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20/01/2019

Un roi tombé du ciel : Arthur H était au théâtre de Thionville hier soir !

"Sur la route blanche

Insouciant tu avances

Ta valise est vide

Ton habit de lumière repose sur la chaise". Arthur H (Le Passage). 

 

C'est un univers cramé aux entournures et à la boutonnière, par on ne sait quelle chandelle qui se consumerait des deux bouts. Vous qui entrez ici, abandonnez toute référence, dépouillez-vous de toute certitude. Déchaussez-vous peut-être aussi car c'est nu et sans filet qu'il faut pénétrer dans l'espèce de théâtre magique où évolue Arthur H. Ce théâtre dont il nous livre quelques scintillements est sans commune mesure avec quoi que ce soit de préexistant. Parfois, pour se rassurer et ne pas perdre pied, on voudrait sentir ici le souffle enfumé de Gainsbourg, là l'empreinte magique de Jacques Higelin. Mais non, on aurait tort. C'est Arthur H, tout simplement, l'unique Arthur H à la voix écorchée. On l'écoute et nous voilà téléporté dans un monde où il est nécessaire de se frayer un passage à la machette. Lentement, à petits pas. Impatients, hommes d'affaires pressés, chrononévrosés : s'abstenir. On accueille en soi, un peu décontenancé, l'histoire d'une boxeuse amoureuse qui encaisse les uppercuts sans broncher, on se demande qui peut bien être cette Lily Dale qui s'en vient, qui s'en va, comme l'amour, ce chien fou et imprudent « qui court sur l'autoroute » (on ne serait pas étonné d'apprendre que c'est par un jeudi d'automne). Dans un « bar de l'est bleu de fumée », on croise des paumés magnifiques : fugitifs, estropiés, fugueurs, poétiques déserteurs. Bref, on rame dans les bas-fonds interlopes, les hôtels borgnes peuplés d'une étrange faune. On est en bonne compagnie, quoi. On y imagine aisément des « nuits qui ne durent pas plus d'un quart d'heure ». Une môme kaléidoscope te débarquerait là-dedans qu'on n'en serait même pas surpris. Mais non, j'ai dit pas de commune mesure, pas de comparaison. Et pourtant, quand on vient de la planète HFT et qu'on atterrit sur celle d'Arthur H, on n'est pas totalement dépaysé. Je dirais même qu'on est en territoire connu. Pas conquis, en revanche. Parce que la contrée Arthur H, ça s'apprivoise, ça ne se donne pas comme ça pour trois francs six sous, il faut creuser un peu à la sueur de son front, tel un chercheur d'or...

Hier, Arthur H était au théâtre de Thionville. Arrivée légèrement boiteuse et mélancolique pour moi, en ce lieu où je vis plusieurs fois Hubert (pas toujours à son avantage, mais « passons, passons, puisque tout passe », comme l'écrivait Apollinaire) et devant lequel tant de fois je grelottai avant ou après un concert, échangeant avec les uns et les autres (le Doc, Françoise Salvan-Renucci nous disant précisément en ce lieu que Thiéfaine était un génie, 655321 et j'en passe). Un endroit un peu hanté, donc, ce théâtre de Thionville...

Quelques minutes de ce « vague à l'âme léger, léger, léger, léger »* ont suffi à me convaincre que les êtres laissaient un peu d'eux-mêmes partout où ils passaient. Un je ne sais quoi, une trace subtile, sauvage, mais bien là pour qui est prêt à l'accueillir en soi. Et puis les lumières se sont éteintes et ils sont arrivés : Nicolas Repac, Raphaël Séguinier et lui, donc, Arthur H. Un peu frêle et roi pourtant. Trimbalant en sa suite, c'était palpable, cet univers dont je vous parlais plus haut. Je le vois et mes yeux s'emplissent de larmes, je ne sais pas pourquoi. Il n'a même pas encore posé la gravité abyssale de sa voix sur la musique, ses doigts ont seulement plaqué quelques accords sur le piano, mais c'est là, je ne sais pas comment ni pourquoi, je pleure d'émotion. Entre deux chansons, il nous dit que pour atteindre Thionville et ses « lumières surgissant dans la nuit comme celles de Las Vegas en plein désert », il a traversé, avec son équipe, de sombres forêts luxembourgeoises. Soudain, la ville un peu farouche et austère, coincée entre l'ombre de Metz et celle de Nancy, revêt un habit de paillettes. Et comment ne pas penser à Jacques Higelin transformant lors d'un concert la cité de Rombas en une province exotique aux contours sexys ? « Rooombass » qu'il disait, chantait, clamait, en roulant le R, s'il vous plaît ! Et l'on se sentait soudain fier d'être lorrain, même en ces coins un peu ternes de la région, on se disait qu'on avait peut-être encore tout à découvrir d'un exotisme qui jusque là nous avait échappé !

