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12/10/2024

Nena à la Saarlandhalle : quand les étoiles s'alignent parfaitement dans le ciel !

"Chaque jour peut être le dernier : il n'en est donc aucun d'insignifiant". Christian BOBIN

 

Ce jeudi 10 octobre est un jour parfait. Ça n'arrive pas si souvent ! Dans ces cas-là, j'imagine des milliers d'étoiles sortant, en plus de leurs petits bras musclés, leurs règles, compas et compagnie pour créer, dans le ciel, un alignement et un éloignement irréprochables. Après cela, elles sont en général crevées et ont besoin de se reposer pendant de longs mois. D'où la rareté du truc. Et la nécessité de le savourer.

Tout est parfait puisque ma fille Clara peut m'accompagner au concert de Nena qui a lieu ce soir à la Saarlandhalle, à Sarrebruck. Nos emplois du temps sont alignés, eux aussi, pour une fois, ce qui fait que nous pouvons passer une partie de l'après-midi dans le centre de la ville sarroise avant d'aller au concert. Retrouvailles avec ma librairie préférée, flânerie dans la grande rue commerçante.

Vers 17h30, je dis à Clara qu'il ne faudra pas tarder à manger. Le concert commence à 20h, d'accord, mais la Saarlandhalle est assez loin du centre-ville. Et Nena, en Allemagne, c'est une star, elle va forcément attirer les foules. Une heure et demie plus tard, j'en ai la preuve : le parking qui se trouve près de la salle est bondé. On cherche une place et je m'énerve, comme je sais si bien le faire. Je repense à la fois où je devais aller voir Mark Knopfler au Luxembourg et où j'avais été prise dans des bouchons infernaux qui m'avaient fait arriver très en retard. Puis, une fois au Luxembourg, impossible de trouver une place où larguer ma voiture. Si bien que je m'en étais retournée chez moi, écœurée. En ce jeudi 10 octobre où tout est pourtant bien parti, me revient ce traumatisme (oh, ça va, il n'était pas si terrible, j'en ai vécu d'autres, des vrais, depuis). Je dis à Clara qu'on ne va jamais y arriver. « Mais si », me répond-elle calmement, habituée à mes coups de flip !

Nous finissons par trouver un endroit où laisser la voiture, sur un petit chemin douteux où je ne m'aventurerais pas seule la nuit (ça tombe bien, nous sommes deux, merci les étoiles). Nous descendons vers la Saarlandhalle. Il pleut, les voitures circulent à grande vitesse sur la route que nous longeons. Je m'exclame : « Même pour Hubert, j'ai jamais fait ça ». Bien sûr que si que je l'ai fait, voyons ! J'ai même fait pire. Souvenir du concert de Vittel, il y a quelques années, où j'avais eu droit à toutes les saisons sur la route. Et croyez-vous que cela m'aurait fait renoncer ? Niemals !!!

Nous voilà au merchandising. Je veux acheter un tee-shirt et le mettre en classe (au printemps, bien sûr, pas lundi prochain où ça va cailler sa mère, et là je pique l'expression à une de mes anciennes élèves tant je l'avais trouvée rigolote : « ça caille sa mère » - vous remarquerez que la mère est toujours responsable de tous les maux). Le mettre en classe, le tee-shirt, en espérant susciter des questions de la part de mes élèves. Questions qui, elles-mêmes, susciteront des réponses promotionnelles. Enfin, si c'est comme avec le tee-shirt de la tournée Scandale mélancolique arboré fièrement en classe il y a une quinzaine d'années, je peux vous dire que mon espoir va vite se retrouver boxé. Ce jour-là, un élève m'avait dit : « Ouah, madame, vous connaissez Hubert-Félix Thiéfaine ? ». Moi, pleine d'attentes en tous genres (la première étant d'avoir un fan d'HFT parmi mes élèves, naturellement) : « Oui, j'aime beaucoup » (je ne dis pas « j'adore » dans ces moments-là, tenue correcte exigée). « Toi aussi ? », avais-je ajouté. Et là, la déconvenue totale : « Non, c'est mon père qui écoute ça ». Moralité : ne jamais rien espérer, la vie est trop cruelle.

