer des compagnons d'infortune, n'est-ce pas ? Et je dois dire que vous aussi vous occupez cette place actuellement. Le moindre petit commentaire, style hiéroglyphe à la Doc (... /...), m'est embellie pulmonaire et plus encore. Je vous remercie, vous êtes ce que j'ai toujours imaginé : des êtres beaux et lumineux qui avez, de surcroît, la générosité et l'élégance de faire retomber en pluie, partout autour de vous, votre incandescence. 

Oui, donc, une furieuse envie d'écouter Thiéfaine en ces moments difficiles. Parce que ce serait quand même con que le sieur jurassien, m'accompagnant depuis trente ans, me lâche sur ce coup-là ! Plus que tout autre, il sait dire ce qui chez moi se heurte à un silence impuissant ! Qu'il soit remercié lui aussi, pour tout cela et bien plus encore !

Alors, ce matin, Animal en quarantaine, furieusement et à tue-tête. Si Hubert s'est souvent fait le chantre du nihilisme, il peut aussi (et ce n'est pas incompatible, si l'on en croit Camus et son "Il n'y a pas d'amour de vivre sans désespoir de vivre") se montrer résolument tourné vers la vie. Refusant de plonger du côté sombre, là où il n'y aurait que précipices sans ascenseurs. Faisant son possible pour ne pas croquer trop vite la "face cachée de la nuit". 

Il y a trente ans, je sentis tout cela dans les chansons de Thiéfaine : l'envie d'en découdre avec la vie et, parfois,  l'envie d'en finir avec la vie... Ça tombait bien : je nageais dans le même bordel, les mêmes eaux troubles troublantes !

Aujourd'hui, puisque mon heure est grave, mais pas encore venue j'espère, je voudrais chanter comme une malade, perf en main et Hubert dans les poumons : "Exigeons l'immortalité et refusons de retourner peu à peu vers la face cachée de la nuit". Ce serait un peu comme un "J'voudrais pas crever" façon Boris Vian, que ma fille Clara appelait, il y a bien longtemps, Brownie Viande ! Bref... Comme une rageuse envie de ne pas me viander trop vite !!!

 

04/11/2022

Des paillettes dans nos vies !

"Il faudrait bénir tous les moments où je n'ai pas peur". Brigitte FONTAINE

 

Laissez venir à moi ce joli novembre tout bourdonnant d'étincelles. Dieu sait pourtant si je déteste ce mois-là. C'est peut-être dû au sang partiellement breton qui coule dans mes veines. Mon père disait toujours que par chez lui, là-bas, en Bretagne, on affublait novembre et décembre d'un qualificatif de suie : c'étaient les mois noirs. Et, habituellement, je ne déroge pas à la tradition familiale qui veut que l'automne et l'hiver soient beurk, pas beaux du tout, grosse déprime suintante dont seul le printemps saura nous délivrer. Mais là, mais là... C'est un mois de novembre qui devrait avoir fière allure, sauf obstacles imprévus. Oui, oui, toujours compter avec une possible guigne fait partie de mes grands principes de précaution. Comme ça, quand aucun accident ne se met en travers de ma route, je biche quinze fois plus qu'une personne dotée d'un optimisme à toute épreuve : ouf, me dis-je, voilà quelques catastrophes évitées avec brio. Et quand un aléa ou plusieurs viennent paver la route, alors là vous me voyez presque triomphante, chantant partout : « Je le savais bien ». Ce n'est pas tous les jours facile de vivre en société quand on a un peu d'imagination, certes. Cela l'est encore moins quand on a beaucoup de pessimisme à revendre ! Combien ça vaut, le pessimisme à revendre, sur le marché actuel, flingué par l'inflation ? Je devrais peut-être essayer de me lancer dans le commerce ! En plus, ça débarrasserait la maison, que toutes ces sombres obsessions encombrent...

