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26/04/2024

Miracle...

"Le petit jour favorise les songes creux car l'espérance est matinale". Paul GUIMARD

 

Années 1990. Il y a ce type un peu bizarre qui me chante des trucs tout aussi bizarres, comme « La vie c'est pas du bubble-gum et rien que le fait de respirer ça me fout des crampes dans le sternum ». Et tant d'autres choses encore qu'il me faudrait un livre entier pour les répertorier. Et une vie de plus pour les comprendre toutes ! Le type en question a un nom bizarre aussi : Hubert-Félix Thiéfaine. Pas mal de syllabes que l'on peut réduire, si l'envie nous en prend, à trois lettres : HFT. De la Haute Tension pour entourer le F, synonyme de Folie, ou quelque chose d'avoisinant.

J'ai la vingtaine et des illusions pas encore perdues. Avec, cependant, une tendance à penser tout au fond de moi que ça viendra, qu'un jour les illusions clamseront comme des vieux chiens au soleil. Bref... Alors je me sens en pays connu dans les chansons de Thiéfaine qui ne suintent pas toutes l'optimisme béat, c'est à souligner. Dès que je peux, je case ce Thiéfaine dans mes conversations. Je le cite, je me l'approprie, je suis en couple avec son œuvre ! Sur la pochette qui accompagnera ma vie d'étudiante pendant plusieurs années, j'ai écrit, comme d'autres écrivent le doux nom de liberté : « Je respire l'odeur alcaline des relents d'amour périmé ». Rien que pour la beauté du truc. Je trouve que ça claque (bien qu'on ne dise pas ça à l'époque, me semble-t-il, mais j'ai volontiers la plume anachronique). Dans un petit carnet où je consigne des mots d'écrivains, voilà que trônent soudain des paroles de chansons aussi. Par exemple : « À regarder passer les linceuls dans la rue aux spectres visqueux, j'sais plus si c'est moi qui suis seul ou les autres qui sont trop nombreux ».

Je viens également de découvrir Cioran et Gary et tout s'emboîte miraculeusement. L'œuvre d'HFT, je lui trouve de délicieuses accointances avec celles de ces deux auteurs que je lis fiévreusement. De l'inconvénient d'être né, Sur les cimes du désespoir, Syllogismes de l'amertume, ça pourrait être du Thiéfaine, n'est-ce pas ? « Bourlinguer, errer, errer humanum est », ça pourrait être du Cioran, n'est-ce pas ?!

Je me souviens de m'être enivrée des pages que ce philosophe a consacrées à l'insomnie (« cette indigestion de l'âme », dira Thiéfaine), étant moi-même insomniaque à cette époque-là de ma vie (et pouvant l'être encore aujourd'hui, à la moindre contrariété). Je lisais ces passages de préférence la nuit, tant qu'à faire, pour être dans l'ambiance ! Et je trouvais qu'on n'était pas loin du sieur Hubert... Je m'entourais de tout un barda pas très jouasse, mais qui, étrangement, me faisait du bien. Il n'était pas rare qu'on me dise : « Moi, Thiéfaine, j'peux pas, c'est vraiment trop désespéré ». Ce à quoi je répondais que pour moi c'était l'inverse qui se produisait : ce désespoir, comme il seyait au mien, comme il le soutenait et, ce faisant, le mettait k.o. !

 

Années 2020. Dans ma vie, il y a toujours ce type un peu bizarre qui m'accompagne absolument partout et tout le temps. Même quand je ne l'écoute pas. Si on m'avait dit, il y a trente ans, que je venais de tomber pour des décennies dans la marmite, y aurais-je cru, moi qui pensais déjà, indécrottable optimiste (!), que toute chose était vouée à s'effriter pitoyablement ? Et si, au premier concert, à Sarreguemines, on m'avait dit que des dizaines suivraient, qu'aurais-je répondu ? J'aurais été dubitative, je pense, mais sans doute pas totalement incrédule. Je savais déjà qu'un truc immense avait pris corps dans ma vie ! Et, à mes yeux, c'est miracle qu'il soit toujours là, sans rides, frais et pimpant comme une jeune fille. J'aurais pu, soudain, ne plus me reconnaître dans les mots de Thiéfaine. Il aurait pu, qui sait, soudain ne plus me sembler raccord avec ses idées, prêcher un truc et afficher le contraire, que sais-je encore. Nos chemins auraient pu s'éloigner comme s'éloignent tous les chemins que la vie fait. Eh bien non. C'est miracle, vous dis-je !

16/04/2024

Michel Jonasz était à Neuves-Maisons samedi dernier !

"Donnez-moi le temps - ce luxe suprême - de vivre à mon rythme, de regarder, de prendre des chemins que n'indiquent pas les cartes et les plans. De faire halte et de boire un verre de souvenirs avec des compagnons dont je suis le seul à déceler la présence". André HARDELLET

 

Ils arrivent main dans la main, et c'est beau. Ils, c'est-à-dire Michel Jonasz et Jean Yves D'Angelo, le musicien qui l'accompagne. Cette manière d'entrer en scène en dit long sur la complicité qui les unit. Complicité qui ne se démentira pas une seule seconde durant le spectacle !