Les chansons, merveilleusement, s'enchaînent. On passe par tous les rythmes et toutes les émotions. C'est lent, puis endiablé, puis mélancolique, puis pétillant version champagne pour tout le monde. À un moment, Arthur se poste devant un drôle de meuble à peu près aussi énigmatique que le sont ses personnages quand on vient d'entrer en collision avec leur démence. Le meuble est fermé. Arthur H l'ouvre lentement et l'on se demande ce qui va s'offrir à nos yeux. C'est un splendide bric-à-brac que voilà ! Arthur en sort une bougie qu'il allume. Il se remet au piano et nous chante Sous les étoiles de Montréal. Chanson d'abord hermétique pour moi, mais dont je viens de comprendre le sens, je crois : ne serait-elle pas dédiée à la chanteuse Lhasa, disparue prématurément en 2010, à Montréal ? Un peu plus tard, Arthur H s'en retourne à son étrange meuble. Il s'assied devant, nous tournant le dos. Ce n'est pas de l'impolitesse, c'est de la pudeur. Il bricole, il agite un truc qui ressemble à une amulette. Son visage apparaît sur un écran, et c'est alors qu'au milieu d'un silence recueilli résonnent les paroles du Passage, chanson dans laquelle il évoque son père. À la fin, alors que tintent des gongs, légers, légers, légers, légers comme vague à l'âme, Arthur H allume un bâtonnet d'encens qui va se consumer durant quelques minutes. Des volutes se mettent à danser sur l'écran, papillonnantes arabesques qui disent combien Jacques est avec nous. C'est un moment chargé d'émotion, mais nullement pesant. Higelinesque en somme. On ne peut pas applaudir car déjà Arthur s'est remis au piano et enchaîne avec La boxeuse amoureuse. Sans doute a-t-il souhaité ce silence après le gong. La boxeuse amoureuse : une chanson qui me remue incroyablement à chaque fois que je l'entends, sans que je puisse bien identifier la cause de ce raz-de-marée. Mais voilà que tout s'éclaire lorsque j'apprends, de la bouche d'Arthur, qu'il est ici question de sa mère. En fait, ce monsieur, c'est l'élégance incarnée : ses textes regorgent d'éléments autobiographiques, mais sa pudeur les crypte, faisant disparaître l'intime sous des strates de pistes brouillées. Le meuble qui trône sur la scène, c'est bien plus qu'un simple meuble, c'est un mausolée dressé vers le ciel, un temple bâti en l'honneur de ceux qui ne sont plus. Un autel des morts comme on en trouve au Japon ou au Tibet, ai-je appris depuis. Vers la fin du concert, le mausolée s'anime et devient un petit théâtre où s'agitent, sous forme de marionnettes, Mohamed Ali, Arthur H lui-même et Lily Dale (sous les traits d'Annie Oakley, m'a-t-il semblé). Que devient Lily Dale ? La suite de l'histoire reste à écrire, et c'est ce que la petite marionnette suggère à son créateur. Pour le moment, en tout cas, elle coule des jours tranquilles dans une bicoque, quelque part en Amérique, et Jim, son amoureux, lui chante des chansons d'Arthur. Mais, déplore-t-elle, il y en a un qu'on ne voit plus. C'est le grand Jacques. Généreusement (c'est sa signature, on l'aura compris), Arthur propose alors d'interpréter une des chansons dudit grand Jacques. « Je ne peux plus dire je t'aime », nous susurre-t-il presque de sa belle voix qui ferait trembler un continent. Et voilà que mon cœur n'y tient plus, la bonde explose, ça coule, ça fuit de partout, et ça ne sert à rien de retenir les larmes, je ne peux pas faire semblant : Jacques faisait tellement partie de ma vie... Dans la salle, fleurissent de brusques accès de toux dont je me dis qu'ils sont nés de l'émotion et destinés à écraser quelques sanglots. Jacques est avec nous, certes, mais qu'est-ce qu'il nous manque, putain, c'est pas vrai que cela fait déjà neuf mois sans lui et que rien n'est sorti de cette gestation douloureuse.

Et j'en reviens à la conviction qui s'est implantée en moi juste avant le concert hier : on sème quelque chose de soi partout où l'on passe. Un souffle, une énergie, une étoile, peut-être rien qu'un grain de poussière. Mais pour celui qui passe par là et achoppe sur ce miracle, c'est une douce consolation. Presque une révélation. Jacques Higelin a laissé, sur bien des trottoirs, sa démarche dansante, sur bien des scènes son grain de folie, en bien des cœurs ses mots qui portaient, qui réveillaient, qui enchantaient.

Quant à son fils, il a su mêler hier démesure, gravité, légèreté, émotion et grâce, oscillant sans cesse, et toute la salle avec lui, d'un point incandescent à un autre. De la flamme à la braise, jusqu'à extinction des feux.

En quittant Thionville, j'ai trouvé que ses lumières avaient quelque chose d'américain, mais je n'aurais su dire quoi au juste...

 

*Vague à l'âme, Jacques Higelin.

Commentaires

Meme si le sujet n'est pas ma tasse de thé, quel plaisir de te lire, je me sens transporté à chaque foix..

