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05/10/2024

Ô joie, je vais bientôt revoir ma très chère Nena (si tout va bien) !

"A dix-sept ans, on voit clair. On voit ce qui est juste et ce qui ne l'est pas. On devine que le cœur d'un adulte est mélangé de tout. On voit que le cœur d'un adulte est un chiffon, un peu comme ceux qui servent aux peintres, pour essuyer leurs pinceaux. On voit la vie manquée, on se promet tout le contraire". Christian BOBIN

 

Début des années 1980. Je suis encore une petite fille. J'aime déjà follement la musique. Je regarde régulièrement des clips à la télé. Un jour, je découvre un truc bizarre. Ça chante en allemand, une langue que j'entends souvent à la maison : mon père, qui travaille chez Siemens, regarde presque tous les jours des chaînes allemandes. Il s'entraîne, il s'imprègne. Car il va assez souvent en Allemagne, à Erlangen, où il fait des stages (plus tard, je l'y accompagnerai un certain nombre de fois, chose que j'ignore encore sur le canapé du salon où je suis posée pour m'entraîner et m'imprégner d'autre chose que de la langue allemande : de musique, à m'en étourdir, à en oublier l'heure et les leçons qui m'attendent désespérément dans des cahiers que je n'ouvre qu'en catastrophe le dimanche soir). Et donc, au milieu de tous les clips, il y a ce truc bizarre avec une nana qui parle de « Luftballons ». Je ne comprends que dalle, mais ça me plaît.

Un peu plus tard, j'arrive en sixième et mes parents me forcent à faire allemand première langue. Je suis furax. Moi, je voulais faire de l'anglais. L'allemand, je trouve que c'est ringard et pas beau et trop conventionnel puisque j'en entends beaucoup à la maison. Mes parents demeurent inflexibles et je dois me ranger à leur avis qui me désole. Ce sera donc allemand première langue. Sans enthousiasme, je vous jure. Pire : avec hostilité ! Je me souviens de mon premier mot dans le carnet de correspondance : « Catherine n'apprend pas ses leçons d'allemand ». Véridique. Eh oui, Catherine n'en fait qu'à sa tête, Catherine choisit ses matières bien soigneusement. Catherine rejette l'allemand, au même titre que les maths et la physique. Beurk, tout ça ! Allez, dans le même sac que je balance par-dessus bord.

Et puis, un jour, ma vie bascule : je rencontre une prof d'allemand archi passionnée qui vit sa matière plus qu'elle ne l'enseigne. Je tombe sous le charme. De la prof et de la langue allemande. Virage à je ne sais combien de degrés. Beaucoup de degrés. Me voilà littéralement amoureuse de la langue de Goethe. Depuis l'enfance, je veux être prof. Je sais désormais que je serai prof d'allemand et que j'essaierai d'être aussi convaincante que celle qui m'a fait aimer cette langue.

Je commence à me rendre fréquemment en Allemagne. Après être tombée amoureuse de la langue, je tombe amoureuse du pays. Je déplore qu'on le connaisse si mal en France.

Et puis, je deviens prof. En classe, je me heurte souvent à des préjugés impitoyables, ceux-là mêmes que j'avais quand j'étais au collège : l'allemand, langue moche et ringarde. J'ai l'impression de partir régulièrement en croisade pour tenter de casser les mille et un clichés qui collent à la peau de ma pauvre langue allemande tant aimée. Parfois, je parviens au résultat escompté. Parfois, je tombe à côté. Tant pis, on ne peut pas convaincre tout le monde. Il y a des certitudes indéboulonnables...

Un jour, en Allemagne, je tombe sur un CD de Nena. Quoi, elle existe encore ?! J'achète le CD. Plus tard un autre, et encore un autre. J'écoute ça avec joie, des frissons partout (parce que moi, l'allemand, ça me remue profondément !). Je me mets à connaître par cœur certaines chansons. Et quand j'écris par cœur, c'est par cœur. J'apprends tout ça avec le cœur parce que ça parle à mon cœur. Nena raconte de menues choses quotidiennes (Meine kleine heile Welt, Wenn wenigstens Sommer wär), parfois aussi de grands trucs. Comme son incapacité à vivre un amour serein (Todmüde, Das ist normal, Dann fiel mir auf). Ça parle à mon cœur, vraiment, toute ressemblance avec ma vie n'étant malheureusement pas fortuite sur ce coup-là !!!

Lors de la longue traversée que fut ma putain de leucémie, je devais faire la connaissance (sur Facebook) d'une certaine Sandrine, atteinte de la même maladie que moi. Sandrine qui devait m'apprendre, beaucoup plus tard, quand nous serions sorties triomphantes de nos merdiers respectifs quoique similaires, que ma très chère Nena allait venir, en juillet 2024, à la Foire aux Vins de Colmar. Je ne réfléchis pas trop et me pris un billet.

Quel concert que celui-là ! J'en revins avec mille étincelles dans les yeux et dans la chair. Et avec l'envie folle de revoir ma très chère Nena.

Ce que, si tout va bien (toujours semer un peu partout des « si tout va bien » désormais, parce qu'on ne sait jamais, la vie a parfois de ces idées pourries pour vous la pourrir comme il faut, justement), je ferai dans quelques jours puisque la chanteuse passe à Sarrebruck, pas très loin de chez moi. Je vais y aller avec ma fille aînée, Clara. Si tout va bien. Parce que … vous voyez ce que je veux dire.

 

Ce que je retiens de tout cela ? Mes plus belles histoires d'amour ont souvent pris naissance dans une répulsion dingue : l'allemand, Thiéfaine, et même Gary, dont, à 14 ans, je lus La vie devant soi en m'arrêtant à la moitié, rendant le livre à la documentaliste de mon collège dans un geste que je qualifierais presque de dégoût : qu'est-ce qu'on est con quand on a quatorze ans, et j'en ai la preuve chaque jour sous mes yeux dans une certaine classe où j'enseigne, hihihi !!!).

Bon, c'est quoi, en ce moment, la haine qui me traverse ? Ce ne serait pas inutile de le savoir : elle deviendra ma plus belle histoire d'amour. Dis-moi qui je hais, je te dirai qui je m'apprête à aimer passionnément !!!!

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