Pour commencer, Jonasz déclame un texte qui s'adresse à un mystérieux « frère des douleurs partagées ». En fouillant sur Internet aujourd'hui, j'ai découvert que c'étaient les paroles de la chanson Les mots d'amour. Le mystérieux frère est peut-être un frère réel ou un ami. Ou encore, plus vraisemblablement ce soir, le public.

On dirait que Michel Jonasz nous convie à une promenade bras dessus, bras dessous. Et c'est bien agréable. Nous le suivons, pendant environ une heure et demie, dans cette belle flânerie qui se déroule parfois à l'ombre des jeunes filles en fleurs, notamment quand le chanteur évoque ses amours d'enfance. Je pense au « vert paradis des amours enfantines » de Baudelaire. On sent que Jonasz est légèrement nostalgique sur ce coup-là. Je me dis que plus les années passent, plus nous foudroient les premiers souvenirs. Ma mémoire me fait souvent l'effet d'une vieille radoteuse qui va toujours triturer les mêmes territoires explorés cent mille fois... Et ce n'est pas le livre acheté aujourd'hui qui va arranger mes affaires : Donnez-moi le temps, suivi de La promenade imaginaire, d'André Hardellet, qui ne raconte ici que des souvenirs teintés de nostalgie ! Bref...

Flânerie, disais-je. Si l'on veut. C'est tout de même bien rythmé ! On ne s'ennuie pas une seconde, en tout cas. Quand Michel Jonasz ne chante pas, il parle, il nous livre des anecdotes, et c'est drôle. Je ne le savais pas doté d'un tel humour ! Il faut dire que je ne le connais pas bien. De son répertoire, je n'ai retenu que l'écume des grands « classiques », et c'est tout.

Jonasz nous parle de son compagnon de scène et nous le décrit comme sacrément calé dans son domaine, la musique. Il ajoute : « Le solfège, quand c'est bien joué, ça peut être très joli », et toute la salle éclate de rire. Comme lorsqu'il évoque cette jeune fille lui ayant demandé récemment un autographe, précisant malencontreusement que c'était … pour sa grand-mère ! Il plaisante sur l'âge de son public et je regarde autour de moi. Je crois, sans vouloir offenser quiconque, que je fais partie des plus jeunes ce soir. Je ne boude pas mon plaisir, celui-ci ne m'étant plus accordé si souvent !

Vient ensuite le moment de ce que Jonasz appelle ses chansons grigris : Super nana, Joueurs de blues, La boîte de jazz. Mais on n'aura pas droit aux Vacances au bord de la mer, que j'ai espérées toute la journée.

Pas grave. On a eu d'autres choses. Du blues et du jazz, mais pas seulement. Du rire aussi. Et beaucoup d'émotions. C'est peut-être encore plus vrai pour moi qui, par moments, avec les jeux de lumière, voyais se superposer une image sur la silhouette de Michel Jonasz : celle de mon père en sa plus florissante époque, quand il ne quittait la maison qu'en costar-cravate. Terriblement troublant...

Bref, c'était un super concert !

06/04/2024

HFT était au Casino de Mondorf-les-Bains hier soir !

"La nuit

 tombe, l'aube se lève, un été a passé.

Déjà, disent les fumées du hameau

tandis que des animaux sans colère continuent

d'amasser l'or du temps, l'or

de nos yeux avides et si vite fermés". Guy GOFFETTE

 

Heureusement que de temps en temps, un brin de raison vient me percuter et bloquer mes pulsions / impulsions, sans quoi je serais en ce moment même en route pour Dole. Bon, j'avoue que le pincement au cœur est énorme de ne pouvoir assouvir le désir de voir Hubert dans sa ville natale. Mais on ne peut pas tout avoir, n'est-ce pas ? J'ai eu Mondorf-les-Bains hier, j'aurai Paris et Reims en mai. Peut-être Besançon en juin, peut-être Bois d'Amont en septembre. C'est déjà pas si mal. Mais Dole, tout de même, ne m'aurait pas déplu !

Mondorf-les-Bains, donc. Hubert s'y est produit hier au Casino. J'y avais déjà vu, il y a bien longtemps, la chanteuse Berry dont on n'entend plus du tout parler aujourd'hui. Dommage, d'ailleurs. À l'époque, déjà, j'avais noté le côté un peu surréaliste du truc : aller voir un artiste pas loin des machines à sous et autres bandits manchots...

Hier, en traversant tout cet arsenal, je pensais à la chanson Sexe, Casino et tendritude, qui n'est pas la plus connue d'HFT. Je me disais que ce serait drôle qu'il nous la fasse. Vous imaginez ? Une chanson par ambiance. Ce soir Villes natales et frenchitude. À Reims Affaire Rimbaud, parce qu'on n'est pas loin des Ardennes. À vous de poursuivre la liste à l'envi.

