11/01/2007
"La main de Cendrars"...
La pensée du jour : "L'allemand est une langue injustement décriée", Gérard MORDILLAT (Non, ce n'est pas moi qui ai inventé ces mots pour me faire mon petit trip dans mon coin : on les trouve bel et bien dans le très beau livre Rue des rigoles, de Mordillat, donc).
Toujours dans la série "les poètes se vendent en pièces détachées", voici aujourd'hui ... Blaise Cendrars :
L'oeuvre de Blaise Cendrars est l'histoire d'une vie. Vie et oeuvre sont ici confondues, a dit Henry Miller, en une même "étincelante masse poétique dédiée à l'archipel de l'insomnie". Né le 1er septembre 1887 à La Chaux-de-Fonds, d'un père suisse, homme d'affaires, et d'une mère écossaise, il bourlingue dès son plus jeune âge, avec son père ou son précepteur, d'Egypte en Angleterre, de Palerme à Montreux. A quinze ans, en 1902, quand on exige de lui qu'il fasse des études sérieuses, il s'enfuit de Neuchâtel, prend le train pour Bâle puis pour Berlin, file vers Königsberg et Cologne, va d'une gare à l'autre, de peur d'en sortir et d'être rattrapé, pour finir exténué et sans argent, devant le guichet d'un prêteur sur gages de Munich...
Ainsi fera-t-il toute sa vie : Saint-Pétersbourg, la Perse, Pékin, New York, autant d'endroits fabuleux, inséparables de rencontres et d'aventures plus fabuleuses encore. De ce creuset magique sortent les Pâques à New York et la Prose du transsibérien.
En 1914, il se marie puis part pour la guerre, où il est blessé. On lui coupe le bras droit. Le manchot magnifique continue à vagabonder de par le monde, écrit l'Anthologie nègre et l'Or, collabore avec Abel Gance et Darius Milhaud, devient grand reporter à France-Soir... De Hollywood au Chili, de Rhum à Moravagine, il brûle sa vie et son génie. Après un silence de trois années, il commence en 1943 l'Homme foudroyé, que suivront La Main coupée et Bourlinguer. La mort, le 17 janvier 1961, vient mettre un terme presque incongru à cette vie frémissante - celle d'un moine baroudeur qui, en quête d'absolu poétique, a défié le temps et l'espace et connu tous les grands vertiges.
Source : Le grand livre de la poésie française, Marcel JULLIAN.
Et voici aussi ...
LE VENTRE DE MA MERE
C'est mon premier domicile
Il était tout arrondi
Bien souvent je m'imagine
Ce que je pouvais bien être...
Les pieds sur ton coeur maman
Les genoux tout contre ton foie
Les mains crispées au canal
Qui aboutissait à ton ventre
Le dos tordu en spirale
Les oreilles pleines les yeux vides
Tout recroquevillé tendu
La tête presque hors de ton corps
Mon crâne à ton orifice
Je jouis de ta santé
De la chaleur de ton sang
Des étreintes de papa
Bien souvent un feu hybride
Electrisait mes ténèbres
Un choc au crâne me détendait
Et je ruais sur ton coeur
Le grand muscle de ton vagin
Se resserrait alors durement
Je me laissais douloureusement faire
Et tu m'inondais de ton sang
Mon front est encore bosselé
De ces bourrades de mon père
Pourquoi faut-il se laisser faire
Ainsi à moitié étranglé?
Si j'avais pu ouvrir la bouche
Je t'aurais mordue
Si j'avais pu déjà parler
J'aurais dit :
Merde, je ne veux pas vivre!
Blaise CENDRARS
14:45 | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
On écoute pas assez les foetus, mais eux comprennent beaucoup de choses. Ils ne s'en rappellent que plus tard...
Écrit par : Tommie | 12/01/2007
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