Écrit par : lefan | 20/01/2019

Où .. là .. là :-)

Écrit par : le Doc. | 20/01/2019

Supplément :

https://www.thiefaine.com/livre-dor/

, ….

Écrit par : le Doc. | 21/01/2019

https://www.thiefaine.com/40-ans-de-chansons-sur-scene/
Hubert est à l' Olympia les 22 et 23/11/2019 !!!!!!!!

Écrit par : isabelle | 05/02/2019

@ Oyé .. Oyé .. :

, billets pur le 22 et 23 en poche depuis le 4 février :-)

Écrit par : le Doc. | 05/02/2019

, ne pas hésiter à cliquer sur ce lien :

https://www.thiefaine.com/livre-dor/

;-)

Écrit par : le Doc. | 05/02/2019

Pareil, j'ai acheté mon billet moi aussi ! Pour le samedi 23 novembre. En revanche, je me suis fait un peu avoir, je n'ai pas trouvé de place en fosse (alors qu'il en restait, je l'ai appris par la suite) et me voilà de nouveau condamnée à vivre le concert d'un peu loin à mon goût. Mais l'Olympia offre, je crois, une vue d'ensemble d'un peu partout, non ?

Écrit par : Katell | 10/02/2019

Moi aussi, j'ai pris mes billets !
Et ta belle évocation du concert d'Arthur H m'a donné envie de le réécouter. Etrangement avant de lire ton texte, en faisant du rangement, je suis tombée sur la première cassette d'Arthur H que j'avais achetée en 1991 après l'avoir entendu par hasard à la radio, j'avais été énvoutée par cette voix très particulière, ne sachant pas encore que c'était le fils du grand Jacques.

Écrit par : Sylvia | 10/02/2019

Salut Katell

A vrai dire, rien ne t'empêche d'aller en fosse au lieu de t'assoir (si ce n'est le fait d'avoir payé plus cher).

C'est ce que j'avais fait pour la dernière d'Homo Plebis (…), à l'Olympia. J'avais prévu d'y aller seul, avais pris une place assise puis, finalement, avais retrouvé un ami venu en fosse.

Donc, s'il te faut une raison d'aller en fosse, vient m'y retrouver :-)

Mmmmhh, je savoure à l'avance cette dernière date de tournée. Y aura-t-il des invités ? D'autres titres ? Autant de musicos ? Wait and see.

Salutations numériques !

Écrit par : Seb | 11/02/2019

@Sylvia : Tant mieux si le billet ci-dessus t'a donné envie de réécouter Arthur H ! C'est un sacré artiste, lui aussi. Quelle voix ! Et son univers farfelu est vraiment plaisant !
@Seb : Très bonne idée, je vais essayer d'aller en fosse le jour J, si je ne suis pas dirigée d'office vers les fauteuils. Cela m'est déjà arrivé. On verra.

Écrit par : Katell | 12/02/2019

Et pour ceux qui aiment Jacques Higelin, je recommande la très belle émission d'Augustin Trappenard ("Boomerang") qui lui était consacrée hier. Invités : Arthur H et Izia. Émotion au plus haut !

Écrit par : Katell | 12/02/2019

Seb, as-tu écouté le dernier Charlélie ?

Écrit par : Katell | 13/02/2019

Salut Katell

Ouiiiiiiii !! (de belles chansons : toi ma descendance, the hardest, ode à l'est, ...).
De plus, le père peinard passe sur Paris (le 12 avril au Trianon). Ce sera ma première fois :-)

J'ai vraiment du plaisir à partir dans ses histoires.

J'imagine que toi aussi, tu l'as écouté :-) Comment le trouve-tu ?

Ah, sinon, je pense que le placement est assez libre à l'Olympia (en revanche, j'ai pris des places en balcon pour Charlélie mais, c'est en placement libre : du coup, pour rester groupé, cela risque d'être la foire d'empoigne...).

Salutations numériques !

Écrit par : Seb | 13/02/2019

Salut Katell

Ouiiiiiiii !! (de belles chansons : toi ma descendance, the hardest, ode à l'est, ...).
De plus, le père peinard passe sur Paris (le 12 avril au Trianon). Ce sera ma première fois :-)

J'ai vraiment du plaisir à partir dans ses histoires.

J'imagine que toi aussi, tu l'as écouté :-) Comment le trouve-tu ?

Ah, sinon, je pense que le placement est assez libre à l'Olympia (en revanche, j'ai pris des places en balcon pour Charlélie mais, c'est en placement libre : du coup, pour rester groupé, cela risque d'être la foire d'empoigne...).

Salutations numériques !

Écrit par : Seb | 13/02/2019

Bonsoir à tous,

J'ai aussi pris mon billet pour le 23, en fosse early... J'ai failli attendre un peu mais à vous lire, je crois que j'ai eu raison de ne pas tarder. La salle, qui n'est pas si grande, a dû se remplir très vite. On reste tout de même assez proche, quel que soit l'endroit : ça n'est pas Bercy !
J'apprécie aussi beaucoup Arthur H, je trouve sa voix très impressionnante. Mais plus de place la fois où j'ai voulu aller le voir. J'ai écouté l'émission de Trappenard, émouvante en effet.

