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26/04/2007

Romain Gary / Emile Ajar

La pensée du jour : "Tu es venue le voeu de vivre avait un corps", Paul ELUARD.

 

Aujourd'hui, je vous propose quelques extraits de Vie et mort d'Emile Ajar. Il me semble qu'ils éclairent assez bien les raisons de cette formidable supercherie!

 

« Je tiens à m’exprimer, ne serait-ce que par gratitude envers mes lecteurs, et aussi parce que cette aventure que j’ai vécue fut, à une exception près –celle de McPherson inventant le poète Ossian, au début du dix-neuvième siècle, cet Ossian mythique dont McPherson avait écrit lui-même l’œuvre acclamée dans toute l’Europe – fut, à ma connaissance, sans précédent par son ampleur dans l’histoire littéraire.
Je citerai ici, tout de suite, un épisode, pour montrer – et ce fut une des raisons de ma tentative, et aussi de sa réussite – à quel point un écrivain peut être tenu prisonnier de la « gueule qu’on lui a faite », comme disait si bien Gombrowicz. Une ‘gueule’ qui n’a aucun rapport ni avec son œuvre, ni avec lui-même ».

 

« J’étais un auteur classé, catalogué, acquis, ce qui dispensait les professionnels de se pencher vraiment sur mon œuvre et de la connaître. Vous pensez bien, pour cela, il faudrait relire ! »

 

« Il me faut, à présent, tenter de m’expliquer ‘en profondeur’.

J’étais las de n’être que moi-même. J’étais las de l’image Romain Gary qu’on m’avait collée sur le dos une fois pour toutes depuis trente ans, depuis la soudaine célébrité qui était venue à un jeune aviateur avec Education européenne (…) ‘On m’avait fait une gueule’. Peut-être m’y prêtais-je, inconsciemment. C’était plus facile : l’image était toute faite, il n’y avait qu’à prendre place. Cela m’évitait de me livrer. Il y avait surtout la nostalgie de la jeunesse, du début, du premier livre, du recommencement. Recommencer, revivre, être un autre fut la grande tentation de mon existence. Je lisais, au dos de mes bouquins : ‘plusieurs vies bien remplies… aviateur, diplomate, écrivain…’ Rien, zéro, des brindilles au vent, et le goût de l’absolu aux lèvres. Toutes mes vies officielles, en quelque sorte, répertoriées, étaient doublées, triplées par bien d’autres, plus secrètes, mais le vieux coureur d’aventures que je suis  n’a jamais trouvé d’assouvissement dans aucune. La vérité est que j’ai été très profondément atteint par la plus vieille tentation protéenne de l’homme : celle de la multiplicité. Une fringale de vie, sous toutes ses formes et dans toutes ses possibilités que chaque saveur goûtée ne faisait que creuser davantage ».

 

« Il y eut des moments comiques. Notamment, lorsque Paul Pavlowitch exigea de moi les manuscrits, pour ne pas être à ma merci, et moi, lorsque je ne lui donnai que les premiers brouillons, et encore après les avoir photocopiés, pour ne pas être à la sienne. La scène où Jean Seberg emballait lesdits manuscrits que je portais au coffre au fur et à mesure, était digne de Courteline.

Et les échos qui me parvenaient des dîners dans le monde où l’on plaignait ce pauvre Romain Gary qui devait se sentir un peu triste, un peu jaloux de la montée météorique de son cousin Emile Ajar au firmament littéraire, alors que lui-même avait avoué son déclin dans Au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable…

Je me suis bien amusé. Au revoir et merci ».

Romain Gary

21 mars 1979

 

Commentaires

Merci pour ces infos qui m'interressaient.
Il s'est bien amusé, mais il s'est quand même suicidé...

Écrit par : Tommie | 28/04/2007

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