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12/04/2006

Gérard de Nerval

Epitaphe

 

Il a vécu tantôt gai comme un sansonnet,

Tour à tour amoureux insoucieux et tendre,

Tantôt sombre et rêveur comme un triste Clitandre,

Un jour il entendit qu'à sa porte on sonnait.

 

C'était la Mort! Alors il la pria d'attendre

Qu'il eût posé le point à son dernier sonnet;

Et puis sans s'émouvoir, il s'en alla s'étendre

Au fond du coffre froid où son corps frissonnait.

 

Il était paresseux, à ce que dit l'histoire,

Il laissait trop sécher l'encre dans l'écritoire.
Il voulait tout savoir mais il n'a rien connu.

 

Et quand vint le moment où, las de cette vie,

Un soir d'hiver, enfin l'âme lui fut ravie,

Il s'en alla disant : "Pourquoi suis-je venu?"

 

Gérard Labrunie, dit Gérard de Nerval, naît à Paris le 22 mai 1808. Son père, médecin de la Grande Armée, met son fils en nourrice et, deux ans plus tard, assiste en Silésie à la mort de sa femme qui l'avait accompagné. Il portera toute sa vie le deuil de sa compagne et Gérard, à son tour, cherchera sa mère dans les figures féminines qu'il inventera inlassablement, femmes de rêve et de mystère, proches toujours du néant et de la mort. Il rêve d'une filiation fastueuse et s'invente une généalogie fantaisiste : entre le lycée Charlemagne et Mortefontaine, où il passe ses vacances, il se crée aussi une "géographie magique" et reste sourd aux appels de son père, qui souhaite faire de lui un médecin. Avec la troupe des "Jeune France", il sacrifie au culte de l'étrange, boit du punch dans des têtes de mort et participe à la bataille d'Hernani en criant : "Les bourgeois, dehors!" Il prend alors le pseudonyme de Gérard de Nerval, tombe amoureux, timidement, d'une jeune soprano, Jenny Colon, fait jouer des pièces de théâtre et devient une des personnalités du Boulevard.
Si ses fantaisies généalogiques sont plus cocasses qu'inquiétantes, il n'en va plus de même à partir de 1840, et Gérard doit, cette année-là, faire un long séjour dans une maison de repos. Son père, exaspéré par son mode de vie, refuse d'aller le voir. 

Apprenant en 1842 la mort de Jenny Colon, Nerval écrit : "Elle m'appartient davantage que quand elle était vivante". L'année suivante, il fait un long voyage en Orient qui lui inspire des pages admirables.

Jamais le réel n'a paru à quelqu'un plus faux, et l'imaginaire plus vrai.
Les crises psychiques se succèdent maintenant au rythme de ses pièces : une par an environ. Entre 1852 et 1855, la maladie empire et il écrit alors ses plus belles oeuvres :  Sylvie, les Filles du feu, les Chimères, Aurélia. Il se rend à Goglau, en Silésie, où sa mère est enterrée, et le visage maternel se mêle à celui d'Aurélia...

En 1852,  il publie Lorély, souvenirs d'Allemagne.

Au début de 1855, le docteur Blanche, qui le soigne, essaie en vain de le dissuader de quitter son établissement. Nerval, honteux de son mal, évite ses amis -et ses amis l'évitent. Son dernier hiver est tragique. Démuni de ressources sûres, sans domicile fixe, il sombre peu à peu dans le désespoir dont il croyait avoir triomphé en composant Aurélia. Quittant le Boulevard pour le quartier du Châtelet, il creuse son trou dans ces vieilles rues labyrinthiques que Haussmann détruira bientôt. Dans la nuit du 25 au 26 janvier 1855, le thermomètre descend à -18°C. Gérard marche dans la sinistre rue de la Vieille Lanterne. Le froid pénètre ses os et dans son cerveau malade passent des éclairs de feu et de désespérance. Il monte sur le rebord d'une fenêtre munie de barreaux de fer, sort une tresse de sa poche, l'enroule sur un des barreaux, fait un noeud autour de sa tête et, sans quitter son chapeau, se laisse glisser. L'avant-veille, il avait écrit à une tante, chez laquelle il devait coucher : "Ne m'attends pas ce soir, car la nuit sera blanche et noire".

Sources : Dictionnaire des auteurs de tous les temps et de tous les pays, Bouquins, Robert Laffont, octobre 1990.

Le grand livre de la poésie française, Marcel Jullian, éditions Fixot, 1988.

Pour finir, quelques mots de Gérard de Nerval :

"Je suis le ténébreux, - le veuf, - l'inconsolé".

Commentaires

salut,
tout d'abord, je te féléicite pour ce blog: il me donne envie d'aller écouter tous les titres de Thiefaine sur le champ!
Mais je suis également tombée sur un poème magnifique, de Gérard de Nerval, Epitaphe, que j'avais lu il y a longtemps et qui m'avait beaucoup touché à l'époque. Et je le suis de nouveau. Merci pour ça et à bientôt.
séverine.

Écrit par : séverine | 24/04/2006

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