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24/04/2022

Putain, putain, c'est vachement triste : Arno nous a quittés...

"La vie est belle, chic et pas chère". ARNO

 

Cher Arno, je ne connais pas ton répertoire comme je connais celui d'HFT, loin de là. Je ne t'ai pas vu souvent en concert : deux fois seulement. Mais l'annonce de ta mort me secoue, comme un tremblement de terre de plus. Je me souviens de toi tout débraillé au festival du JDM. Quelle année ? Je ne sais plus, mais cela ne date pas d'hier. Tu étais en grande forme alors. Une chose est sûre : on voyait bien que l'apparence n'était pas ta préoccupation numéro un, et c'était chouette, tu avais mieux à penser en ce monde qui souvent ne pense qu'à ça. Tu n'avais pas le sourire Colgate des petits minets, tu avais une tignasse invraisemblable, qui semblait dire merde aux autres, les bien coiffées, les trop bien mises. Tu pouvais cracher sur scène si cela te prenait comme une envie de … cracher. Il ne fallait pas se formaliser, c'était ainsi. Tu avais l'allure d'un vrai rocker qui n'était pas tombé sur les dents d'un peigne, mais plutôt, tout petit, dans une immense marmite où bouillonnaient toutes sortes d'influences. On les retrouverait plus tard dans tes chansons, joyeux melting-pot mêlant les mots littéraires d'un Brel ou d'un Caussimon à tes mots à toi, moins léchés, frisant parfois la naïveté. C'est pour ça qu'on t'aimait.

Tu étais, je crois, de ceux que l'on nomme écorchés vifs. La chanson que tu avais écrite sur ta mère nous le prouvait, si besoin. Celle-là, je l'ai écoutée des milliers de fois après la mort de ma mère à moi. En suppliant je ne sais qui, je ne sais quoi de faire en sorte qu'il y ait toujours une lumière dans ses yeux, même après extinction des feux... Y a-t-il toujours une lumière dans les yeux de ma mère ? Aujourd'hui encore, je n'ai pas la réponse, la mort se barre avec ceux qu'on aime et avec ses mystères à la con dont nous ne savons rien de rien. Heureusement qu'il existe des chansons qui nous réconcilient un peu avec les questions insolubles.

Je revois ma fille Clara toute petite, chantant à tue-tête « j'ai tout compris, oui j'ai dormi avec miss Amérique ». Et qui sait si grâce à toi, elle ne dormait pas de temps à autre aux côtés de miss Amérique ? Tu étais capable de tout, n'est-ce pas !

Je t'entends encore, et c'est pur délice, célébrer le plurilinguisme, la diversité et l'Europe. C'est vrai quoi, « putain putain, c'est vachement bien, nous sommes quand même tous des Européens ». Ce n'est pas moi qui vais te dire le contraire !

Ce qui est triste, quand un artiste nous quitte, c'est que désormais, à sa place, nous accompagnera toujours la complainte du jamais plus. Jamais plus tes entrées sur scène différentes de toutes les autres. Totalement anticonformistes, légèrement bringuebalantes. Jamais plus tes concerts où la foule en délire se mettait à « schunkeln » sur Les filles du bord de mer. Pas de toi, cette chanson, d'accord, mais c'était tout comme. Il faut bien un verbe allemand pour décrire ce truc inouï qui se produisait dès que tu te mettais à la chanter  : soudain, chacun prenait le bras de son voisin ou de sa voisine et se mettait à se balancer avec lui, avec elle. En quelques secondes, toute la salle était réunie en cette folle oscillation et cela valait toutes les thérapies de groupe. C'était beau, aussi bien à voir qu'à vivre. Jamais plus tes concerts où toujours quelqu'un ou plutôt quelques cent versaient une larme en entendant ta voix éraillée chanter la fameuse lumière dans les yeux de ta mère.

Il paraît que tu avais déclaré dernièrement ne pas pouvoir mourir maintenant, alors que les fleurs sont si chères. La mort ne s'est pas trop préoccupée de la hausse des prix et t'a cueilli comme ça, sans autre forme de procès. C'est sa manière de faire, il faut s'y faire. Il nous reste tes chansons pour nous en consoler.