Mais non, stop aux alarmes qui retentissent sans raison alors que notre brave sœur Anne ne voit rien venir, hormis du bon. Car, en vérité, je vous le dis, ce mois de novembre sera thiéfainien à en faire exploser le calendrier de l'Avent ou … ne sera pas ! Tu vas voir comme je vais te fêter l'armistice la semaine prochaine, moi : à grand renfort de folie ! D'abord, il y aura Meisenthal. Oh, le nom mignon aux consonances délicieusement germaniques ! « Meise », en allemand, c'est la mésange. « Tal » (sans « h »), c'est la vallée. Donc, c'est dans la vallée aux mésanges que j'irai écouter mon bien-aimé Hubert le soir du 11 novembre. Tout le monde ne peut pas en dire autant ! Le lendemain, cap sur la Haute-Marne, ce sera Saint-Dizier ! Je me vois déjà clouée au lit le dimanche matin, en proie à une redescente sans freins et toute de cendres. Mais non, stop aux anticipations de pacotille qui ne riment à rien. En plus, même en cas de redescente un peu tragiquement mal négociée, il ne faudra pas oublier que dix jours plus tard, je serai enveloppée d'autres tendresses : celles que voudra bien me prodiguer le concert au Casino de Paris. Vous savez, celui auquel j'ai failli renoncer. Heureusement que la clairvoyance de ma fille Louise a su voir plus loin que le bout de mes appréhensions !

Oui, c'est un mois merveilleusement thiéfainien qui s'annonce. Il faudra bien ça pour boucler cette tournée Unplugged qui a mis tellement de paillettes dans nos vies, à la manière d'un Kévin qui ne serait pas un loser, mais un vrai mec distribuant à gogo des sachets de rêve. Surtout, pas de tristesse quand les lumières s'éteindront, même au Casino de Paris : quatre petits mois plus tard, en ce qui me concerne en tout cas, ce sera Replugged au Galaxie d'Amnéville. Je ne sais pas pour vous, mais moi j'aime bien quand Hubert nous gâte comme ça. La vie est alors ce qu'elle devrait toujours être : une pluie de confettis. Et de paillettes. T'as compris, Kévin ?!

Bientôt, je me mettrai à rêver aux titres que j'aimerais entendre sur la nouvelle tournée. Et je vous demanderai ce qu'il en est de votre côté. On pourra s'adonner les yeux ouverts à de splendides visions oniriques. Bref, on va encore bien s'éclater !

16/10/2022

"Et j'ai mis de côté Telemann et Mahler"...

"Dans les interstices de l'emploi du temps, loger de petites lumières". Paul DE ROUX

 

En août, j'ai passé une semaine à Hambourg. Ravie de découvrir enfin cette ville qui manquait à ma connaissance de l'Allemagne et dont Hubert a si souvent parlé dans ses chansons. J'ai adoré Hambourg. J'ai arpenté la cité hanséatique de long en large et l'ai quittée à regret. Elle offre un immense éventail de saveurs et d'ambiances diverses. Elle abrite tout un "quartier musical", appelé "Komponistenquartier". On trouve là un musée consacré à tous les musiciens qui ont marqué la ville d'une manière ou d'une autre. Parmi ces derniers, Telemann et Mahler, si c'est pas merveilleux ! J'ai rapporté de ce musée un certain nombre de trésors, notamment une petite note biographique au sujet de Telemann. Je viens de la traduire et vous la propose aujourd'hui. Au passage, signalons que Thiéfaine m'a une fois de plus ouvert des horizons : je ne connaissais pas bien Telemann et Mahler. Depuis la découverte de Page noire, je les écoute régulièrement. 

 

Georg Philipp Telemann (1681, Magdebourg-1767, Hambourg) : compositeur et musicien allemand baroque, multi-instrumentiste.

Son père, Heinrich Telemann, était diacre de l'église Zum Heiligen Geist. Sa mère, née Haltmeier, était la fille d'un ecclésiastique de Regensburg (Ratisbonne).

Le père de Telemann mourut en 1685. Dès lors, sa mère dut élever ses enfants seule. C'est à l'âge de dix ans que Telemann apprit le chant et le clavecin. À douze ans, il composa Sigismund, son premier opéra.

Sa mère ne voyait pas d'un bon œil les dispositions artistiques de son fils et tenta de les étouffer, notamment en l'envoyant dans une école de Zellerfeld (région du Harz). Ce faisant, elle espérait que la vie de son fils prendrait une autre direction. Mais, là-bas, il rencontra Caspar Calvoer, qui remarqua tout de suite son talent et lui dispensa des cours de musique. C'est ainsi que Telemann poursuivit ses activités de composition, écrivit des œuvres pour l'église et la ville et apprit de manière autodidacte plusieurs instruments.