Bon, mais non, pas de Sexe, Casino et tendritude hier soir, pas plus que de Maalox Texas Blues qui était venu visiter un de mes rêves la semaine dernière. J'aurais adoré, pourtant. Tout comme Dole ce soir. Mais on ne peut pas tout avoir, n'est-ce pas, et pas la peine de radoter.

Reprenons donc depuis le début. Départ de la maison vers 16h30. Une heure et demie plus tard, même pas tout à fait, j'arrive dans un pays où « herzlich willkommen » se dit «häerzlech wëllkomm ». On dirait de l'allemand, en plus compliqué encore !!!

Je suis toute guillerette en ce 5 avril 2024 qui, comme tous les jours que Dieu fait d'ailleurs, aura la particularité de ne jamais revenir. J'y pense un peu au volant de ma voiture, je sais que chaque seconde qui passe est précieuse. Il faut la savourer comme il se doit. Dans quelques secondes, elle ne sera plus là. Et m'amènera, avec ses petites sœurs, au point de non-retour : la fin du roman de ce soir. Je roule vers Bruce et Cindy, lorrains comme moi. Fans de Thiéfaine aussi. Adeptes quand il le faut des grandes discussions sur les parkings qui bordent les salles de concert... Même durant les hivers que la Lorraine sait rendre rigoureux à souhait.

Nous nous retrouvons et allons manger ensemble. À 20h et des brouettes, agitation à notre table de resto : il ne faudrait pas que nous soyons en retard où vous savez. Il n'y a que cinq minutes de marche de là où nous sommes au Casino, mais prévoyons large quand même, on ne sait jamais, une traversée d'engin, que sais-je...

Comme moi, Bruce et Cindy ont chacun un billet pour le premier rang. Mais pas du même côté que moi. Nous nous séparons donc. Embrassades à droite et à gauche, et je m'installe. Ça y est, le voilà, le moment tant attendu.

Concert assis. Ça me fait toujours un peu bizarre. Incompatibilité avec les chansons d'Hubert. Mais son public n'ayant plus tout à fait vingt ans, il faut offrir un certain confort aux arthroses naissantes, aux rhumatismes, aux cartilages devenus trop poreux, n'est-ce pas ?!

Est-ce cette foutue position assise qui fait que pendant quelque temps rien ne bouge ou presque dans les rangs ? C'est mou du genou, tout ça. Et, pour ma part, je reconnais que quand ça ne s'agite pas plus que ça, je suis plutôt du genre à ne pas oser. Il n'en va pas de même pour un de mes voisins, 655321, qui, à un moment, estimant que la mollesse ça va bien cinq minutes, même quand on a les articulations rouillées, jouera les ambianceurs à grand renfort de larges gestes bien qu'étant lui-même perclus de douleurs !

Démarrage tout doux, donc. Ce n'est que sur Amanite phalloïde queen que tout ce petit monde se décrispe. Ah, ça y est, enfin ! Désormais, chaque chanson connaîtra ses envolées, et je suis soulagée. Je ne voudrais pas qu'Hubert pense qu'on n'est pas d'humeur à le suivre. Ou qu'on a mal vieilli.

Aux quatre coins de la salle, des vigiles veillent au grain. Le moindre flash apparent se voit couvert de remontrances. Ici et là, quelques personnes se lèvent. Le vigile qui est à quelques pas de moi est aux aguets. Ok pour la position debout, mais pas trop près de la scène.

Et puis, finalement, tout part en vrille quand même, et ce avant La fille du coupeur de joints. D'accord, on n'a plus vingt ans, ni même trente, parfois même plus quarante, mais il ne s'agirait pas non plus de nous condamner direct à l'Ehpad. On a de la ressource et on va (enfin) le prouver. La même ressource donnant à voir le meilleur d'elle-même quand retentissent les premières notes de La fille. À ce propos, savez-vous que désormais, on trouve au merchandising une boîte à musique qui joue ce morceau ?! J'adore l'idée ! Mais je n'ai pas acheté le gadget en question : dans quelques mois, je déménage et j'ai bien assez de bibelots comme ça. Notamment un cendrier HFT qui ne sert jamais, vous vous souvenez ?!

Hubert et ses musiciens arborent un franc sourire à la fin : le public du Casino a mis un peu de temps à s'enflammer, mais une fois que ce fut chose faite, le brasier s'avéra pas mal. Aurait pu mieux faire, mais je m'attendais à pire compte tenu du départ mollasson.

Encore un concert que j'ai kiffé. De l'émotion à foison en ce qui me concerne. Des frissons partout et des larmes quand j'ai vu Hubert apparaître sur la scène. Il m'a toujours fait ça, ne me demandez pas pourquoi, c'est un truc entre lui et moi ! Re-frissons et re-larmes pendant Combien de jours encore. Chanson ambiguë, vous ne trouvez pas ? Ce qui sous-tend le texte semble se situer entre nostalgie de partir (« Combien de jours encore à contempler l'automne ? ») et soulagement de partir (« délivré à jamais du poids de l'univers »). Tout cela me laisse songeuse à chaque écoute...

