21/11/2006
La tête de Chénier...
La pensée du jour : "Il faut échapper aux autres, qui vous corrompent", Louis CALAFERTE.
André Chénier naît à Constantinople en 1762. Son père y est consul de France. Sa mère, une Grecque pleine d'esprit et de beauté, lui apprend à aimer l'Antiquité. Dès l'âge de 14 ans, le jeune homme traduit des poèmes de Sappho, la poétesse de Lesbos. Venu à Paris pour ses études, il mène une vie insouciante et dorée. Il partage son temps entre les salons littéraires et les alcôves de ses nombreuses maîtresses. Il commence à écrire un Art d'aimer à la manière d'Ovide. Il voyage en Suisse et séjourne quelque temps en Angleterre. C'est là qu'il découvre avec enthousiasme les idées nouvelles de liberté et d'égalité. Dès le début de la Révolution, il soutient l'élan réformateur. Mais les excès populaires l'inquiètent. Il s'en prend aux Jacobins, et surtout à Robespierre, dans le Journal de Paris, qu'il a fondé avec des amis. Il écrit même un poème à la gloire de Charlotte Corday, meurtrière de Marat, "l'ami du peuple". C'en est trop. Menacé, il doit quitter Paris, il se réfugie à Versailles.
Il commet pourtant l'imprudence d'aller rendre visite à la famille d'un ami emprisonné. Il est alors arrêté et enfermé à Saint-Lazare. Il écrit le célèbre poème de La Jeune captive pour mademoiselle de Coigny, qui lui inspire un tendre sentiment. Il rédige ses textes sur du papier pelure qu'un gardien complaisant dissimule dans des paniers de linge. Devant le tribunal révolutionnaire, André Chénier refuse de se défendre. Il est condamné à mort et monte sur l'échafaud le 7 thermidor an II (25 juillet 1794). Il meurt en récitant des vers de Racine, deux jours avant la chute de Robespierre.
Source : Le grand livre de la poésie française, Marcel JULLIAN.
Et voici un poème de Chénier :
Aujourd'hui qu'au tombeau je suis prêt à descendre,
Mes amis, dans vos mains, je dépose ma cendre.
Je ne veux point, couvert d'un funeste linceul,
Que les pontifes saints autour de mon cercueil,
Appelés aux accents de l'airain lent et sombre,
De leur chant lamentable accompagnent mon ombre,
Et sous des murs sacrés aillent ensevelir
Ma vie et ma dépouille, et tout mon souvenir.
Eh! qui peut sans horreur, à ses heures dernières,
Se voir au loin périr dans des mémoires chères?
L'espoir que des amis pleureront notre sort
Charme l'instant suprême et console la mort.
Vous-mêmes choisirez à mes jeunes reliques
Quelque bord fréquenté des pénates rustiques,
Des regards d'un beau ciel doucement animé,
Des fleurs et de l'ombrage, et tout ce que j'aimai.
C'est là, près d'une eau pure, au coin d'un bois tranquille,
Qu'à mes mânes éteints je demande un asile :
Afin que votre ami soit présent à vos yeux,
Afin qu'au voyageur amené dans ces lieux,
La pierre, par vos mains de ma fortune instruite,
Raconte en ce tombeau quel malheureux habite;
Quels maux ont abrégé ses rapides instants;
Qu'il fut bon, qu'il aima, qu'il dut vivre longtemps,
Ah! le meurtre n'a jamais souillé mon courage.
Ma bouche du mensonge ignora le langage,
Et jamais, prodiguant un serment faux et vain,
Ne trahit le secret recélé dans mon sein.
Nul forfait odieux, nul remords implacable
Ne déchire mon âme inquiète et coupable.
Vos regrets la verront pure et digne de pleurs;
Oui, vous plaindrez sans doute, en mes longues douleurs,
Et ce brillant midi qu'annonçait mon aurore,
Et ces fruits dans leur germe éteint avant d'éclore,
Que mes naissantes fleurs auront en vain promis.
Oui, je vais vivre encore au sein de mes amis.
Souvent à vos festins qu'égaya ma jeunesse,
Au milieu des éclats d'une vive allégresse,
Frappés d'un souvenir, hélas! amer et doux,
Sans doute vous direz : "Que n'est-il avec nous!"
Je meurs. Avant le soir j'ai fini ma journée.
A peine ouverte au jour, ma rose s'est fanée.
La vie eut pour moi de volages douceurs;
Je les goûtais à peine, et voilà que je meurs.
Mais, oh! que mollement reposera ma cendre,
Si parfois, un penchant impérieux et tendre
Vous guidant vers la tombe où je suis endormi,
Vos yeux en approchant pensent voir leur ami!
Si vos chants de mes feux vont redisant l'histoire;
Si vos discours flatteurs, tout pleins de ma mémoire,
Inspirent à vos fils, qui ne m'ont point connu,
L'ennui de naître à peine et de m'avoir perdu,
Qu'à votre belle vie ainsi ma mort obtienne
Tout l'âge, tous les biens dérobés à la mienne;
Que jamais les douleurs, par de cruels combats,
N'allument dans vos flancs un pénible trépas;
Que la joie en vos coeurs ignore les alarmes;
Que les peines d'autrui causent seules vos larmes,
Que vos heureux destins, les délices du ciel,
Coulent toujours trempés d'ambroisie et de miel,
Et non sans quelque amour paisible et mutuelle.
Et quand la mort viendra, qu'une amante fidèle,
Près de nous désolée, en accusant les dieux,
Pleure, et veuille vous suivre, et vous ferme les yeux.
21:55 | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Ah c'est gai !!! Moi qui pleurais déjà à cause d'une bronchite attrapée quelque part à Paname.
A ce que je vois, la redescente est presque terminée, on se remet à la littérature autre que thiéfainesque, c'est bon signe, la vie reprend son cours normal...
Bises
Tommie
Écrit par : Tommie | 22/11/2006
Ne peut être corrompu que les faibles ou les déjà corrompus !...
Le Doc
Écrit par : Le Doc. | 22/11/2006
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