En 1697, il partit pour Hildesheim, où il fréquenta le célèbre Gymnasium Andreanum. Toujours en autodidacte, il améliora sa connaissance de divers instruments (flûte traversière et flûte à bec, hautbois, violon, viole de Gambe, violone et trombone). Il se mit à composer de la musique pour son école et devint directeur musical du monastère Sankt Godehart.

En 1701, après avoir brillamment terminé ses études, il partit pour Leipzig. Répondant au souhait de sa mère, il s'inscrivit à la faculté de droit. Mais il abandonna très vite ses études juridiques au profit de la musique. Il composa alors des cantates pour l'église Saint-Thomas et devint directeur de l'opéra de la ville.

En 1704, il fut nommé maître de chapelle à la cour du comte Erdmann II de Promnitz à Sorau (aujourd'hui Zary en Pologne). Il y resta jusqu'en 1708. C'est là-bas qu'il découvrit la musique française (Lully et Campra), mais aussi les musiques folkloriques de Pologne et de Bohême, qui devaient inspirer nombre de ses compositions. À Sorau, il écrivit au moins 200 ouvertures et/ou suites.

En 1708 , il devint maître de chapelle à Eisenach. En 1709, il épousa Amalie Louise Juliane Eberlin qui mourut en 1711 en donnant la vie à leur fille Maria Wilhelmina Eleanore.

En 1712, Telemann occupa, à Francfort-sur-le-Main, les fonctions de maître de chapelle et de directeur de musique à l'église Barfüßer.

En 1714, il épousa en secondes noces Maria Catharina Textor. De cette union naîtront neuf enfants.

En 1721, on proposa à Telemann de prendre la suite de Joachim Gerstenbüttel à Hambourg. Il devint responsable de la musique dans les cinq églises principales de la ville. De 1722 à 1738, il occupa la fonction de directeur artistique de l'opéra Gänsemarkt.

Il resta à Hambourg jusqu'en 1767. Ce furent 46 années durant lesquelles il porta la vie musicale de la ville hanséatique à son sommet.

En 1736, il se sépara de Maria Catharina.

À la fin de l'année 1737, il partit pour quelques mois à Paris. Il y rencontra de nombreux musiciens français (entre autres Forqueray, Blavet, Guignon et Eduard) et écrivit six quatuors (Nouveaux quatuors, connus aujourd'hui sous le nom Quatuors parisiens).

 

De son vivant, Telemann compta parmi les compositeurs les plus célèbres et les plus importants. Ses compositions furent jouées dans toute l'Europe. Elles sont d'une grande diversité et sont nourries de nombreuses influences. Son œuvre est un pont entre le baroque tardif et les débuts du classicisme.

02/10/2022

Arno, du haut des cieux...

"Embrasse le passé, il n'existe plus". ARNO

Prenez un jour de pluie comme ce dimanche. Prenez un album qui, bien que nouveau, a des allures de deuil. Prenez Ostende, cette ville où d'aucuns se demandèrent un jour si ça vaut le coup de vivre sa vie. À cette question demeurée sans réponse de leur vivant, ont-ils, aujourd'hui, trouvé une réponse ? Cela me plairait de le savoir. Bref... Zoomez sur Ostende. J'y suis aujourd'hui. Zoomez plus précisément encore sur Opex. C'est de là que je vous écris. Opex, c'est un quartier portuaire d'Ostende dont je n'avais jamais entendu parler avant. C'est là que les grands-parents maternels du chanteur Arno tenaient un bistrot. Un estaminet, comme on dit dans le Nord, et rien que le nom vous amène aux narines des odeurs de frites et de bière. Opex, c'est le nom qu'Arno a choisi pour son dernier album. C'est dingue comme cet adjectif, dernier, peut recouvrir des acceptions différentes et se parer, selon les circonstances, de joyeux froufrous ou de noires mantilles. Quand il veut dire « dernier d'une longue liste à venir », il est on ne peut plus réjouissant. Quand il signifie « dernier de la liste, à jamais », il est aussi sombre que ce dimanche de pluie où tout semble déjà s'abandonner sans résistance à l'hiver.