Durant la chanson, je me demande combien de concerts encore. C'est miracle d'en avoir vu autant. Miracle d'avoir partagé tant de décennies avec l'œuvre qui me fracassa littéralement il y a trente-et-un ans. Je savais bien, à l'époque, que je venais de me prendre un choc émotionnel déterminant, fondamental, irréversible, mais de là à imaginer qu'il durerait ainsi... J'en éprouve régulièrement une profonde gratitude.

Après le concert, je discute avec un monsieur qui me dit qu'il vient de voir HFT pour la 25ème fois. J'allonge (sans même vouloir frimer) mes quelque soixante concerts et je me transforme soudain en phénomène de foire. Le monsieur va chercher ses potes, qui me félicitent, n'en reviennent pas. Ils sont mordus aussi, me disent-ils, mais tout de même pas à ce point. Ouais, je sais...

Notez encore ceci, s'il vous plaît : à la toute fin, Hubert s'est approché de la foule qui s'était massée près de la scène et a distribué une avalanche de checks. En riant lui-même de son audace. Moment de grâce parmi tant d'autres. Quel homme, vous dis-je, quel homme !

Je ne dévoile pas la setlist pour l'instant. Laissez-vous surprendre lors des dates à venir. Vous ne serez pas déçus !

05/04/2024

Les affaires reprennent !!!

"D'innombrables moi m'habitent et me narguent. Une cacophonie de moi". Paul VALET
 
Dieu, que la campagne lorraine est jolie ce matin ! Colza, fleufleurs en goguette, arbres parés de joie, le tout arrosé de soleil. On dirait que le paysage s'est fait beau pour Hubert qui va le traverser. On dirait que c'est lui, Hubert, qui a fait jaillir le printemps après tant de jours de pluie. Je ne serais pas étonnée qu'il ait ce pouvoir-là aussi, parmi tant d'autres, et pas des moindres !
Printemps dans les cœurs itou, n'est-ce pas, et surtout dans le mien. Depuis que la maladie m'est passée dessus comme un poids lourd lancé à vive allure, je sais que chaque concert de plus est un cadeau. Et une revanche sur la période où j'avais mal aux globules...
Combien de concerts d'HFT à ce jour ? Peut-être bien 59. Ce qui voudrait dire que ce soir je vais entrer dans la soixantaine. Je ne sais plus trop, il faudrait que je reprenne les calculs, comme ça, pour voir, mais quelque chose me dit aussi que quand on aime on ne compte pas. On ne compte pas les kilomètres parcourus (m'en fous, j'adore conduire !), on ne compte pas non plus les deniers dépensés, ce serait trop petit comme raisonnement. De toute façon, pour Hubert, j'ai toujours eu un bas de laine planqué quelque part, au cas où. Et il y a eu pas mal de cas où...
Ce soir encore, je m'enivrerai de ces chansons sur lesquelles pas un seul cheveu blanc n'a poussé. Du fond des âges, j'entendrai la voix de ma mère me demander, comme il y a trente ans : "T'en as pas marre d'écouter ce chanteur ?". Ben non, maman, toujours pas marre, tu vois... Trente ans plus tard, on prend le même et on recommence !
Ce soir encore, je m'émerveillerai en regardant le public d'Hubert. On n'est plus tout jeunes, certes, mais qu'est-ce qu'on est beaux ! L'œil vif encore, et l'âme enflammée !
Il y a quelques nuits, j'ai rêvé qu'HFT nous revenait, en cette deuxième partie de tournée, avec une setlist un peu modifiée. Et qu'on avait droit à Maalox Texas Blues. Que j'adore, que j'adore... Ce serait vraiment Byzance. Mais tous les rêves ne sont pas prémonitoires...
Dieu, ou je ne sais trop qui là-haut, faites que ce bel aujourd'hui ne passe pas trop vite ! C'est si fragile et si précieux, un bel aujourd'hui...

21/03/2024

Véronique Sanson était au Galaxie d'Amnéville dimanche dernier !

"Maudit soit le temps qui passe

Maudit soit ce qu'il en reste". Véronique SANSON

 

S'il fallait ne prononcer qu'un mot après le concert de Véronique Sanson à Amnéville (dimanche dernier), ce serait : RESPECT. Et en lettres capitales, s'il vous plaît. Le temps, pourtant assassin comme chacun sait et comme elle l'a chanté, semble n'avoir aucune prise sur elle. C'est qu'on la jurerait indestructible, comme dans sa chanson !

Elle arrive, elle s'assoit à son piano et le monde autour d'elle et en elle entre dans une autre dimension. Une dimension où « les jours de pluie, qu'est-ce que ça peut faire », n'est-ce pas ? Une dimension où « la vie paraît moins dure », tout ça, quoi. Elle annonce la couleur de la soirée que nous allons passer en sa compagnie : il y aura un peu de tout, des émotions, de la rigolade, du rythme. Elle va nous parler à cœur ouvert. De ses chagrins, mais pas seulement. Et quelque chose me dit, après un simple coup d'œil dans la salle, que nous allons l'écouter sinon religieusement, du moins respectueusement. N'oublions pas que c'est miraculeux qu'elle soit devant nous quand on sait par quelles tempêtes elle est passée. Personnellement, c'est pour ça que je l'aime. Entre autres. Je l'aime aussi parce que chaque modulation de sa voix me rappelle ma mère qui l'aimait tant, je l'aime aussi parce qu'elle m'accompagne depuis des décennies.

