Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

02/02/2022

Après le Grand Rex, une rencontre...

Entre samedi soir et dimanche matin...

Je m'apprête à m'asseoir à une table du Marie Belle. Je rejoins un groupe constitué du Doc, de Sam, de 655321, de Karine et de mes deux filles.

Derrière cette même table, un couple. La cinquantaine, peut-être, je ne sais pas. La passion efface toute trace d'âge, me semble-t-il. Elle gomme les rides, elle offre un lifting gratos à qui ose s'y adonner.

Je dois leur demander s'ils veulent bien, tous les deux, me laisser prendre la chaise qu'ils n'occupent pas. Elle me regarde alors avec un merveilleux sourire : « Allez-y, surtout que je vois que vous avez un sac Thiéfaine ». Plus d'une fois, j'ai eu l'occasion de remarquer qu'HFT, ça crée des liens ! Quand j'ose porter un de mes tee-shirts à l'effigie du monsieur (oui, je prends mille précautions avec ces vêtements-là : il ne faut pas les mettre trop souvent, ça les use), il m'arrive toujours des choses agréables. « Tout à coup, un inconnu vous offre des fleurs », comme dans la pub Impulse qui commence à vachement dater ! Mais il faut dire que mes artères, elles aussi, commencent à vachement dater !!! Pour en revenir à la pub : jamais on ne m'a offert des fleurs après avoir vu sur moi une étoffe marquée du sceau magique, mais tout de même, ça ne laisse pas indifférent. D'ailleurs, quand je m'emmerde un peu dans l'existence, je devrais arpenter les rues d'une ville en arborant mon corbeau ou mon « scandale mélancolique » et voir un peu ce qui arriverait à mon ennui. Idée à retenir !

Bref... Donc, elle a vu mon sac (fraîchement acheté au Grand Rex). Et c'est cela qui me vaut, d'emblée, sa sympathie. Ils sont beaux, tous les deux, ils me plaisent. Ils ont l'air d'être transportés par quelque chose qui les dépasse. Et pour cause ! Ils ont, eux aussi, assisté au concert, et ils en sont sortis éblouis. Ça, c'est l'effet magique, non pas d'Impulse, qui date trop désormais, mais d'Hubert, je vous le dis tout net car je le pense tout net aussi. Voilà. Ils sont subjugués, enchantés, charmés. C'est la première fois qu'ils voyaient Thiéfaine. Et sûrement pas la dernière, s'empresse-t-il (ou t-elle, je ne sais plus) d'ajouter. Elle me dit qu'elle a découvert le chanteur jurassien comme ceci : dans le métro, elle a vu des affiches annonçant les dates parisiennes. Elle s'est dit : « Tiens, Hubert-Félix Thiéfaine, je ne connais pas, c'est intriguant ». Elle est rentrée chez elle et en a parlé à son mari. Ils se sont un peu renseignés et ont décidé de se lancer : le 29 janvier, ce concert au Grand Rex, ce serait leur sortie du soir. Ils ne sont pas déçus. Ils sont tout sauf déçus. Je dirais même qu'ils sont chamboulés. Lui, il est bien décidé à se plonger à corps perdu dans l'œuvre dont il vient d'effleurer quelques strates. « Je sens qu'il y a du texte et que cela mérite qu'on s'y attarde ». À qui le dites-vous, mon bon monsieur ! Je suis moi-même tombée dans la marmite il y a presque trente ans et je n'ai jamais réussi à en décoller. L'élixir qui bouillonne dans ladite marmite, c'est ma drogue, et j'en ai besoin sous toutes les formes : en perfusion, en infusion, en intra- et en extraveineuse, tiens, même si ça n'existe pas (surtout si ça n'existe pas ) !

Ils m'invitent à parler de ma passion, ils sont assez sidérés en apprenant que j'ai vu mon hurluberlu d'Hubert environ cinquante fois. Oui, je sais, je suis bizarre, mais je ne suis pas la seule, rassurez-vous. Nous sommes quelques dingues de la même espèce, à n'en avoir jamais assez !

Qui dit m'inviter à parler de ma passion pour HFT dit prendre d'énormes risques. Car, à un moment ou à un autre, il faudra essayer de me débrancher, et ce ne sera pas une mince affaire. D'aucuns y ont perdu la foi !