Dès le premier morceau, Arno prévient : « Hier, c'était le passsé, aujourd'hui la vérité, Embrasse le passé, il n'existe plus ». Pas la peine de s'encombrer d'un inutile barda (regrets ou autres), c'est dans le vide que ça se passe désormais.

Au fil des chansons, Arno regarde droit dans les yeux la vie qui se dérobe, ainsi que lui-même et ceux qui l'ont accompagné. Un très beau morceau rend hommage à un grand-père un peu frivole. Court-circuit dans mon esprit raconte sans fard l'invasion de la maladie. Pas de sentimentalisme devant l'inévitable, juste un état des lieux, un constat : « Maintenant, je paie mes conneries du passé ». Ce passé qui, bien que n'étant plus, sait encore sévir. Et nous rattraper par la manche, le saligaud !

De son vivant, Arno fut le maître des reprises. De toutes les chansons des autres auxquelles il alla frotter son grain de folie, il fit quelque chose de flambant neuf. C'est encore le cas avec La paloma adieu, où sa voix, dans un surprenant reggae, se mêle à celle de Mireille Mathieu. Reggae où les mots « Ma vie s'en va, mais n'aie pas trop de peine », résonnent étrangement.

Arrêtons-nous sur les photos qui ornent la pochette. Sur l'avant, on voit Arno derrière une baie vitrée, chapeau de clown vissé sur sa chevelure blanche. Il contemple la mer. Le chapeau de clown scintille et semble réduire la vie à une farce dont il vaut mieux rire … de peur d'être obligé d'en pleurer. Sur l'arrière de la pochette, on découvre Arno en albatros aux ailes de géant. Sans doute face à un micro, sur une scène. C'est là, sans doute, plus encore qu'à Opex, que se trouvait son port d'attache.

 

Du haut des cieux ou du milieu du néant, on ne sait pas bien, Arno nous assène une retentissante claque posthume. Je vous conseille de vous la prendre en pleine face, sans chercher à en parer la puissance. De toute façon, vous ne pourrez pas. On ne fait pas le poids devant tant de cris du cœur qui viennent à notre rencontre !

01/10/2022

Casino de Paris, en être ou ne pas en être : question résolue !

"L'homme est ainsi, il se nourrit de souvenirs et trébuche sur l'amer". Richard BOHRINGER

Il en va de nos décisions comme de bien des choses dans la vie : elles ne nous appartiennent pas toujours complètement. Elles sont souvent le fruit d'un enchaînement - heureux ou non - de circonstances diverses et variées, voire avariées. Au moment où l'on prend telle ou telle décision, on ignore (et c'est tant mieux) tout ce qu'elle va impliquer. Ainsi, il y a 31 ans, m'étant moi-même condamnée à devenir prof en raison d'une soi-disant vocation (l'impétuosité de la jeunesse aime les grands mots), j'avais dit à mes camarades de terminale que j'hésitais entre enseigner l'allemand et enseigner l'italien. Là, un de mes amis s'était écrié : « Non, mais toi, il faut que tu deviennes prof d'allemand, c'est une évidence. Tu nous parles tellement de cette langue que si tu ne t'y consacres pas pleinement, tu le regretteras toute ta vie ». Ce jour-là, je devais rendre mon dossier de poursuite d'études et n'avais encore rien écrit dessus, à part mon nom et autres renseignements sans conséquences. Le reste n'était pas dépourvu de conséquences et j'en avais bien conscience. Les propos de mon ami, jouant un tantinet avec la corde du tragique, résonnèrent furieusement en moi. Sur le dossier, mon stylo traça avec conviction : « fac d'allemand ». Choix qui ne fut pas salué par ma prof d'italien ! Choix qui devait orienter ma vie entière, il faut bien le dire. Par la suite, je me suis souvent demandé quel chemin j'aurais parcouru si j'avais mis « fac d'italien ». Je ne saurai jamais. Pas le temps de vivre deux vies, une seule étant déjà assez compliquée à mener ! C'est comme dans la chanson de Goldman, chacun repart soit avec ses X, soit avec ses XY, et « tant pis, on ne saura pas ce que ça aurait donné ». Est-ce réellement mieux comme ça, plus sage, plus correct ? Mystère impénétrable...

