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18/09/2016

Septembre rose et splendide hasard...

"J'appelle la vie un splendide hasard". Michel BERGER

 

D’aucuns baptisent la vie « splendide hasard », affirmant du même coup leur adhésion totale à ce truc étrange qui leur tomba dessus. D’autres, plus nuancés et plus sceptiques, ont besoin de temps pour apprivoiser ce qu’ils considèrent d’abord comme une malédiction. C’est qu’ils sont nés, comme l’écrivait Verlaine, « sous le signe SATURNE », et « ont entre tous bonne part de malheurs et bonne part de bile ». Thiéfaine me semble être de ceux-là. De ceux pour qui la vie est d’abord une écorchure. Et pas du bubble-gum ! De ceux à qui la création artistique évita habilement le naufrage. C’est sans doute la raison pour laquelle l’écriture de Thiéfaine, qui ne triche pas (même quand il se dit « escroc solitaire », « truand qui blanchit des mots et du vent », il nous fait simultanément, selon moi, l’aveu de sa profonde probité), c’est sans doute la raison pour laquelle, disais-je, cette écriture s’adresse à cette partie de nous-même qui, dormant en des replis souterrains, attend une consolation. Peut-être s’agit-il de notre âme ? Dernièrement, m’interrogeant sur mon parcours et tentant d’esquisser un vague bilan de tout ce qui avait pu me constituer jusqu’alors (je parle de ces attachements qui naquirent en notre jeune âge et ne nous ont jamais quittés), m’est apparue une évidence. Elle m’a même carrément sauté à la face : à une époque chaotique de ma vie, Thiéfaine m’a littéralement sauvée. Il a suffi d’une histoire d’ascenseurs au fond des précipices pour que je me décide à déserter les gouffres ! Si je suis loin, à présent, de l’adolescente qui, découvrant une œuvre à nulle autre pareille (des chansons aux accents rimbaldiens dans « ce siècle marron », qui peut se targuer d’en connaître pléthore ?), ne cessait d’écarquiller les esgourdes, je n’en reste pas moins admirative de tant de phénoménale et insurpassable beauté ! Ma passion, loin de s’étioler au fil du temps, s’est étoffée, est devenue autre. C’est tout simplement une immense part de moi-même, qui a pris naissance à mon insu, il y a de cela vingt-quatre ans ! A vingt ans, je tombais facilement dans la grandiloquence et je répétais à qui voulait bien m’entendre que l’ami Hubert était mon maître à penser. Aujourd’hui, je suis moins catégorique (je l’espère, en tout cas !) et je crois savoir qu’on ne peut avoir qu’un seul maître à penser : soi-même. Cela me paraît souhaitable. Mais je reconnais que de somptueuses influences peuvent venir nous percuter dans notre petit confort quotidien et que l’on peut aussi en trimbaler d’autres depuis des décennies, sans que cela entrave notre propre jugement, au contraire. Ainsi, cela fait vingt-quatre ans que Thiéfaine déverse quotidiennement dans ma vie son incomparable poésie. J’ai découvert Mathématiques souterraines par une nuit de septembre où l’automne, déjà, déployait sa grosse artillerie de brume et de mélancolie. On ne peut rêver saison plus propice à l’écoute de Thiéfaine ! Et c’est pourquoi, malgré tout le fil à retordre que me donne chaque année l’été finissant, septembre est rose, incroyablement !

J’appelle ma rencontre avec l’œuvre d’Hubert plus qu’un « splendide hasard ». Elle fut une nécessité, une impossibilité de faire autrement.