Brel disait qu'un artiste, c'est quelqu'un qui a mal aux autres. C'est parfois aussi quelqu'un qui a horriblement mal à lui-même. Sanson s'est écorchée plus d'une fois, mais elle s'est comme régénérée. Elle est tombée huit fois et s'est relevée neuve. Elle a très bien décrit tout cela dans une chanson : Je me suis tellement manquée. Chanson à laquelle nous avons eu droit dimanche soir. Frissons merveilleux. Ce que cette femme nous livre là, sans fard, sans chichis, c'est un bout de son intimité. Nous le recevons sept sur sept, dans un grand recueillement.

Elle ne reste pas assise très longtemps. Au moment où résonnent les premières notes d'Indestructible, elle se lève, rejoint ses musiciens, danse, tape dans ses mains. Le public gigote aussi. Jusque-là, tout le monde était sagement assis sur son siège, mais voilà que ça décolle de partout ! On se croirait à un concert de Thiéfaine, où la foule ne reste jamais disciplinée bien longtemps. Il y a soudain un bouquet de gens massés autour de la scène. On entend fuser des « Véro » et des « on t'aime ». Voilà qui la porte. Elle nous donne le meilleur d'elle-même et de sa discographie : Amoureuse, Bernard's song, Rien que de l'eau, Vancouver, Alia Souza. C'est un florilège de chefs-d'œuvre. Avec de splendides jeux de lumière pour faire un bel écrin à tout ça. On en prend plein les yeux et les oreilles. Et sa jolie veste queue-de-pie scintille. Voilà, c'est le mot : nous sommes en train de passer une soirée scintillante, sur toute la ligne !

Malheureusement, même pendant des moments aussi magiques et aussi purs, le temps reste assassin et vient le moment où il faut se quitter. Véronique nous propose de chanter Bahia. « Vous chantez, je vous accompagne au piano et comme ça, j'aurai encore vos voix dans la tête quand je serai dans ma chambre d'hôtel ».

Interviewée il y a quatre ans par Léa Salamé qui lui demandait comment elle définissait l'art, Véronique Sanson avait répondu : « L'art, c'est ce qui vous parle ». Ben voilà. Les chansons de Sanson me parlent. J'aime les artistes qui me racontent leurs amours pas plus simples que les miennes, j'aime les artistes qui ne sont pas passés entre les gouttes, mais se sont pris des seaux d'eau sur la tronche. Et en ont fait de l'art !

Encore une fois : RESPECT !

14/03/2024

"Ton piano danse toujours", un spectacle de Jean-Marc Sauvagnargues

"Il y a comme cela des nostalgies qui courent en pointillé tout au long d'une vie". Paul DE ROUX

 

