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02/08/2006

Dis-moi, Céline...

Toujours dans Chorus n° 26, Thiéfaine évoque également Céline :

« Après, j’ai croisé la route de ceux qui m’ont vraiment bousculé.

Céline d’abord. D’autant plus que c’est quelqu’un d’ambigu, et que j’ai toujours aimé l’ambiguïté ; ça pousse à se poser des questions. J’ai toujours été attiré par ce qui n’est pas très clair, car il n’y a pas que le noir et le blanc dans la vie ».

Pour ma part, j’ai découvert Céline en 1999. Très vite, je me suis senti comme une parenté d’âme avec ce Bardamu qui « n’arrivait jamais à se sentir entièrement innocent des malheurs qui arrivaient » ! Depuis, Voyage au bout de la nuit fait partie de mes livres de chevet.

Avant de commencer, j’aimerais citer ces mots de Pascal Fouché : « Faut-il ou non pardonner ses errements à un grand écrivain ? Pour certains, le génie excuse tout ; pour d’autres, l’ignominie empêche jusqu’à la lecture de ses œuvres majeures. Il reste un fait : Céline a écrit le meilleur et le pire ».

Tournons-nous donc vers le meilleur !

 

« « L’amour, c’est l’infini mis à la portée des caniches ».

 

« Pour que dans le cerveau d’un couillon la pensée fasse un tour, il faut qu’il lui arrive beaucoup de choses et des bien cruelles ».

 

« Le canon pour eux c’était rien que du bruit. C’est à cause de ça que les guerres peuvent durer. Même ceux qui la font, en train de la faire, ne l’imaginent pas. La balle dans le ventre, ils auraient continué à ramasser de vieilles sandales sur la route, qui pouvaient ‘encore servir’. Ainsi le mouton, sur le flanc, dans le pré, agonise et broute encore. La plupart des gens ne meurent qu’au dernier moment ; d’autres s’y prennent vingt ans d’avance et parfois davantage. Ce sont les malheureux de la terre ».

 

« On se défend, on s’entretient, on repasse sa vie au bipède du siècle suivant, avec frénésie, à tout prix, comme si c’était formidablement agréable de se continuer, comme si ça allait nous rendre, au bout du compte, éternels. Envie de s’embrasser malgré tout, comme on se gratte ».

 

« Si les gens sont si méchants, c’est peut-être seulement parce qu’ils souffrent, mais le temps est long qui sépare le moment où ils ont cessé de souffrir de celui où ils deviennent un peu meilleurs ».

 

« Je me prenais pour un idéaliste, c’est ainsi qu’on appelle ses propres petits instincts habillés en grands mots ».

 

« Ce qu’il faut au fond pour obtenir une espèce de paix avec les hommes, officiers ou non, armistices fragiles il est vrai, mais précieux quand même, c’est leur permettre en toutes circonstances, de s’étaler, de se vautrer parmi les vantardises niaises. Il n’y a pas de vanité intelligente. C’est un instinct. Il n’y a pas d’homme non plus qui ne soit pas avant tout vaniteux. Le rôle du paillasson admiratif est à peu près le seul dans lequel on se tolère d’humain à humain avec quelque plaisir ».

 

« Il s’endormit d’un coup à la lueur de la bougie. Je finis par me relever pour bien regarder ses traits à la lumière. Il dormait comme tout le monde. Il avait l’air bien ordinaire. Ça serait pourtant pas si bête s’il y avait quelque chose pour distinguer les bons des méchants ».

 

« Faire confiance aux hommes c’est déjà se faire tuer un peu ».

 

« Il y a les boyaux. Vous avez vu à la campagne chez nous jouer le tour au chemineau ? On bourre un vieux porte-monnaie avec les boyaux pourris d’un poulet. Eh bien, un homme, moi je vous le dis, c’est tout comme, en plus gros et mobile, et vorace, et puis dedans, un rêve ».

 

« Comme on devient de plus en plus laid et répugnant à ce jeu-là en vieillissant, on ne peut même plus la dissimuler sa peine, sa faillite, on finit par en avoir plein la figure de cette sale grimace qui met des vingt ans, des trente ans et davantage à vous remonter enfin du ventre sur la face. C’est à cela que ça sert, à ça seulement, un homme, une grimace, qu’il met toute sa vie à se confectionner, et encore, qu’il arrive même pas toujours à la terminer, tellement qu’elle est lourde et compliquée la grimace qu’il faudrait faire pour exprimer toute sa vraie âme sans en rien perdre ».

 

« Personne ne vient nous aider. Un énorme babillage s’étend gris et monotone au-dessus de la vie comme un mirage énormément décourageant ».

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