07/09/2008
"L'oreille de Van Gogh", suite et fin
La pensée du jour : "Cimetière de Charleville, cimetière d'Auvers-sur-Oise
Mon âme funérailleuse me fusille le cerveau". Hubert-Félix THIEFAINE
La crise était passée, mais les Arlésiens, pris de peur, l'obligèrent à quitter leur ville. Blessé au plus profond de sa nature affective, et désespéré à l'idée qu'il lui faudrait peut-être renoncer, sous un ciel moins clément, à cette sérénité solaire que sa peinture avait atteinte, il se résigna à demander son admission à l'asile Saint-Paul, à Saint-Rémy. Il y passa une année, douloureusement conscient de sa déchéance à laquelle s'ajoutaient des déboires sentimentaux. N'en pouvant plus, Van Gogh, malade et désespéré, supplia qu'on le délivrât. Avec l'aide de son frère, il remonta vers le nord, amoindri mais heureux à la pensée de pouvoir peindre encore, et reçut à Auvers-sur-Oise l'amicale hospitalité du docteur Gachet, dont voici le célèbre portrait qu'en a peint Van Gogh :
Sa mélancolie, néanmoins, était irrémédiable. Désormais, il savait que pour lui, « la misère n'aurait jamais de fin » : de son vivant, en effet, un seul de ses tableaux fut vendu. La déroute était totale de cet homme humilié qui ne se doutait pas qu'il était un des plus grands peintres modernes, et le 27 juillet 1890, dans le silence des champs ensoleillés, Van Gogh se tira un coup de revolver dont il mourut deux jours plus tard. Six mois après, son frère Théo, vaincu par la douleur, le suivait dans la tombe. Il repose à côté de Vincent dans le petit cimetière d'Auvers, et nous a laissé de sa fraternelle affection un témoignage incomparable : ces lettres dans lesquelles le peintre raconte au jour le jour sa vie perpétuellement à la recherche de Dieu. Mais Dieu, tel que le conçoit Van Gogh, ce n'est pas en s'écoutant soi-même qu'on le trouve : c'est un Dieu qui se manifeste dans la couleur des choses et se confond avec le feu du soleil et la violence de l'amour. Il est la vie sous toutes ses formes et dans son extrême intensité. Dieu, c'est, à ses yeux, le sentiment lorsqu'il se hausse jusqu'au paroxysme de la passion et de l'action, c'est l'inspirateur de son apostolat au milieu des mineurs et de sa ténacité aux heures où il refuse de se résigner. C'est son amour de Dieu qui le fit mettre au ban de la société puritaine hollandaise pour avoir recueilli une misérable prostituée et ses enfants. C'est à Dieu encore qu'il songeait lorsque, humblement, il prit le chemin de l'asile. Ceux-là mêmes auxquels sa peinture ne suffirait pas en trouveront la preuve dans les lettres qu'il écrivit lors de son séjour à l'asile. Tendue comme un arc, son existence ne pouvait que se briser. En Van Gogh, l'homme s'impose avant que nous ayons admiré le peintre : c'est un homme qui se cherche, un homme lucide à sa manière, alors même qu'il semble s'enfoncer dans les ténèbres. « Les étoiles et une clarté infinies » sont toujours, comme il le souhaitait, au-dessus de sa tête. La misère de son existence ne saurait fausser le jugement que l'on porte sur son oeuvre. Un homme a parlé, dont le langage se confondait avec la vie.
Giulia Veronesi (source : Dictionnaire des auteurs de tous les temps et de tous les pays, Robert Laffont).
Les tombes de Vincent et de Théodore (dit Théo) Van Gogh à Auvers-sur-Oise
14:40 | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
un petit coucou en passant pour signaler que les chansons de Thiéfaine viennent de paraitre en bandes dessinnées chez les editions Soleil, et qu'on peut le voir avec Paul Personne chez Taddeï ici : http://ce-soir-ou-jamais.france3.fr/index-fr.php?page=videos-lives&id_article=695
bonne continuation !
Écrit par : rêve | 13/09/2008
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