Je passe à autre chose... Je lis en ce moment L'art de perdre, d'Alice Zeniter (Prix Goncourt des Lycéens 2017, édition Poche). L'histoire d'une famille de Harkis. Et voici ce que je relève, à la page 335, au moment où quatre amis, dont le héros de l'histoire, immigré et père de la narratrice, se rendent chez l'un d'eux en province à une fête de la Saint-Jean : « La musique passe sans prévenir de Claude François à Thiéfaine ou à Dylan ». Les trois réunis ! Etrange coïcidence, ou peut-être pas... En tout cas, ça m'a fait plaisir qu'il(s) soient mentionné(s) par l'auteur.

Très bonne soirée !

Écrit par : CélineCapucine | 13/02/2019

Oui, ça fait toujours une sensation étrange de voir surgir ce nom.

Preuve qu'avec le temps, Thiéfaine fait partie du bagage émotionnel d'autres créateurs (écrivains, musiciens, bien sûr, et même politiciens -que je ne classe pas dans les créateurs- :-)

J'ai appris que "Soleil cherche futur" apparaissait dans le film "Le Pantin" (2016) que je n'ai pas vu.

Salutations numériques…

Écrit par : Seb | 14/02/2019

Pardon de vous répondre si tard, les amis : moi aussi, CélineCapucine, je suis toujours contente quand un auteur mentionne Hubert ! Olivier Adam le fait aussi dans Les lisières, je crois, et je me souviens d'avoir regardé très longtemps ce nom aimé, de ne pas avoir voulu tourner la page trop vite...
Oui, Seb, j'ai écouté le dernier album de CharlElie : déroutant à la première audition, mais n'est-ce pas merveilleux de se sentir bousculé ?! Déroutant, oui, mais pas seulement : envoûtant aussi, grave parfois, invitant l'air de rien à la réflexion. C'est ce que j'aime avec CharlElie, son côté : "Rien, rien, j'disais ça comme ça" !

Écrit par : Katell | 23/02/2019

Merci Katell pour ton magnifique billet sur le concert d'Arthur H . S'il venait par ici, je suis bien certaine qu'il serait très sensible à ta plume, à cette profondeur que tu sais si bien exprimer .
Toi qui aimes tant aussi les mots d'Arthur, ses sentiments profonds , je vais te faire ce cadeau (mais peut-être l'as-tu déjà ... )

POUR L’ANNIVERSAIRE DE JACQUES…
UNE NUIT AU PERE LACHAISE 18/10/18

Paris, Cimetière du Père Lachaise, nuit du 17 au 18 octobre 2018. 3 heures du matin. A la frontière entre la 13ème et la 20ème division, entre l’Allée de la Vierge et l’Avenue de la Chapelle.
Je suis venu visiter la tombe de mon père le 17, un jour avant son anniversaire, je préfère être seul pour pouvoir me recueillir tranquillement. Je suis arrivé tard dans le cimetière, j’étais épuisé de la tournée. Je me suis assis dans un coin un peu au dessus, j’attendais que des gens partent pour pouvoir me rapprocher mais ils restaient là à bavarder. Alors, sans m’en rendre compte je me suis endormi, j’ai sombré dans un sommeil lourd et quand je me suis réveillé c’était la nuit noire. Je panique un peu au début puis je me dis que c’est une sacrée chance d’être là, tout seul, au milieu du Père Lachaise. J’observe autour de moi et en tendant l’oreille intérieure, je décèle comme de faibles grognements, des chuchotements indéchiffrables d’ombres de fantômes. Ici les fantômes de fantômes pullulent dans l’indifférence… Les gens qui vous portaient un peu dans leur cœur sont eux-mêmes parfaitement oubliés depuis des décades. Des grandes lucioles, fugaces et merveilleuses, illuminent une fraction de seconde des noms obscurs sur des caveaux dévastés. La lune ne s’est pas levée. Tout reste dans l’obscurité indécise de la pollution lumineuse d’une mégapole. Allée de la Vierge, il y a une tombe fraîche entourée d’une aura un peu plus vive, plus définie, qui irradie d’une lumière tendre : c’est celle de mon père, Jacques Higelin. A 20 mètres de là il y a une autre tombe, un peu futuriste, post moderne, c’est celle d’Alain Bashung qui vibre elle aussi d’une lueur particulière. Je suis sûr que les âmes immenses des deux chanteurs ne sont pas localisées dans ce lieu précis : une part d’eux-mêmes est sûrement en train de vivre de nouvelles aventures dans d’autres dimensions flamboyantes, une autre est dans le cœur de tous ceux qui les ont aimés et une dernière reste, par curiosité et attachement, dans le vieux cimetière parisien : ils sont tous les deux d’anciens gamins populaires et sont fiers d’être entourés par un grand général, un chirurgien oublié et un politicien sulfureux de la troisième république. Je regarde mon portable, ça ne capte pas, il est trois heures du matin. Soudain mes poils se hérissent dru sur ma peau. Avec les chats sauvages, les hiboux et les rats, je suis le spectateur stupéfait d’un phénomène inexplicable: un arc lumineux gracieux, une espèce de brume électrique s’élève dans l’atmosphère et relie progressivement les deux tombes. Ca doit être une onde quantique qui permet aux deux esprits de se synchroniser. Il y a un frémissement dans l’air, et une voix, si reconnaissable, fait légèrement trembler le silence.

