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09/11/2013

"Sous le rose de nos ecchymoses"...

La pensée du jour : "On ne pleure pas parce qu'un train s'en va, on ne pleure pas parce qu'un train s'en va, on reste là sur le quai, on attend, on attend". Hubert-Félix THIEFAINE

 

Difficile de reprendre le clavier après ces longs mois d'absence. A chaque fois me taraude la lancinante question de savoir si je suis encore capable d'écrire, moi qui, à mon grand désespoir, n'écris plus ou si peu. J'aurais tant à dire pourtant. Non, ce blog n'est pas condamné à disparaître, je n'ai pas envie de signer nos adieux, non je n'ai pas dit mon dernier mot. Mais comment se dire quand la vie n'est plus que cette machine infernale qui nous traîne d'une contrainte à une autre, nous emporte dans le tourbillon infernal des tâches à accomplir, professionnelles, ménagères, factures et problèmes à régler, programmes en tous genres à respecter ? On se lève un matin en sentant que c'est là comme une espèce de grâce : les mots sont en nous, prêts à l'emploi, ils ne demandent qu'à s'offrir à la plume, on sent qu'ils vont venir tout seuls. Et le réel vient piétiner de toute sa lourdinguerie le semblant d'inspiration qui allait se donner... Carbonisé, l'instant de grâce ! Broyé, noyé très vite dans les eaux saumâtres des heures à tirer au boulot !

Où trouver alors un peu de silence ? Comment se recentrer sur soi-même et ce qui compte vraiment ? J'ai pris de bonnes résolutions pour les mois, voire les années à venir : à chaque coup de moins bien, une dizaine, une trentaine, une centaine de chansons de Thiéfaine pour sentir à nouveau vibrer en moi la corde sensible trop souvent contrainte au mutisme. « C'est pas tous les jours facile de vivre en société quand on a un peu d'imagination »...

Et c'est ainsi que durant la semaine qui vient de s'écouler, j'ai écouté et réécouté « Scandale mélancolique ». J'y parviens à nouveau, après des mois d'impossibilité totale, viscérale. Cet album est imprégné de « l'odeur sucrée de la mort » et on n'a pas toujours le cœur à se la prendre dans les poumons... De toute façon, écouter Thiéfaine cette semaine, c'était une obligation, une nécessité absolue, une question de respect. Je me devais de replonger dans l'un ou l'autre des albums de mon vieux compagnon de route Hubert. Hubert dont les chansons jalonnent mon parcours depuis 21 ans maintenant. J'ai fêté mes 40 ans dernièrement et ce nombre impressionnant de balais (à quoi bon parler de printemps ?!) me confère un privilège énorme et hors normes : j'ai désormais passé plus de temps « avec » Thiéfaine que sans lui !

Ceci n'était qu'une parenthèse et je reviens à mon sujet : je me devais d'écouter HFT cette semaine, en guise d'hommage à mes premières amours. Car celui qui, il y a 21 ans de cela, m'a mis le nez, les oreilles et le cœur dans l'œuvre colossale d'Hubert, n'est plus. Sylvain, mon amour de jeunesse, a cassé sa fragile pipe à l'âge de 42 ans. Une crise cardiaque l'a terrassé fin octobre. Il était de ceux qui grillent leur cibiche par les deux bouts, ne l'éteignant que pour en rallumer une autre dans la foulée. Je lui dédie cette note et je voudrais parvenir à y mettre la tendresse qu'il faut y mettre en pareil cas. Je me sens la frangine d'âme de tous les estropiés, de tous ceux qui traversent la vie sans arrogance, en titubant de trouille, de ceux qui ne marchent pas droit, et pas dans les clous. De tous ceux qui plantent leurs yeux dans la splendeur des paradis artificiels et ne reviennent jamais de l'enfer qui va avec. Je me sens la frangine d'âme de Sylvain et pas très loin non plus de son incapacité à vivre. Je ne m'y étais pas trompée il y a 21 ans : lui et moi, même combat perdu d'avance. Même sensibilité-fragilité qui rend parfois infernal le simple fait de se lever le matin et cruel tout contact avec les autres. Même douleur sous le rose de nos ecchymoses jamais apprivoisées, on vit avec.

Sylvain, merci, donc, merci de m'avoir menée vers l'une des plus grandes révélations de ma vie : Thiéfaine !

Adieu, sois plus heureux maintenant. Je t'en remets au vent ... qui disperse les cendres et les emporte au loin.