04/12/2007
Strindberg (suite)
La lecture de Père avait suscité chez Emile Zola plus d’inquiétude que de sincère admiration (lettre à Strindberg du 14 décembre 1887). En revanche, Nietzsche, avec qui Strindberg était entré en relations grâce à Georg Brandès, appréciait beaucoup ce drame, et les deux hommes entamèrent une correspondance que devait interrompre un accès de folie du philosophe (1888). Strindberg découvrait dans les théories de Nietzsche (spécialement dans la notion du « surhomme ») une justification de sa propre philosophie, qui s’inspirait d’ailleurs des résultats acquis par la psychologie et la psychiatrie contemporaines. Strindberg fonde sa conception des rapports humains sur la notion de l’inégalité psychique entre les individus et sur l’importance de la suggestion dans la vie sociale ; toute vie sociale est combat selon lui, et, dans le « combat des cerveaux », c’est toujours l’être psychiquement le plus fort qui l’emporte ; la lutte, très âpre, peut s’achever en un « meurtre psychique » (voir le recueil d’essais et de nouvelles intitulé Vivisections). Mais Strindberg, hanté par ces idées hautaines, rendu d’autre part craintif et soupçonneux par la maladie mentale, faisait mener aux siens une vie de plus en plus pénible. Il fallut souvent changer de domicile. De l’automne 1887 au printemps 1889, Strindberg habita Copenhague ou sa banlieue ; il y revint encore pour tenter de créer un théâtre scandinave d’essai dans la capitale danoise, puis retourna s’installer en Suède, dans l’archipel de Stockholm, où il changea d’île à plusieurs reprises. Siri essaya de préserver le plus longtemps possible l’existence du foyer, mais Strindberg devint de plus en plus soupçonneux et blessant ; la misère s’accroissait, car les éditeurs et les directeurs de théâtre suédois ne manifestaient aucun empressement pour accepter les ouvrages de ce poète à la réputation inquiétante. Finalement, Strindberg se sépara de sa femme et quitta non sans un terrible déchirement ses enfants, auxquels il demeura très attaché. Le divorce fut prononcé en 1891. Strindberg vécut alors à Brevik, se consolant de ses misères par la lecture de Balzac qu’il admira, et qui lui révéla, avec Séraphita, la grandeur de Swedenborg. Mais l’isolement lui pesait –on retrouve cette atmosphère pénible dans son roman Au bord de la vaste mer (1890) dont la première traduction française s’intitule Axel Borg. N’attendant plus rien de ses compatriotes ni des Danois, Strindberg avait l’impression qu’il était de nouveau condamné à quitter la Scandinavie. Il souhaitait se rendre en France, mais Antoine, qui devait monter Mademoiselle Julie, se faisait attendre. Strindberg écouta donc l’appel de son ami, le poète scanien Ola Hansson, qui lui chantait tant l’éloge du public allemand, et partit, un peu à contrecoeur, pour Berlin (septembre 1892). A suivre… Mais enfin, comment peut-on partir à contrecoeur pour Berlin ?!!! La pensée du jour : « Un seul printemps dans l’année…, et dans la vie une seule jeunesse », Simone de BEAUVOIR.
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