- Jacques ? Hey Jacques ??
- Alain ? Alain qu’est-ce-que tu fous ?
- J'cloue des clous sur des nuages, un marteau au fond du garage,
J'cloue des clous sur des nuages, sans échafaudage…
Et toi Jacques ? Jacques ??

- Ouais ! J'suis mort, j'suis mort qui, qui dit mieux, ben mon pauv'vieux voilà aut'chose ! Cela dit dans c'putain d'cimetière j'ai perdu mon humeur morose, jamais plus personne ne vient m'emmerder quand je me repose. A faire l'amour avec la terre, j'ai enfanté des p'tits vers blancs qui me nettoient, qui me digèrent, qui font leur nid au creux d'mes dents.

Incroyable, ils communiquent avec des fragments de leurs propres chansons…

- C’est très charmant Jacques, je suis content pour toi ! Je ne t'ai jamais dit mais nous sommes immortels… Pourquoi es-tu parti avant que je te l'apprenne ? Le savais-tu déjà ? Avais-tu deviné ? Que des dieux se cachaient sous des faces avinées ?
- Je le sais parce que tout ce qui brûle est rouge. Je le sais, le sang qui coule dans mes veines est rouge, le feu vient de l’amour et l’amour naît de la vie ! Je suis né dans un spasme, un grand brasier haletant. Au beau milieu d’un raz de marée de sang le ventre de ma mère a craché un noyau de jouissance et j’ai jamais perdu le goût de ça !!
La lumière du coté de chez Bashung devient plus intense, il doit être excité par le défi poétique… Sa voix retentit, presque claire dans cette incertitude sonore.
- A l'arrière des Dauphines, je suis le roi des scélérats à qui sourit la vie, marcher sur l'eau, éviter les péages, jamais souffrir, juste faire hennir les chevaux du plaisir !

Ouh là, j’hallucine, ce ne sont pas des spectres épuisés mais de jeunes esprits fougueux ! Un grand silence suit… Quesqu’y se passe ? Ils ont peut-être dépensé trop d’énergie ? Après une quinzaine de minutes interminables, je vois une lueur renaître sur la tombe de Bashung, puis j’entends sa voix…

- Jacques, tu crois qu’on leur manque ? Qu’on leur manque à tous ces branques ?
- Mais ouais, t’inquiète pas ! Bien sûr qu’on leur manque ! On était des fous géniaux quand même ! Enfin, le génie c’était surtout toi (il y a comme une nuance de regret dans sa voix)… Moi j’étais fou et toi génial…
- Arrête ! T’étais pas mal non plus, dans le genre déchaîné, débridé, décanté, et puis au moins t’étais drôle, léger, gai, moi j’ai peut-être été un peu loin dans le lugubre, dans l’incertain, dans l’énigmatique, je me demande…
- Mais non t’es con, t’étais fabuleux…

Ils se lancent des fleurs, c’est beau, je sens qu’ils s’aiment et se comprennent. Encore un grand silence, le temps n’existe pas pour eux… Je suis tétanisé, j’arrête presque de respirer pour ne rien perdre de la conversation qui est comme un murmure.

- Jacques quesque tu penses du bordel magnifique que tu as laissé ? Tu peux me le dire, on est entre âmes…

Jacques hésite un peu, il tousse, se racle la gorge, il cherche les mots au fond de lui comme s’il avait perdu le langage, puis il se lance, et quand il se lance, il ne s’arrête plus !

- C’est comme une immense ivresse… Assez sublime en fait… Les folles et longues histoires d’amitiés, les histoires d’amour, fracassantes, douloureuses mais finalement sublimes… C’est vertigineux Alain… Le sexe et la musique, la musique et le sexe, toutes ces extases… Mes enfants adorés… Les chansons, les poèmes, les disques, la scène… Les coulisses des théâtres, les gens qui dansent, qui pleurent, les silences après les chansons… La scène, c’est mon vrai lieu de naissance, c’est là où je pouvais être inconditionnellement moi-même, c’est là où je me suis vraiment abandonné, je me suis livré sans protection, je me suis jeté dans la fosse aux lions, les lions m’ont dévoré et c’était merveilleux… Les fantômes de foule en transe… Le trac que j’ai toujours eu… J’ai toujours eu peur de n’être pas à la hauteur des gens, j’ai vraiment tremblé en pensant les décevoir. Voilà ce qui me reste… On a bien merdé tous les deux Alain, dans la vie, mais on a été des guerriers aussi… Les grands peureux qui dépassent leur peur, ça devient des audacieux, des vaillants, des indomptables… C’est fou mais finalement je ne regrette rien. Même les échecs, les secrets enfermés à l’intérieur, les foirages émotionnels les plus retentissants, eh bien ça fait partie de ma vie, ça l’enrichit. Au même titre que les réussites radieuses, tout l’amour et la joie que j’ai réussi à donner et à recevoir, jusqu’à la fin, même jusqu’à mon enterrement… Toutes les pensées lumineuses des gens qui se sont élevées vers moi, j’ai retrouvé ce contact amoureux avec le public anonyme, innombrable, mes amis… Tout ça fait une vie où j’ai pu explorer tout et son contraire, l’amour et le manque d’amour, le chaos et l’harmonie. J’ai tout ressenti avec intensité, le pire et le meilleur, et c’est ça qui compte. Je sens une putain de gratitude immense en moi, la conscience et la connaissance c’est de l’amour, c’est pour ça que rien n’est raté… Alain ? Alain t’es là ?