Bref... Début septembre, en analysant mon emploi du temps, je m'étais vaguement dit qu'un aller Metz-Paris (avec retour le lendemain) serait envisageable le 22 novembre (date à laquelle HFT se produit au Casino de Paris : comment ça, vous l'ignoriez ?!)...

Mercredi, je conduisais ma fille Louise à son cours de krav maga, et nous écoutions Thiéfaine dans la voiture. À sa demande, je précise ! Honnêtement, si ça n'avait tenu qu'à moi, nous aurions … écouté Thiéfaine de la même façon !!! Nous chantions en chœur, tout en ne nous interdisant pas quelques commentaires. Ainsi, c'est mercredi que j'ai appris que Louise adorait le vers suivant : « À mettre sa vie en musique, on en oublie parfois de vivre ». La bonne gosse ! Cela m'a mise en confiance. J'ai décidé de lui dire que je n'avais toujours pas résolu le dilemme qui sévit en moi depuis septembre : en être ou ne pas en être, de cette soirée au Casino de Paris ? Bien sûr, d'un point de vue technique, c'est jouable, je le sais depuis un certain nombre de semaines, j'ai étudié la question avec un zèle exemplaire. Mais le reste, mais le reste... La fatigue engendrée par la surdose d'adrénaline, l'angoisse de louper mon train ou de ne pas le voir arriver pour cause de grève, la trouille d'un incident mécanique frappant précisément le même train ce jour-là précisément, la redescente redoutable après le concert, qui plus est en plein mois de novembre... La folie aussi. Car oui, c'est folie de plier ainsi ma vie aux exigences de ma passion. L'organiser en fonction du passage d'HFT ici ou là. Trembler devant le planning des réunions (parents-profs, conseils de classes, etc.). Craindre le moindre grain de sable susceptible de venir percuter la machine dont j'essaie de huiler savamment les rouages, tentant de parer d'avance à toute éventualité. Intimant aux malencontreux aléas l'ordre d'aller se faire voir ailleurs en période de tournée. Après, d'accord, ils pourront reprendre une activité normale, comme dans les Guignols de l'info, et comme dans le cours de toute existence. Essayer de combattre le mauvais œil en inventant toutes sortes de conjurations qui n'ont cours dans aucune religion. Les jours précédant un concert, ingurgiter en se pinçant le nez de douteuses décoctions censées renforcer le système immunitaire. Tomber bien bas, quoi !

Autant dire que chaque concert de Thiéfaine est une victoire sur les impitoyables coups tordus du destin ! Revenons à mercredi et retournons, si vous le voulez bien, à l'avant de ma voiture, en compagnie de Louise. Je lui faisais donc part du dilemme qui était le mien, Casino de Paris ou pas Casino de Paris ? Et voilà qu'elle me l'a réglé en deux coups de cuillère à pot, le dilemme : « Non mais maman, tu ne te poses même pas la question : tu y vas, à ce concert ». Comme je ne suis pas loin de penser que ce que Louise veut, Dieu le veut aussi (il n'a pas le choix, elle est tellement déterminée), j'ai donc décidé de faire en sorte d'assister à ce concert. À peine étions-nous de retour à la maison que je me procurais le nécessaire (billet de concert, aller-retour Metz-Paris, chambre d'hôtel). Le tour était joué. Il ne reste plus qu'à compter sur un sort clément et enclin à aligner docilement les astres en novembre. Ce n'est pas demander la lune non plus ! D'ailleurs, ce même sort a déjà fait preuve d'une certaine docilité et je l'en remercie : les réunions parents-profs tombent la semaine avant le concert au Casino de Paris !

