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01/02/2022

Grand Rex, grand rêve !

"Espérons. Nous n'avons pas le choix". Simone DE BEAUVOIR.

 

Sur scène, l'éclat d'un certain nombre d'instruments de musique. Dans la salle, des décors un peu oniriques et un plafond imitant un ciel étoilé. Des sièges moelleux. Sur ces mêmes sièges, des gens masqués. C'est donc dans les yeux qu'il faudra aller cueillir les étincelles. Me voilà plutôt bien placée : orchestre, H23. Huitième rangée, donc. Enfin prête pour un délicieux embarquement dont j'ai bien cru que le guignon de janvier allait me priver. J'ai eu chaud. À un moment donné, quand même, je voyais le Grand Rex s'éloigner de plus en plus, comme un Eldorado vertigineusement inaccessible. Ce n'est que lundi dernier que mon médecin m'a déclarée apte à reprendre le travail. Dans la foulée, je me suis moi-même déclarée apte à me rendre à Paris ! De justesse, vraiment ! Jamais je n'avais eu aussi peur de devoir renoncer à un concert !

Armand Méliès ouvre le bal. Vous m'excuserez si je ne dis pas grand-chose de sa prestation. Il ne faut pas m'en vouloir, mais les premières parties d'HFT ne trouvent en général que très peu de grâce à mes yeux. C'est que j'ai déjà l'esprit tout entier tourné vers le graal, celui que j'attends depuis de longs mois. Je piaffe, je m'impatiente (au fond des starting-blocks), je trépigne. Ça y est, il est presque l'heure, Méliès s'en va. Je lui reconnais du talent, de beaux textes et une jolie voix, mais j'ai prêté une oreille distraite à ses chansons, sorry. Il faudra que je me penche plus sérieusement sur son œuvre, seule chez moi, sans Thiéfaine pour lui faire de l'ombre !

Ça s'agite et s'affaire sur la scène. Les instruments n'attendent plus que les âmes enflammées et les mains habiles qui les ramèneront à la vie. Autour de moi, des voix réclament Hubert, à cor et à cri. Ce qu'on est bien entre gens qui se comprennent ! Et les voilà, nos enchanteurs, arrivant un à un, je ne sais plus dans quel ordre. Lucas Thiéfaine, Frédéric Gastard, Christopher Board, Jean-François Assy. Et lui, last but not least : Hubert, auréolé comme toujours du charisme qui le caractérise. Je souris sous mon masque, je frissonne dans ma carcasse et même, avouons-le, je tremble un peu. Tellement heureuse d'être là, moi qui ai cru, j'insiste, que ce Grand Rex garderait à jamais des allures de grand rêve inatteignable. Une entrée sur La ruelle des morts. C'est assez inattendu. Pour moi, en tout cas. J'avais imaginé Page noire ou encore Du soleil dans ma rue, mais va pour La ruelle des morts, c'est très bien ! Auparavant, HFT nous a mis au parfum : pas de grands discours, nous y aurons droit plus que de raison dans les mois qui viennent (ah oui, c'est vrai, merde, j'avais oublié). Place à la musique, c'est très bien ! Et donc, oui, La ruelle des morts, que j'ai toujours aimée pour la force des images qu'elle véhicule. Les bidons en fer blanc dans l'odeur des soirs de juillet, j'ai bien connu, moi aussi, dans le petit village lorrain où s'ennuyait mon enfance. Le bourdon qui résonne au clocher de la nostalgie, j'en suis une habituée ! Les deuils qui se ramassent à la pelle ? Impression de déjà-vu là aussi. Dès le début du concert, je craque pour les arrangements subtils qui ont été choisis. La ruelle des morts s'étire plus lentement que d'habitude, et c'est beau.