Dans la file d'attente devant le merchandising (oui, nous quittons ma salle de classe de Nancy pour retourner à la Saarlandhalle), je rencontre un couple franco-allemand. C'est elle qui est allemande. Elle est heureuse de trouver des Françaises ici. Elle s'étonne de mon engouement pour la langue allemande (que je lui dépeins dans les grandes largeurs, c'est plus fort que moi). Elle trouve que l'allemand est une langue agressive. Oh, je sais, on me la fait tout le temps, celle-là. Et les Allemands ne sont pas les derniers à critiquer le trésor qu'ils partagent pourtant avec Goethe, Heine, Kleist et tant d'autres...

Voilà, j'ai mon tee-shirt Nena. Il va désormais concurrencer ma panoplie HFT ! Dans un cas comme dans l'autre, vous savez... Y a guère que les vieux qui sauront de quoi il retourne. Ou les enfants de vieux. Voire les petits-enfants de vieux. Hier encore, j'avais vingt ans, mais bon...

Il y a une première partie dont je ne vous dirai rien pour la simple et bonne raison que je n'y ai pas assisté. Ma fille voulait fumer une cibiche. Puis aller aux toilettes. Tout cela nous a tellement occupées que zou, première partie finie en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. J'ai l'impression que la chanteuse n'a interprété que trois morceaux comme ça, vite fait, à l'arrache.

Et puis arrive celle que tout le monde attend : Nena. Avec un grand « N », comme celui qui s'affiche somptueusement sur le décor de la scène. Les lumières ne s'éteignent pas tout de suite. Nena explique qu'elle veut nous voir (« ich will euch sehen », dit-elle, et c'est beau, purée, on dirait du Goethe !). J'ai des frissons partout tant je suis heureuse d'être là : à un concert de Nena que j'écoute depuis si longtemps, dans le pays qui est devenu ma deuxième maison (« mein zweites Zuhause », comme je dis toujours), après une maladie qui a failli me priver de toutes ces splendeurs. Parfois, penser que l'Allemagne continuera son bonhomme de chemin sans moi après ma mort me rend mélancolique et songeuse. Va-t-elle vraiment y arriver ?!

Nena nous voit, donc, et elle s'en réjouit. Elle est tout sourire, comme à Colmar. Son beau visage, sa silhouette filiforme, sa voix cristaline, la merveilleuse langue dans laquelle elle chante : de tout cela émane un charisme dingue.

Les titres s'enchaînent, offrant un aperçu éclectique de la carrière non moins éclectique de la chanteuse : il y a du rock, beaucoup de rock (et Nena d'empoigner plusieurs fois sa guitare électrique), du disco, des balades. Aucun temps mort, sauf ces trente secondes de silence que Nena réclame en faveur de la paix dans le monde. Le silence a d'ailleurs du mal à se faire dans la Saarlandhalle, comme la paix dans le monde... Il finit par arriver quand même, et c'est puissant, je n'avais jamais vécu cela dans une salle de concert.

Clara me dit qu'elle ne regrette pas d'être venue. Elle kiffe. Elle trouve que Nena a une voix magnifique, me dit que l'allemand est une très belle langue. N'est-ce pas que ta mère a raison, ma fille ?! Je sens qu'il va falloir que je planque mon tee-shirt, moi !

Les temps forts de ce concert qui en regorge ? 99 Luftballons, bien sûr. Leuchtturm, forcément. Irgendwie, irgendwo, irgendwann, na klar ! Rette mich, évidemment. In meinem Leben aussi, sorte de longue confession dans laquelle Nena avoue s'être plantée plus d'une fois sur le chemin de la vie et n'avoir pas fait que des choses bien. Qu'elle se rassure : moi non plus, et personne dans la salle. Et personne dans le monde entier ! Que celui qui n'a jamais péché, n'est-ce pas...

Le concert dure deux heures et on ne les voit pas passer. On sait pourtant que Saturne, le « dieu fort inquiétant », reste tout-puissant même et surtout quand les étoiles sont disposées dans une géométrie aussi parfaite qu'étonnante. On voudrait que ça ne passe pas, et ça passe quand même.

 

Et me voilà ce matin, un rien nostalgique...

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