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02/04/2017

Alex Beaupain en concert à La Passerelle de Florange

"Qu'est-ce que c'est dégueulasse

Dégueulasse comme tout s'encrasse

Tous nos jolis corps perdus

Nos ventres mous

Nos visages qui ne sont plus

Qu'un souvenir de nous". Alex BEAUPAIN (A bout de souffle)

 

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L'univers d'Alex Beaupain n'est pas des plus légers. Voilà un quadragénaire qui dit sans fard les blessures qui le font cauchemarder dans le silence des nuits. Quelqu'un qui ose aimer pour la seule beauté du geste, au risque de se prendre en retour des gestes moins doux en pleine face. La tournée qui s'est achevée vendredi soir à Florange s'ouvre sur la chanson Je suis un souvenir. Après l'avoir interprétée, Alex Beaupain nous demande, à nous qui sommes dans la salle, si nous allons toujours bien. « Parce que, quand même, il faut le reconnaître, cette première chanson n'était pas très gaie. Et ce n'est pas fini. Ce soir, on va parler du temps qui passe, de la mort, des amours... » Là, petit « ah » de soulagement s'élevant du public. « Qui finissent », ajoute Beaupain sur un ton espiègle. Avec élégance, il nous met au parfum. Âmes déglinguées s'abstenir. Ou rester en toute connaissance de cause, pour entendre parler des pertes et des fracas qui nous boxent et nous amoindrissent. Alex Beaupain, en évoquant ses deuils et ses chagrins, nous renvoie aux nôtres. Même pas peur, pour ma part, et tant pis si la chanson Les voilà me met le cœur à feu et à sang. Et peut-être tant mieux, qui sait, car nous avons parfois besoin d'avoir le vin triste pour pouvoir nous vider de l'amer qui nous plombe...

Ce qui est formidable, avec Beaupain, c'est que sur scène la gravité des chansons, presque toutes pluvieuses, est merveilleusement contrebalancée par l'humour du bonhomme. Un humour parfois teinté d'autodérision, parfois cinglant. La preuve : « Vous avez vu ce beau décor ? Les grandes tentures blanches au-dessus des planches, on dirait des lustres. Bon, je reconnais qu'il faudrait une maison avec des plafonds immenses pour ce genre d'accessoires. Je pense que cela irait très bien dans un manoir, à Sablé-sur-Sarthe, par exemple. Ah, mais c'est vrai, le monsieur a dit que les lustres de Beaupain, il les avait rendus ! » Ou encore : « Mon éclairagiste m'a dit que certaines personnes étaient attirées par la lumière. Il paraît que pour moi c'est l'inverse, c'est moi qui attire la lumière, je n'y peux rien. Du coup, j'éclipse un peu les musiciens, à qui il est très difficile de donner figure humaine dans ces conditions ! » Bref, on passe du rire aux larmes, des larmes au rire, de la pure déconnade à la difficulté d'être et de rester debout sous les coups que la vie nous assène... Les musiciens sont excellents. Valentine Duteil arrache des sanglots déchirants à son violoncelle et, de temps en temps, à sa jolie voix mélancolique. Ah, ce violoncelle, ah, cette voix ! Ils me font un effet bœuf, c'était déjà comme ça l'année dernière à Neuves-Maisons (c'est moins poétique qu'à Marienbad, désolée ! Mais la Lorraine a elle aussi bien des charmes, qui ne font pas dans la grandiloquence et l'époustouflant, certes, mais qui n'en sont pas moins dignes d'un petit détour. Même la vallée de la Fensch avait un cachet fou vendredi soir, sous les néons roses du soleil couchant).

Bref, en quelques mots comme en cent : Alex Beaupain et son équipe sur scène, ça décoiffe ! C'est de la poésie à l'état pur, de celle qui vous ferait aimer la sourde mélancolie qui tombe en pluie sur les toits de Paris en novembre.

À la fin du concert, Alex est venu s'imprégner de l'ambiance qui régnait au bar, une binouze à la main. Il avait déjà fait ça l'année dernière à Marienbad, euh, pardon, à Neuves-Maisons, et la simplicité avec laquelle il accueillait le public me l'avait rendu encore plus sympathique. À Florange, même gentillesse, même sourire offert à tous, ceux qui viennent bredouiller quelques mots, demander un autographe ou une photo. À la dame qui était devant moi, Alex a demandé pour quel chanteur elle avait déjà tremblé. « Thomas Fersen », a-t-elle répondu. Lorsque mon tour fut venu de tendre mon billet pour une dédicace, j'ai expliqué à Alex Beaupain que je n'étais pas loin de trembler face à lui. « Tu rigoles ou quoi, on est entre nous, il n'y a aucune raison de trembler », a-t-il rétorqué, et ce n'était pas une pose, on sentait qu'il n'y avait aucun artifice dans ces propos. Alex, c'est un peu le type avec qui on s'imaginerait très bien s'attabler au bar des amis ou quelque chose dans le genre. Il a bien plu à ma fille Clara, qui était de la partie vendredi. Loin de se laisser démonter et de trembler, elle, elle a fait remarquer à Beaupain qu'il avait mal écrit « Pour Clara ». Puis, au moment de la photo, Alex s'étant selon elle un peu trop appuyé sur son épaule, elle lui a dit qu'il lui faisait mal. « Elle est odieuse, » m'a lancé celui-ci, un sourire amusé sur les lèvres.

Quand même, durant ces quelques minutes d'échange, je n'ai pas pu m'empêcher d'évoquer Hubert, expliquant à Alex Beaupain que j'avais déjà beaucoup tremblé devant le Jurassien. « Ah, Thiéfaine, c'est bien, ça », m'a-t-il répondu. Décidément, même quand je fais une petite infidélité à monsieur HFT, il n'est malgré tout jamais très loin, planté fièrement entre docteur Renaud et mister Beaupain !!