Nous voilà en balade dans le répertoire de Thiéfaine. Passant d'une période à une autre, d'une ambiance à une autre. Pas un temps mort, pas un accroc dans la grâce absolue qui préside à l'ensemble. Je suis tout aussi ravie d'entendre les chansons du dernier album que celles qui remontent au siècle dernier. Les merveilleuses surprises du siècle dernier à mes yeux ? 542 lunes et sept jours environ (et je note qu'en ce soir de Grand Rex Hubert prononce parfaitement tous les « e » finaux de « meine kleine Mutter, mehr Licht » !), Ad orgasmum aeternum, Juste une valse noire, La ballade d'Abdallah Geronimo Cohen (avec de superbes orchestrations), Pulque mescal y tequila, La queue (alors celle-là, l'avoir en concert, quel pied !), Animal en quarantaine et Vendôme Gardenal Snack, la majestueuse. Les merveilleuses surprises datant d'une époque moins lointaine ? Petit matin, toujours aussi renversante, un effondrement mis en chanson (et quelle chanson !) et les morceaux tirés du dernier album. Pour lequel je tiens à réitérer mon engouement. Il a suffi de deux écoutes pour que je sois archi conquise ! Géographie du vide (ça ne va peut-être pas plaire à tout le monde, mais je m'en moque), c'est une œuvre que je situe, dans ma cartographie personnelle, à quelques minuscules encablures d'Alambic ou de Soleil cherche futur. Avant d'interpréter La fin du roman, Hubert évoque les Victoires de la musique à venir* et envoie un léger coup de griffe à ceux qui ont dit, de manière un peu lourdingue parfois, qu'ils n'aimaient pas le dernier album. Figurez-vous que j'ai rêvé de ce truc cette nuit, ça a dû me marquer ! Je me retrouvais à papoter avec Hubert (c'est sûr, c'est tout à fait mon genre, cela m'arrive quotidiennement !) et il me disait que cette fois, contrairement à son habitude, il avait épluché tous les réseaux sociaux afin de savoir ce qui s'y disait sur Géographie du vide. Ajoutant qu'il avait retenu point par point chaque commentaire incisif, chaque démontage de ses dernières chansons. Sincèrement, quelle mocheté, ces réseaux sociaux, quand ils servent à répandre de la boue. Qu'on n'aime pas tout dans le répertoire d'un artiste, voilà qui me semble assez normal, mais pourquoi donc aller déverser son fiel sur la toile ? Bref...

Autre petit coup de griffe, me semble-t-il, en direction de Voulzy cette fois. Vous savez, avant de chanter Lorelei, Hubert dit qu'il ne suffit pas de prononcer certains noms pour faire un tube, puis il précise que ce n'est pas dans une cathédrale qu'il a rencontré la femme qu'il va évoquer dans la chanson suivante. Sachant que Voulzy a désormais sa Loreley, lui aussi (avec, cependant, une différence dans la graphie) et qu'il a fait dernièrement une tournée des cathédrales, je me dis qu'il y a sans doute un lien. Dites-moi si je suis à côté de la plaque. À propos de Lorelei, tiens : j'ai trouvé que le saxophone lui conférait encore plus de lascivité. La sensualité poussée à l'extrême : un délice ! C'est dingue comme les instruments de musique peuvent faire passer les chansons d'un « costume » à un autre, pliant les mélodies à ce qu'ils veulent bien en faire. C'est leur volonté qui prime ! La tournée actuelle le montre bien. La musique, un art mineur ? Loin de là ! Plus que tout, j'aime les orgies qu'engendre la communion exacerbée de plusieurs instruments, quand ils s'emballent comme des barges !

Rien à dire de plus, je suis subjuguée. Encore portée par ce que j'ai vécu samedi soir. De quoi je rêve pour les mois à venir ? Eh bien d'une rebelote ! Je veux exactement la même chose en avril et en mai, à Vittel, à Bar-le-Duc, à Thionville et à Neuves-Maisons ! De quoi je rêve pour la tournée Replugged ? D'entendre tous les autres morceaux de Géographie du vide, tous, sans exception ! Et je rêve aussi, soyons fous, d'un petit Maalox Texas Blues s'offrant en cerise sur le gâteau !

 

 

* Géographie du vide est nommé dans la catégorie « album de l'année ».