« Il manque quelqu'un près de moi, je me retourne, tout le monde est là, d'où vient ce sentiment bizarre que je suis seul ? ». « Il y a peut-être quelque part un bonheur dont j'aurais eu ma part », « Diego libre dans sa tête », « Mademoiselle Chang a tout ce qu'elle demande » : ces mots ont bercé mon adolescence. Il y avait toujours, pour les accompagner, une mélodie qui portait dans son architecture la signature de son compositeur, reconnaissable entre toutes. Celle d'un certain Michel Berger. Ma mère l'adorait. Combien de fois l'ai-je surprise, chantant à tue-tête ses chansons devant son fer à repasser ? C'est qu'elle repassait toujours intelligent, ma mère. Elle se posait dans le salon, face à la fenêtre. Pas trop loin de la chaîne stéréo pour pouvoir se transformer en DJ le moment venu, et roule, c'était parti pour plusieurs heures. En un après-midi, elle venait à bout du linge entassé, et en chantant. C'est à son contact que j'ai appris que tout, dans la vie, est « plus marrant et moins désespérant en chantant ». C'est qu'on en aura passé des heures, à écouter les chanteurs et les chanteuses qu'elle aimait. Elle avait des goûts éclectiques et surprenants. Moi qui ai gardé ses CD, je ris souvent de voir Scorpions pas très loin de Dalida, Alain Barrière avoisiner A-ha, et autres savoureuses bizarreries. Ma mère se moquait bien des classifications et des genres. C'était elle qui décidait : si elle aimait un morceau de Supertramp, pourquoi ne pas acheter illico l'album sur lequel il se trouvait et ranger celui-ci à côté des Fabulettes d'Anne Sylvestre ? Dans son monde, tout était possible. Un exemple à suivre, je crois !
Et donc, elle aimait particulièrement les chansons de Michel Berger. Si bien que ce dernier devint pour moi, après la mort brutale de ma mère, un artiste au potentiel hautement inflammable. Je ne l'ai pas écouté pendant des années. Idem quelques autres. Et puis, il y a quatre ou cinq mois, j'ai fait comme dans La minute de silence : j'ai sorti, pour voir, des disques de leurs pochettes. Des disques de Michel Berger. Les grandes eaux se sont vite invitées et, en même temps, il y avait cette joie incommensurable de retrouver un petit quelque chose ayant appartenu à ma maman. Le genre de truc qui fait à la fois du bien et du mal. Après plusieurs écoutes, j'en vins à la conclusion suivante : moi aussi, j'aimais beaucoup Michel Berger. Que de souvenirs contenus dans ses chansons ! 
Et voilà qu'il y a quelques semaines, j'apprends que Jean-Marc Sauvagnargues, des Fatals Picards, tourne en solo avec un spectacle entièrement consacré à Michel Berger. Mieux encore : j'apprends que le même Jean-Marc Sauvagnargues va venir pas loin de chez moi le 13 mars. Billet pris dans la foulée. Et nous voilà le 14 mars, au lendemain d'un soir qui a chanté comme ma mère aimait. Et qui l'aurait enchantée. 
C'est que tout est enchanteur dans ce concert. Jean-Marc Sauvagnargues alterne les parties parlées et les parties chantées. Quand il parle, c'est pour nous présenter la biographie de Michel Berger, ses amours, ses amis, ses emmerdes (et Dieu sait s'il y en eut dans cette courte vie, intense mais pas exempte de drames) ou pour nous dire combien ce chanteur compte pour lui. Déjà, hasard ou pas : ils sont tous deux nés un 28 novembre, à exactement vingt ans d'écart. Il y a comme ça des choses qui interpellent. Et me ramènent à Hubert, forcément : né la même année que ma mère et le même mois que mon père, prénommé Maurice comme le sien. Jean-Marc Sauvagnargues nous confie que les chansons de Berger ont fini par composer la bande-son de sa vie. Voilà qui me ramène encore à notre cher HFT, dont les chansons me racontent désormais mon histoire, de mes dix-neuf ans à aujourd'hui. Ça en fait, des choses à me dire ! 
Bref... Le spectacle de Jean-Marc Sauvagnargues s'appelle « Ton piano danse toujours » et il est d'une grande délicatesse...
Hier encore, comme tous les jours depuis février 2009, il manquait quelqu'un près de moi. Quelqu'une, plutôt. Et pourtant, à un moment, en entendant La groupie du pianiste, j'aurais juré qu'elle était à mes côtés, en train de chanter très fort, son fer à repasser à la main ! 

14/02/2024

On attend la suite (comme dans la chanson de la Grande Sophie, dont il ne sera pas question ici)...

"Et, de nouveau, elle se sentit seule en présence de sa vieille antagoniste, la vie". Virginia WOOLF

 

Connaissez-vous le balafré, celui à qui il manquait quatre phalanges? Soit dit en passant, et on s'en doute un peu, « ça lui donnait pas l'air d'un ange ». Avez-vous entendu parler de Hyacinthe aux grosses mains d'étrangleur ? Vous sentez-vous en famille en présence d'un fou ? Et Jeanne aux cheveux mayonnaise, ça vous dit quelque chose ? Pour le formuler simplement : connaissez-vous Thomas Fersen ? Voilà un monsieur qui a un univers totalement à part et foutraque à souhait ! Il m'accompagne depuis presque autant d'années qu'Hubert. On n'est pas du tout dans le même registre, mais est-ce important ? De temps à autre, une petite infidélité à HFT ne fait pas de mal. De toute façon, c'est toujours pour « mieux revenir, vagabond(e), dans sa rue », évidemment ! On est fan ou on ne l'est pas. Mais, tout de même, comme je l'ai déjà écrit ici, il n'y a pas qu'Hubert dans la vie (encore que, parfois, on se demande, hein...). C'est aussi qu'il faut bien passer le temps entre les intervalles, entre deux tournées ou sessions de tournée. Donc, voilà, j'ai mon petit programme avant de reprendre une activité saine et normale (comprenez le prochain volet de la tournée Replugged) : vendredi soir, Thomas Fersen à Neuves-Maisons (où j'ai déjà vu Hubert), le 17 mars Véronique Sanson à Amnéville (où j'ai déjà vu Hubert itou). Ici s'impose, messieurs dames, un arrêt sur image, pour vous dire que ce soir-là, je vais réaliser un rêve : j'adore Véronique Sanson et je ne l'ai jamais vue sur scène. Je l'adore, oui, et c'est encore un coup de ma mère qui, très tôt, jugea utile de me mettre Le temps est assassin et autres délicatesses entre les deux oreilles. Comme si je n'étais pas née avec le pessimisme chevillé au corps. Comme s'il avait fallu remettre une louche de déréliction dans mon esprit que torturait déjà, durant l'enfance, la vacuité de vivre ! Mais bon, passons. Et donc, Sanson, je l'écoute depuis longtemps aussi. J'ai hâte de la voir. Je sens que ça va être magique, et je pense que Bételgeuse ne me contredira pas.