Je rappelle qu'en décembre 1998, je refusai d'accompagner un de mes copains à Bercy au motif que le concert avait lieu un vendredi et que j'avais cours le lendemain matin. Alors que ce copain me promettait un retour dans la nuit et mettait en avant la possibilité que j'aurais de faire une sieste le samedi après-midi. Je me dérobai. Comme une cloche. Je ne me suis jamais pardonné cet écart de conduite absolument incompréhensible. Je sais, on peut avoir des regrets plus consistants, mais tout de même. Il en est quelques-uns qui persistent opiniâtrement. Donc, si j'ai décidé d'aller au Casino de Paris le 22 novembre, ce n'est pas folie, croyez-moi, mais sage précaution ! Il s'agit d'éviter tout regret. Ces machins-là, c'est trop tenace, ça vous enjambe les décennies avec une telle obstination qu'il vaut mieux ne pas en avoir !!! Et c'est le moment d'en revenir à mon introduction, vous savez, avec l'ami de terminale... Ce concert au Casino de Paris, si je n'y vais pas, je le regretterai toute ma vie !

28/09/2022

"La galeuse féerie des crépuscules d'automne"...

"Écrire, pour moi, c'est remettre de l'harmonie là où elle fait défaut". Philippe DJIAN

 

Je suis une amoureuse inconditionnelle de l'été. Quand tout le monde se plaint de la chaleur écrasante, je me tais, mais je ne compatis pas (désolée, mais c'est comme ça). Parce que je supporte mieux la canicule que le froid, et ce depuis toujours. Je me souviens des longs hivers de mon enfance qui me destroyaient la peau. Dartres, gerçures, jambes bleues, mains crevassées, engelures : il ne manquait rien au tableau (à « ma panoplie de pantin déglingué », comme dirait HFT !). Mon corps devenait, dès les premiers frimas, le réceptacle de toutes sortes d'emmerdements qui, en plus de me gâcher la vie, compliquaient passablement celle de ma mère, laquelle ne savait plus à quel pharmacien se vouer pour venir à bout de mes misères cutanées. Oui, à défaut de saint dans le coin, un pharmacien, c'était encore ce qu'il y avait de mieux ! Mais aucun ne trouva le remède miracle, il fallait simplement attendre le printemps. Je faisais une overdose d'hiver, il me sortait par tous les pores de la peau, que voulez-vous !

Aujourd'hui encore, je déteste le froid. À l'heure où j'écris ces mots, l'automne a piégé les derniers lambeaux de l'été, et nous voilà plongés (prématurément) dans ce que Baudelaire appelait les « froides ténèbres ». « Adieu, vive clarté de nos étés trop courts ! » : comme j'ai aimé ce vers et comme je l'aime encore !

Entre novembre et février, je m'adonne comme une perdue au sentiment que je connais le mieux depuis ma naissance : la mélancolie. Celle-là même que je perçus, il y a trente ans, dans l'œuvre de Thiéfaine et qui, sans tout à fait guérir la mienne, lui fit comme un baume, un petit coussin moelleux où reposer ses longues fatigues. Franchement, ce n'est pas rien quand on pense à la difficulté de l'entreprise, ma mélancolie étant plutôt du genre coriace. Chemin faisant avec les chansons d'HFT vissées dans le cœur (il en sera ainsi jusqu'à mon dernier souffle, vous dis-je), j'appris soudain – et ce fut une révélation – qu'on pouvait apprivoiser la mélancolie et aller, une fois atteinte une familiarité extrême avec ses arcanes, jusqu'à lui donner un petit nom, en signe d'affection peut-être : « mélanco ». Comme ce mot sonne mieux encore que celui dont il est le diminutif ! Comme il claque !

Alors oui, je déteste l'hiver. Comme je déteste aussi son antichambre, l'automne. Ces feuilles qui tombent en pagaille sur un sol boueux, ça me fiche un de ces cafards ! Ma ruelle des morts personnelle est pleine d'êtres chers qui ont rendu les armes en automne ou en hiver. Un truc de dingue. Ma mère en février. Mon père en septembre. Mon grand-père maternel en janvier. Ma grand-mère maternelle en novembre. C'est à ne plus savoir si c'est moi qui déteste l'automne et l'hiver, ou l'inverse !