Alors je leur raconte tout ce que je peux raconter parce que visiblement, ça les intéresse. Je raconte d'abord les rendez-vous manqués parce qu'ils me font bien marrer aujourd'hui. Mon prof de maths de troisième me prêtant deux CD de Thiéfaine et se voyant dans l'obligation de les récupérer le lendemain. « Désolée, mais je n'ai vraiment pas aimé ». Oui, c'est bien moi qui ai prononcé cette phrase qui m'apparaît aujourd'hui comme une blague ! Ma copine de lycée me mettant entre les mains les paroles de Demain les kids et se voyant, elle aussi, dans l'obligation de les récupérer dans la foulée. « Ok, le texte est beau, mais je n'ai pas envie d'aller plus loin ». Oui, c'est bien moi qui ai prononcé cette absurdité ! La meuf trop sûre de son coup, genre « non, Hubert-Félix Thiéfaine, très peu pour moi, vraiment » ! Tout cela pour se retrouver dans la marmite un an plus tard. La tête à l'envers. Le cœur en révolution absolue à cause d'un vers, celui-ci : « Tu voudrais qu'il y ait des ascenseurs au fond des précipices ». Il y a comme ça des mots destinés à changer le cours de votre existence entière.

Je leur raconte ensuite l'addiction, comme une camée même pas repentie. Oui, j'ai eu d'un coup envie de voir Thiéfaine un maximum de fois, à Paris, en province, partout où je pouvais. M'autorisant un rayon assez large, 500 bornes environ. Mettant de côté l'argent nécessaire pour les trajets, les hôtels, les billets de concert. Il faut ce qu'il faut !

Je suis là, dans un café, à parler fiévreusement avec deux inconnus. J'ai l'impression d'être une curiosité et j'avoue que l'ego étant ce qu'il est, cela ne me déplaît pas. Et puis, je suis sous le charme : ils sont tellement beaux, tous les deux, dans la séduction qui vient de leur tomber dessus. J'ai envie de les entraîner dans la marmite. Mais je crois que je n'aurai aucun effort à faire, ils y sont déjà plongés jusqu'au cou.

Mes filles, non loin de là, commencent à fatiguer. Et merde, qui a 48 ans, dans cette histoire ? Et qui en a 13 et qui en a 16 ? C'est le monde à l'envers : les voilà qui me supplient en chœur, il est tard, elles veulent rentrer à l'hôtel. Les mômes, ça comprend jamais rien aux passions des parents !

Je quitte à regret le petit couple si sympathique. Je leur demanderais bien leur numéro, mais je n'ose pas. 655321 leur parle de mon blog, chose que personnellement, malgré l'ego, je n'aurais jamais faite. Ils notent l'adresse. Ils disent qu'ils viendront faire un tour. Et je rentre à l'hôtel, pressée par deux gamines qui ne tiennent pas le coup dans les soirées. Enfin, ça dépend de quelles soirées. Parce que quand c'est avec leurs potes, elles ne sont pas du genre à réclamer leur paddock ! Et me revient une anecdote en écrivant ce mot, « paddock ». Louise a six ans, elle vient de découvrir Renaud. Elle en est folle. Un jour, elle me demande si je sais ce qu'est un paddock. Parce qu'elle, elle sait. « C'est un lit », me précise-t-elle, toute fière. Elle l'a appris grâce à Renaud. Ma petite fille... Treize ans aujourd'hui et même pas foutue de faire plaisir à sa mère quand celle-ci demande juste d'aller au bout de la nuit, « encore plus loin, ailleurs », comme dans la chanson d'Hubert.

Donc, je les ai quittés, mes deux merveilleux, si beaux dans l'enchantement qui venait de les visiter. Je ne connais même pas leurs prénoms. Ils ont dit qu'ils viendraient faire un tour sur mon blog. Depuis, je les attends...

Grand Rex, deuxième billet !

"Le souvenir du bonheur n'est bénéfique que lorsque celui qui se souvient est encore heureux. Dans le malheur il n'est pas une consolation ou un refuge, mais la brûlure d'un regret sans espoir". Claude ROY

 

Arriver dans ma salle de classe et sentir que les idées fusent dans ma tête pour un deuxième billet consacré au concert du Grand Rex. Purée, c'est tout moi, ça. Et un des petits drames de ma vie : devoir régulièrement refouler mes désirs d'écriture au profit de tout le reste. Bref...

Hier, après avoir publié ici un premier billet sur le concert de samedi soir, j'ai dû partir bosser et me presser un peu ! Juste avant d'accueillir mes élèves, j'ai griffonné sur une feuille les idées qui m'étaient venues dans la voiture, sur le trajet domicile-boulot ! Envie soudaine d'écrire un truc plus enflammé que ce que je venais de déposer sur le Cabaret. Un truc débordant de gratitude, dégoulinant même si besoin ! C'est qu'Hubert et son équipe le valent bien, bon sang !

