01/10/2006
Vie de Nietzsche : deuxième partie
La pensée du jour : "Si je devais faire mon propre bilan, alors je devrais dire que je suis le résultat de mes heures perdues", CIORAN.
La lecture d’Empédocle, celle des philosophes hindous connus à travers Oldenberg, celle plus récente de Karl Vogt (La Force), l’avaient mené à considérer l’Univers comme animé d’un mouvement cyclique. Un après-midi, se promenant à travers bois du côté de Silva-Plane, Nietzsche s’arrêta au pied du rocher de Surlei, qui surplombe les eaux du lac de Sils. C’est là, « à six mille cinq cents pieds au-dessus de la mer et beaucoup plus au-dessus des choses humaines », qu’il eut l’intuition que, la durée du monde n’ayant pas de terme et les éléments dont il se compose étant en nombre fini, les combinaisons qui le constituent à chaque instant sont également limitées. Un instant comme celui où Nietzsche convalescent contemple le lac au pied du rocher est donc fatalement appelé à revenir. C’est ainsi que le monde du devenir se rapproche du monde de l’être au point de coïncider presque avec lui. Cette ancienne croyance est renouvelée par Nietzsche qui la fait passer du domaine mythique au domaine mystique : l’important pour lui est moins la répétition de l’événement que la joie dionysiaque avec laquelle cette répétition est accueillie, et l’éternité du retour des choses n’a de signification que par l’instant qui marque pour nous ce retour, instant qui, lui, porte le caractère de l’éternel. L’homme, en même temps, devient un héros lorsqu’il accepte ou plutôt lorsqu’il veut cet éternel retour en apparence absurde et désespérant, et qu’il dit à la Nature : « Encore une fois ! » Nietzsche, une fois son exaltation retombée, fut tenté à trois reprises par le suicide. Puis il passa un hiver relativement heureux, malgré l’insuccès total d’Aurore. Il publia un nouveau recueil : Le Gai savoir. Au printemps, il partit pour la Sicile, puis pour Rome. Là, il rencontra Lou Salomé, dont il tomba amoureux. Mais, après une période de réflexion, Lou Salomé finit par rompre. Nietzsche retourna passer l’hiver à Rapallo. C’est là que prit corps la conception du Surhumain et que Nietzsche écrivit la première partie de Ainsi parlait Zarathoustra, son grand livre poétique dans lequel il exalte les valeurs vitales aux dépens des valeurs de connaissance. Wagner venait de mourir à Venise après avoir connu un succès triomphal. Un retour en Engadine permit à Nietzsche d’écrire sur le lieu même de « la vision » la deuxième partie de Zarathoustra, qui contient aussi des réminiscences d’un séjour à Rome en juin 1883, sous une forme lyrique. L’hiver suivant se passa à Nice, qui enchanta le voyageur et le retint plus que ses autres résidences.
Le sous-titre du livre était : Un livre pour tous et personne. Il se présentait en effet comme un substitut de l’Evangile, destiné à être répandu aussi largement que celui-ci, et en même temps comme une annonce, difficile à comprendre, des temps nouveaux. La culture moderne a besoin d’être fondée sur une croyance à des valeurs qui ne soient pas celles d’une décadence comme celles qui inspirent le christianisme, le pessimisme, le rationalisme, le moralisme et le socialisme. Zarathoustra est l’homme fort qui brise les anciennes tables de valeurs et les remplace par d’autres : ce n’est pas un pur destructeur, c’est un messie. En 1886, Nietzsche publia à ses frais un essai improvisé sur le sujet qui lui tenait à cœur : Par-delà le bien et le mal, avec pour sous-titre : Prélude à une philosophie de l’avenir.
Malgré ses déplacements, Nietzsche menait une vie monotone. Pendant cinq étés de suite il logea à Sils-Maria dans une chambre solitaire qui donnait sur une pinède et qu’il payait un franc par jour. Il y travaillait chaque matin en déclamant ses phrases et en martelant la cloison à coups de poing pour souligner leur rythme. Il se rendait ensuite à l’auberge voisine où il déjeunait en compagnie de dames qui revenaient chaque année et lui rendaient le service de remplir son assiette, car il y voyait à peine. A Nice où il passait l’hiver, Nietzsche lisait Stendhal, Maupassant, Baudelaire. La découverte de l’œuvre de Dostoïevski –c’était avec les Mémoires écrits dans un souterrain, où l’homme humilié devient à son tour un humiliateur- fut très importante dans sa vie. L’analyse du ressentiment faite par Dostoïevski aura une répercussion sur les derniers livres de Nietzsche.
Source : Toujours le fameux Dictionnaire des auteurs!
15:25 | Lien permanent | Commentaires (4)
Commentaires
Merci Kat', superbe pour clore le week- end. J' adore!
Là, j' te laisse, y'a les experts à la télé!!!!!!!!!!
Écrit par : suricate | 01/10/2006
Nietzsche a fini sa vie début janvier 1889 à cause de son empathie envers un cheval à Turin, et est mort le 25 août 1900.
Le problème de notre espèce est que nous avons toujours un cheval dans notre locomotive*, on peut en tirer la conclusion que c'est plus son son propre cheval qui a provoqué sa mort anticipée, je ne développerai ce sujet en ce lieu qui n'y pas propice pour les raisons que vous savez.. , la réalité virtuelle.. !...
* A.Koestler
Le Doc.
Écrit par : Le Doc. | 02/10/2006
Salut Doc,
Mais peut-être aurons-nous l'occasion d'évoquer le sujet de vive voix un de ces jours?
Au fait, quels sont les livres de Koestler que tu as déjà cités sur un forum? J'aimerais les lire.
Je t'embrasse.
Écrit par : Katell | 02/10/2006
Salut Katell ,
Auteur A.Koestler:
Sa trilogie nommée " Génie et folie de l'homme " composée de :
1) Les Somnanbules
2) Le cri d'Archimède
3) Le cheval dans la locomotive
... a commander car le denier a été édité en français en 1965.
Bonne journée, et j'en fais de même ;-)
Le Doc.
Écrit par : Le Doc. | 02/10/2006
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