Cependant (parce qu'il y a toujours un « cependant », même dans les situations les plus merdiques), je reconnais une qualité à ces deux saisons maudites : elles s'accordent parfaitement avec les chansons de Thiéfaine. Prenez Camélia huile sur toile, par exemple, et écoutez ça en voiture par un soir de novembre. Regardez le paysage défiler dans les brumes automnales, au moment où le soleil qui ne réchauffe plus personne va sombrer, et vous saurez alors ce qu'est « ce vieux Nord toujours frileux ». Car c'est là que la « galeuse féerie des crépuscules d'automne » offrira sa pleine mesure. Prenez ensuite Les fastes de la solitude, en plein cœur de l'hiver cette fois. De préférence un jour où il a neigé. De préférence au crépuscule, là aussi. Et laissez-vous envoûter par les indéniables charmes d'un « panorama lunaire aux délicieuses lenteurs de cortège funéraire ». Contemplez, au-dessus de votre tête, « l'ivresse glacée d'un ciel de neige ». Vous avez l'image ? Moi oui. Parce que c'est du vécu.

Ce n'est pas que les chansons de Thiéfaine soient à proscrire aux jours chauds du calendrier. Loin de là, voyons ! Mais disons que l'automne et l'hiver leur donnent un petit plus, vous ne trouvez pas ? De quoi me réconcilier avec les deux saisons en question ? Il ne faut peut-être pas pousser ! Je veux bien insérer quelques « cependant » dans mon discours, mais pas revoir tout mon raisonnement non plus !

25/09/2022

J'écoute Thiéfaine, rien d'autre à signaler !

"C'est toujours effrayant d'observer quelqu'un qui croit n'être vu de personne". François MAURIAC

 

En ce moment, j'essaie (tant bien que mal) d'écrire un récit sur ma découverte de l'œuvre de Thiéfaine. Lourde entreprise qui, régulièrement, se casse la gueule. Un jour, je rédige trois pages d'affilée, sans reprendre mon souffle. Le lendemain, plus rien, me voilà poussive et condamnée à la raideur de la page blanche. Parfois, je crois avoir pondu un truc pas trop mal, et je me coucherais presque avec le sentiment du devoir accompli ... si l'idée d'un quelconque devoir n'agissait pas sur moi comme le Fulgator sur les araignées (Fulgator = répulsif extrêmement puissant contre l'objet de ma phobie numéro un. Chez moi, ce produit s'appelle Fulgator 427 parce qu'il est peu de domaines de ma vie qui ne soient pas envahis par ma manie de « thiéfainiser » à outrance). Je m'égare. Revenons à nos moutons, desquels les araignées nous ont un temps éloignés. Donc, parfois, je crois avoir pondu un truc pas trop mal et gnagnagna, puis je relis le tout à tête reposée et force est de constater que c'est naze et qu'il faut bazarder. Bref, pas simple, le travail d'écriture. C'est sans doute la raison pour laquelle j'ai toujours abandonné tous mes projets. Mes tiroirs sont pleins de machins auxquels j'ai moi-même coupé les ailes alors qu'ils n'avaient pas encore pris leur envol. C'est une autre de mes manies. Donc, ce récit, je ne suis pas sûre de le mener à terme. On verra. Je peux être à moi-même ce que le Fulgator (427) est aux araignées : un poison !!!

En tout cas, pour (essayer de) réaliser ce travail, je relis les journaux que je tenais en 1992, année de la grande révolution HFT dans ma vie ! Au fil de ma lecture, je suis souvent confortée dans l'idée que je me fais aujourd'hui encore de cette révolution. Par exemple, le 10 septembre 92, j'écrivais ceci : « J'écoute Thiéfaine. C'est ma nouvelle folie ! ». 24 septembre : « J'écoute encore Thiéfaine ! Je fais des infidélités à Gainsbourg ! ». 29 septembre : « J'écoute Thiéfaine. Rien d'autre à signaler ». Je me souviens de Paludes, où Gide répétait à longueur de pages « j'écris Paludes ». Eh bien moi j'écoute Thiéfaine et, à me lire, il semblerait effectivement qu'il n'y ait rien d'autre à signaler en septembre 1992 ! De 1992 à 2022, j'écoute Thiéfaine. Encore et toujours. Inlassablement. Ce que j'appelais ma nouvelle folie en 1992 est toujours ma folie trente ans plus tard. Un peu moins nouvelle, certes, mais pas éboulée pour autant, loin s'en faut !