En avril, je reprendrai une activité saine et normale. Comprenez la même chose que tout à l'heure, à savoir : aller voir Hubert aux quatre coins de la France ou presque, et même par-delà les frontières. Pour le moment, je n'ai qu'un billet : c'est pour le concert qui aura lieu le 5 avril au casino de Mondorf-les-Bains. Mon p'tit Jiminy Cricket inversé me susurre à l'âme que j'ai un peu merdouillé, n'ayant toujours pas de place ni pour l'Olympia, ni pour Reims, ni pour Dole. Et ne sachant pas s'il reste des places... Quoi ? Ça coûte cher, me hurle dans l'oreille mon Jiminy Cricket pas inversé. Oui mais ça, mon ami, c'est accessoire, compte tenu des autres soucis qu'on peut avoir dans l'existence. Plaie d'argent n'étant pas mortelle, je dis qu'il est grand temps de regarder s'il reste des billets pour l'Olympia, Reims et Dole ! Au diable l'avarice !

Et vous, comment patientez-vous jusqu'à la reprise de Replugged ? Quels concerts sont inscrits à votre calendrier ? Et en ce qui concerne Hubert, lesquels avez-vous prévus ?

01/01/2024

Mathématiques (souterraines et autres)...

"Il y a une étoile mise dans le ciel pour chacun de nous, assez éloignée pour que nos erreurs ne viennent jamais la ternir". Christian BOBIN

 

Années 1980. Je suis cette enfant littéraire qui grandit dans un milieu où tous ne jurent que par les sacro-saintes mathématiques : mon père, ma mère, mon frère. Je suis là, au milieu de ce beau monde scientifique, et j'y détonne à pleins tuyaux puisque je ne pige absolument rien aux maths. Mais quand je dis rien, c'est rien : néant absolu, sur toute la ligne. Le moindre problème à résoudre me plisse le front pour de longues heures. Ce n'est pas avec moi qu'il trouvera sa solution ! Dès la lecture des premiers mots de la consigne, il me vient des sueurs froides. Le train X, en provenance de Paris et en route pour Metz, roule à 150 kilomètres heure. Sachant que le train Y, en partance de Metz, roule à 130 vers la capitale, trouvez l'heure à laquelle les deux trains se croiseront. Sans dec, vous ne voulez pas non plus qu'on vous dise en quel endroit précis de la pampa française ils vont se rejoindre ?! Tout ça ne m'intéresse pas et me rend chèvre. Enfin, par chance, ce n'est pas moi qui règle les aiguillages !

Idem les histoires de robinets qui fuient : sachant que le liquide coule à raison de tant de centilitres par heure, combien le foyer souffrant de cette fuite aura-t-il perdu d'eau à la fin d'une journée ? Truc de maboul ! Je n'en sais saintement que dalle ! Dire qu'il suffirait d'appeler un plombier pour qu'on arrête d'emmêler la tête de mômes comme moi avec ces histoires à dormir debout !

Les maths deviennent très vite le cauchemar de ma scolarité. Et comme si la torture quotidienne n'était pas à son comble, ma mère, institutrice de son état, fomente un bien sale coup avec une de ses collègues : elles conviennent toutes deux que je resterai les soirs après la classe pour faire … des maths. Pendant que ma mère préparera tranquillement dans sa salle les activités du lendemain, ma maîtresse de CM1 me fera bosser ce truc infâme dont je n'ai pas la bosse. Me voilà donc, tous les jours, à suer sang et eau sur de nouveaux problèmes, aussi tordus que ceux parlant de trains ou de robinets. Margaux dispose de 136 francs. Elle achète dix sachets de bonbons à 2,36 francs, et gnagnagna... J'en pleurerais.