Un long silence encore. Merde, est-ce qu’Alain est reparti dans une autre dimension ?

- Alain ? Et toi ? (la voix inquiète de Jacques)
La voix minérale mais aussi presque facétieuse d’Alain résonne doucement

- J'ai fait la saison
Dans cette boîte crânienne
Tes pensées
Je les faisais miennes
T'accaparer seulement t'accaparer
D'estrade en estrade
J'ai fait danser tant de malentendus
Des kilomètres de vie en rose…
Jacques…

- Ouais Alain

- Jacques
А l’avenir
Laisse venir
Laisse le vent du soir décider
А l’avenir
Laisse venir
Laisse venir
L’imprudence…

Jacques semble se laisse porter par la puissance et la douceur des mots. La voix de Bashung se fait de plus en plus faible…

Sommes-nous la noblesse
Sommes-nous les eaux troubles
Sommes-nous le souvenir…

Puis elle disparaît complètement. L’arc de lumière, entre les deux tombes, perd lentement sa phosphorescence puis s’efface lui aussi. Les lucioles et les chats sauvages ont disparu. Je reste dans mon coin sans oser bouger, d’ailleurs je suis complètement ankylosé, j’arrive plus à déplacer ma jambe droite. Je me rendors sans m’en rendre compte. A 10h du matin des touristes américains buttent sur moi et me réveillent en sursaut.

- Where is Jim Morison s’il vous plait ?
- Quoi ? Où est Jim ? (putain il faut que je reprenne mes esprits ) Il est peut-être avec Jacques et Alain ? Come back at night if you want to listen Jim…

Je ne dois pas avoir l’air très cohérent, ils reculent d’un pas.

-What the fuck Monsieur ! me sort l’Amerloque.
Je n’ai qu’une chose à répondre
- You know the days destroy the night, night divides the days, be ready to break on through to the other side…

Puis je me taille en vitesse sans les regarder, j’habite pas loin, quelle nuit extraordinaire ! Je m’arrête dans un bar pour prendre un double café, sans sucre, comme Jacques… Quelle chance inouïe, merveilleuse, de les avoir entendus encore une fois, je n’ai pas de mot… Oui c’est vrai, ils me manquent tellement les deux. Je reviendrai les écouter, bientôt…

Écrit par : brigitte | 11/03/2019

Merci Katell pour ton billet qui exprime si bien la beauté, la poésie, la richesse et l'immense émotion communicative d'un concert d'Arthur H et particulièrement le dernier ... S'il venait par ici, je suis bien certaine qu'il serait très sensible à ta plume, à la profondeur de ton ressenti .
Et puisque tu aimes, comme moi, tant ses mots, je te fais ce cadeau (mais peut-être l'as-tu déjà ... )

