01/09/2007
Le chat botté
Je travaille au "Chat botté"
Dans le centre-ville
Je vends l'hiver et l'été
Des mules en reptile.
C'est mon destin je suppose,
J'ai quinze ans d'maison.
ça sent pas toujours la rose,
C'est le reblochon
Dans le cas de cette fillette
Qui tend son pied droit,
Son prénom doit être Berthe,
Pointure 43.
Il est l'heure de mon sandwich
Mais je n'ai plus faim,
Asphyxié par une péniche,
Telle sera ma fin.
On ne veut plus les quitter
Quand on les enfile
Essayer c'est adopter
Les mules en reptile.
Je surveille au "Chat botté"
Derrière mes lentilles,
Au rayon des nouveautés,
Une longue fille.
Elle regarde les savates
Et puis finalement
Elle me dit qu'elle convoite
Les mules en serpent.
Elle me confie son pied nu
Comme à une soeur.
Il est fin, petit, menu,
Bref, sans épaissseur.
Je le respire, je le flaire,
Enfin je le hume,
Je voudrais mettre sous verre
Ce qui le parfume.
On ne veut plus les quitter
Quand on les enfile,
Essayer c'est adopter
Les mules en reptile.
Jamais eu au "Chat botté"
Cette démangeaison,
Cette envie de bécoter
En quinze ans d'maison.
Je repousse l'idée sotte,
L'idée saugrenue,
L'idée d'proposer la botte à cette inconnue.
Quand soudain le carillon
Annonce la nuit,
Et pareille à Cendrillon,
La fille s'enfuit
Me laissant désappointé,
La mule à la main,
Elle s'enfuit du "Chat botté",
Passe son chemin.
On ne veut plus les quitter
Quand on les enfile
Essayer c'est adopter
Les mules en reptile.
J'me faufile dans la réserve,
J'entrouvre la boîte,
Tout le parfum que conserve
La pantoufle droite
Me traverse les narines,
Dilate mon coeur,
Me réchauffe la poitrine
Comme une liqueur.
Moi qui avais le bourdon,
J'ai la chair de poule,
Et même la chair de dindon
Quand j'éteins l'ampoule,
Il me semble être avec elle,
Elle à mes côtés,
Je rêve d'une vie nouvelle
Loin du "Chat botté".
Thomas FERSEN
Cela fait des années que Thomas Fersen a créé son petit univers, entre "ronds de carottes" et ce monsieur devant qui les passants soulèvent leur galure et qui n'est autre qu'un assassin sans scrupule, en passant par "Moi qui me croyais un saint il m'est apparu que j'ai un côté malsain donnant sur la rue".
J'ai un énorme faible pour ce Thomas Fersen au visage espiègle et à l'univers assez délirant ! Voilà, j'avais envie de le dire. Et vous, qu'écoutez-vous, à part Thiéfaine?
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