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28/10/2006

Thiéfaine et Jack Kerouac

La pensée du jour : « J’aime le piment comme les alcools blancs, les mecs qui crachent… ». Devinez donc qui a pu dire ça !

 

 

Toujours dans le Chorus n°26, cité X fois ici (c’est ma bible !), Hubert évoque Kerouac. Et voici ce qu’il en dit :

« J’ai tout lu de lui en quelques mois, avec la carte des USA sous le nez. J’ai trouvé ça passionnant. Il m’a fait aimer les Etats-Unis… et m’en a donné envie. Je n’ai pas fait la route américaine, mais je connais quelques aspects de ce pays. C’est un vieux rêve, cette route, mais il me faudrait six à huit mois… que je n’ai jamais eus. En revanche, j’ai récemment essayé de relire Kerouac : c’est illisible, complètement démodé. Alors que Céline est toujours moderne ».

 

J’ai voulu me faire ma petite idée sur Kerouac et ai lu Sur la route, livre que je viens de finir ce matin. Au début, j’ai adoré. Un passage, surtout, m’a donné envie d’en savoir davantage : « et je traînais derrière eux comme je l’ai fait toute ma vie derrière les gens qui m’intéressent, parce que les seules gens qui existent pour moi sont les déments, ceux qui ont la démence de vivre, la démence de discourir, la démence d’être sauvés, qui veulent jouir de tout dans un seul instant, ceux qui ne savent pas bâiller ni sortir un lieu commun mais qui brûlent, qui brûlent, pareils aux fabuleux feux jaunes des chandelles romaines explosant comme des poêles à frire à travers les étoiles et, au milieu, on voit éclater le bleu du pétard central et chacun fait : ‘Aaaah !’ Quel nom donnait-on à cette jeunesse-là dans l’Allemagne de Goethe ? » Dans ce passage, j’ai soudain retrouvé tout ce que j’aime : l’Allemagne de Goethe, bien sûr, et puis le désir de brûler, qui fait également partie des grands principes de Gary et m’a toujours semblé être ce que nous avions de mieux à faire ici-bas !

Bref… Ce passage, page 21, m’a tout de suite fait dire : « Je tiens entre mes mains le livre-révélation » ! Puis, au fil des pages, lassitude… Toujours cette route, ces êtres déments croisés çà et là… Je ne sais pas, il y a eu subitement un gros flottement. Mais, comme je ne sais pas lâcher un livre en cours de route (c’est bien le cas de le dire !), j’ai persévéré. Et je ne regrette pas de l’avoir fait ! Kerouac est-il démodé ou non? A vrai dire, je n’en sais rien. Mais j’ai adoré son écriture très poétique, qui s’attarde sur d’infimes détails, les met dans la lumière, en fait de la musique. Ses descriptions de paysages nous emmènent en voyage. Pour un bouquin intitulé Sur la route, voilà qui n’est quand même pas si mal, non ?!

 

Voici quelques passages de ce roman magnifique :

« « Quel est ce sentiment qui vous étreint quand vous quittez des gens en bagnole et que vous les voyez rapetisser dans la plaine jusqu’à, finalement, disparaître ? C’est le monde trop vaste qui nous pèse et c’est l’adieu ».

 

« Nos bagages cabossés étaient de nouveau empilés sur le trottoir ; nous avions encore bien du chemin à faire. Mais qu’importait, la route, c’est la vie ».

 

« Ed Dunkel, sa pitié que l’on ne remarque pas plus que celle des saints ».

 

« Je me dis que tous ces instantanés, nos enfants les regarderaient un jour avec émerveillement, pensant que leurs parents avaient vécu des vies bien calmes, bien ordonnées, stables comme sur les photos, et qu’ils se lèveraient le matin pour marcher fièrement sur les trottoirs de la vie, sans jamais imaginer la folie déguenillée ni le tumulte de nos vraies vies, de notre vraie nuit, l’enfer que c’était, le cauchemar insensé de la route. Tout cela dans un néant sans fin ni commencement. Formes pitoyables d’ignorance ».

 

« Soudain, comme si, tête baissée, il rentrait dans sa vie, il disparut rapidement hors de vue. Je restai bouche bée au milieu de mon propre désert ».  

 

Il y a aussi cet émerveillement devant la beauté d’un paysage mexicain :

« Mon pote, mon pote, gueulai-je à Dean, réveille-toi et vois le monde doré d’où Jésus est sorti, tu peux dire que tu le vois de tes propres yeux ! »

 

« Je racontais un tas de choses quand soudain je remarquai le silence de la pièce et regardai autour de moi et aperçus un livre dépenaillé sur la radio. Je reconnus le Proust de Dean, destiné à ses hautes-éternités-de-l’après-midi ».

 

Dans ce livre, on trouve également de très belles pages sur la musique, notamment sur le jazz. Sacrée puissance d’évocation chez Kerouac, vraiment ! Et, ce matin, j’entendais Arthur H. dire à la radio que certaines musiques ou chansons mettaient « quelque chose d’étincelant dans l’air ». Eh bien, voilà, c’est exactement ce que j’ai envie de dire de ce livre : la musique qui s’en dégage met quelque chose d’étincelant dans l’air !

 

Jack Kerouac disait : « Si je n’écris pas ce que je vois se faire sur ce malheureux globe arrondi par les contours de ma tête de mort, je crois que j’aurai été envoyé sur terre, par ce pauvre Dieu, pour rien ».

Mission accomplie, à mon avis !

Commentaires

"La démence de vivre", voilà une expression qui me laisse songeuse... Et "le désir de brûler", si c'était ça la liberté?

Écrit par : Evadné | 29/10/2006

Ah, oui, brûler! Citons Gary : "Gari veut dire "brûle!" en russe, à l'impératif - il y a même une vieille chanson tzigane dont c'est le refrain... C'est un ordre auquel je ne me suis jamais dérobé, ni dans mon oeuvre ni dans ma vie". La sagesse, quoi!

Écrit par : Katell | 29/10/2006

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