04/10/2020
Des adieux...
"Vers quoi tendre, à qui s'adresser et quelle direction prendre depuis le milieu de rien ?" Anne PAULY
Quelques jours après avoir lu et publié le texte de Seb, j'en ai reçu un de Bételgeuse. Très beau et très émouvant aussi. Je le mettrai ici bientôt. Mais, avant cela, j'aimerais vous livrer quelques pensées qui me sont venues le samedi 26 septembre, au lendemain de la mort de mon père tant aimé... J'espère que vous ne m'en voudrez pas pour ce moment d'impudeur. Il m'est nécessaire.
Ce matin, je me suis réveillée dans un monde où tu n'étais plus. Toi qui répondais toujours au moindre de mes appels, c'est un bien triste faux bond que tu me fais là. Sensation étrange d'un vide immense en moi et autour de moi. La même que celle que j'ai éprouvée durant toute cette semaine et qui m'annonçait, j'en étais sûre, ton départ. Tu m'as légué, entre autres choses, ce truc infernal qui consiste à avoir régulièrement des pressentiments inattendus, la plupart du temps mauvais. Je dis « infernal » car c'est un don sinistre dont je me passerais bien.
Bref... Je pense à toi et à ces quinze derniers jours. Tu as livré tes ultimes batailles avec le même courage que celui que tu avais mis dans toutes les autres. Une infirmière passait et te disait « On va encore vous faire un examen, monsieur », tu répondais : « Faites ». Ce « faites » était une façon de dire que tu t'en remettais au destin. Comme tu l'as toujours fait. Lundi, sur ton lit d'hôpital, tu m'as dit : « Ce qui est est ». Tu avais comme ça des formules dont j'avais fini par faire des mantras : « La reconnaissance, c'est un salaire », « Il y a une justice immanente », « La vie se charge de remettre les choses à leur place ». Pour chaque problème, tu avais une solution, et je te confiais tous mes soucis parce que d'emblée, je savais que tu m'aiderais à y voir plus clair dans le chaos. J'aimais cette manière que tu avais d'entrevoir toujours une lueur d'espoir là où, sans toi, je n'aurais perçu que ténèbres. Durant toute ta vie, tu fis preuve d'une combativité dont j'aimerais qu'elle me serve de modèle. Toi le petit gamin issu d'un milieu défavorisé, tu n'eus, dès ton plus jeune âge, qu'une idée en tête : prendre l'ascenseur social et n'en descendre qu'une fois arrivé là où tu avais décidé d'arriver. C'est ainsi qu'avec ta volonté de fer, de militaire dans l'armée de l'air, tu devins ingénieur en maintenance médicale. Dans une entreprise allemande. Ce qui devait mettre une empreinte dans mon destin. Combien de fois sommes-nous allés en Allemagne ensemble ! Je t'accompagnais quand tu partais en stage en Bavière. Là-bas, nous nous amusions à nous défier : « Tu connais ce mot-là ? Non ? Ben moi, si ». Les villes que nous avons visitées ensemble garderont à jamais une saveur de plus que toutes les autres : Erlangen, Bamberg, Nürnberg, Würzburg. J'ai toujours admiré ton parcours. Il a été (et restera) ma boussole en ce monde qui me laisse si souvent déboussolée, justement.
Quand j'étais triste, tu me disais, un peu désemparé : « Ma grande, faut pas te mettre dans des états pareils ». Tu me l'as encore dit samedi dernier, lorsque les pompiers sont venus te chercher dans cet Ehpad qui devait signer, théoriquement, le début d'une nouvelle vie pour toi, et dans lequel tu seras resté si peu de jours. Avant de quitter ta chambre, tu m'as dit aussi : « Écoute, je ne vais pas si mal que ça. Et puis je suis en vie ». Une semaine plus tard, tu ne l'es plus, en vie. Le temps qu'il fait en ce 26 septembre est à l'image de ce que je ressens en moi : une tempête fait rage et anéantit l'été. Tu disais aussi : « Il faut continuer, quoi qu'il arrive ». Ce « quoi qu'il arrive » te définissait pleinement. De tous les événements fâcheux qui me plongeaient dans la colère et la révolte (par exemple la mort prématurée de celle qui fut ton épouse et ma mère), tu disais : « On ne refera pas le film ». Tu étais un véritable sage, en fait. De ceux qui acceptent les choses telles qu'elles se présentent et qui s'y adaptent parce que « c'est ainsi, c'est la vie, et il ne faut pas se poser trop de questions ».
Papa, aujourd'hui, je te supplie de m'insuffler cette force qui était la tienne. Il manque désormais deux remparts dans ma vie. Aide-moi, s'il te plaît, à ouvrir les yeux sur ceux qu'il me reste. Et puis, à l'occasion, si tu peux, « adresse-moi », comme chante Alex Beaupain, « un signe que je te manque aussi »...
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