POUR L’ANNIVERSAIRE DE JACQUES…
UNE NUIT AU PERE LACHAISE 18/10/18

Paris, Cimetière du Père Lachaise, nuit du 17 au 18 octobre 2018. 3 heures du matin. A la frontière entre la 13ème et la 20ème division, entre l’Allée de la Vierge et l’Avenue de la Chapelle.
Je suis venu visiter la tombe de mon père le 17, un jour avant son anniversaire, je préfère être seul pour pouvoir me recueillir tranquillement. Je suis arrivé tard dans le cimetière, j’étais épuisé de la tournée. Je me suis assis dans un coin un peu au dessus, j’attendais que des gens partent pour pouvoir me rapprocher mais ils restaient là à bavarder. Alors, sans m’en rendre compte je me suis endormi, j’ai sombré dans un sommeil lourd et quand je me suis réveillé c’était la nuit noire. Je panique un peu au début puis je me dis que c’est une sacrée chance d’être là, tout seul, au milieu du Père Lachaise. J’observe autour de moi et en tendant l’oreille intérieure, je décèle comme de faibles grognements, des chuchotements indéchiffrables d’ombres de fantômes. Ici les fantômes de fantômes pullulent dans l’indifférence… Les gens qui vous portaient un peu dans leur cœur sont eux-mêmes parfaitement oubliés depuis des décades. Des grandes lucioles, fugaces et merveilleuses, illuminent une fraction de seconde des noms obscurs sur des caveaux dévastés. La lune ne s’est pas levée. Tout reste dans l’obscurité indécise de la pollution lumineuse d’une mégapole. Allée de la Vierge, il y a une tombe fraîche entourée d’une aura un peu plus vive, plus définie, qui irradie d’une lumière tendre : c’est celle de mon père, Jacques Higelin. A 20 mètres de là il y a une autre tombe, un peu futuriste, post moderne, c’est celle d’Alain Bashung qui vibre elle aussi d’une lueur particulière. Je suis sûr que les âmes immenses des deux chanteurs ne sont pas localisées dans ce lieu précis : une part d’eux-mêmes est sûrement en train de vivre de nouvelles aventures dans d’autres dimensions flamboyantes, une autre est dans le cœur de tous ceux qui les ont aimés et une dernière reste, par curiosité et attachement, dans le vieux cimetière parisien : ils sont tous les deux d’anciens gamins populaires et sont fiers d’être entourés par un grand général, un chirurgien oublié et un politicien sulfureux de la troisième république. Je regarde mon portable, ça ne capte pas, il est trois heures du matin. Soudain mes poils se hérissent dru sur ma peau. Avec les chats sauvages, les hiboux et les rats, je suis le spectateur stupéfait d’un phénomène inexplicable: un arc lumineux gracieux, une espèce de brume électrique s’élève dans l’atmosphère et relie progressivement les deux tombes. Ca doit être une onde quantique qui permet aux deux esprits de se synchroniser. Il y a un frémissement dans l’air, et une voix, si reconnaissable, fait légèrement trembler le silence.

- Jacques ? Hey Jacques ??
- Alain ? Alain qu’est-ce-que tu fous ?
- J'cloue des clous sur des nuages, un marteau au fond du garage,
J'cloue des clous sur des nuages, sans échafaudage…
Et toi Jacques ? Jacques ??

- Ouais ! J'suis mort, j'suis mort qui, qui dit mieux, ben mon pauv'vieux voilà aut'chose ! Cela dit dans c'putain d'cimetière j'ai perdu mon humeur morose, jamais plus personne ne vient m'emmerder quand je me repose. A faire l'amour avec la terre, j'ai enfanté des p'tits vers blancs qui me nettoient, qui me digèrent, qui font leur nid au creux d'mes dents.

Incroyable, ils communiquent avec des fragments de leurs propres chansons…

- C’est très charmant Jacques, je suis content pour toi ! Je ne t'ai jamais dit mais nous sommes immortels… Pourquoi es-tu parti avant que je te l'apprenne ? Le savais-tu déjà ? Avais-tu deviné ? Que des dieux se cachaient sous des faces avinées ?
- Je le sais parce que tout ce qui brûle est rouge. Je le sais, le sang qui coule dans mes veines est rouge, le feu vient de l’amour et l’amour naît de la vie ! Je suis né dans un spasme, un grand brasier haletant. Au beau milieu d’un raz de marée de sang le ventre de ma mère a craché un noyau de jouissance et j’ai jamais perdu le goût de ça !!
La lumière du coté de chez Bashung devient plus intense, il doit être excité par le défi poétique… Sa voix retentit, presque claire dans cette incertitude sonore.
- A l'arrière des Dauphines, je suis le roi des scélérats à qui sourit la vie, marcher sur l'eau, éviter les péages, jamais souffrir, juste faire hennir les chevaux du plaisir !

Ouh là, j’hallucine, ce ne sont pas des spectres épuisés mais de jeunes esprits fougueux ! Un grand silence suit… Quesqu’y se passe ? Ils ont peut-être dépensé trop d’énergie ? Après une quinzaine de minutes interminables, je vois une lueur renaître sur la tombe de Bashung, puis j’entends sa voix…

- Jacques, tu crois qu’on leur manque ? Qu’on leur manque à tous ces branques ?
- Mais ouais, t’inquiète pas ! Bien sûr qu’on leur manque ! On était des fous géniaux quand même ! Enfin, le génie c’était surtout toi (il y a comme une nuance de regret dans sa voix)… Moi j’étais fou et toi génial…
- Arrête ! T’étais pas mal non plus, dans le genre déchaîné, débridé, décanté, et puis au moins t’étais drôle, léger, gai, moi j’ai peut-être été un peu loin dans le lugubre, dans l’incertain, dans l’énigmatique, je me demande…
- Mais non t’es con, t’étais fabuleux…

Ils se lancent des fleurs, c’est beau, je sens qu’ils s’aiment et se comprennent. Encore un grand silence, le temps n’existe pas pour eux… Je suis tétanisé, j’arrête presque de respirer pour ne rien perdre de la conversation qui est comme un murmure.

- Jacques quesque tu penses du bordel magnifique que tu as laissé ? Tu peux me le dire, on est entre âmes…

Jacques hésite un peu, il tousse, se racle la gorge, il cherche les mots au fond de lui comme s’il avait perdu le langage, puis il se lance, et quand il se lance, il ne s’arrête plus !