D'abord, je dois dire que je suis reconnaissante à la chance qui, m'ayant lâchée durant tout le mois de janvier, a fini par me repêcher de justesse quelques jours avant le concert. C'était inespéré. Et nécessaire. Ayant quelques soucis de santé, je reste persuadée que les concerts de Thiéfaine me sont plus que jamais force vitale ! Il a raison, Hubert : face aux vicissitudes de l'existence, face à tous ces machins qui nous malmènent rien que, semble-t-il, pour tester notre capacité de résistance, il faut des rêves solides. Des points d'ancrage, des balises dans l'obscurité. Depuis trente ans, l'une de mes balises (n'ayant jamais connu une seule mutation), c'est justement ma passion pour l'œuvre d'HFT. Jamais je n'aurais imaginé, au moment où elle prit naissance en septembre 1992, qu'elle m'accompagnerait si loin dans ma vie. Je pense même pouvoir dire qu'elle ne partira qu'avec la bonne femme, comme disait ma mère à propos de certains de ses défauts ! Il y a trente ans, un ascenseur soudain apparu dans la fange noirâtre d'un précipice venait littéralement me sauver. J'étais totalement paumée, l'existence me gênait aux entournures. Je la trouvais toujours trop étroite, trop pas comme je l'avais voulue. Et donc, inopinément, cet ascenseur nommé Thiéfaine. Et ces chansons qui me parlaient d'un mal-être existentiel qui avait quelques points communs avec le mien... L'œuvre tout entière (déjà conséquente à l'époque) me prouvait du même coup qu'on pouvait se réparer par l'art. Sublimer sa déréliction en l'emmenant se faire voir ailleurs ! Là encore, je ne peux être que reconnaissante.

Retour sur samedi soir. Tout de même, nous sommes gâtés avec cette setlist qui nous permet une belle navigation dans l'œuvre d'HFT. La queue est sans doute le morceau le plus inattendu sur cette tournée. Évadné a raison : de nombreuses chansons entrent en résonance avec notre drôle d'époque. Merci à Hubert, encore une fois, merci de nous rappeler une chose que la même drôle d'époque (ou plutôt ceux qui la peuplent) a tendance à oublier : nous sommes tous cousus dans la même étoffe. « De race humaine, de nationalité terrienne ». Joie de retrouver une intelligence qui ne reste pas figée au sol, qui voit plus grand que ses « villes natales et frenchitude » !

Joie, également, de voir les musiciens se donner à fond sur scène. Ils passent tous allègrement d'un instrument à un autre, insufflant à chaque fois un peu de leur âme à tout ce qu'ils touchent. À ce niveau-là, c'est plus que de la maîtrise, c'est de la magie ! Et la voix et les mots d'Hubert là-dessus. Le rendez-vous de la parfaite osmose !

Après avoir quitté le Grand Rex, je suis allée rejoindre Seb et deux de ses amis à la terrasse d'un café, le Marie Belle. Plaisir de partager des impressions sur ce que nous venions de vivre, sur le dernier album, sur l'ensemble de la carrière d'HFT. Pour moi, ces moments-là sont tout aussi importants que les concerts. Ils font partie du truc. J'ai dit plus d'une fois combien j'aimais zoner devant les salles de spectacle bien avant qu'elles ne s'animent. Et après aussi. D'ailleurs, il faut absolument que je revienne sur la rencontre que j'ai faite vers une heure de matin : ce couple qui venait de découvrir Thiéfaine et en avait des étoiles plein les yeux et plein la bouche ! J'attends le bon moment pour pondre le billet qui tentera de leur rendre hommage.

Pour en revenir au dernier album, celui qui fâche certains, celui qui ravit les autres, bref celui qui ne laisse personne indifférent : là aussi, nous ne devrions être, à mon avis, que reconnaissance. Thiéfaine nous a offert ici un sacré coup d'audace. Coup de maître à mes yeux. Punaise, réjouissons-nous, bordel : ce n'est pas donné à tous les artistes de se renouveler de fond en comble après plus de quarante ans de carrière ! C'est marrant, ce qui m'est arrivé avec Géographie du vide. C'est un album qui m'a d'abord totalement désarçonnée. Première écoute déstabilisante. Mais ça a fait comme avec la clope quand j'avais onze ans : ayant pris une première Marlboro, j'avais d'abord senti ma tête tourner. C'était un écœurement et pas l'enchantement espéré. Je me suis dit que ce n'était pas possible, une déception pareille. J'ai rallumé une cibiche dans la foulée, et celle-là fut bonne. Voilà comment je me suis créé alors une addiction dont je ne devais me défaire que bien des années plus tard. Pour Géographie du vide, ce fut un peu le même topo : pas d'écœurement, bien sûr, mais un immense étonnement dont je ne savais que penser. Je me suis dit que je ne pouvais pas en rester là. J'ai de nouveau appuyé sur « play ». Et là, une claque. J'adoptai d'emblée tous les morceaux, même La fin du roman que j'avais d'abord jugée insipide. N'importe quoi ! Ça m'apprendra à fermer ma gueule au lieu de l'ouvrir prématurément ! Désormais, Géographie du vide m'est nécessaire, totalement. Je ne peux pas passer une semaine sans l'écouter !

 

Bon, ben, voilà encore un billet qui prouve que quand il s'agit d'HFT, je ne suis pas vraiment la reine de l'objectivité !!!