Il m'arrive aussi de tomber sur des passages moins « glorieux » dans mes journaux. Ainsi, le 23 décembre 1992, j'écrivais un truc qui me saisit aujourd'hui quand j'en fais la lecture. Voyez plutôt :

« Cet après-midi, maman était à Metz, elle m'a acheté une cassette de Thiéfaine. J'en ai cinq à présent. Encore six à acheter. Je les gagnerai de haute lutte. Car il en faut du temps, de la patience et des économies et des faveurs parentales pour obtenir ces albums. J'adore ma nouvelle cassette. Je trouve qu'Hubert-Félix a beaucoup de talent. J'aime sa façon d'écrire. Mais, sinon, je le trouve froid. Sur scène, il dit rarement merci au public, encore moins au revoir, et il ne parle pas entre les chansons. Voilà ce qu'on peut lui reprocher. Et puis, souvent, les concerts de Thiéfaine donnent lieu à des excès. Le public peut être violent et je le déplore car je n'oserai jamais assister à un de ses concerts, j'aurais peur d'en revenir en mauvais état ! Ce que je pense aussi, c'est que Thiéfaine écrit des textes sensés, c'est un peu la nouvelle poésie, une écriture particulière pour public averti ». Je vous fais grâce des lignes qui suivent, et dont j'ai honte tant elles sont arrogantes. Du haut de mes 19 ans puants, je juge le public d'HFT inculte et constitué pour l'essentiel de ratés et de paumés. J'hallucine !

Concerts violents, chanteur pas sympa : où diable étais-je allée pêcher toutes ces infos ?! Le coup des concerts violents, je crois que je tenais ça de certains amis qui avaient vu Thiéfaine sur scène et m'avaient fait des récits effrayants de l'ambiance qu'ils avaient perçue dans la salle (pogos renversants en pagaille, shoots à peine dissimulés, et tutti quanti). Ces violences étaient-elles réelles ou mes amis avaient-ils brodé autour d'un petit dérapage d'une valeur anecdotique, le grossissant au gré de leur imagination ? Quant au côté froid d'HFT, je pense que je l'avais moi-même déduit des écoutes que j'avais faites de ses enregistrements live. Enregistrements qui, peut-être l'ignorais-je à l'époque, pouvaient très bien avoir été tronqués, amputés de quelques passages parlés jugés sans importance au montage. Incroyable comme j'allais vite en besogne pour généraliser !

Trop drôle aussi le passage dans lequel j'évoque ma peur d'assister à un concert de Thiéfaine. Après l'avoir vu plus de cinquante fois sur scène, je peux affirmer qu'il n'y a pas grand-chose à craindre ! Le seul mauvais état que l'on puisse redouter, c'est celui qui vous vient une fois la redescente amorcée sans clim et sans filet !

Ce que je perçois en filigrane, dans ces lignes, c'est le mélange d'attirance et de répulsion dont j'étais alors la proie. Je sentais bien que le monde auquel les chansons de Thiéfaine m'offraient un accès était pas mal éloigné du cocon moelleux dans lequel j'avais grandi. Je voyais s'ouvrir sous mes pas un nouveau territoire qui me fascinait autant qu'il m'intimidait. Je me souviens de certaines ambiances créées notamment par la fusion Thiéfaine-Mairet. Elles avaient le don de me mettre dans un état proche de la transe. C'était à la fois flippant et merveilleux. Presque de l'ordre de la magie.

Bref... On est bizarre quand on a 19 ans. On a de ces intransigeances ! J'en rougirais de vergogne... La meuf qui croit qu'elle a tout compris et qui ignore avec éclat son ignorance. Quelle chance, d'une certaine manière ! La palme revient sans doute à « ce que je pense aussi, c'est que Thiéfaine écrit des textes sensés ». Ouah, alors là, je crois qu'on m'avait attendue pour s'en rendre compte !!!

 

Je n'ai plus autant de certitudes aujourd'hui. Et « le doute ravage même mes incertitudes », façon Fulgator 427 au jet ravageur et aux « crocs venimeux et gluants », alors pas de quoi frimer ! J'écoute Thiéfaine, rien d'autre à signaler...