- C’est comme une immense ivresse… Assez sublime en fait… Les folles et longues histoires d’amitiés, les histoires d’amour, fracassantes, douloureuses mais finalement sublimes… C’est vertigineux Alain… Le sexe et la musique, la musique et le sexe, toutes ces extases… Mes enfants adorés… Les chansons, les poèmes, les disques, la scène… Les coulisses des théâtres, les gens qui dansent, qui pleurent, les silences après les chansons… La scène, c’est mon vrai lieu de naissance, c’est là où je pouvais être inconditionnellement moi-même, c’est là où je me suis vraiment abandonné, je me suis livré sans protection, je me suis jeté dans la fosse aux lions, les lions m’ont dévoré et c’était merveilleux… Les fantômes de foule en transe… Le trac que j’ai toujours eu… J’ai toujours eu peur de n’être pas à la hauteur des gens, j’ai vraiment tremblé en pensant les décevoir. Voilà ce qui me reste… On a bien merdé tous les deux Alain, dans la vie, mais on a été des guerriers aussi… Les grands peureux qui dépassent leur peur, ça devient des audacieux, des vaillants, des indomptables… C’est fou mais finalement je ne regrette rien. Même les échecs, les secrets enfermés à l’intérieur, les foirages émotionnels les plus retentissants, eh bien ça fait partie de ma vie, ça l’enrichit. Au même titre que les réussites radieuses, tout l’amour et la joie que j’ai réussi à donner et à recevoir, jusqu’à la fin, même jusqu’à mon enterrement… Toutes les pensées lumineuses des gens qui se sont élevées vers moi, j’ai retrouvé ce contact amoureux avec le public anonyme, innombrable, mes amis… Tout ça fait une vie où j’ai pu explorer tout et son contraire, l’amour et le manque d’amour, le chaos et l’harmonie. J’ai tout ressenti avec intensité, le pire et le meilleur, et c’est ça qui compte. Je sens une putain de gratitude immense en moi, la conscience et la connaissance c’est de l’amour, c’est pour ça que rien n’est raté… Alain ? Alain t’es là ?

Un long silence encore. Merde, est-ce qu’Alain est reparti dans une autre dimension ?

- Alain ? Et toi ? (la voix inquiète de Jacques)
La voix minérale mais aussi presque facétieuse d’Alain résonne doucement

- J'ai fait la saison
Dans cette boîte crânienne
Tes pensées
Je les faisais miennes
T'accaparer seulement t'accaparer
D'estrade en estrade
J'ai fait danser tant de malentendus
Des kilomètres de vie en rose…
Jacques…

- Ouais Alain

- Jacques
А l’avenir
Laisse venir
Laisse le vent du soir décider
А l’avenir
Laisse venir
Laisse venir
L’imprudence…

Jacques semble se laisse porter par la puissance et la douceur des mots. La voix de Bashung se fait de plus en plus faible…

Sommes-nous la noblesse
Sommes-nous les eaux troubles
Sommes-nous le souvenir…

Puis elle disparaît complètement. L’arc de lumière, entre les deux tombes, perd lentement sa phosphorescence puis s’efface lui aussi. Les lucioles et les chats sauvages ont disparu. Je reste dans mon coin sans oser bouger, d’ailleurs je suis complètement ankylosé, j’arrive plus à déplacer ma jambe droite. Je me rendors sans m’en rendre compte. A 10h du matin des touristes américains buttent sur moi et me réveillent en sursaut.

- Where is Jim Morison s’il vous plait ?
- Quoi ? Où est Jim ? (putain il faut que je reprenne mes esprits ) Il est peut-être avec Jacques et Alain ? Come back at night if you want to listen Jim…

Je ne dois pas avoir l’air très cohérent, ils reculent d’un pas.

-What the fuck Monsieur ! me sort l’Amerloque.
Je n’ai qu’une chose à répondre
- You know the days destroy the night, night divides the days, be ready to break on through to the other side…

Puis je me taille en vitesse sans les regarder, j’habite pas loin, quelle nuit extraordinaire ! Je m’arrête dans un bar pour prendre un double café, sans sucre, comme Jacques… Quelle chance inouïe, merveilleuse, de les avoir entendus encore une fois, je n’ai pas de mot… Oui c’est vrai, ils me manquent tellement les deux. Je reviendrai les écouter, bientôt…

Écrit par : brigitte | 11/03/2019

J'ai envoyé deux fois le même texte qui n'apparait pas ... Le nombre de caractères est-il limité ?

Écrit par : brigitte | 11/03/2019

Non, Brigitte, le nombre de caractères n'est pas limité, et ton commentaire a fini par s'afficher, en deux exemplaires d'ailleurs ! Parfois, le blog est un peu lent, on clique sur "envoyer" et rien n'apparaît dans l'immédiat.
Merci de nous faire partager ce texte sublime que j'avais lu sur la page Facebook d'Arthur H. D'une si grande beauté, d'une telle émotion. Cela parle à tous ceux qui ont perdu un être cher...

Écrit par : Katell | 11/03/2019

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