Par la suite, tous mes profs de maths se tritureront les neurones pour voir par quel bout prendre mes tristes incompétences. Ils s'y casseront tous les dents. Si bien que lorsque j'arriverai en terminale A2 (à l'époque, certaines mauvaises langues disaient que c'était la filière qui servait de dépotoir aux nullos qui n'étaient pas dotés d'assez de cellules grises pour pouvoir choisir un cursus scientifique), je dirai directement à mon prof de maths : « Ne vous fatiguez pas avec moi, monsieur, je suis nulle en maths et je le resterai ». Le brave homme s'indigna : personne n'était nul en maths, selon lui. Qui donc m'avait fourré cette sombre conviction dans le crâne ? Ben, moi-même, mes tristes incompétences et, il faut bien le dire, quelques profs. Monsieur D. ne pouvait accepter que l'on parte vaincu d'avance. Habilement et sans jamais se montrer insistant, il fit tout ce qui était en son pouvoir pour me gagner à sa cause. Il mit beaucoup de cœur et d'humour à l'ouvrage. À cette époque, quand on était en A2, on présentait, lors des épreuves de maths du baccalauréat, un dossier sur le thème de son choix. J'optai pour la correspondance de Pascal et de Fermat. Monsieur D. se marra : « Alors toi, tu es drôle : tout le monde déteste les probabilités et voilà que tu t'es entichée de la question ». Ben ouais, allez savoir pourquoi. N'empêche que je sauvai l'honneur du mieux que je pus : j'obtins un convenable 14 en maths au bac. Peu après, j'allai trouver monsieur D. pour le remercier. Il me répondit que je ne devais ma note qu'à mon travail sérieux. Non, mais quel homme ! Lors de la première réunion parents-profs, je lui dis : « Je vous assure, vous m'avez presque fait aimer les maths ». Ce à quoi il répondit, sans se laisser attendrir : « Te fous pas de ma gueule ». Il était comme ça, monsieur D. : on ne la lui faisait pas. Cependant, il était du genre à tout mettre en œuvre pour sauver les brebis égarées (et Dieu sait si je m'éloignais régulièrement du troupeau). Il y a une quinzaine d'années, je retrouvai sa trace sur Copains d'avant et je lui envoyai un courrier de remerciement, dans lequel je ne manquai pas de lui dire que, devenue prof à mon tour, j'essayais de faire comme lui et d'amener chaque élève au meilleur de lui-même, ajoutant que la tâche demeurait ardue. Monsieur D. : le meilleur pédagogue du monde. Il répondit à mon message et m'expliqua qu'il était toujours prof et très heureux de l'être !

Toute une scolarité parasitée par une matière, voilà mon histoire. Les chiffres m'intimidaient, c'est tout. Il n'y en avait que pour eux à la maison, ça ne me simplifia pas la tâche ! Souvent, mes parents se montraient désespérés : comme ils auraient aimé que leur fille comprenne à quel point les maths structurent l'esprit ! Raté. Plus tard, quand même, ils se dirent très fiers de mon choix qui s'était porté sur l'allemand. Il paraît que c'est une langue qui, dans sa logique pointilleuse, n'est pas si éloignée que ça des maths : voilà qui me fait bien marrer !

Durant mon adolescence, j'affichai sans scrupules un flamboyant mépris vis-à-vis de cette matière que j'estimais peu noble. Je disais à qui voulait bien m'entendre qu'il fallait être un peu con pour s'intéresser à « ça ». Aujourd'hui, mon point de vue s'est, fort heureusement, teinté de nuance ! De plus, ne manquant pas de lucidité, je m'afflige fréquemment de mon désespérant niveau en maths. Parlez-moi de deux TGV qui roulent à telle allure, et patati et patata, et voilà que je blêmis, sachant déjà que le problème en question demeurera toujours un problème pour moi.

Ce qui est drôle, c'est que tous les artistes que j'aime ont déclaré à un moment ou un autre qu'ils étaient nuls en maths. Les deux exemples les plus frappants : Romain Gary et Hubert-Félix Thiéfaine ! Ce dernier a expliqué plus d'une fois que sa « manie » de mettre des nombres partout s'apparentait à une vengeance : besoin de prendre sa revanche sur un univers qui lui restera toujours désespérément fermé.

Le destin ne manque pas d'ironie : la pauvre gamine que j'étais et qui pleurait sur ses exercices de maths ne savait pas que son train, lancé à grande vitesse sur les rails, se dirigeait tout droit depuis l'enfance vers celui d'HFT. Pas plus qu'elle ne savait que le morceau qui la ferait tomber dans la marmite s'appellerait Mathématiques souterraines ! C'est, de loin, la chanson que j'ai le plus écoutée dans ma vie. Quelqu'un me demandait dernièrement si j'en avais pris les paroles à mon compte : un peu, oui. À 19 ans, lorsque j'entendis pour la première fois parler de cette « pauvre petite fille sans nourrice arrachée du soleil », je reconnus en elle une frangine d'infortune. Depuis, elle ne m'a pas lâché la main, et nous parcourons l'existence côte à côte, toujours, ça nous rend plus fortes. Je sais, il y a là beaucoup de prétention de ma part ! Mais les chansons, dans le message universel qu'elles peuvent délivrer, ne sont-elles pas faites pour s'adresser à chacun d'entre nous ? On se les approprie, et on les réécrit presque. Ainsi, j'ai une lecture toute personnelle de Méthode de dissection du pigeon à Zone-la-ville, qui me parle de ma mère se faisant trimbaler entre Metz et Nancy, par une nuit de décembre, dans un « fourgon sanitaire au galop ». Quelques semaines plus tard, « adrénaline au point zéro et silence au stétho »... J'ai une écoute toute nombriliste des chansons de Thiéfaine, désolée !

Ces Mathématiques souterraines et le lien quasi surréaliste que j'entretiens avec elles depuis septembre 1992, n'est-ce pas un peu ma revanche personnelle sur un univers destiné à me rester à jamais fermé ?!

 

Sur ce, je vous souhaite une excellente année 2024. Qu'elle soit thiéfainienne plus plus plus, et glou et glou et glou !